Bienvenue à Bowen, petite ville côtière du Nord-Est de l'Australie, abritant moins de 7 000 habitants. Si vous recherchez le calme, la bonne humeur et la joie de vivre, vous serez au paradis. Tous les habitants vous le diront, Bowen est l'endroit idéal pour se ressourcer. Et puis ne vous inquiétez pas pour l'intégration, ici tout le monde se connaît et les habitants adorent accueillir les nouveaux. › suite.
Sujet: hope & dope | Brooke Dim 26 Mai 2019 - 2:06
hope & dope
J'sais pas ce que je fous là, j'sais pas comment j'en suis arrivé là. J'sais juste que depuis le début, je fais des conneries. C'pas de ma faute, putain, j'arrête pas de me le répéter. Tout aurait pu bien se passer. A l'heure qu'il est, j'aurais pu être dans un cirque, avoir une femme, des gosses. Être un mec normal qui tous les weekends va faire un repas de famille où tout le monde s'engueule. Sauf que j'suis pas normal. Personne ne l'est, dans ma famille, mais moi, j'suis le pire de tous. Mal éduqué, mal fagoté, mal tout court. J'suis qu'un pauv' type et c'est pas nouveau. J'pense qu'à baiser, boire, fumer. Peu importe l'ordre dans lequel j'applique les trois, quand j'les fais pas en même temps. J'suis un gars pourri jusqu'à la moelle. Ma sœur, elle le sait déjà. Mon frère, il m'aime trop pour l'admettre. Dans le fond, ça me va. Même si c'est moche de vivre dans un monde pareil, de se sentir mal dans sa peau, ça va. J'crois que j'ai compris un truc : c'est vraiment une maladie, c'qui se passe dans mon crâne. Parfois, j'ai l'impression qu'il y a une voix qui me dit que j'dois faire les mauvaises choses pour me sentir bien. Sauf qu'en ce moment, elle s'est tue, j'sais pas pourquoi, mais ça me donne le sentiment de reprendre le contrôle de moi. Et là, j'suis chez la psy, à en parler depuis une heure à l'hôpital, ce lieu aux murs blancs dans lequel je pourrais revenir à tout instant. J'aime pas être là, j'suis mal à l'aise. J'me rappelle quand j'étais enfermé, que j'avais cette camisole pour pas m'tailler les veines ou sauter par la fenêtre. J'étais mal, putain, mais j'savais pas. Pour moi, c'était normal. Et du coup, c'est à ce moment-là que je balbutie, que j'dis plus rien de cohérent et que ma vue se brouille. La psy, elle se rend compte de ce qu'il se passe. D'habitude, elle vient chez moi à cause de ça. Elle me laisse parfois siroter ma bière. Pas aujourd'hui, elle a pas pu. Et j'suis en train de sombrer, et y'a qu'un putain de nom qui sort de mes lèvres. « Brooke. Brooke, Brooke... Où est Brooke ? » La dernière fois, elle m'a raccroché à la réalité. J'étais en train de partir et elle m'a ramené. J'suis dépendant d'elle comme d'une drogue. La psy, elle le sait. Elle me file un verre d'eau, des cachetons dans les mains, et elle me dit de m'allonger sur le sofa en attendant. Alors j'le fais, j'exécute ses exercices de respiration, elle met sa playlist et me masse le torse pour que j'reste, pour que j'oublie pas que j'suis vivant, et que ça va aller. Elle me dit que Brooke, elle arrive, elle l'a appelée. Faut que j'attende. Quand elle sera là, elle nous observera, dans le coin. J'm'en fous, ça me va, du moment que j'peux caresser ses cheveux, voir ses tâches de rousseurs qui, même quand je vois flou, sont toujours là. Et le paysage de paix s'installe peu à peu dans mon esprit. La psy s'en va un peu, ouvrir la porte et je l'entends parler. Je comprends tout juste et je me redresse un peu, m'assois alors que je regarde autour de moi. Et j'la vois, de sa crinière rousse indémodable. Brooke. J'comprends tout juste que c'était une connerie, que de l'avoir réclamée. J'vais être obligé de tout raconter. Mais j'souris comme un con quand j'la regarde, pour masquer le fait qu'on soit à l'hôpital. La psy se cale à son bureau discrètement, reprend ses dossiers alors que j'ai d'yeux que pour mon assistante. « Salut. Tu vas devenir ma nouvelle infirmière, à ce rythme. » J'essaie de noyer le poisson, j'veux pas qu'elle pense que j'suis fou, même si c'est vrai. J'veux pas penser qu'elle m'a repêché au bar, l'autre soir. J'espère pas m'en prendre une pour avoir été aussi con. « T'es belle, aujourd'hui. » J'peux pas m'en empêcher, faut que je lui dise. Tous ces sms, ces photos mms, son insta, j'suis accro. J'suis accro à elle, putain. Et j'suis même pas capable de lui dire. J'suis con, un con accro à une nana que j'connais que depuis deux mois.
Sujet: Re: hope & dope | Brooke Dim 26 Mai 2019 - 6:15
Des dizaines de nuits s'étaient écoulées depuis vos premiers ébats, des dizaines de nuits où vous vous étiez retrouvés. Jamais l'un sans l'autre à présent, t'étais folle de lui. Complètement folle. Et à force de sombrer dans cette folie, tu avais même fini par le lui dire. Et ça te fichait la trouille. Toi, tu ne t'attaches pas. Parce que chaque fois, ça finit par faire mal. Ça brise les coeurs, ça les écrase, les réduit en miettes jusqu'à ce qu'il ne reste plus que de petites poussières impossibles à recoller. Puis, ça prend tu temps à s'en remettre. Beaucoup de temps. Jusqu'à ce que les coeurs se reconstruisent, parsemés de papiers adhésifs et de résidus de colle pour les faire tenir. Et ça recommence, encore et encore. L'être humain n'est pas fondamentalement bon, il fait du mal autour de lui, partout où il va. Et les attaches, ça n'échappe pas à la règle. Mais t'y peux rien. T'es déjà foutu. Dès qu'il a posé ses mains sur toi, quand tu étais attaché à la roue, dès qu'il t'a regardé dans les yeux, dès qu'il t'a possédé pour la première fois, t'étais foutu. Ensorcelée, maintenant respirer sans lui te semblait impossible. Il a des soucis, Sacha, tu le sais bien. Tu l'as compris, à ses signaux de détresse, tu l'as compris à sa façon de te demander une présence constante et pourtant jamais tu ne lui as forcé la main pour obtenir des réponses. Quelques questions, ici et là, quelques essaies qui s'étaient finalement rapidement dissipé sous ses demandes. Mais t'es quand même là, toujours pour lui, toujours là quand il te le demande, parce que tu ne supportes plus de respirer sans lui. Il est ta source d'oxygène et t'as mal juste à y penser, respirer à l'aide d'un autre c'est accepter de manquer de souffle quand tout finira par faner, quand il se lassera de toi. Parce qu'il faut être honnête, il finira par se lasser de toi. Comme les autres. Quand tu lui refuseras une fellation, parce que ton corps sera trop faible ; quand tu oublieras de le prévenir que tu rentreras tard ; quand tu seras une embûche dans sa vie ; quand tu seras tellement trop qu'il ne pourra plus respirer en ta présence, quand tu échangeras de rôle et que tu deviendras des sangles autour de sa gorge plutôt que son respirateur artificiel. Et même si tous ces scénarios te passaient par la tête, t'es quand même là, à attendre bêtement qu'il revienne vers toi, à demander encore plus de ses baisers, de l'emprise qu'il a sur toi. Parce qu'au fond, peut-être que quelque part en toi, caché, qui ne veut pas encore l'avouer à haute voix, peut-être que tu l'aimes. Cet après-midi là, t'es chez toi, tu fumes ta clope dans ta caravane, allongée sur le sofa, la tête lourde, remplit des images de son corps sur le tien. Ton téléphone portable résonne, tu sens la vibration contre tes fesses, merde, t'es assise dessus. Numéro masqué. Les sourcils froncés, tu fixes l'écran de ton portable, perplexe. Y'a personne qui t'appelle d'un numéro masqué. Ça sonne, encore et encore, et presque à la dernière sonnerie, la dernière chance, tu te décides à enclencher le bouton répondre. Tu souffles la fumée de ta cigarette avant de répondre. Ouais ?, lâches-tu, une interrogation dans ton ton. C'est pas bon signe, ça commence beaucoup trop formellement. Tu bondis de ton sofa, te brûlant avec ta clope quand la dame au bout du fil prononce, dans la même phrase, Sacha et hôpital. Merde, putain de merde. T'es en panique, mais tu respires, parce qu'au fond, tu ne sais pas trop ce qu'il y a. Tu sais juste qu'il est en psychiatrie, avec sa psy, qu'il ne va pas trop et qu'il ne cesse de réclamer ta présence. T'es prête à le rejoindre, n'importe où, n'importe quand, tu te diriges rapidement vers la porte de ta caravane, attrapant un jean au passage pour couvrir ton corps. Tu revois les images de ce soir-là, où t'avais dû le récupérer, dans un bar, complètement ivre, dans les vapes, où il t'avait paru si vulnérable. T'avais eu peur pour lui, mais, là, t'as encore plus peur. Parce que, toi, la psychiatrie, tu ne connais rien là-dedans. Et t'as peur de ne pas être à la hauteur, cette fois. Soigner des gueules des bois, des âmes qui avaient trop fêtés, ça, tu sais y faire. Tu l'as fait pour ta propre personne, beaucoup trop souvent. Tu arrives devant le bureau d'accueil, le poste des infirmières. Le chemin vers la psychiatrie, j'vous pris, ordonnes-tu, pressée. Et tu quittes, en trombe, sans un merci. Tu te sens presque mal, mal au fond, t'as juste une envie : arriver le plus vite près de lui pour que son mal cesse enfin. Parce qu'on t'a dit que ça n'allait pas, qu'il était dans une sorte de crise ou tu ne sais pas trop et ça t'inquiète. Quand tu arrives sur l'étage, on t'accueille, on te demande de patienter là, puis on te demande de suivre, une infirmière te montre le chemin vers la porte du fond. Elle y toque, on t'ouvre, surement la psy que tu salues d'un sourire. Elle te dit deux ou trois mots, mais en vrai, tu t'en fiches, tout ce que tu veux c'est le voir lui. C'est plus fort que toi. Tu t'avances donc vers lui, il se relève et te salue. Ta crinière rousse tombe dans ton dos alors que tu lui souris, tendrement. La psy reste dans la pièce, elle s'affaire à son bureau, tu lui jettes un regard rapidement avant de reposer ton attention sur lui. C'est bizarre de te sentir observer comme ça. Mais tu ne dis rien, pas pour le moment, tu te contentes de t'assoir près de lui. Si c'est pour te faire plaisir, alors je peux même mettre l'uniforme, plaisantes-tu en posant sa main sur sa cuisse. Tu le sais qu'il va pas bien, sinon, il ne t'aurait pas appelé, et tu oses espérer que ce geste tendre saura le calmer un peu. T'es pas aussi bien que des médicaments pour calmer les crises, mais tu essaies. Il te complimente, tu souris, gênée parce que vous êtes observé et que tu sens que, même si elle feint de lire ses dossiers, elle note tout ce que vous vous apprêtez à dire ou à faire. Merci... finis-tu par lui dire, imaginant la psychologue écrire un verbatim de vos échanges. Bébé, j'suis là maintenant. Qu'est-ce qui se passe ? Oses-tu demander. Depuis que tu as mis les pieds à l'hôpital, t'as eu envie de poser la question. Ton regard est doux, calme, alors que ton coeur s'affole. Tu l'aimes beaucoup trop et tu le vois souffrir, ça te fait déjà mal. Tu m'inquiètes, rassures-moi.
