they don't see what you see in me (aisran)

Ta vie n'a jamais été simple mais en ce moment, elle est davantage compliquée encore et à tous les niveaux, ou presque. Avec l'arrivée de Gabriel dans ta vie, tu as dû faire face à de nombreux changements, au travail mais surtout point de vue personnel. Toi qui étais si libre, si indépendant, aujourd'hui, tout a changé. Aujourd'hui, tu ne peux plus sortir plusieurs soirs par semaine comme tu le faisais auparavant, tu ne peux plus faire passer ton métier avant tout le reste. Aujourd'hui, c'est ton fils qui passe avant tout et ça, c'est un grand chamboulement pour toi. Et au niveau personnel, l'arrivée de ton ex-femme à Bowen a rendu les choses compliquées. D'abord parce que tu ne comprends toujours pas pourquoi elle est là, si ce n'est pour te surveiller. Et ensuite parce qu'elle t'a avoué des sentiments que tu ne partages pas. Même si tu tiens à elle, à ta façon, tu ne pourras jamais lui offrir ce qu'elle demande. Bref, tout ça fait qu'en ce moment, ton quotidien est compliqué mais tu t'en es toujours sorti seul alors ce n'est pas aujourd'hui que les choses vont changer. Occupé à ranger la maison alors que Gabriel fait une sieste, tu entends qu'on frappe à la porte. Tu fronces les sourcils avant de te diriger vers celle-ci, ne sachant pas qui peut bien se trouver derrière. « Hey. » Dis-tu avec un léger sourire aux lèvres en découvrant Aisling. Tu vois très vite à son visage que quelque chose cloche alors ton sourire se fige et tu demandes : « Quelque chose ne va pas ? »

La discussion avec le démon qu'était l'ex-femme de Ciàran avait été pour le moins houleuse. Et c'était peu de le dire. Ça avait pour le moins chamboulé la jeune femme. Bien sûr qu'elle savait qu'il avait été marié, mais elle savait aussi qu'il avait divorcé. L'existence de cette femme ne lui était pas inconnu en soit et n'aurait pas dû la perturber outre mesure. Mais que foutait-elle à Bowen ? Et surtout, qu'est-ce qu'il y avait ou y avait-il eu réellement entre elle et Ciàran ? C'était ça les questions qu'elles s'étaient le plus posé et qui tournaient encore dans sa tête. Si elle avait été raisonnable et censée, elle aurait purement et simplement tiré un trait sur tout ça. Malheureusement, elle n'y arrivait pas. Et heureusement, Isaiah la comprenait. Elle savait la chance qu'elle avait qu'il ne soit pas jaloux.
Cette entrevue et toute ces questions la travaillaient trop pour qu'elle enterre simplement ça au fond d'elle. Elle décida donc d'aller toquer à la porte de la maison de Ciàran. Sa rage était quelque peu passée, mais elle ne doutait pas qu'elle puisse resurgir à tout moment, à la moindre réponse qui ne lui plairait pas. Il ne tarda pas à lui ouvrir. Son regard se plongea alors dans le sien, restant muette quelques secondes. Aisling n'était pas douée pour avoir une discussion constructive avec quelqu'un, de surcroît avec Ciàran et plus encore quand elle était contrariée.

-Si y a une des choses dont j'étais à peu prés sûre à propos de nous, c'est que tu ne me mentais pas.

Son poing se serrait, sa mâchoire de crispait.

-Mais après avoir vue ton ex-femme, j'ai constaté que c'était faux.

