(hot, baby in the making) Le début d'une nouvelle ère [Isling]

C'était aujourd'hui qu'Isaiah emménageait chez Aisling. Enfin, Aisling, Siobhan et Aslander si on voulait être précis. Même si la blonde n'avait rien montré, elle avait été vraiment impatiente que ce jour arrive, et les choses semblaient même s'être précipité ces dernières semaines. Elle ne savait pas si c'était qu'elle réalisait qu'elle l'aimait de plus en plus, ou bien seulement que sa vie suivait son cours et qu'elle se sentait bien. Bien mieux qu'elle ne l'avait sans doute jamais été, épanouie avec Isaiah, heureuse avec sa fille. Même s'ils étaient déjà très souvent ensembles, elle se réjouissait qu'à présent il vive avec elle, avec elles, qu'il soit à la maison à chaque fois qu'elle franchirait le seuil de la porte, qu'elle croise son sourire réconfortant à chaque fois qu'elle aurait un coup de mou, qu'elle puisse retrouver ses bras instantanément. Ils avaient commencer par remplir le garage des cartons contenant les affaires de travail d'Isaiah, puisque ce serait surement l'endroit où il pourrait le plus facilement faire son atelier, même si ça ne l'empêchait pas d'utiliser le jardin non plus. Il faudrait juste négocier la place avec la voiture et la moto d'Aslandeur, puisque monsieur recevait des cadeaux de son employeuse. Le reste avait été déposé dans la chambre d'Aisling, puisqu'en toute logique ce serait aussi celle d'Isaiah. Une fois le dernier carton de ses affaires personnels posé au sol, la blonde se jeta sur le lit.-Je crois qu'on mérite une pause ! Voire même une petite sieste.Elle le regardait avec un sourire heureux. Certes, elle exagérait peut-être un peu, parce qu'on ne pouvait pas dire qu'Isaiah avait des tonnes et des tonnes d'affaires. Il était plutôt du genre minimaliste. Mais le sport, ça faisait longtemps qu'elle n'en faisait plus, la blonde.

Sa caravane était entreposée, ses adieux au voisinage étaient faits, sa dernière nuit à parler de tout et de rien avec Brooke avait tiré à sa fin aux premières lueurs du soleil matinal. Il l’avait laissée retourner à sa propre van alors que lui rentrait dans la sienne pour la conduire jusqu’à la maison d’Aisling. Qu’il pourrait maintenant appeler la sienne. Il n’avait jamais vécu dans un aussi grand espace, Isaiah, et si au départ cette grande maison avait longuement été jugée nécessaire pour toutes les âmes qui y vivaient, peu à peu chacune était partie suivre son cours ailleurs. Aujourd’hui, c’était juste leur petite famille atypique qui y vivrait. Aisling, Siobhan, Aslander et Isaiah. Un paquet de néo-zélandais un peu égarés mais qui s’étaient retrouvés pour entamer un nouveau chapitre qui leur réserverait sans doute de belles surprises, de beaux moments auxquels s’accrocher. Aisling et Isaiah étaient toutefois seuls aujourd’hui pour cette journée de déménagement, qui ne durerait sans doute que quelques heures tout au plus puisque l’ébéniste n’avait pas grand-chose à son actif. C’était surtout l’établissement de son atelier dans le garage qui prit un peu plus de temps, en raison de l’organisation de l’espace avec son matériel de travail. Pour le reste, il suffisait de monter les boîtes à l’étage, jusqu’à la chambre d’Aisling. Leur chambre. Les cartons n’étaient même pas ouverts que la blonde déclara l’heure de la pause arrivée. Il sourit en se laissant tomber sur le lit à côté d’elle. « Une sieste ça sonne si doux à mes oreilles. » Il n’avait pas vraiment dormi cette nuit, et sans doute cela se lisait-il sur ses traits tirés par la fatigue. Il passa un bras autour d’Aisling et plongea son regard dans le sien, un sourire aux lèvres. « Et c’est à ce moment que tu vas te rendre compte que je ronfle trop fort et tout va basculer. » Dit-il avec un regard de plaisanterie, puisqu’ils avaient déjà dormi si souvent ensemble que s’il y avait un problème de ce côté-là, il aurait depuis longtemps été soulevé. Ils avaient tellement vécu ensemble, Isaiah doutait que cette nouvelle étape de leur relation changerait quoi que ce soit à leur bonne entente.