HJ : ton nouvel avatar je t'aime, je t'aime, je t'aime.. ps : moi, je sais que tu écris maintenant au « je »
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Sujet: Re: hope & dope | Brooke Mer 29 Mai 2019 - 18:55
hope & dope
L'uniforme serait canon sur elle. Je kifferais, juste pour avoir le plaisir de le lui arracher pour voir ce qu'il se cache dessous, même si je sais déjà. J'aime laisser mes doigts courir le long de sa peau, frôler chacune de ses tâches de rousseur, glisser mon doigt le long de sa gorge et de sa poitrine à l'affût de ses tatouages, laisser la chair rebondie de ses seins frémir sous mes doigts. Embrasser son cou, ses lèvres, ses tatouages, et même cette femme sur son épaule qui semble toujours veiller sur elle, à me rappeler qu'il y aura toujours quelqu'un pour m'empêcher d'la frapper, même si j'peux plus me retenir, même si ma tête me tourne, même si j'perds le contrôle et qu'j'oublie qui elle est, même cinq secondes, parce que c'est plus moi dans ma tête mais quelqu'un d'autre. Quand j'la vois, plus rien ne va plus. Mon système s'affole, j'sais plus quoi faire. J'ai jamais été dans cet été, j'me sens malade, ça m'fout les boules. Y'en a qui aiment mettre des mots d'ssus, qui veulent m'faire croire que j'suis profondément attaché. Que dans mon cœur, y'a des sentiments, mais j'y crois pas. J'ai beau essayer d'faire de l'ordre dans mes putains d'idées, dans le fond, j'ressens toujours la haine. Pourtant, j'souris. Comme un con, je la regarde, et je souris. De ces sourires qui n'ont presque jamais existé sur ma gueule, trop sincère pour que ce soit moi. J'me fais peur et j'sens que toute cette joie m'fais mal au cœur. Putain Brooke, t'as même pas conscience de c'que tu me fais. Même quand j'veux te détester, que j'fais tout pour qu't'arrête d'me regarder avec ces yeux-là, d'merlan frit ou d'amour, parce que j'ai l'impression que c'est ça, que tu me kiffes plus que tout, ça me contamine. Tes mots doux, tes caresses, ton regard, tes sourires et tes soupirs, tout ça, ça me rend fou, humain. J'ai la trouille, j'veux pas être humain. J'veux rien ressentir. Si j'ai cette carapace, c'est à cause de mon père. Quand j'lève la main, c'est son esprit qui m'habite, c'est plus moi. Si j'frappe, c'est pour pas penser que c'était moi, la victime, avant. Victime d'mon père, d'mon oncle, d'ma mère, d'ma sœur. Mon frère m'a jamais tourné le dos. Il est fou. Fou de m'accepter alors que j'suis qu'un pauvre type. Toi aussi, Brooke, t'es folle d'vouloir rester avec moi. Au fond, j'serais capable de t'planter d'un couteau dans le cœur dans un élan de folie. Et des élans de folie, j'en ai avec toi, tout l'temps. Parfois ils sont bien, parfois moins. M'arrive d'aller martyriser une femme qui n'a rien demandé, qui voulait juste coucher, tout ça pour m'sentir mieux, m'dire que ça t'arrivera pas à toi. T'imagine pas, quand t'm'as dit qu'avec Hans t'avais couché, dans l'état qu'ça m'a mis. J'voulais fuir, partir loin, r'tourner en Russie ou m'renfermer en taule pour pas penser qu't'étais pas à moi. Et quand j'te vois là, dans cet hôpital, fréquenter l'aile psychiatrique sans savoir c'que j'ai, ça me fout les boules. J'veux t'expliquer, j'te jure, mais j'peux pas. Dans ma tête, j'ai un blocage. Si j'te dis d'quoi j'suis capable, t'vas fuir, c'est sûr. Tu voudras qu'on m'foute en taule à côté d'mon père, et attendre qu'on s'entre-tue. Un jour, s'il sort, ça arrivera. Y'en aura qu'un qui pourra vivre, ce sera lui, ou moi. « Une autre fois, красотка*. » (*beauté) Je prends ta main dans la mienne, j'admire cet insecte sur ton poignet, j'prie pour qu'tu l'enlèves plus jamais. J'lève la tête, pour qu'mes yeux s'posent sur toi. Pour que ton regard m'inonde, pour que j'me noie. J'regrette à le seconde même où j'le fais. Mes yeux dérapent, sur tes lèvres, j'ai envie de t'embrasser. J't'écoute même plus, j'laisse mon cerveau me guide, mon esprit divague. J'me vois déjà me jeter sur toi. J'm'en fous de cette psy, j'te veux toi, et si elle veut pas voir ça, elle a qu'à dégager. J'veux juste être plus proche de toi, qu'tu me souffles des bébé à tout va, qu'tu gémisses mon nom jusqu'à c'que le souffle nous manque parce que j't'aurais forcé à écarter les cuisses pour m'laisser de la place en toi. J'veux tout ça, et plus encore. Et en même temps, j'me sens vide. Comme un fantôme, j'erre, j'vais pas bien. J'sais pas c'qui m'arrive et ça me gêne. J'ai pas pleinement conscience de moi, mon corps et mon esprit semblent loin. Quand j'sourire, j'sais pas si je vais rire à m'en exploser les poumons où si j'vais pleurer à m'en dessécher. J'voudrais te rassurer comme tu m'le demandes, mais j'y arrive pas, tu vois ? Et tout ça, tout ce discours dans ma tête, ça m'aide pas. J'me parle à moi-même quand j'te regarde, j'rêve de toi, j'rêve de nous. J'déglutis péniblement, je détourne le regard, j'jette un œil à la psy. Tu devrais lui dire ce que tu ressens Sacha et accepter tout ça. Elle comprendra et même si c'est pas tout de suite et qu'il faut lui laisser le temps, elle reviendra. Tu n'es plus un enfant. Elle n'avait p't'être pas tort, la psy. En même temps, c'facile quand on a déjà un mari et des enfants. Moi, j'ai des enfants mais pas de femme. Personne qui m'aime. Elle hoche la tête, me sourit, elle sait c'que je pense. Et j'te regarde encore Brooke, j'laisse tes cheveux roux envahir le cadre de ma vision quand j'me penche pour venir caler ma tête contre ta gorge, à la naissance de ta poitrine, parce que j'veux qu'tu me réconfortes et qu'tu me dises que tout va bien. J'serre ta main, j'ferme les yeux quand j'viens la passer sur ma joue, pour t'montrer que j'ai besoin de tendresse. « J'voulais t'voir. Tu me manques, c'tout. » Je souffle, bas, parce qu'j'aime pas quand la psy écoute. Elle lit en moi, elle sait c'que j'suis et j'aime pas ça. J'préférerais qu'ce soit toi qui puisse faire ça. « J'suis pas fou, t'sais ? Un peu, mais j'le suis pas. Tu m'crois, hein ? » J'ouvre les yeux, je redresse le menton pour t'sonder. J'veux pas que tu mentes. J'veux qu'tu me dises que c'est vrai, que j'suis normal, ça me réconforterait. « Pardon. J'voulais pas t'déranger. J'aurais dû attendre c'soir qu'on soit tous les deux. Mais j'pouvais pas attendre. J'avais besoin de toi. » J'dois tirer la tronche, être blanc comme un cul, trembler comme un enfant. « Faut que j'te parle d'un truc. Jure-moi qu'tu vas pas me détester après ça. Jure-le moi, Brooke. » J'te supplie, parce que c'est plus fort que moi. Parce que j'supporterais pas de jouer au con avec toi, parce que si j'te perds, ça m'ferait mal. Pour certains, t'es qu'mon assistante, mais moi, ça me suffit pas.
Et ton avatar, on en parle ? trop d'amour, je t'en envoie autant en retour Ouais mais je suis pas sûre de rester en "je", ça me fait trop bizarre et que j'ai l'impression de faire de la merde.