La visite d'Aisling n'a plus rien à voir avec celle de la dernière fois. Tu lis directement sur son visage et surtout dans ses yeux que quelque chose ne va pas et tu comprends bien vite que c'est à cause de toi. Tu ne vois pas bien ce qu'elle pourrait te reprocher alors tu patientes, pour que la blonde t'explique ce que tu as bien pu encore faire de travers. « T'as vu Gisella ? Où ça ? » Demandes-tu en fronçant les sourcils. Tu t'écartes un peu pour qu'Aisling entre dans ta maison, n'ayant pas vraiment envie que tes voisins assistent à une scène. Mais tu n'es pas certain qu'elle va rentrer au final parce qu'elle a l'air plus remontée que jamais. « Sur quoi est-ce que je t'ai menti ? Eclaire-moi, parce que là, je ne vois pas. » Rétorques-tu en fronçant les sourcils en en prenant un air détaché. Tu n'as pas l'intention de rentrer dans le petit jeu d'Aisling et de t'énerver, toi aussi. De toute façon, ça lui fera bien plus d'effet si tu restes de marbre que si tu t'énerves. En plus, elle est mal placée à présent pour te reprocher quoi que ce soit. Elle n'a plus son mot à dire sur ta vie et encore moins sur ton ex-femme. N'est-ce pas elle qui est en couple ?

Il s'écarta pour la laisser entrer et Aisling passa la porte. Elle n'était pas obligée de se donner en spectacle, la blonde. Surtout que tous les voisins avaient déjà pu assister à sa scène avec Gisella.

-Devant chez toi. Je ne sais pas si tu as déjà remarqué, mais on est voisin.

Et ce n'était pas qu'elle guettait Ciàran de sa fenêtre, mais son ex-femme était passé le voir tellement de fois, dans sa voiture tape à l’œil, qu'elle n'avait pas pu la manquer.
Evidemment qu'il ne voyait pas. Il ne devait même pas se souvenir de ce qu'il lui avait dit le jour où ils s'étaient retrouvés. Il ne devait même pas se souvenir à quel point il avait été odieux pour qu'elle lui dise tout ce qu'elle voulait. Il ne se rendait jamais compte, Ciàran, quand il lui faisait du mal.

-Sur quoi ? Tu m'as dis qu'elle ne comptait pas ! Et là elle débarque chez toi tous les quatre matins et m'explique vous avez une relation que je ne peux pas comprendre ? A quel point est-ce que tu m'as menti Ciàran ? Et pourquoi est-ce que t'as fait ça ? C'était juste pour coucher avec moi ce soir-là ?

Aisling était à la fois en colère, confuse et triste. Elle ne savait plus ce qu'elle devait penser de lui, d'eux et de ce qu'ils avaient été. Elle sécha rapidement, du revers de la main, les larmes qui avaient commencés à couler au coin de ses yeux, signe d'une émotion un peu trop vive.

« Ah bon, on est voisin ? » Demandes-tu avec un rictus moqueur au coin des lèvres. « Je ne savais pas que tu surveillais les allées et venues chez moi. » Ajoutes-tu néanmoins en arquant un sourcil. Vous vous dirigez finalement vers le salon et très vite, Aisling donne le ton à la conversation. Tu poses le visiophone de Gabriel sur la table basse pour garder un œil sur lui avant de faire face à la blonde et à sa colère. Lorsque tu vois des larmes rouler sur les joues d’Aisling, tu t’avances d’un pas, gardant une certaine distance entre vous malgré tout. Tu n’es pas à l’abri d’une gifle vu l’état dans lequel elle se trouve. « Elle ne compte pas comme tu l’imagines. » Dis-tu en soupirant. « On est amis à présent mais je n’ai jamais éprouvé de sentiments amoureux pour Gisella, contrairement à elle. Elle t’a sûrement dit volontairement des choses pour te piquer, pour te provoquer. Et faut croire que t’es tombée dans le panneau. Non c’était pas juste pour coucher avec toi, je ne t’ai pas menti... » Affirmes-tu sans détacher ton regard de celui de la jeune femme. Tu te poses doucement sur le canapé, prenant ta tête entre tes mains avant de relever celle-ci vers Aisling, les sourcils froncés. « Pourquoi est-ce que ça te touche autant ? Tu es jalouse d’elle ? » Si c’est le cas, ça n’a aucun sens. La blonde est censée être en couple et ne plus éprouver ce genre de « sentiment » à ton égard. Alors, tu as tout à fait le droit de faire ce que tu veux avec qui tu veux. Mais malgré tout, tu ne peux t’empêcher de lui rendre des comptes, de te justifier, parce qu’il s’agit d’Aisling. Ce sera toujours différent avec elle peu importe les distances que vous mettez entre vous. Ou plutôt qu’elle met entre vous.