Elle ne put s'empêcher de sourire quand elle le sentit se coucher à côté d'elle dans le lit. C'était loin d'être la première fois qu'il le faisait, c'était une certitude. Et c'était aussi loin d'être la dernière. Mais ça n'empêchait pas que cette fois, ça avait une saveur toute particulière, parce que ça devenait son lit aussi. Elle se tourna doucement sur le côté pour le regarder.

-Tu n'as pas beaucoup dormi ?

Elle était un peu intriguée, était-ce parce qu'il avait passé du temps à ranger ses affaires, ou bien... angoissait-il à l'idée d'emménager avec elle ? Ce n'était clairement pas son genre, mais qui sait ? Parfois ce genre d'événement amenait des réactions étranges. Mais il n'était pas la première femme avec qui il emménageait, il l'avait fait avec Ezekielle avant elle. Lui par contre, était réellement le premier homme avec qui elle partageait sa vie. La Aisling d'avant aurait angoissé à en faire une crise, de ce pas franchi, mais celle d'aujourd'hui était juste heureuse.
Elle éclata de rire à ses bêtises avant de lui mettre une petite pichenette sur le nez.

-Heureusement j'ai déjà ce genre d'informations.

Elle finit par déposer un léger baiser sur ses lèvres.

-Mais je vais peut-être découvrir que tu passes beaucoup plus de temps que prévu dans la salle de bain le matin !

Elle se mit alors à le chatouiller, ce qui était plutôt le contraire de ce à quoi devait ressembler une sieste.

Isaiah posa sa tête sur l’oreiller, sentant déjà tout son corps s’ankyloser en raison de cette position trop propice au sommeil. Il en avait eu de nombreuses, nuits blanches, au cours de sa vie, mais il en arrivait à un point où il devait admettre qu’il n’avait plus vingt ans. Il n’était pas vieux, Isaiah, mais la trentaine l’appelait de plus en plus. Il avait déjà ralenti la cadence, dans les dernières années, et peut-être qu’un soupçon de peur se faisait sentir dans son regard lorsqu’il songeait à cette vie qui changeait. Cependant, ce n’était en rien par rapport à Aisling, parce que s’il avait une certitude actuelle, c’était qu’il venait de prendre l’une des meilleures décisions de sa vie. Celle de tout partager avec elle. « Pas du tout, même … » Dit-il dans un bâillement, avant de replonger son regard dans celui de sa petite amie, un mince sourire aux lèvres. « Y’a fallu que Brooke et moi on souligne en grand nos dernières heures de voisinage. » Aisling connaissait au moins de nom la voisine de caravane d’Isaiah, même si elle ne connaissait peut-être pas tous les détails de ces nuits passées à boire, à fumer et à philosopher sous les étoiles. Pas parce qu’Isaiah le lui cachait, non, mais parce qu’il avait tant de ces relations particulières que même un résumé ne leur ferait pas justice. L’artiste plaisanta finalement sur tous les secrets qu’ils découvriraient maintenant de l’un et de l’autre, à commencer par ses ronflements, secret qui n’était plus très bien gardé depuis le début de leur relation. « Et t’es encore là, alors ça doit pas être si mal. » Il sourit, l’embrassa, avant de rire à sa remarque. « Je pense qu’au contraire, tu vas te faire du souci que j’y passe aussi peu de temps … » Elle remettrait peut-être en question son hygiène corporelle, alors qu’en fait, il faisait juste son possible pour rester le moins longtemps sous la douche. Pour le reste, vue sa barbe mal taillée la plupart du temps, ce n’était pas là-dessus qu’il mettait ses efforts. Aisling commença alors à le chatouiller et instinctivement, il se recroquevilla sur lui-même en riant. « Hey ! » Puis, il passa à l’offensive avec ses doigts qui parcouraient le corps de la jeune femme à la recherche de ses points les plus sensibles au rire.