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Sujet: Re: hope & dope | Brooke Mer 29 Mai 2019 - 19:46
Il y a les murs blancs sans vie autour de toi, dans la petite pièce où on te demande d'attendre avant que tu puisses enfin le voir. C'est froid, c'est terne, c'est comme dans les films. Tu ne peux pas croire qu'il est ici, entre des murs pareils à ceux-là. C'est certainement ça qui rend les gens fous, d'être enfermés ici, d'avoir accès à rien d'autre que le blanc des murs et des vêtements qu'on te donne quand tu passes un long séjour avec eux. Ça te donne des frissons. Et tu t'impatientes. Tu veux pas être effrontée, parce qu'on te lui coupera accès, et ton coeur il ne pourra pas le supporter. Il bat déjà trop fort, tu ne peux t'empêcher de te poser des questions. Mais qu'est-ce qu'il fou ici, bordel ? Pourquoi on tente de l'arracher à ta vie ? D'abord, y'a son frère qui ne te porte pas dans son coeur, qui croit que t'es une vulgaire réplique de l'autre, celle dont tu as pris la place. Et là, y'a tout le personnel de l'hôpital qui te met des bâtons dans les roues, qui t'empêche de le voir. Après quelques secondes, qui t'ont paru de longues minutes, l'infirmière te fait signe de la suite. C'est pas trop tôt, que t'as envie de lui dire, mais tu te retiens. Quand la porte s'ouvre enfin, c'est pas une vue sur lui que tu as, mais sur la psy. Elle est belle, élancée, elle pourrait clairement te rendre jalouse. Elle te rend peut-être un peu jalouse, au fond, t'en sais pas grand-chose. Il se redresse sur le canapé quand il entend ta voix, tu le vois enfin, Sacha. Et tu prends place près de lui, tu laisses ta chaleur venir jusqu'à sa peau, ta main contre sa cuisse que tu caresses sans même t'en rendre compte. C'est plus fort que toi, tu ne peux pas t'en empêcher. Et dans ses yeux, tu vois la détresse qu'il tente de te cacher. Ça te crève le coeur, putain que ça te fait mal. Il répond à ta blague, ponctué d'un mot que tu ne comprends pas parce qu'il utilise sa langue natale. Ça roule dans sa bouche, l'accent te fait sourire, il le dit avec tellement de douceur que, cette fois, tu sais que ce n'est pas une insulte. Et il prend ta main, il la serre, fort et doucement à la fois, il la regarde, il l'observe comme s'il détaillait tout l'encre que ça avait pris pour recouvrir ton avant-bras, et le reste de ton corps, d'ailleurs. Et quand il lève enfin les yeux sur toi, tu lui souris. Il est beau, t'as envie de lui dire, mais toi, tu te sens pas à l'aise de faire preuve de tendresse alors qu'il y a l'autre, la psy, dans le coin qui vous regarde, ses lunettes de lecture sur le bout de son nez. C'est étrange, à tes yeux, ça te fait drôle. Et t'es pas certaine d'aimer ça, en fait. Mais t'acceptes, parce qu'au fond de toi, tu sais que ça lui fait du bien, à lui, d'être là. Il lui a parlé de toi, plusieurs fois, il te l'a dit et chaque fois qu'il revient de la voir, il te semble plus calme, plus humain. T'aurais aimé que ça soit toi, sa source de réconfort, pas elle, tu veux pas partager ce rôle, tu veux pas partager cette place. Mais tu peux pas. T'es pas psy, t'es juste une épave. T'es bonne pour faire un spectacle, devant des gens que tu connais pas, pour sourire et faire la belle, pour étirer tes membres, faire des acrobaties et attirer des applaudissements. Mais tes pas psy. C'est con, tu ne devrais pas te sentir comme ça, il couche pas avec elle. Du moins, tu l'espères. Tu jettes un nouveau coup d'oeil par dessus ton épaule, rapidement, elle est encore là. Alors tu parles, un peu dans le vide, mais tu parles. Tu combles le silence qu'il y a entre vous. Mais il répond pas. Tu sens que tu vas le perdre, tu sens qu'il est pas là, complètement à toi. Ça te fait peur, tu commences à trembler. Et elle décide de parler. Elle parle pour t'encourager. Elle écoute, tu le savais, putain elle écoute tout ce que vous vous dites. Encore une chance que tu ne lui as pas dit que tu le trouvais beau, toi aussi. Elle viole votre intimité. Tu te sens attaquée. Pourquoi elle sait dire toutes ces choses qui semblent lui faire du bien et pas toi ? Pourquoi tu peux pas l'aider, toi ? Il s'approche de ton corps, love sa tête contre toi. Il contrôle ta main, la pose sur sa joue que tu enveloppes. Ton bras libre vient l'entourer, tu le serres contre toi d'une douce étreinte. J'suis là, bébé, j'suis là maintenant, répètes-tu alors qu'il te dit qu'il veut te voir. T'es là, tu seras toujours là. T'es enchaîné à lui, t'es déjà foutue, tu ne peux plus t'enfuir à présent. Et même si tu pouvais, tu ne voudrais pas. C'est lui que tu veux, personne d'autre, même s'il te frappe, même s'il te malmène, même s'il t'insulte, même s'il te brise le coeur, c'est lui que tu veux. T'es folle, c'est toi qui devrais être ici, pas lui, t'es folle de penser ça. C'est à croire que t'es carencé et que t'es prête à accepter n'importe quoi pour qu'on t'aime. Mais c'est pas ça. C'est qu'au fond, tu le sais qu'il est pas comme ça. Tu le sais qu'il est pas ce qu'il te dit. Il se redresse et te regard, il cherche ton approbation. Tu lui souris, hoches la tête. Tu me déranges pas, Sacha, arrêtes, l'avertis-tu. Il tremble. Tu prends ses deux mains et tu le regardes droit dans les yeux. Je serai toujours là, tu m'entends ? Ça ne te ressemble pas, c'est pas tes mots, tu dis jamais ça. Tu ne fais pas de promesse, parce que t'es convaincu qu'on ne peut pas les tenir, les promesses, qu'on finit toujours par les briser. Mais avec lui, rien n'est pareil. T'as envie de lui promettre l'impossible, parce que t'as envie d'essayer de lui donner, l'impossible. Tu caresses ses jointures du bout de tes pouces alors qu'il te demande de ne pas le détester. Mais qu'est-ce qu'il se passe, Sacha ? Tu fronces les sourcils parce que tu ne comprends pas. Je te le promets, bébé. Et la psy hoche la tête, à son bureau. Elle commence à t'énerver. T'es prise au piège entre elle et lui. Tu reposes ton attention sur lui, il pique ta curiosité, mais il ne dit rien, il reste silencieux. Tu entoures son visage de tes mains, tu caresses ses joues avant de poser tes lèvres sur l'une d'entre elle, la droite, ta préférée, tu sais pas pourquoi, mais tu l'aimes cette joue, c'est toujours elle que tu choisis. Tu peux tout me dire, tu le sais ? Je te fais confiance. C'est que tu l'aimes. Aveuglement, tu l'aimes. Tu ferais tout pour qu'il se sente bien.
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Sujet: Re: hope & dope | Brooke Mer 5 Juin 2019 - 20:03
hope & dope
C'est le genre de choses que j'ai jamais ressenti avant. J'veux plus qu'elle me lâche, j'veux que son corps reste collé au mien jusqu'à la fin d'mes jours. J'm'en fous. J'en ai rien à battre des rageux, d'ceux qui veulent foutre ma carrière en l'air pour des putains de rumeurs. Si ça leur fait plaisir de crier sous tous les toits qu'moi et Brooke, y'a plus qu'une histoire de scène, qu'il y a une histoire de sexe derrière. En c'moment j'ai envie d'leur crier qu'oui, y'a quelque chose et j'm'en fous si ça gêne qui que ce soit. J'veux vivre putain. Même si un jour j'ai été jusqu'à en vomir mes tripes, jusqu'à c'que ça me brûle la gorge et que j'ressente même plus mon pénis entre mes jambes, j'm'en fous. Aujourd'hui, j'veux qu'on m'foute la paix, j'veux vivre, j'veux savoir c'que ça fait que d'être comme tout le monde, que d'aimer. J'crois qu'mon frère finira par comprendre c'que je ressens, pourquoi j'tiens tant à c'qu'avec Brooke, ça marche. J'suis pas sûr d'pouvoir être fidèle, j'l'ai jamais été. Mais j'ai envie d'essayer. Si mon géniteur est en taule, ça veut dire que j'ai la paix. Mais pas sûr qu'il y reste, qu'on m'a dit. Sa peine s'termine bientôt, ça m'fait mal rien que d'y penser. J'l'ai retardé un peu, c'vrai en faisant en sorte qu'il m'frappe dans cette prison d'merde, mais pas assez. Faudrait qu'il m'tue pour pouvoir y rester, si j'le tue pas avant. J'sais qu'un jour, j'essaierais, parce que c'est c'que je fais toujours. J'peux pas le supporter. Nastya me déteste pour ça. Quand j'lui ai dit que papa était un monstre, qu'il me frappait, elle a pas aimé. Elle est naïve, c'tout. Elle voit un monstre en moi, c'vrai, mais papa est pire. Moi, j'essaie d'être bon. J'pense que Brooke peut m'aider, mais j'sais pas si elle pourra. Parce que j'ai le sentiment que même si j'veux son bien, j'finirais par la blesser, et un jour, elle fera comme tous ont déjà fait autour de moi : elle m'abandonnera. « J'sais. » J'sais que t'es là, babe. J'veux rester dans tes bras autant que j'peux. On peut dire que j'suis qu'un pauvre type, un connard, j'le sais déjà. Parfois, j'vis mal le fait d'avoir besoin d'attention. J'aime pas savoir qu'un autre homme peut t'faire avoir un orgasme. J'supporte pas t'partager, c'plus fort que moi. Chaque fois que j'te regarde, ce sentiment se décuple. J'sais pas ce que c'est, j'ai peur, mais j'veux le ressentir, encore et toujours chaque fois que j'pose mon regard sur toi. J'l'ai déjà dit à ma psy, tout ça. Elle sait déjà tout de moi. C'p'têtre pour ça que j'ai jamais voulu coucher avec elle. J'avais l'impression d'avoir ma mère en face de moi. Quand tu me dis, toi, babe que tu seras là, toujours, j'ai envie de te croire. Au fond d'moi, y'a quelque chose qui me dit que c'est faux. T'mas pas vu dans mes pires moments. Quand j'suis devenu fou, que j'ai failli tuer mon père. T'm'as pas vu quand j'battais mon ex, alors qu'même mon propre gosse était dans son ventre. T'm'as pas vu non plus, quand elle m'a surpris avec sa sœur. Quand j'ai pété un câble quand elle a compris que j'l'avais trompée avec la personne qui était la plus proche d'elle. T'as jamais assisté à un repas de famille. Si tu savais tout ça, j'suis pas sûr que tu me kifferais encore autant qu'aujourd'hui. C'pour ça que j'dis plus rien maintenant, que j'te regarde, que j'te laisse m'embrasser la joue et m'caresser les mains autant que tu veux. Tu me supplies, mais j'y arrive pas, y'a rien qui sort. J'suis bloqué. Et derrière moi, un froissement de tissu. J'tourne pas la tête, j'sais qu'elle s'est levée. J'entends sa voix qui nous dis qu'elle nous laisse dix minutes. Puis un bruits de pas, la porte qui claque doucement, aussi doucement que ta caresse sur ma joue. J'm'humecte les lèvres, sale réflexe que j'ai. La psy sait qu'elle devrait pas nous laisser tous les deux. Mais aujourd'hui, ça craint rien. « J'sais pas. » J'embrasse le bout de