Elle y avait sans doute fait bien trop attention pour une femme normale, à ces allers et venues. Elle n’y pouvait rien, s’était plus fort qu’elle. Quand elle avait vu cette voiture venir régulièrement se garer devant la porte de Ciàran, elle avait eu besoin de savoir de qui il s’agissait. Son ex-femme n’avait qu’à avoir une voiture un peu moins voyante.

-Faut croire que je ne suis pas assez occupée.

De sentiments amoureux ? Il ne manquerait plus que ça ! Ce n’était même pas ce que la jeune femme imaginait, mais il faut croire que Ciàran était à des années lumières d’être dans sa tête à présent.

-Mais elle compte.

C’était à peu près la seule information qui importait aux yeux de la jeune femme sur le moment. Mais il ne s’en rendait sans doute pas compte. De toute façon, il lui enverrait toujours la même chose à la figure pour se dédouaner du mal qu’il pouvait lui faire, elle le savait pertinemment. Elle n’était pas venue pour se battre, elle était venue pour savoir.
Elle le regarda s’asseoir sans bouger, restant droite en le regardant, partagée entre la colère, la tristesse et l’envie de tout foutre en l’air. Sa question lui fait mal, assez pour lui couper la respiration pendant une petite seconde. Il pose la question, est-ce qu’il ne connaît pas la réponse ? Peut-être qu’il a oublié, ou bien seulement que ses souvenirs s’estompent légèrement. Mais elle, elle se souvient de ce jour-là, de l’émotion, de l’incompréhension, de l’abandon, surtout. Il avait gagné ce jour-là, comme tous les autres jours précédents, comme beaucoup d’autres jours suivants.

-Qu’est-ce que tu aurais dit, toi, si je m’étais mariée ? Et si maintenant il venait tous les jours devant ma porte ? Tu m’as fait du chantage pour avoir le nom de mes amants !

Sa dernière phrase s’était transformée en cri, bien malgré elle. Essayant de se reprendre, la blonde mit son visage dans ses mains. Inspire, expire, mais ne pleure pas. Ne pleure plus pour lui.

Tu lèves les yeux au ciel pour toute réponse quand Aisling souligne qu’elle n’est certainement pas assez occupée. Tu penses plutôt qu’elle a laissé sa curiosité prendre le dessus et qu’elle a épié les allées et venues de ton ex-femme. Mais elle compte. Alors il est là, le problème. Tu sondes son regard, plissant légèrement les yeux comme si tu tentais de lire en elle. De comprendre ce qui la gêne tant. Pensait-elle être la seule et unique personne qui compte, dans ta vie, jusque-là ? « Comme une amie. Je ne savais pas que je n’avais pas le droit d’avoir des amis. » Tu n’en as pas beaucoup en plus parce que tu n’accordes pas ta confiance à n’importe qui. Mais avec Gisella c’est différent puisqu’elle fait partie de ton monde. « J’aurais pété un plomb sur le moment mais après, je t’aurais cru si tu m’avais dit que ça ne comptait pas. » Enfin, après une petite enquête sur le « mari » en question, aussi. Mais Aisling semble assez renseignée, finalement, elle aussi. « De toute façon, c’est comme si tu étais mariée aujourd’hui. » Dis-tu en soupirant, haussant les épaules, de mauvaise foi. Tu agis comme si le comportement d’Aisling était démesuré mais qui sait ce que tu aurais fait, toi, si les situations étaient inversées. « Elle retourne en Italie de toute façon. Tu n’auras plus à surveiller ses allées et venues. » Réponds-tu sur la défensive, arquant un sourcil.