Pas du tout ? Aisling esquissa un sourire en entendant la raison. Elle ne connaissait pas Brooke personnellement, mais elle savait qu'il s'agissait d'une amie d'Isaiah, que leurs caravanes étaient l'une à côté de l'autre. Elle comprenait que ça avait dû être important pour eux de fêter comme il se doit le départ d'Isaiah. Bien que, géographiquement, il ne parte quand même pas très loin.

-Je vois, va falloir quelques heures de sieste à ce stade alors.

Elle lui sourit tendrement avant de l'embrasser sur la joue. S'il voulait réellement dormir, Aisling ne l'en empêcherait pas, même si ça risquait un peu de décaler son cycle de sommeil. Mais elle n'était pas sûre que ça le préoccupait beaucoup, étant donné qu'il n'avait pas vraiment d'horaires de travail.
Elle répondit doucement à son baiser avant d'esquisser un sourire.

-Au pire, je dois pouvoir trouver des boules quies.

Elle secoua négativement la tête, amusée, quand il lui dit qu'elle risquait de s'inquiéter.

-Je n'y passe pas des heures non plus. Je crois que c'est Siobhan qui l'occupe le plus en fait.

Elle rit, c'était toujours plus long de laver les enfants, puisque généralement ils jouaient en même temps.
Elle commença à le chatouiller pour le taquiner mais assez rapidement ça se retourna contre elle et elle se leva pour s'enfuir du lit en riant. Elle attendit que la trêve soit déclarée avant de revenir s'installer à côté de lui.

-Tu pourras te venger sur ma fille quand elle reviendra.

Elle le regarda avec un sourire avant de baisser les yeux, jouant nerveusement avec ses doigts. Elle était heureuse, et souvent cela signifiait que la chute allait être très dur, mais elle voulait enrayer ce cycle infernal.

-J'aimerais bien te parler de quelque chose... mais... tu vas peut-être trouver ça un peu précipité...

Il haussa les épaules avec un sourire. Certes, s’ils s’étaient étendus avec la réelle intention de dormir pour quelques heures, Isaiah n’aurait eu aucun mal à se laisser aller au monde des rêves. Mais si la blonde avait d’autres plans, il survivrait. Il avait vécu pire que ça en termes de nuit blanche. « Je mourrai pas d’un manque de sommeil si on ne dort pas. » Il ferma les yeux lorsqu’Aisling l’embrassa sur la joue, avant de l’embrasser sur ses lèvres. Il était vrai qu’en raison de son horaire de travail facilement modelable selon ses envies, Isaiah se souciait très peu de l’heure à laquelle il se levait ou se couchait. Sans doute qu’à partir de maintenant, il essaierait surtout de coller le plus possible son rythme à celui de sa petite amie. Même si ça voudrait dire qu’elle subirait en tout temps ses ronflements ! « Je t’en ferai cadeau pour ton anniversaire. » Dit-il en parlant des boules quies. Ce serait peut-être la première fois qu’il achèterait un cadeau et ce serait quelque chose d’aussi ridicule. Il rit, avant qu’ils ne parlent de la durée de leur utilisation de la salle de bain le matin. Ce serait de petits détails qu’ils apprendraient encore un peu mieux l’un de l’autre, tout ça. Il avait hâte, Isaiah. « T’imagines quand elle sera adolescente ? » Il rit encore légèrement. Ça lui faisait quand même bizarre de penser à ça. De penser à Siobhan dans une quinzaine d’années. Et à eux, dans ce même laps de temps. C’était bien la première fois qu’il se projetait aussi loin dans l’avenir en sachant exactement ce qu’il désirait y voir. Bref, les deux amoureux débutèrent un combat de chatouilles lancé par Aisling qui fut pourtant la première à fuir le lit quand elle devint la victime. « Sauf qu’elle, elle peut moins se défendre que toi, c’est pas aussi juste. » Il sourit, avant de reprendre légèrement son sérieux en voyant la blonde devenir un peu nerveuse. Ça se ressentait à travers toute la chambre. Il fronça légèrement les sourcils en l’écoutant. Il tendit la main vers elle pour la ramener vers le lit, vers lui. « Essaie toujours. Si t’es prête à m’en parler alors que tu penses toi-même que c’est peut-être précipité, je devrais pouvoir gérer. » Il esquissa un sourire tout en l’attirant contre lui. Elle n’était pas reconnue pour être rapide en affaires, elle non plus.