ton nez, puis j'viens à ta clavicule. Quand j'reviens plonger mon regard dans le tien, j'ai l'impression que t'es inquiète. J'veux pas que ça arrive, alors j'te murmure que ça va et j'viens t'embrasser sur les lèvres, parce que j'ai trop envie de toi. J'gagne du temps, j'sais pas par où commencer. J'prends à peine conscience de c'qui m'arrive alors c'est dur, mais la psy m'a dit que y'a que si j'réalise que ça va pas que j'pourrais m'en sortir. Elle m'a expliqué dans les détails ce qui allait pas chez moi. « Ils disent tous que c'est dans ma tête. » J'passe ma main dans tes cheveux, j'cherche mon propre réconfort. J'deviens familier à tes tâches de rousseurs, j'suis d'plus en plus accro à toi. « Ils disent que j'suis fou. » J'sens mon front se plisser, j'te regarde, j'te fixe parce que j'ai peur que tu partes, j'veux te retenir si t'essaie. Pars pas putain, j'ai besoin de toi. « Ils disent que j'suis névrosé. J'sais pas trop c'que ça veut dire. J'me sens normal, quand j'suis avec toi. » J'suis terrifié de pas comprendre pourquoi j'suis comme ça. « C'est à cause d'mon père. Il est comme ça lui aussi. » J'ai répété ça plein de fois, j'connais mon texte par cœur. Parce que j'pouvais pas y aller au feeling. La psy pouvait pas prendre ce risque, alors j'sais plus si ce sont vraiment mes propres mots. « J'veux plus être renfermé. J'veux vivre. » Par contre, j'suis sur de l'impro. J'dis ce qui me passe par la tête, j'veux oublier ce texte. J'ai mal aux tripes. « Ils me laissent mes lames si j'prends mes cachetons, si j'suis sage, si j'tue personne. Mais p't'être qu'un jour ça arrivera. J'peux pas que ça arrive, crois-moi. J'veux que tu m'empêches de faire les pires conneries. Tu peux faire ça pour moi ? » J'te supplie du regard, j'veux que tu dises oui. Dis-moi que tu m'aimes trop pour m'abandonner. Et si tu me le dis pas aujourd'hui, dis-le moi demain, s'teuplait. J'te le dirais aussi.
Sujet: Re: hope & dope | Brooke Mer 12 Juin 2019 - 16:44
Dans cette pièce, quatre yeux se posent sur toi. On t’épie. D’abord lui, ensuite elle. On observe tes réactions, la façon dont tu te tiens sur ce canapé, la façon dont tu respires, les yeux que tu poses sur lui quand Sacha t’implore presque du regard de le rassurer, de venir le sauver. La situation n’est pas optimale, crispée tu tentes de dissimuler ton malaise. C’est pas lui le problème, c’est elle. La psy. Elle représente l’austérité. Elle connait ses secrets. Elle sait comment le soulager. Mais toi t’es ignorante dans ce domaine. Tu sais pas comment le rassurer, comment lui faire comprendre que t’es réellement là pour rester, qu’au fond ça ne te fait pas peur qu’il ait besoin d’aide. C’est qu’il soit ici sans pouvoir l’aider qui te fait peur. Il te répond qu’il sait, quand tu lui répètes que t’es là et tu lui souris tendrement en resserrant tes bras autour de lui, tu sens que ça lui fait du bien. Et le feu nait dans ton bas ventre, celui qui créer des papillons, des frissons éveillés au simple contact de cette étreinte qui se resserre. Tu l’aimes. Y’a plus de doute, tu l’aimes. Tu le connais que depuis deux mois, mais tu l’aimes. Et ça te fait mal. Ça te tue. Parce que lui, c’est pas ce qu’il veut. Pas d’attaches, vous vous êtes dits, pas d’attaches. Mais c’est difficile de résister, dangereuse proximité qui menace de tout faire éclater. Vous vous voyez, tous les soirs, la peau en fusion l’un à l’autre, les souffles qui se retrouvent sans cesse et quand ce n’est pas pour assouvir des pulsions, il y a les spectacles. Comment peux-tu réellement résister à cette audacieuse tentation ? Tu sais qu’au fond c’est mal, que ça brisera quelque chose entre vous de sombrer dans ce genre de relation avec ton partenaire de scène. Mais il est trop tard pour penser à ça, Brooke. Tu aurais dû y penser plus tôt. T’étais seulement trop occupée à t’occuper de ton propre nombril, de jouer à l’égoïste, comme tu sais bien le faire, et de te faire du bien alors que tu ne penses pas au mal que ça faut autour de toi. Tu auras mal, il aura mal. T’es pas capable d’aimer sainement. T’as jamais su le faire. Tu seras jalouse, possessive, contrôlante. Quand tu auras l’impression de perdre le contrôle, tu feras tout foirer. Tu mentiras, tu le pousseras à bout, tu le menaceras de partir. T’es comme ça. Tu sais pas ce que c’est d’aimer rationnellement. On te l’a jamais appris. Et, Sacha, lui, il ne veut pas aimer. Chaque fois que tu laisses parler ton cœur, il te reprend. T’es en train de t’attacher ? qu’il te demande tout le temps. Tu peux pas lui dire oui sans signer ton arrêt de mort. Alors tu te résignes. Tu évites la question. Tu changes de sujet. Tu lui offre ton corps. Ça, tu sais qu’il l’aime. T’as pas peur de lui, même s’il est ici, entre ces murs blancs qui sont sans vie, inanimés, tristes. Tu veux croire qu’avec toi ce sera différent, que ce sera unique, qu’il n’haussera pas la voix sur toi, qu’il ne lèvera pas la même sur toi. Il t’a déjà dit qu’il en était capable, mais tu refuses de le croire. Pas avec toi. Toi, t’es différente. Son regard est différent, différent de l’habitude. Tu le sens vide, perdu, sans le rôle qu’il joue pour t’impressionner, pour que tu le trouves assez mauvais garçon pour avoir envie de lui. Ça t’inquiète, ton visage le démontre, tes yeux l’implorent de te rassurer. Mais il ne dit rien, même quand tu l’embrasses sur la joue et que tu caresses ses mains. Blocage, il se ferme. Et tu pleures de l’intérieur. C’est exactement ça, tu vois, exactement ce que tu penses depuis le début. Toi, tu sais pas comment l’aider. Tu ne connais pas ses démons. Et quand il fait la grève de la parole, tu as l’impression, au fond, que jamais tu ne sauras dire ou faire quoi que ce soit qui puisse lui faire du bien. Jamais tu ne seras à sa hauteur. Elle finit par se lever, déposant ses lunettes sur le bureau en acajou au fond de la pièce dans un bruit sourd, il résonne parce qu’autour d’eux le silence règne. Tu attends qu’il t’explique, le plus patiemment et compréhensif que tu peux. Elle vous donne quelques minutes, sort de la pièce. Vous êtes maintenant seuls. Tu as détâché ton regard du sien l’instant de la voir quitter la pièce, histoire de t’assurer qu’elle soit réellement partie et que ce ne soit pas une ruse contre vous. Il lui fait peut-être confiance, mais toi, tu ne l’as connaît pas. Et quand tu reposes les yeux sur lui, tu entrevois sa langue contre ses lèvres. Tu souris alors qu’il pose un doux baiser sur le bout de ton nez, sur tes taches de rousseur qui l’enlacent. Elle est partie, mais rien. Il ne parle toujours pas. Et tu sens la panique monter dans ton corps. T’en peux plus de pas savoir. T’as envie de te lever, de saccager le bureau, mais tu contiens ton angoisse sinon, tu le sais, c’est toi qui finiras ici, entre ces quatre murs blancs. Et il pose ses lèvres contre les tiennes, il t’embrasse. Baiser qui t’empoigne aux premiers abords, qui fait renaitre le feu de ton ventre, qui embrase tes joues et ton souffle. Mais rapidement, tu sais ce qu’il cherche à faire : gagner du temps. Tu détaches tes lèvres des siennes dans un mouvement lent avant de plonger tes yeux dans les siens, sondant sa réaction. T’es pas obligé de me parler, Sacha, finis-tu par lu dire calmement. Il n’a pas d’obligation de se confier. Je serai là, quand tu voudras en parler. Si c’est de ma présence que tu as besoin, pendant que t’es ici, je te l’offre. Je serai là chaque fois que tu en auras besoin. C’est l’honnêteté qui teinte ton discours. Même si tu t’inquiètes pour lui, t’es prête à ça, t’es prête à tout. Mais il parle. Il parle et il passe ses doigts entre les mèches de tes cheveux lissés, il gravite vers ton visage, le découpe du bout de ses doigts, compte les constellations qui y sont représentées par tes éphélides. Tu fermes les yeux quand il se définit de fou. Tu veux pas y croire. Mais tu te sens forcé d’ouvrir les yeux rapidement, de le regarder parce qu’il soutient ton regard. Tu sens que ses mains pourraient s’agripper à ton visage, pourtant t’as pas envie de partir. T’as juste envie qu’il arrête de souffrir. Qui, dans ce monde, n’est pas fou ? Et qu’est-ce qui t’arrive, quand t’es pas avec moi ? S’enquis-tu alors qu’il parle de normalité en ta présence. Il parle de son père, mais tu sens son discours stoïque, comme s’il récite une pièce de théâtre. Tu lèves l’une de tes mains, la gauche, celle qu’il a embrassée plus tôt, celle qui est couverte d’un insecte, pour la poser contre son cœur, pour lui donner le courage qu’il lui manque de le laisser parler, sans ces mots empruntés à d’autres. Tu t’en fiches que ce ne soit pas beau ou alors totalement décousu comme discours, c’est le sien que tu veux entendre, pas celui des professionnels neurologiques. T’as l’impression que ça fonctionne un peu, qu’il s’ouvre enfin. Il se met à parler des couteaux, des médicaments, de peut-être tuer quelqu’un. Ce serait peut-être toi. Il te demande de l’aider. Tu retires doucement ta main de son cœur, lentement pour éviter de le brusquer, puis tu poses tes doigts contre tes tempes. Comment tu peux y arriver ? T’as envie de dire oui, mais tu sais pas. Il te regarde, il t’implore, il a besoin de toi. Mais tu prends le temps de réfléchir à la bonne chose à dire. Il faut que tu m’apprennes. Je sais pas comment faire, commences-tu par lui avouer, je ne te laisserai pas tomber bébé, mais j’ai besoin que tu me montres comment faire. Parce que c’est la première fois que tu t’occuperas d’un autre que toi, que tu laisseras ta personne de côté. Et tu sais pas comment faire ça. Et j’ai besoin de comprendre… Il a fait quoi, ton père ? Tes mains sont maintenant contre tes cuisses, mais elles migrent vers les siennes où, au travers de son jean, tu caresses sa peau, y dessinant parfois des cœurs invisibles. Tes yeux sont posés sur lui. T’as besoin de savoir. T’as besoin de comprendre. Et ensuite, tu pourras l’aider. Il ne vous reste pas beaucoup de temps avant qu’elle revienne, avant qu’elle ne s’insère à nouveau dans votre intimité que tu voudrais garder que pour vous deux. T’as pas envie qu’elle soit là, qu’elle l’entende se confier. Tu te doutes qu’en sa présence, il ne sera pas lui-même. Il reprendra ses mots, son texte. C’est lui que tu veux entendre, contrôlé par ses émotions et non pas par ce qu’il faut ou qu’il ne faut pas dire. Et s’il est maladroit au passage, tu l’aimeras encore plus.