Une amie, c’est facile. Elle aussi, elle lui avait maintenant que certains hommes n’étaient que ses amis, et ça n’avait pas empêché Ciàran de les détester, à tort ou à raison. De toute façon, sa réflexion était stupide, et il le savait bien.

-Comme si j’avais le pouvoir de t’interdire ou de t’autoriser des choses.

Comme s’il l’écoutait. Ils le savaient bien tous les deux, il ne l’écoutait jamais, sauf si ça l’arrangeait bien. A sa réponse elle leva les yeux au ciel. La croire ? Et depuis quand est-ce qu’il lui faisait confiance ? Enfin, il lui faisait confiance sur certaines choses, mais la croire sur parole quand elle lui disait que tel ou tel homme ne comptait pas dans sa vie, on en était bien loin.

-Et c’est ce que tu m’as dit. Et je t’ai cru. Mais si c’est une amie, avec qui tu as couché de surcroît, tu ne peux pas décemment continuer à me faire croire que ça ne comptait pas.

Parce que, il était bien là le problème, il avait couché avec elle. Et ce n’était pas un coup d’un soir comme il avait pu en avoir des dizaines. La blonde finit par reculer d’un pas, alors il qu’il lui lançait à la figure que c’était à présent comme si elle était mariée. Le fait est qu’Isaiah et Aisling n’avaient jamais parlé mariage, sans doute parce qu’ils connaissaient chacun la réponse de l’autre, et que la situation était très bien comme elle l’était. Aucun des deux n’avait envie de glisser un anneau d’appartenance au doigt de l’autre. Aisling n’avait pas besoin de porter le nom d’Isaiah pour être heureuse, et vu le nom, tant mieux ! Elle refusait à porter un nom aussi imprononçable que le sien, bien que ce ne soit plus une obligation du mariage mais seulement un usage.

-Si c’est comme ça que tu le vois.

Elle n’avait pas l’intention de se battre avec lui sur le sujet. Elle n’en avait étrangement pas l’énergie. Bien malgré elle, elle fut rassurée quand il lui dit que son ex-femme rentrait en Italie. Il semblait lui avoir dit la vérité, il n’avait pas répondu à ses sentiments. Ce n’était pas étonnant venant de sa part, elle le savait très bien, mais elle ne pouvait s’empêcher de douter.

-Ça me fera beaucoup moins d’animation alors.

Elle glissa une main dans ses cheveux, troublée. Troublée par ses propres sentiments, par tout ce qui avait pu lui passer par la tête. La peur du mensonge, c’était ça qui l’avait mise autant en colère, et ce sentiment-là n’était pas tout à fait effacé.

-Peut-être que cette fois, c’est moi qui devrais disparaître de ta vie.

« Tu l’as eu, ce pouvoir, mais aujourd’hui les choses sont différentes. » Parce qu’à une époque, tu aurais été prêt à n’importe quoi pour elle. Et si tu ne l’as pas toujours écoutée, parfois, tu l’as fait. Comme lorsque tu lui avais promis de ne pas toucher ses « amants » lors de ton retour à Bowen. Mais aujourd’hui, Aisling a décidé de vivre une vie où tu n’as plus vraiment ta place alors tu as dû apprendre à te détacher progressivement d’elle. Bien que ce ne soit pas si simple. « Bordel ! Non ça ne comptait pas Aisling ! » Dis-tu, toujours sur la défensive et élevant la voix malgré toi. « Oui Gisella est une amie mais quand nous avons couché ensemble ce n’était rien de plus qu’un coup de bite. » C’est cru, c’est moche, c’est irrespectueux envers ton ex-femme mais c’est pourtant la vérité. Tu n’as jamais éprouvé de sentiments amoureux envers elle, simplement de l’affection et de l’amitié. Malheureusement, la blonde n’a pas l’air de vouloir l’accepter. Pourquoi veut-elle à tout prix te mettre quelque chose sur le dos ? Pour prendre ses distances ? Pour trouver une issue de secours à votre relation ? Tu lèves les yeux au ciel quand Aisling souligne que ça lui fera moins d’animation si Gisella retourne en Italie. C’est puéril alors tu ne relèves même pas, préférant rendre l’atmosphère un peu moins pesante. Mais tu ne peux pas compter sur Ais’ pour apaiser les tensions, au contraire. Ce qu’elle rétorque ne fait qu’augmenter ta colère et te donne envie de tout casser. Mais tu n’en fais rien, parce que tu n’as pas envie de lui donner cette satisfaction. « C’est pas déjà ce que tu es en train de faire ? J’ai plus vraiment ma place dans la tienne depuis que t’as décidé d’avoir une vie bien rangée. » Tu n’as pas le droit de lui reprocher d’avoir une vie plus posée, plus droite, et pourtant, tu le fais quand même parce que c’est plus fort que toi. Parce que depuis qu’Aisling s’est mise en couple, tu as eu l’impression qu’elle tirait un trait sur votre relation.