Elle se doutait qu'avant de mourir de fatigue, Isaiah avait une petite marge, mais ce n'était pas une raison pour le garder égoïstement éveillé. Elle secoua la tête avec un sourire amusé. Elle aurait pu rêver plus beau cadeau que des boules quiès, mais il était vrai qu'elle et Isaiah ne partageaient pas un rituel classique d'offre de cadeaux. Sans doute avaient-ils tellement partagé depuis qu'ils se connaissaient qu'offrir une chose à l'autre ne leur paraissait pas l'évidence même. Même si, de façon générale, on ne pouvait pas dire qu'Aisling était très douée pour faire des cadeaux. Mais ça allait avec son manque d'habileté dans les relations sociales. Heureusement, avec lui, elle ne se sentait pas handicapée, tant les choses étaient différentes entre eux.

-J'espère au moins qu'elles seront personnalisées alors.

Elle fit la grimace quand, alors qu'ils parlaient de leur temps d'occupation de salle de bain, il évoqua une Siobhan adolescente. Ce n'était vraiment pas ce à quoi elle avait envie de penser pour le moment. Ça risquait plutôt de lui déclencher une crise de panique. Est-ce qu'elle serait capable de l'éduquer convenablement jusque-là ? Aisling espérait pouvoir être une bonne mère pour sa fille. Depuis qu'elle avait Isaiah à ses côtés, elle se sentait capable.

-J'avoue que j'évite d'imaginer...

Tout cela faisait d'ailleurs parti du sujet qu'Aisling essayait nerveusement d'aborder. Ce n'était pas évident pour elle de verbaliser ce qu'elle avait en tête. Ça ne faisait que rendre les choses davantage concrètes, et étrangement, ça lui faisait plus peur que la réaction d'Isaiah en elle-même. Sans doute parce qu'elle le connaissait assez pour avoir une idée de ce qu'il en penserait. Sans compter que, quelque part, ils en avaient déjà parlé.
Elle se laissa ramener contre lui après avoir fui ses chatouilles, plongeant difficilement son regard dans le sien. Elle prit une profonde inspiration alors qu'il lui déclarait pouvoir gérer.

-Je... je crois que je suis prête à avoir... enfin, à ce qu'on ait, tous les deux...

Ses doigts se crispaient contre la main d'Isaiah, son coeur battait comme si elle venait de courir un marathon.

-un bébé.

Elle coupa inconsciemment sa respiration en attendant sa réponse.