Invité
Sujet: Re: hope & dope | Brooke Mar 25 Juin 2019 - 11:14
hope & dope
Si, j'suis obligé de parler. Si je le fais pas aujourd'hui, je le ferais jamais. Si j'parle pas, si j'te cache des choses, tu me détesteras. J'ai pas le droit de te faire ça, t'as pas le droit de me détester. Si jamais tu partais, si jamais tu me détestais, j'supporterais pas. T'es pas que mon assistante, et j'ai envie de te le dire, j'ai pas juste envie que tu le vois dans mes yeux. C'est dangereux, j'sais que ça me mènera à ma perte et toi à la tienne. En même temps, qu'est-ce qu'on y peut ? J'suis qu'un connard. J'peux pas m'attacher, alors tout ça, c'est peut-être juste le fruit de mon imagination. Quand j'te regarde, tu me sembles parfaite. J'vois pas de défaut. Si, p't'être un ou deux mais ils sont loin de tes perfections. Rien que pour être à ta hauteur, faut que je te parle et que j'te dise tout ce qu'il me passe par la tête. On est pas que collègues, j'le sens au fond. T'as le droit de savoir. Si on doit bosser ensemble pour les dix prochaines années, tu dois savoir. Tu dois savoir que le mec en face de toi, s'il entendait une mauvaise parole, il serait capable de tuer. Que l'homme à qui tu fais confiance n'est pas un homme, c'est un enfant dans sa tête. Il veut pas grandir, pas assumer les responsabilités qui lui incombent. Il veut qu'on l'aide à porter tout ça. Il a besoin d'aide pour s'en sortir, j'ai besoin d'aide. Alors même si y'a quelque chose qui m'empêche de parler d'habitude, pour une fois, j'repousse cette barrière. Elle nous sépare et j'veux pas. J'parle, j'parle, j'parle. A la minute où j'prononce ces mots, j'oublie ce que j'ai dit. Ton regard il m'hypnotise, j'ai encore envie de toi dans mes bras. J'veux oublier que j'te fais du mal et et que j'ai mal. Je te jure que je veux que ton bien, que j'avais pas prévu de t'empoisonner la vie. Je réponds à côté de la place, je sais. Mais quand tu poses ma main sur ton cœur, que je le sens battre sous mes doigts, ça fait renaître quelque chose au fond de moi. Tu me convaincs que j'peux te dire les choses. J'me sens vivant, j'sais que je suis pas mort tant qu'un cœur bat près du mien. Je veux reprendre toutes ces choses que j'avais arrêtées. J'veux redonner du sens à ma vie, voir le monde en couleur et plus jamais en noir et blanc. C'est ça, quand j'suis pas avec toi : tout est noir, ou blanc, et bon sang que ton roux me manque. « J'suis vide, quand t'es pas là. » je souffle, comme si la voix d'un autre parlait pour moi. J'me sens lointain à moi-même, j'sais pas ce qu'il me prend mais c'est comme si la douleur partait. Les cachetons, sûrement. Ils arrêtent mes tremblements, me rendent normal. J'me sens mieux quand ils polluent mon sang. Putain de sang dont j'te parle jamais, parce que j'ai la trouille. J'suis p't'être un homme, j'aime peut-être casser des mâchoires et prendre des hanches entre mes mains, n'en reste pas moins de la peur. Parfois je hurle, parfois je pleure. Parfois j'suis à la limite de mettre fin à ma vie. Sauf que j'me rappelle que j'peux pas, parce qu'il y a mon frère, parce qu'il y a ma sœur. Parce que si je les protège pas, mon père les fera devenir comme moi, et rien que de penser à cette fatale issue, c'est la nausée qui me prend tout entier. Et maintenant, y'a toi. « Je te jure que je t'apprendrais. » Même si j'ai pas les clés, même si je sais pas dans l'immédiat ce qu'il faut que je fasse pour te montrer comment m'aider, demain, je saurais peut-être. J'espère que ton instinct se mêlera aussi à ça. Au fond, y'en a qui savent comment m'aider, mais pas tous. Moi-même je sais pas trop comment ils font pour me calmer, des fois. J'sais juste que je les prends pour des prestidigitateurs, et que leur tour de magie s'efface aussitôt qu'ils sont partis. Et toi, tu viens de faire pareil sans le vouloir. J'allais bien, jusqu'à ce que tu me demandes ce qu'il a fait, mon père. Je secoue la tête, j'ferme fort les yeux, mais dès que je fais ça, mon corps est repris de ces foutus tremblements, de cette foutue agonie qui veut pas me quitter. Les coups, j'les revis, dans mes rêves dans mes cauchemars. J'revois mon père, la bave aux lèvres, visage rouge de colère alors qu'l détache sa ceinture de cuir pour m'en mettre une. Et j'me revois aussi, qui n'en peut plus, qui reste silencieux parce que personne me croit, qui m'empare d'un couteau de cuisine et qui me jette sur lui. Après, plus rien, black out. J'ai jamais su ce qu'il s'était passé ensuite, parce qu'il y avait de l'adrénaline dans mon sang. Personne m'en parle, parce qu'il est seul à savoir. « Non. » je crache, alors que je rouvre les yeux, que j'me recule pour me relever, me remettre sur mes jambes et prendre conscience du lieu dans lequel je me trouve. Pour prendre conscience que j'ai mal aux dents à force de pincer les lèvres, à force de serrer la mâchoire. Que j'serre le poing, mais sans force, parce que les médocs dégagent cette sensation. « Il faut que je rentre. J'veux dormir. J'veux juste rentrer chez moi, être avec toi. S'il te plaît, on peut partir ? » j'suis trop doux dans mes paroles. Un putain d'agneau apeuré qui veut pas rester ici, qui contrôle plus ses gestes ni ses pas, qui a besoin de partir. « Ces murs me rendent fous. J'veux pas la camisole. Empêche-les de faire ça et ramène-moi chez moi, s'il te plaît Brooke. » C'est trop fort pour moi. J'veux de l'air, j'veux que ma psy me dise que j'peux partir. Mais elle est partie, elle a fui, comme toutes les autres femmes de ma vie.