Ce pouvoir ? Mais il se foutait de sa gueule ? Elle se demandait vraiment quel recul est-ce qu'il avait sur leur relation.

-Je sais pas dans quel monde tu vis. Mais je n'ai jamais eu aucun pouvoir sur toi. J'ai toujours dû limite me mettre à genoux et te supplier pour que tu daignes écouter mes revendications.

Aisling avait toujours cette putain d'impression qu'il lui mentait. Ses nerfs étaient à vifs et l'état dans lequel elle avait franchi cette porte n'aidait absolument pas. La blonde n'était clairement pas en état pour discuter calmement, mais, est-ce qu'ils avaient déjà discuté calmement, tous les deux, de toute façon ?

-Ah bah j'espère que tu lui as expliqué, parce qu'elle, elle ne prend visiblement pas ça pour un coup de bite !

Et puis, est-ce que ça pouvait vraiment en être seulement un, à partir du moment où on était marié ? Même s'il s'agissait d'un mariage arrangé. Il ne pouvait pas la convaincre que c'était quelque chose de complètement anodin.

Bien sûr que ça sonne comme un reproche, comme une insulte cette "vie bien rangée". Une vie que tous les deux s'étaient presque promis de ne jamais avoir. Jamais Aisling ne se serait imaginée avec une fille à charge, un homme fixe dans sa vie, et une maison. Mais c'était ainsi que les choses avaient tournées, après de rocambolesques retournements de situation.

-C'est vrai. T'as toujours été plus doué pour foutre ma vie en l'air et me mettre dans des situations où je me bourrais la gueule pour oublier que pour m'aider à construire. On ne sait que se détruire, alors, c'est vrai, tu n'as plus rien à faire dans ma vie.

C'était ça qu'il voulait entendre ? Alors voilà, il était servi. Elle n'avait plus la force de lutter contre Ciàran. S'il voulait que les choses se passent ainsi, s'il voulait qu'ils tirent un trait définitif sur tout ça, alors voilà qui était chose faite. La blonde savait qu'il était bien trop fier pour la contredire et pour s'accrocher à ce qu'il restait de leur relation. Après tout, il avait déjà disparu pendant un an, alors cette séparation là ne devrait pas lui faire beaucoup de mal. La jeune femme finit par tourner les talons, il était bien inutile qu'elle reste là.