Isaiah leva les yeux au ciel, feignant l’exaspération alors qu’Aisling lui demandait que ses boules quies soient au moins personnalisée. « Girl, c’est que tu m’en demandes beaucoup, là ! » S’exclama-t-il d’une voix plus aigüe que la normale, avant de rire légèrement. Comme si Aisling lui en avait déjà trop demandé. Tous les deux, ils se respectaient tellement, ils ne se demandaient pas de décrocher la lune puisqu’ils avaient une vision très réaliste des relations et du monde. Ils étaient là quand l’un ou l’autre en avait besoin, et c’était l’important. C’était ça, au fond, le plus beau cadeau qu’ils puissent se faire, jour après jour. Isaiah osa une blague les projetant des années dans le futur, parce que si Siobhan passait actuellement beaucoup de temps dans la salle de bain, ce serait peut-être bien pire encore lorsqu’elle serait adolescente. Les cheveux, le maquillage, le linge, pour certaines personnes ce pouvait devenir une véritable – et interminable – routine du matin. Quoique, étant élevée par Aisling et Isaiah, il y avait de fortes chances qu’elle s’en foute complètement. Mais on ne sait jamais, avec les autres influences sociales, tout pouvait arriver. « T’as bien raison d’éviter. Profitons déjà de l’âge qu’elle a en ce moment. On aura tout le temps d’en profiter quand elle sera plus vieille aussi. » Du moins, il l’espérait. Il espérait être encore là pour la voir grandir. Il n’y avait aucune raison qu’il ne le soit pas, Isaiah, mais il savait que la vie pouvait parfois être pleine de surprises. Des belles, et des moins belles. Et la prochaine surprise, qu’Aisling s’apprêtait à lui dévoiler, était certainement l’une des plus belles de la vie d’Isaiah. Ses yeux s’illuminèrent, son sourire déchira son visage, alors que la blonde parlait d’avoir un bébé. Tous les deux. Ensemble. Avoir un enfant. « T’es sérieuse ? » Demanda-t-il, la voix pleine d’émotion. « Attends … t’es sérieuse ? » Redemanda-t-il, ses yeux mouillés, sa main se portant contre la joue d’Aisling avant de venir poser ses lèvres contre les siennes. « Je crois que c’est la plus belle chose que tu m’aies dites … Après le coup du clown et de la pochette surprise, bien sûr. » Dit-il dans un rire de doux mélange de bonheur et d’émotions. Il en revenait toujours à ça, Isaiah, parce que c’était la première fois qu’il avait vue Aisling, et que ce moment resterait à jamais gravé dans sa mémoire. Tout comme celui qui se déroulait présentement, d’ailleurs.

Aisling rit alors qu'Isaiah lui disait qu'elle en demandait beaucoup. Elle savait qu'il plaisantait, elle savait aussi que, sans parler de cadeau, il pourrait faire beaucoup plus que personnaliser des boules quiès pour elle. Il avait déjà fait tellement plus. Il l'avait rendu heureuse, plus que n'importe quelle autre personne l'ayant fréquenté. Il avait su la compléter, l'aiguiller, la soutenir, la regarde s'épanouir.
Elle acquiesça d'un signe de tête quand il lui dit qu'ils allaient déjà profiter d'elle à l'instant présent. Elle n'avait pas hâte de voir sa fille grandir. Elle n'avait pas hâte qu'elle arrive à un âge où, peut-être, elle la détesterait. L'adolescence lui semblait si difficile. Peut-être parce qu'elle n'avait pas été un cadeau avec ses parents. Qu'elle ne l'était toujours pas d'ailleurs...

-Si elle ne décide pas de faire une fugue, oui !

Elle avait hésité, longuement. Elle s'était posé mille et une questions, et se les posait toujours. Et pourtant, elle était convaincue que c'était ce qu'elle voulait, ce qu'ils voulaient. Que ça les rendrait heureux, bien qu'ils n'étaient pas présentement malheureux. Elle ne put retenir un petit rire en constatant l'émotion d'Isaiah. Et pourtant ce n'était pas de la moquerie, plutôt ses nerfs qui n'en faisaient qu'à leur tête. Elle passa ses bras autour du cou de son petit ami, lui rendant doucement son baiser.

-Comment est-ce que tu peux encore te souvenir de ça ?

Elle ne put s'empêcher de rire alors qu'il leur rappelait leur seconde rencontre, leur premier vrai échange. Le jour où tout avait commencé, le jour où il s'était accroché, pour en finir ici. Elle posa une main sur sa jour, la caressant tendrement, ses yeux bleus dans les siens.

-Oui je suis sérieuse. Je... J'ai l'impression que c'est le moment. Je veux profiter de ma grossesse, sentir le bébé grandir en moi et toutes ces choses que j'ai raté avec Siobhan... Je veux te voir sourire et pleurer à sa naissance, je veux te voir le tenir dans tes bras et annoncer à Siobhan que ce sera son petit frère, ou sa petite sœur.

Il y avait tellement de choses qui se bousculaient dans sa tête, il n'imaginait même pas à quel point les émotions se mélangeaient et se troublaient alors qu'elle imaginait toutes ces scènes.