Sujet: Re: hope & dope | Brooke Mer 26 Juin 2019 - 6:14
hors jeu : il est d'une mochitude légendaire, pardon
Sacha, il a raison. Entre vous, il y a bien plus qu'une simple relation professionnelle, t'es plus que son assistante. Du moins, tu l'espères peut-être un peu trop fort, si fort qu'il l'entend sans même que t'aies à le dire avec des mots. Et ça t'effraie, ça te fait peur. Putain que t'as peur. T'as jamais ressenti quelque chose de pareil, quelque chose d'aussi fort qu'avec lui. Il pose ses yeux sur toi et tu te sens transposé dans une autre dimension, comme s'il n'existe que lui et toi sur cette terre. Tu te fous des autres, ils ne sont pas pas importants à tex yeux, tu ne les vois plus, y'a que lui qui existe, qui hante tes pensées. Et c'est dangereux. Vous passez vos nuits à baiser, vos journées à vous entraîner, entre les deux t'es pensées ne cessent de divaguer vers lui. Lui et tout son être. Lui et tout ce qu'il te fait ressentir. Toutes ces choses, tu les ressens, toi aussi : le besoin de lui pour respirer, ses yeux qui t'hypnotise, le contact avec sa peau qui te fait frissonner, l'envie de le sentir près de toi encore et toujours. Toutes ces choses, tu les partages avec lui. Et t'es là pour le lui prouver. Parce que la première fois que tu l'as sauvé, cette soirée où il avait désespérément trop bu, tu t'es promis de recommencer, chaque fois qu'il en aurait besoin. Même si ça te tue de le savoir en danger. Ton coeur, il bat vigoureusement dans ta poitrine quand t'imagine à quel point il doit souffrir, quand ses yeux bleus croisent les tiens et que tu y vois la détresse, quand enfin il ose ouvrir la bouche pour se confier, même si tu lui assures qu'il n'est pas obligé, tu sens que c'est parce qu'il le veut, parce qu'il en a besoin, parce qu'il tente de faire bien les choses. Pour toi, pour lui, pour vous. Pour que vous puissiez avancer, ensemble, dans la même direction. Alors il parle, il parle, il parle. Tantôt il emprunte les mots de l'autre, tantôt les siens. Tantôt il fait du sens, tantôt il semble décousu. Et toi tu l'écoutes. Silencieuse, tu l'écoutes alors qu'il caresse la peau de ton visage, qu'il le déchiffre comme s'il avait besoin de le garder en mémoire de peur que tu t'enfuies à la suite de ses aveux. Aveux qu'il commence en précisant ce qu'il est quand t'es absente, quand il ne peut pas voir le roux de tes cheveux dans son champ de vision, quand il doit imaginer ton corps plutôt que de pouvoir le toucher, le caresser comme il sait si bien le faire. C'est pas l'endroit, ni le moment, mais à l'instant où ses doigts glissent contre ta peau, tu te fiches d'être entre les quatre murs de l'hosto, ton corps frissonne à l'envie qu'il te touche encore, qu'il ne se sente plus jamais vide sans toi. Je peux te promettre de ne jamais te quitter, si ça peut t'aider à te sentir remplit. Tu esquisses un sourire malin sur tes lèvres rougies de baume à lèvres, la chaleur de son aveu qui réchauffe tout ton corps. C'est lâche, cette fausse promesse, tu sais que tu ne peux pas lui certifier que tu ne le quitteras jamais, t'es pas capable de faire ce genre d'engagement, tu l'as jamais fait. Pourtant, une voix dans ton esprit te dicte tes paroles, essaie de te faire comprendre que cette fois, ce ne sera pas comme les autres, qu'il y a quelque chose de plus à ce qui nait en toi, pas que l'envie de partager des nuits vives et torrides, pas que l'envie de résorber ses fantasmes brûlants. Une voix tente de te convaincre qu'avec lui, ce sera différent. Qu'il ne lèvera pas la main sur toi, qui ne haussera pas la voix, qu'il ne te trompera pas, qu'il ne te fera pas du mal par pur plaisir. Foutaise que ta tête crie. Mais tu l'entends pas. T'entends juste ton coeur, ton coeur qui lui veut y croire. Il te fera mal, ça oui. Il se délectera de te voir souffrir et même s'il n'ose pas te toucher, de peur que tu te défendes, de peur que tu te retournes contre lui, il trouvera le moyen de te faire subir ses supplices. Comme tous les autres hommes de ta vie, comme tous ceux qui sont passés dans ton lit. Et pourtant, pourtant, t'acceptes de le soutenir, de ne pas l'abandonner, naïvement t'acceptes de succomber à ses implorations. Parce que tu l'aimes. Putain que tu l'aimes. T'oses pas encore l'avouer, mais qu'est-ce que tu l'aimes. Comme jamais t'as aimé, comme jamais t'as ressenti ce genre de sensations. Tu l'aimes et c'est tout ce qui compte. Tant pis pour le mal, tant pis pour la souffrance. Demain, t'aviseras les blessures que ton coeur succombera. Demain, tu guériras les plaies qu'il ouvrira. Tu lui demandes de t'apprendre, de te montrer la voie que tu dois emprunter pour lui venir en aide. Heureux, son visage s'illumine alors qu'il te jure de t'aider à l'aider, même s'il est aussi perdu que toi. Mais être perdu à deux, c'est mieux qu'être seul, c'est mieux qu'être isolé. Le premier pas pour l'aider, c'est de comprendre ce qu'il vit, exactement. Pourquoi il se sent comment ça, Sacha, pourquoi il agit ainsi, pourquoi il a besoin d'aide, qu'est-ce qui l'a rendu malade. Tous ces questionnements que tu tentes de résoudre, d'élucider et qui semblent tous avoir le même dénominateur commun. Son père, le démon de ses nuits, le Kheinov qui a lancé la machine, celui dont Sacha te parle, des bribes de confessions qui ne mènent à rien de réel, rien de concret. Toi, tu comprends pas les demi-mots. Faut que tu devines au travers des parcelles de son histoire qu'il veut bien te donner. Mais il te manque des éléments pour assembler le puzzle de sa vie, pour recoller les fragments de son âme déchue. Débris qu'il te refuse, d'un non sec, clair, sans sous-entendu. Il se lève d'un bon, te forçant à arrêter les caresses que tu lui livrais. Il force la distance entre vous, l'écart de son corps au tien, hérissant des barrières entre vous. Des barrières que lui seul pourra détruire. Tu le regardes s'éloigner, la brume dans tes yeux, l'océan qui s'en empare préparant une tempête. Dos à toi, il serre le poing. Sa voix est calme, mais son corps est crispé. Il manifeste l'envie de partir d'ici, de retrouver le chemin vers son lit, de rentrer à la maison. Qu'est-ce que t'aimerais lui dire oui. Mais tes pas maître ici. C'est pas toi qui décides. Il le sait. Il le sait bien, pourtant. Il sait comment ça fonctionne. Que c'est pas toi qui peux le faire sortir de là. Qu'il doit travailler, qu'il doit prouver à sa psy qu'il est prêt. À présent, t'as la trouille de parler, de lui déplaire e avouant que t'es impuissante. Sacha..., souffles-tu presque comme un murmure alors que tu te lèves à ton tour pour t'approcher de lui. Timidement, tu prends sa main, celle dont le poing est fermé, tentant de le détendre un peu. Tu t'empares ensuite de son visage, que tu enveloppes de tes doigts fins, caressant du bout de ton pouce sa joue durcie par sa mâchoire serrée. Tu viens poser ton front contre le sien, ton souffles se mêle au sien, ton corps le frôle dans une danse périlleuse qui, tu espères, l'apaise un peu, ce que tes paroles ne feront pas. J'peux pas, Sacha, avoues-tu en jouant avec ses lèvres, du bout de tes doigts. J'aimerais, mais je peux pas. Et tu le sais. Il voudra te repousser, tu le sens. Il voudra plus de toi, parce que tu ne peux lui donner ce dont il a envie. Il te faut son accord à elle, ajoutes-tu en désignant la professionnelle qui s'est éclipsée de la pièce, mais j'crois pas qu'elle te le donnera si t'assumes pas de te confier réellement à moi. Tu laisses tes mains glisser sur son visage, vaquer à son cou où tu caresses les pointes de ses tatouages jusqu'à retrouver le chemin vers son coeur, coeur de glace à présent, coeur qui s'est fermé quand t'as risqué de lui parler de son père. Parle-moi de lui, t'aventures-tu à nouveau. Tu prends sa main et tu la mets sur ton corps pour que vos deux organes battent en symphonie, en symbiose, l'un alimenter par l'autre. T'entends mon coeur ? Demandes-tu en pressant encore plus sa main contre ta poitrine. T'entends comme il bat pour toi bébé ? Jamais il n'arrêtera. Même si ce que tu as à me dire est horrible. Il ne cessera jamais de battre comme ça, tant que le tien bat aussi, tant que tu me lâches pas. Enfin, tu lui souris. Et tu t'avances vers son visage pour poser tes lèvres contre les siennes dans un chaste baiser, beaucoup plus sage que ceux que vous échangez à l'habitude. Un baiser qui scelle tes promesses, qui les enrobe dans la sincérité de ton discours.