Il est impossible pour vous d'avoir le même recul, le même regard, sur votre relation puisque vous l'avez vécu de deux manières totalement différentes. Quand tu écoutes Aisling, tu as l'impression que ce que vous avez partagé était pire que tout et que tu es la pire personne au monde. Tu ne sais pas si c'est la colère qui parle ou ses sentiments mais dans les deux cas, ça ne te plait pas. « Parce que t'étais incapable de prendre soin de toi, de prendre les bonnes décisions. » Mais peut-être que, finalement, tu n'as pas réussi à prendre soin d'elle, toi non plus. « Mais t'as eu du pouvoir sur moi dans le sens où ton regard comptait plus que n'importe lequel. » Aujourd'hui, les choses sont différentes. Aujourd'hui, le regard qu'Aisling porte sur toi n'est plus du tout le même et ça te fait mal de le constater. Mais vous n'êtes plus les personnes que vous étiez autrefois alors il est sûrement normal que votre relation ait changé, elle aussi. « Qu'est-ce que je peux y faire ? T'es vraiment en train de me reprocher les sentiments que Gisella éprouve à mon égard ? » Demandes-tu en ne pouvant retenir un rire ironique. C'est complètement surréaliste de te reprocher les sentiments de ton ex-femme quand, de ton côté, ce n'est pas réciproque. La situation ne s'arrange pas au fil de la conversation, malheureusement, elle empire même. Comme tu t'y attendais, la blonde t'assène le coup fatal en t'assurant que tu as foutu sa vie en l'air la plupart du temps. Alors, il n'y a vraiment rien de bon qui ressort de votre relation ? Tout n'était que noirceur et complications ? Tu ne peux pas y croire parce que pour toi, c'était bien plus que ça. Certes, cette relation n'était pas forcément saine mais à une époque, Aisling était la seule à te maintenir en vie. Tu secoues la tête en la voyant s'éloigner, ne sachant pas si tu dois la retenir ou non. « C'est vraiment ce que tu penses ? Que j'ai foutu ta vie en l'air ? » Demandes-tu, sentant la colère s'immiscer dans ta voix. « Si notre relation se résume à ça, à tes yeux, alors effectivement, je n'ai plus rien à faire dans ta vie. Je ne sais même plus qui tu es. » Dis-tu finalement en soupirant, prenant ton visage entre tes mains, dépassé par ce qui est en train de se passer entre vous.

Tu as l’impression que l’époque dont parle Aisling, lorsqu’elle était à peine majeure, remonte à si longtemps maintenant. Vos vies ont tellement changé depuis et vous êtes à des milliers de kilomètres l’un de l’autre à présent. Il t’arrive parfois de regretter ce que vous aviez tous les deux du moins jusqu’à ce que tu te souviennes que la blonde a mis un terme à votre relation du jour au lendemain pour se blottir dans les bras d’un autre. « De toute façon, tu n’as jamais été satisfaite de notre relation. Quand je prenais trop mes distances, tu me le reprochais et maintenant tu me reproches d’avoir été trop sur ton dos. Quoi que je fasse, ce n’est jamais assez bien pour toi ! » Hurles-tu, sentant ta colère s’immiscer dans ton corps petit à petit. Si tu continues, tu risques bien de briser quelque chose mais tu n’as pas envie d’en arriver là. Cela fait si longtemps que tu n’as pas eu d’excès de colère mais il n’y a bien qu’Aisling pour te rendre dingue à ce point. « Ce n’est pas parce que ça ne t’est jamais arrivé que ça veut dire que c’est ma faute pour autant. Je ne contrôle pas les sentiments des autres Aisling. » Déjà tes propres sentiments c’est compliqué alors ceux des autres… Tu as éprouvé pendant longtemps des sentiments pour Aisling, enfin, à ta manière, mais aujourd’hui, les choses sont différentes. Aujourd’hui, quand tu vois ce qu’il reste de vous, de votre relation, tu ne peux que constater que c’est un beau gâchis. Un gâchis qui continue quand la jeune femme affirme que tu as gâché sa vie. Tu ne peux pas y croire et surtout tu ne le veux pas. Votre histoire n’a jamais été facile mais vous avez eu des bons moments tous les deux, malgré tout. « Non, désolé, mais je n’en sais plus rien. Quand je vois comment tu parles de nous… j’ai des doutes. » Cela fait bizarre de dire « nous » quand on sait que votre relation n’a jamais été très officielle, très stable et encore moins durable. Tout a toujours été compliqué entre vous deux et aujourd’hui en est encore une fois la preuve. « Qu’est-ce que tu attends de moi ? Que je disparaisse de ta vie ? C’est ça que tu veux ? » Demandes-tu un peu plus doucement en fronçant les sourcils et en faisant un pas en avant vers Aisling, toujours appuyée contre la porte d’entrée, comme si elle était prête à partir au premier faux pas, à la première mauvaise parole de ta part.