S’il aurait pu être facile de croire qu’Isaiah, lui, avait eu une adolescence douce et sans vague auprès de ses parents, c’était en fait tout le contraire. S’il avait bien voulu se laisser façonner par le moule que lui avaient obligé ses parents, dès qu’il avait eu l’âge et la maturité de tout questionner, Isaiah, il avait trouvé sa propre voie. Celle-ci n’avait pas forcément plu à ses parents. Lorsqu’il avait décidé de quitter l’école pour apprendre à sa manière, sans un système selon lui défaillant, lorsqu’il avait préféré vivre de manière nomade plutôt que de voir son avenir avec sérieux et avec des projets concrets, ses parents avaient frôlé la crise cardiaque. Et ils lui avaient mené la vie dure, jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge lui permettait de voler de ses propres ailes. Et il était parti pour ne plus jamais revenir au bercail autre que pour de courtes visites, en fait. Les craintes d’Aisling étaient donc justifiées, en un sens, parce qu’Isaiah était la preuve que tout ne pouvait pas être rose jusqu’à la fin. Que viendrait un jour où Siobhan n’en ferait sans doute qu’à sa tête. Ils ne pouvaient qu’espérer être sur la même longueur d’ondes qu’elle. « On fera de notre mieux, Ais’. C’est tout ce qu’on peut faire. J’ai confiance en nous. Et j’ai confiance en elle. » Il sourit, avant que ce sourire ne se transforme en véritable illumination alors que sa petite amie lui affirmait être prête à fonder une famille avec lui, ou plutôt à agrandir celle qu’ils avaient déjà ensemble. Des émotions, il en vivait, oui. Toutes plus belles les unes que les autres. Aisling passa ses bras autour de son cou, visiblement soulagée de sa réaction, et heureuse aussi. Isaiah rit à sa question. « Comment je pourrais oublier la première insulte que tu m’as lancée ? La première d’une longue lignée de magnifiques insultes … » Il continua à rire. Mais ça avait été aussi le début d’une longue série de moments magiques comme celui-là. Isaiah remerciait la vie à tous les jours pour ça. « Je veux tout ça aussi. J’ai pas été là comme je l’aurais voulu à la naissance de Sio, c’était pas forcément ma place, mais cette fois, j’serai là à chaque étape. J’ai tellement hâte de le vivre avec toi. » Il sourit. « Est-ce qu’on ne commencerait pas à s’essayer maintenant ? J’suis plus du tout fatigué, tout d’un coup. » Dit-il en arquant un sourcil, avant de rire en enfouissant son visage dans le cou d’Aisling pour la serrer contre lui. « Tu me rends tellement heureux. »

Isaiah était toujours incroyablement rassurant. Elle ne s'imaginait pas pouvoir traverser l'épreuve qu'était la maternité sans lui, que ce soit pour Siobhan, ou pour le futur bébé qu'ils envisageaient. Elle acquiesça d'un signe de tête à ses paroles. Oui, ils feraient de leur mieux. Ce qui inquiétait Aisling c'est que son mieux ne soit pas suffisant. Depuis la venue au monde de Siobhan, elle était terrorisée à l'idée de ne pas être à la hauteur. Et la meilleure chose qu'avait trouvé à faire Perry était de lui laisser sa fille et partir. Les choses auraient pu être catastrophiques si Isaiah n'avait pas été là.

-J'ai confiance en toi.

Elle lui sourit, avouant à demi-mot qu'elle n'avait toujours pas confiance en elle. Mais, malgré tout, elle se sentait un peu plus capable qu'avant.

Elle lui tira la langue alors qu'il parlait des milliers d'insultes qu'elle avait pu lui envoyer à la figure, cette journée là et puis les journées suivantes aussi. Elle s'était escrimée à repousser Isaiah, sans succès.

-Une parmi tant d'autres seulement.

Elle secoua la tête de gauche à droite quand il lui dit qu'il n'avait pas été assez là pour la naissance de Siobhan. Si on repensait à ce moment particulier... Les choses avaient été si compliquées. Si ridicules, aussi. Réellement pas le meilleur moment de sa vie, et elle espérait sincèrement que sa fille ne lui demanderait pas de lui raconter l'histoire de sa naissance, parce qu'elle risquait d'être complètement prise au dépourvue.