J'ai l'impression de voir de la sincérité dans tes yeux, quand tu me promets ça. Mais j'sais pas si je dois y croire, j'sais pas si c'est juste le fruit de mon imagination. J'ai envie de passer le reste de mes jours à te croire. Tout ça, c'est démesuré. Y'a plus rien de raisonnable, j'sens bien que c'est pas moi. Si j'avais voulu être moi, j't'aurais renvoyé chier, j'aurais voulu que tu t'mordes les doigts d'avoir couché avec moi. Si j'avais été moi, j'aurais pas hésité à t'en foutre une pour que tu t'casses. J't'aurais fait regretter d'être venue me voir. J't'aurais jeté comme je jette n'importe qui. J'en ai envie parfois quand j'pète un câble, parce que j'ai la trouille d'm'attacher. J'arrête pas de dire que ça arrivera pas. Qu'toi et moi, c'est que du vent, qu'on baise et que demain on verra bien comment ça se passe. J'ai pas conscience des choses apparemment. J'me rends pas compte qu'un geste de travers et ce serait fini entre nous. C'pas comme si y'avait grand chose sur papier, mais dans les faits, on sait qu'il y a plus que ça. Moi j'le sens, qu'il y a quelque chose qui me retient de tout foutre en l'air. T'es la dernière assistante. J'avais dit ça pour Pia, j'sais, mais là c'est différent. J'te jure que j'suis sincère, pour une fois. J'veux que tu me promettes que tu te casseras si je dépasse les bornes. Même si j'reviens vers toi, que j'veux que tu reviennes, que j'te supplie. J'suis dans tous mes états tu vois. Une seconde, j'pense que j'ai envie de te sauter dessus, qu'on fasse l'amour, que tu jouisses. La seconde d'après j'veux pas que tu m'approches, j'veux que tu dégages et que tu te trouves quelqu'un. Tout ça pour venir lui démonter la gueule et lui monter que t'es à moi. Et t'en foutre plein la gueule pour que t'aies peur d'aller voir ailleurs la fois d'après. C'est comme ça qu'mon père faisait, j'crois, avec maman. Même si j'veux pas, tu vois, j'suis comme lui. C'pour ça que toi t'es là. Parce que j'sais que t'es pas comme ma mère. T'as plus de cran, t'auras pas peur de m'enfoncer un couteau dans le dos quand j'en aurais trop fait pour que tu me supportes encore. Tu me mérites pas. J'suis trop mauvais pour toi. Toi t'es trop bien pour moi. Je te mérite pas. D'ailleurs, le fait que tu parles de mon père ça m'effraie, j'essaie de te repousser, j'sens que la colère revient dans mon sang. J'te demande juste à partir mais toi tu veux pas que j'parte. T'as pas le droit de choisir depuis quand ? On fait nos propres règles, Brooke, on l'a toujours fait, putain. Tu me gonfles. J'ferme les yeux quand tu m'prends la main, j'respire fort, j'arrive pas à redescendre. T'as dépassé les bornes. Comme toujours. Quand j'rouvre les yeux, j'sens que j'te regarde pas de la même façon. J'résiste, mentalement, à l'envie de te croire. J'veux pas me détendre, parce qu'il y a encore mon père dans mon crâne, là, qui me surveille. Je desserre pas le poing, j'peux pas, j'contrôle pas mes mains là. J'te regarde, j'suis impuissant comme chaque fois. J'ferme les yeux quand tu te rapproches, que ton corps il se colle contre le mien, que ton front quitte pas le mien. Tout ça, c'est trop beau pour que ce soit vrai, pour qu'ce soit moi. J'suis sûr qu'il y a un truc qui cloche, c'est un faux. Comment c'est possible que ça me rende plus calme, tout ça, d'un coup ? Comment tu fais pour que même mes pensées les plus sombres dégagent d'une seconde à l'autre alors que j'faisais tout pour les retenir, pour pas perdre ma dignité ni ma fierté ? J'comprends pas, j'suis perdu, j'ai besoin que tu me donnes les clés pour comprendre. J'serre les dents, parce que tu mêles ma psy à tout ça. Elle me casse les couilles. J'veux pas te le dire. J'veux pas, j'veux pas, et j'le ferais pas. J'sais que t'as raison, que la psy me laissera pas partir tout de suite. « Arrête. » Je souffle quand tu poses ta main sur mon cœur. Tu sais pas combien c'est froid là-dedans. Combien j'ai peur de le laisser fondre pour tes beaux yeux. Arrête de me torturer comme ça, Brooke. Tu sais déjà ce que je vais te répondre. Tu sais déjà que ça changera pas, que j'suis pas prêt. « Non. » J't'en parlerai pas. Peu importe les mots que tu emploies, j'dirais rien. T'aurais peur. Tu voudrais partir et plus revenir. Tu comprendrais que j'suis un monstre, et j'veux pas. Ta promesse, tu la briseras. Alors je dirais rien, à moins d'être complètement torché et encore faudrait me tirer les vers du nez. T'y arrive presque, à m'ensorceler, mais j'suis désolé, c'est plus fort que moi. Tes mots, ils sont beaux. Même si mon visage est impassible, dans le fond, j'suis touché. J'ai envie que tu m'embrasses comme ça, toujours plus. J'passe une main dans tes cheveux, j'te ramène à moi parce que j'peux pas supporter quand t'es loin. J'fronce les sourcils. « J'peux pas te dire. Babe... » J'soupire, j'regarde la pendule, ça va être l'heure pour moi de partir. Ma séance est bientôt finie. « C'est trop. Trop tôt. » je souffle. Et comme un con, moi, j'reviens plonger vers tes lèvres. Je les emprisonne des miennes, j'veux pas que ce soit chaste, j'veux juste faire ça, que tu sois à moi, encore et toujours. Mais y'a la porte derrière moi qui me force à me séparer de toi. A faire un pas en arrière et à me retourner pour voir ma psy. Elle sourit, elle a l'air ravie. Elle me dit que c'est bon, que je peux y aller. Qu'on se reverra pour la prochaine séance, que j'ai fait des progrès, que c'est bien, qu'il faut que je continue. Et puis j'te regarde. J'te prends la main, Brooke, et je t'entraîne avec moi. « Merci. Au revoir. » Je lance à ma psy en quittant les lieux. La porte se referme derrière nous. J'te regarde encore, j'me sens mieux, tu vois. « Viens avec moi. Rentre avec moi. » J'te supplie, j'veux pas partir sans toi, j'ai trop besoin de toi.
T'es sincère. T'es franchement sincère quand tu lui parles, à lui. C'est d'un irréalisme, toi qui, d'habitude, ensorcèles les hommes pour les avoir dans ton lit. Avec lui, t'as pas besoin de jouer. T'as juste besoin de laisser ton coeur te guider. Quand il te supplie presque de lui montrer ta sincérité, t'as envie de dépecer ton coeur, comme on dépèce une volaille, pour lui prouver qu'au fond, y'a que lui, y'en a pas d'autres qui le fait battre. Il a l'emprise totale sur toi, lui et lui seul, tellement que ça te fait mal. Ça te fait mal parce que faut pas t'attacher, pas toi, toi t'es pas capable d'aimer sainement, pas capable de donner en retour, pas capable de vivre normalement. T'as toujours besoin de fuir, de faire mal, de contredire. T'es névrosée. Peut-être même un peu borderline à force de te causer du mal ainsi et de presque en avoir besoin. T'es follement jalouse, juste de l'imaginer avec une autre, ça te rend malade. Comme ce soir-là, au cabaret, où tu l'as vu sortir avec une qui n'était pas toi, une blonde, celles qu'il aime, apparemment, à en croire les messages sur son instagram, il préfère les blondes aux rousses. Ce soir-là, il est parti avec elle, elle et pas toi. T'étais tellement mal, ton coeur s'en voulait d'être aussi sensible face à lui, t'as pas su contrôler ton irritabilité, t'as pas su contrôler ton désir de te venger. Toi aussi, t'es sorti avec un autre, un qui n'était pas lui. Et, pour le coup, t'en étais même pas coupable. Jusqu'à maintenant. Jusqu'à cet après-midi, alors qu'en pleine crise, il t'a réclamé toi et pas une autre, toi et pas la blonde. Et putain que tu l'aimes pour ça. T'as plus envie de jouer, t'as plus envie de cacher des trucs, t'as envie de lui, lui et pas un autre, tout ça parce qu'il a su poser les yeux sur toi quand tu en avais le plus besoin, tout ça parce qu'il a su réveiller en toi pas que la petite fille apeurée qu'on lui fasse du mal si elle daigne s'attacher, mais aussi celle qui a besoin d'aimer. Au travers de vos échanges, tu commences à démystifier ses regards, tu commences à comprendre quand il est bien et quand il est mal, quand il est lui et quand il ne l'est plus. Tu guettes ses yeux, ses pupilles qui te donnent des indices sur son état mental et là tu sais que t'as dit un mot de trop. Tu veux qu'il te parle de son père, t'insistes parce que tu te doutes que c'est une des raisons qui le retient ici, une des choses qui le hantent au point de le retenir entre ces murs, de lui procurer le besoin de se faire soigner. T'insistes et tu refuses de le ramener à la maison, parce que toi, t'as pas ce pouvoir-là. Et même si ça te tue de laisser à cette psy le plaisir de le rendre mieux, même si t'aimerais être la seule femme dans sa vie à lui faire ce genre de bien, tu t'ouvres les yeux, lui laissant comprendre que cette décision, elle ne te revient pas. Elle lui revient à elle, madame la psy. Et qu'elle ne lui donnera pas son congé s'il n'est pas en mesure de s'ouvrir. Du moins, c'est ce que toi tu penses. Mais, en vrai, t'as tout faux. Tu le sais pas encore, mais dans quelques minutes, elle finira par le libérer. Et, donc, ce que tu tentes de faire, là, en le convainquant de se confier, ça ne sert à rien excepter à lui faire péter un câble. Son visage est crispé, les dents serrées, le poing fermé, il a l'air de vouloir t'en foutre une dans la gueule, juste là, sur tes taches de rousseur, y former un bleu pour que tu te souviennes qu'on ne lui dit pas quoi faire, à lui, Sacha, qu'il est libre de faire ce dont il veut. Il a l'air enragé, mais tu t'avances quand même, posant sa main sur ton propre coeur, lui faisant écouter son battement qui témoigne de tout ce que tu éprouves pour lui, sans vraiment le dire avec des mots. Mais il refuse. Non qu'il dit. Tu t'es confiée pour rien, t'as ouvert ton coeur pour rien, pour qu'il te refuse l'accès au sien, sans rien de plus, juste après avoir répondu à ton baiser. Baiser qui te brûle les lèvres, maintenant, tu y passes même tes doigts, comme si tu saignais, juste avant qu'il passe, lui, sa main dans les mèches de tes cheveux. Il sent que tu t'éloignes, il sent que tu t'échappes, il te ramène vers lui parsemé de ses excuses. C'est trop tôt qu'il t'explique. Tu hoches tristement la tête alors qu'il cherche à nouveau le chemin de tes lèvres qui brûlent encore, qui brûlent trop, qui à présent en demandent plus, même si ça te fera mal. Ça n'a rien de chaste, il y a que l'endroit qui refroidit le baiser. Si c'était pas le bureau de la psy, ni l'hôpital, tu lui retirerais tous ses vêtements, un à un, jusqu'à le découvrir à nouveau, nu, pour embrasser chaque parcelle de son coeur, pour faire d'elles tiennes, les marquer à l'encre invisible de ton nom, pour y laisser ton parfum et que plus jamais une autre ne tente d'en effacer ton odeur. Mais la porte s'ouvre derrière, elle grince quand la psy entre, quand elle vous regarde. T'es mal, lui aussi, comme des enfants pris la main dans le sac. Il recule, se sépare de toi, te donne la chance de reprendre ton souffle. Pas pour longtemps, par contre, parce qu'elle lui annonce qu'il peut partir, qu'il a fait du bon travail. Elle le sait comment, d'ailleurs, qu'il a fait des progrès ? Est-ce qu'il y a des micros dans cette salle ? T'as à peine le temps de réfléchir qu'il agrippe ta main et qu'il te traine en dehors, là où tu peux respirer, loin de ces murs blancs, ces murs déprimants, ces murs qui t'étouffent. Et là, tu te rends compte que t'as presque pas parlé, t'as presque rien osé dire, même pas un remerciement à la psy. T'es tellement assommée que t'as oublié comment parler. Tu te tournes vers lui pour voir dans son iris une lueur : c'est lui, le vrai lui, pas l'autre qui le manipule, qui le rend mauvais. Tu lui souris, même si tu sais qu'au fond tu vas le décevoir. Tu serres sa main, fort, pour qu'il sente que t'es là, que t'es pas ailleurs, que t'es avec lui, que t'es à lui, puis tu oses enfin parler, toi qui n'as presque rien dit. Je te raccompagne à la maison, Sacha, j'te laisse pas rentrer seul, commences-tu. La suite, il ne l'appréciera pas. J'te raccompagne, j'te borde, je reste là jusqu'à ce que tu trouves le sommeil, jusqu'à ce que tu t'endormes. Ça sous-entend que tu ne resteras pas, que tu ne seras pas là quand il ouvrira les yeux. Pas que tu veux pas, faut qu'il le comprenne, mais c'est mieux comme ça. Ou pas, t'en sais rien, t'as perdu la raison quand il pose ses yeux sur toi, quand tu vois qu'il panique, qu'il ne veut pas que tu le quittes. Je te cuisine quelque chose avant de te mettre au lit ? Tu cherches à gagner du temps, à éloigner l'heure de votre séparation. Finalement, t'as pas envie de le quitter. C'est l'effet qu'il te fait, il brouille ton cerveau. T'étais convaincue d'avoir pris la bonne décision et, rien qu'en te regardant, là, t'en perds la conviction. Tu soupires, tu ris en baissant les yeux. Clairement, il te prend pour une folle, il ne comprend pas pourquoi tu glousses en t'appuyant contre lui, en cherchant le chemin de son cou pour y lover ta tête et y donner des baisers. T'oses te confier, cette fois, t'oses lui dire ce que tu penses tout bas. Tu me rends folle, Sacha. Quand je pense prendre la bonne décision, tu me fais changer d'avis. J'suis attirée à toi comme un aimant. Tu ne le regardes pas, t'as honte, t'as honte de lui dire tout ça devant le bureau du psy, juste après lui avoir refusé son invitation. J'peux pas être sans toi. Moi aussi, j'suis perdue quand t'es pas là. Mais qu'est-ce qui nous arrive, Sacha, dis-moi ce qui nous arrive. J'comprends pas ce que mon corps essaie de me dire. Tu oses finalement lever la tête pour le regarder, tu souris. J'sais juste que j'ai pas envie de me séparer de toi. Tu viens ?