Il s'agissait d'une dialogue de sourd, parce que deux personnes qui hurlaient, ça ne pouvait pas être considéré comme de la communication, bien au contraire. Ça ne faisait qu'aggraver les choses, mais ils semblaient être tous les deux bien trop en colère pour s'en rendre compte.

-C'est bien connu, les femmes ne sont jamais satisfaites !

Son ton se faisait ironique, piquant. Elle n'aimait qui la décrive ainsi comme une girouette, non. Leur relation avait été compliquée, et semblait l'être encore plus maintenant. Par dessus tout, elle semblait être sans issues.

-C'est dommage, toi qui aimes avoir le contrôle sur tout.

Et il ne pourrait pas lui dire le contraire.

Elle craqua, littéralement, en l'entendant devenir de plus en plus en colère. Dos contre cette porte, son corps s'était mis à trembler. Est-ce qu'elle allait définitivement le perdre ? Elle n'était absolument pas prête à ça... Peut-être qu'elle ne le serait jamais, et que là était bien le problème. Sans crier gare, la jeune femme fondit en larmes à sa question.

-Parce que tu crois que je sais ce que je veux ?

Sa voix était devenue tremblante alors qu'elle essayait d'essuyer les larmes qui coulaient sur ses joues.

-Parfois je me dis que ce serait le mieux et la seconde d'après... Je me rend compte que pourrais jamais faire une chose pareille.

Elle détourna le regard, elle avait tellement honte de pleurer devant lui. Elle se sentait incroyablement faible et vulnérable, mais surtout stupide et ridicule. Elle essayait de prendre une profonde inspiration pour se calmer mais sa respiration était toujours irrégulière.

« Ne me fais pas dire ce que je n’ai pas dit. » Dis-tu en soupirant, quand Aisling rétorque que les femmes ne sont jamais satisfaites. Ce que tu veux dire, c’est qu’en l’écoutant, tu as l’impression d’avoir toujours tout fait de travers. Tu as l’impression que, dans sa bouche, votre relation n’a jamais fonctionné alors qu’elle sait, tout comme toi, que vous avez eu des bons moments tous les deux aussi. Les disputes faisaient partie de votre quotidien mais elles ne résumaient pas votre relation. « Avec les années, je commence à accepter de ne pas pouvoir tout contrôler. » Surtout parce qu’avec Gabriel, tu as dû apprendre à prendre du recul et à accepter de ne pas toujours pouvoir tout prévoir. Mais la blonde n’est plus assez présente dans ta vie pour s’en rendre compte d’elle-même. En la voyant pleurer, tu culpabilises immédiatement de l’avoir poussée trop loin. Tu sais que tu peux être trop franc parfois et qu’Aisling ne peut pas tout accepter, tout accumuler, sans broncher. Tu fais à nouveau un pas vers elle et à présent, il n’y a plus qu’un petit mètre qui vous sépare. « J’suis désolé… d’accord ? Je ne voulais pas te blesser, je suis désolé. » Tu soupires, passant une main dans tes cheveux en détournant le regard. Tu ne sais plus comment te comporter avec elle. Par le passé, tu l’aurais immédiatement prise dans tes bras en prenant le risque de te faire jeter mais aujourd’hui, elle est avec quelqu’un d’autre et tu ne sais pas si tu as encore le droit de la toucher. « T’es pas obligée de mettre un terme à notre relation, tu sais. On n’aura plus jamais une relation comme avant, je le sais et tu le sais, mais ça ne veut pas dire qu’on ne peut plus avoir de relation du tout. » Tu le penses mais tu ne sais pas si Aisling est prête à essayer ce genre de relation-là avec toi.