-La naissance de Siobhan était une catastrophe... Et la suite a été... plutôt compliquée aussi.

Mais ses mauvais souvenirs se transformèrent en sourire quand il lui dit qu'il serait présent à chaque étape. Elle n'en doutait pas. Elle eut un rictus amusé quand il proposa de se mettre à essayer tout de suite. Les bras autour de lui, elle le serra fort, caressant ses cheveux alors qu'il était venu nicher son visage dans son cou. Elle ferma les yeux, silencieuse pendant quelques secondes. Elle avait toujours eu un peu de mal avec la notion de bonheur, mais comme toujours, les choses devenaient plus simples avec Isaiah.

-Moi aussi je suis heureuse avec toi.

Elle se décolla légèrement de lui pour venir l'embrasser tendrement.

-Mais tes petits spermatozoïdes doivent être fatigués, eux, tu risques de ne pas être très efficace.

Elle le regardait, taquine.

Un léger soupir traversa la barrière qu’étaient les lèvres d’Isaiah, alors qu’Aisling reprit ses paroles pour dire qu’elle avait confiance en lui. Il aurait tellement aimé qu’elle puisse se voir telle qu’elle était réellement : une mère douce et aimante. Si les débuts de sa maternité avaient pu être un peu plus rocailleux, elle avait prouvé à tout le monde qu’elle était capable de s’occuper de Siobhan et même, qu’elle s’en sortait très bien. Si seulement elle pouvait se le prouver à elle-même, maintenant, mais elle n’était pas une femme facile à convaincre sur certains aspects. Encore moins quand venait le temps de lui montrer tout le positif qui émanait d’elle. « J’aurai confiance en toi pour nous deux, alors. Jusqu’à ce que tu te rendes compte que t’es déjà tellement à la hauteur. » Il esquissa un sourire honnête et amoureux. Parce que non, ce n’était pas l’amour qui le rendait aveugle, il ne l’était pas, aveugle. Il voyait même tout d’une telle clarté. Isaiah et Aisling ressassèrent finalement le passé, à commencer par leurs premiers moments ensemble, pour ensuite parler de la naissance de Siobhan à laquelle Isaiah n’avait pas vraiment assisté. Pas aux premières loges comme d’autres, surtout. Son accouchement avait effectivement été une catastrophe, rien à voir avec la manière qu’on peut s’imaginer vivre ce petit miracle de la vie. Elle avait été entourée de tellement de monde, ça n’avait eu rien d’intime, et tout du chaos. « Dis-toi au moins que ça ne pourra pas être pire que ça, la prochaine fois. » Il eut un léger rire même si au fond, il existait évidemment des scénarios bien pires. Siobhan était vivante et en santé, au fond c’était tout ce qui importait. Ce n’était pas nécessairement le cas de toutes les naissances. Sous le coup de toute cette émotion, Isaiah alla se réfugier dans les bras de la blonde, enfouissant sa tête contre sa peau, lui affirmant à quel point elle le rendait heureux. Et elle l’était aussi. Il l’embrassa avant de sourire, tout en ayant l’air offusqué. « Ils sont toujours efficaces, mes petits spermatozoïdes. » Dit-il en reprenant ses mots, mais d’une voix réprobatrice. Et pour lui prouver son point, Isaiah reprit ses baisers, plus langoureux, plus insistants. Ce moment émotionnellement intime avait tôt fait de réveiller tous ses sens.

Isaiah avait toujours été là pour lui donner confiance, dans le genre humain, mais surtout en elle-même. Mais ce dont elle se rendait surtout compte, c'est qu'elle était à la hauteur grâce à lui.

-C'est vrai que Siobhan est encore en vie alors je dois être une mère au moins convenable.