Cette façon de s'enfuir de là est froide, ça n'a pas de sens. C'est comme si j'étais un autre, qu'on m'avait jeté une malédiction pour pas que j'redevienne chaleureux. J'l'ai été à l'époque. Combien de fois j'l'ai été avec toi, te prenant dans mes bras, caressant tes seins jusqu'à tes cuisses, massant ta chair de la pulpe de mes pouces alors que mes lèvres viennent mêler nos souffles. Ça c'était chaleureux, chaud, ça avait quelque chose de bon pour moi, j'me sentais vivant. Aujourd'hui, j'suis qu'un putain de squelette qui a plus une goutte de sang dans les veines, plus aucun espoir dans la tête. J'veux retrouver ta peau brûlante contre la mienne, j'veux sentir tes cuisses se refermer contre mes hanches comme chaque fois que je te pénétrais parce que j'voulais faire de toi une femme comblée. J'veux que tu sois la seule à qui je puisse faire ressentir ça à jamais, que les autres n'aient plus aucun pouvoir sur moi et sur mon corps. J'veux être à toi, ta chair et ton sang. Et j'veux aussi être le seul à avoir le droit de ne faire qu'un avec toi jusqu'à la fin de mes jours. Pour toi, j'veux tout foutre en l'air. J'suis pas prêt à te balancer tous mes petits secrets, mais j'peux au moins essayer de voir ce que ça fait de n'appartenir qu'à une seule personne sur Terre. C'est toi et moi contre le reste du monde. Toi et moi contre l'univers. Si j'suis le Roi des cons j'veux avoir une Reine à mes côtés et tu le seras. J'ai jamais pensé ça pour personne, on a jamais su m'apprivoiser. J'pouvais pas aimer, j'étais bloqué. En fait, j'crois que j't'ai attendu toute la vie. J'veux croire que le destin existe et que c'est lui qui m'a poussé à te rencontrer pour me sauver des ténèbres dans lesquels j'étais plongé. T'sais, une fois, j'ai été rencontrer une medium parce que j'croyais plus en rien. D'la merde, hein, ce genre de pratique c'est exactement pareil que d'essayer de prier un Dieu qu'existe pas. Mais j'voulais savoir ce qu'elle avait à me dire si j'tirais les cartes. Les seules choses qu'elle a vu pour moi, c'était que le karma me renverrai en pleine face tout ce que j'avais fait subir aux autres. Que trente ans, c'était déjà assez généreux comme vie. Que j'rencontrerai jamais quelqu'un de fait pour moi, parce que j'étais pas prêt. Mais elle s'est trompée, c'était qu'une menteuse, une vendeuse de bonnes illusions qui était sûrement payée par je ne sais qui pour me faire morfler. Elle avait pas vu que tu rentrerais dans ma vie, et j'suis bien contente que sa visions n'ait été que d'la merde. J'pense que trente ans, c'est l'âge auquel j'serais à mon apogée. J'serais invincible, j'serais beau et fort, et j'serais avec toi. Pourra jamais rien m'arriver si t'es là pour moi. « J'veux que tu restes dormir avec moi. » C'est comme si d'un coup la réalité me frappait en plein visage. J'ai la trouille, j'veux pas que tu me laisses. J'veux m'endormir et m'réveiller à tes côtés. Tu sens pas que j'ai besoin de toi ? Qu'à chaque minute je lutte contre mon petit démon pour te mettre la main aux fesses, pour que les gens sachent qu'ils t'auront pas ? Et tu vois pas dans mes yeux que depuis que j't'ai embrassée dans cette salle, j'ai envie de toi ? J'aime pas quand tu me dis ça. J'veux pas que tu m'échappes, j'aime pas quand j'contrôle pas les choses ni les gens. Mais j'te dis rien, parce que j'te respecte, et que si tu veux pas dormir avec moi, j'pourrais pas te forcer à rester. J'hoche la tête, j'ai l'impression d'être redevenu un enfant qui sait plus s'occuper de lui-même tout seul. « Tu cuisinerais pour moi ? » On a jamais cuisiné pour moi. J'devais toujours me démerder, même ma mère elle en a eu marre de me nourrir. J'sais pas cuisiner, les seules choses que je mange c'est du poulet, du riz à la tomate, d'la polenta. C'est triste mais j'connais pas grand chose. C'pour ça que j'ai jamais été fait pour être père. C'pour ça que j'veux pas de ce que la vie veut me donner de ce côté-là. Puis à quoi ça sert de cuisiner, si c'est pour foutre le feu à ma propre cuisine ? C'est déjà arrivé, ça arrivera encore parce que j'sais pas faire. Si, par contre, j'adore démembrer un poulet, pour le couper en lamelles, pour le farcir. J'sais pas pourquoi, c'est une obsession en cuisine. J'veux pas faire juste du poulet balancé dans une poêle, j'veux avoir le plaisir de le déplumer et de retirer ses boyaux. On a hésité à me faire travailler dans une boucherie, mais on s'est dit que finalement j'en arriverais à vendre d'la viande humaine. C'est faux hein, j'ferais jamais ça, j'trouve ça tordu et j'préférerais mourir que de vivre ça. Mais les gens ils aiment les rumeurs. Toi, tu connais pas ces rumeurs, tu vis comme si c'était pas grave. Parfois, j'ai l'impression que quand tu vois du bon en moi, j'peux le voir aussi. Tu m'guéris. D'ailleurs, est-ce que tu sens que mon cœur bat autrement depuis que t'es là ? Mes angoisses elles sont parties. Un jour, j'm'en servirais pour que tu reviennes vers moi si j'vois que tu m'échappes. J'suis comme ça. Me faudra du temps pour arrêter. J'aurais besoin d'un déclic pour comprendre. Mais toi, tu rigoles, tu souris avant de venir dans mes bras. J'suis sonné, j'comprends pas, j'me demande si ça va. J'me penche parce que j'veux caler mes bras dans son dos, et que t'es si petite à côté de moi que j'ai pas le choix si j'veux te laisser mon cou. Et quand j'suis comme ça, j'ai l'impression que mon corps protège le tien. J'suis ta force, j'te protège, du moins c'est ce qu'on pense. En vrai, c'est l'inverse. C'est parce que tu me serres dans tes bras que j'deviens plus grand, plus fort. Et tu me fais sourire comme j'ai jamais souri. J'entraperçois mon visage dans la vitre derrière toi, devant moi. J'me vois. Non, c'pas moi, c'est quelqu'un d'autre. Un mec heureux, et qui est complètement accro à toi. J'réponds à tout ça par un silence, parce que j'sais pas quoi faire. Tes mots, ils sont forts, trop forts. J'me décompose un peu, j'voudrais t'expliquer mais j'sais pas ce qu'il a ton corps. Pour moi, il est parfait, y'a pas de défauts, alors non, j'comprends pas. Mais j'm'en fous parce que quand j'te regarde, tu me fais sourire. Y'a que tes tâches qui me semblent vraies dans ce décor. T'es la couleur, la vie à côté de ce monde terne et gris. T'es mienne, Brooke. « Oui, on y va. » Mes lèvres se posent sur ton nez, et j'me redresse. Cette fois, on quitte l'hôpital, et j'veux plus jamais qu'on y revienne, j'veux plus jamais que tu reviennes m'y chercher.