Il y a quelques temps, même ça, elle ne s'en serait pas senti capable. Elle avait pendant longtemps été bien peu douée pour s'occuper d'elle-même alors de quelqu'un d'autre, dépendant d'elle de surcroît, ce n’était même pas la peine d’y penser. Mais le temps avait prouvé qu’elle n’était pas une mère si catastrophique qu’il n’aurait pas y paraître.
Elle eut un léger sourire quand il lui fit remarquer qu’un futur accouchement se passerait forcément mieux que celui de Siobhan. Il s’agissait effectivement d’une réalité. Il lui semblait impossible de faire pire. Déjà, elle aurait, à l’avenir, tout le processus de la grossesse, l’accouchement ne surviendrait pas nulle part, sans qu’elle s’y attende, et sans qu’elle s’y prépare.
La blonde eut un sourire amusé alors qu’il faisait semblant d’être vexé. Aisling se laissait faire, lui rendant ses baisers alors que ses doigts se perdaient dans ses cheveux et que sa main glissait de sa joue à son cou, faisait lentement son chemin jusqu’à son torse. Il avait l’air d’être sérieux quand il lui disait vouloir essayer tout de suite.


-Tellement efficaces qu’ils vont arriver au but dès la première fois tu crois ?

Isaiah esquissa un sourire lorsqu’Aisling lui accorda au moins qu’elle devait être une mère à peu près convenable, si Siobhan était toujours en vie. Pour l’ébéniste ça allait beaucoup plus loin que ça, elle avait des qualités qu’elle ne semblait pas encore prête à voir concernant sa maternité. Mais ça suffisait pour aujourd’hui, ils n’allaient quand même pas se renvoyer la balle de la confiance jusqu’à ce que l’un ou l’autre capitule en rejoignant l’opinion du gagnant. Isaiah n’était pas du genre à forcer ça. Aisling se rendrait bien compte par elle-même, éventuellement, qu’elle réussissait partout, même dans son rôle de maman. Isaiah allait juste l’aider vers cette constatation, à coup de compliments et de réflexions positives. « Bon, tu vois ! » Se contenta-t-il de dire pour mettre fin à cet échange-là. Il laissa place à de douces projections dans cet avenir tout d’un coup plus rapproché, maintenant que la blonde se montrait ouverte à l’idée de tomber enceinte à nouveau, cette fois de l’enfant d’Isaiah. D’ailleurs, ce dernier se montra beaucoup – trop ? – pressé à cette idée, se calant contre le corps d’Aisling alors qu’il semblait sérieux dans son intention d’essayer dès maintenant. Pour lui, la réflexion n’était plus à faire. « En tout cas, ça ne coûte rien d’essayer. » Il esquissa un sourire. Ça lui coûterait juste un peu d’énergie, mais il comptait bien utiliser toute celle qu’il lui restait, si c’était pour mieux s’endormir dans les bras de l’universitaire par la suite. « Enfin, à moins que quand tu disais être prête c’était genre dans quelques mois, pas tout de suite, tout de suite. » Ajouta-t-il en plongeant son regard dans le sien, poursuivant ses caresses. « Auquel cas je te ferai quand même l’amour. » Il ne commencerait certainement pas à être de ceux à ne coucher avec l’autre que dans l’ultime but de créer la vie. Il aurait toujours envie d’Aisling dans un cas comme dans l’autre.

Le regard d’Aisling fondait dans celui de son amoureux. Elle n’arrivait toujours pas en revenir, d’être tombée sur quelqu’un d’aussi parfait. Elle déposa un doux baiser sur ses lèvres alors que ses doigts jouaient avec ses cheveux. Il était plus attentionné avec elle qu’aucun homme ne l’avait jamais été, en dehors de son père. Peut-être qu’il l’était un peu trop d’ailleurs, enfin, un peu trop protecteur, mais c’était un autre problème. Ses doigts glissaient délicatement le long de sa joue, un sourire au coin des lèvres.

-Je suis prête, maintenant. On peut y aller sans filet.

Elle l’embrassa de nouveau, cette fois plus passionnément. Si, pendant de courts moments, elle avait eu peur de se lasser sexuellement d’Isaiah, elle qui n’avait jamais été fidèle à personne, elle se rassurait maintenant de plus en plus. Sans doute que l’écoute qu’il avait, d’elle, de son corps, n’y était pas pour rien. Elle passa ses doigts sous le T-shirt de son petit copain, le lui retirant pour venir se coller contre son torse, relevant son regard bleu vers le sien.