Voyageuse sans bagage

Tu te réveillais dans un environnement médical dont tu ignorais à peu près tout. On ne te disait rien "pour ton bien". On te demandait simplement ce dont tu te souvenais. Ca n'était pas dur, tu avais tout oublié des vingt dernières années. Tout ce qui s'était passé dans le monde, tout ce qui concernait des connaissances, des relations, des amis, des amours, la famille. Ta vie était une page blanche et ça t'angoissait tellement que tu dormais la plupart du temps, le personnel médical semblait y veiller. Tu passais de nombreux examens et les spécialistes semblaient perplexes.

Plusieurs jours passaient dans cette étrange ambiance médicalisée. On te montrait des photos qui n'éveillaient rien en toi, qui étaient ces personnes ? On préférait ne pas te répondre, toujours dans le but de ne pas te choquer. Entre deux périodes de repos, on te montrait aussi des extraits de musique, de films que tu aurais écoutés et vus mais ça ne te disait toujours rien.

Tu recevais une seule visite, celle d'une dame entre deux ages, d'origine chinoise elle aussi. Elle était triste et disait être ta mère venue de Chine, ça te faisait de la peine de ne pas te souvenir d'elle, alors tu dormais mais au bout d'une semaine, il devenait impératif que tu entretiennes ton corps à nouveau et régulièrement, disaient-ils. Ainsi, tu avais été sportive. Une personne allait venir t'aider à te remettre en forme, une personne que tu avais connue, peut-être que ça éveillerait quelque chose en toi en le revoyant.

Une semaine après que ta vie soit devenue un grand vide source de confusion et d'incompréhension, tu te retrouvais chez toi, à priori c'était chez toi, tout seule ? Pas de mari, pas d'enfant, pas de fiancé, pas de petit ami ? Au masculin ou au féminin ? Personne ne répondait à tes questions, "pour ton bien", encore et toujours. Une antenne médicale restait sur place et t'assistait en cas de besoin. Ce matin là, tu lisais allongée dans un transat près de la piscine. Tu avais l'air d'avoir un train de vie aisé, de ça, tu étais sure. Tu attendais l'arrivée de "l'invité mystère".

Quand il avait appris la nouvelle, Asl avait d'abord cru à une plaisanterie de mauvais goût. On n'était pas le premier avril pourtant. Comment ça, Lin était devenue amnésique ? Comme ça, sans accident ? Rien de visible en tout cas. Il ne voulait pas entendre parler de Mei mais en passant par la famille de son amie, il apprenait que son ex mari avait payé des soins très onéreux à la maison même de la jeune femme, en partie adaptée en centre de soins qui n'aurait rien eu à envier à certains cliniques privées du pays pendant plus d’une semaine. Son amie était à priori entre de bonnes mains mais le néo-zélandais se sentait quelque peu perdu en comprenant la véracité des faits. Lin avait tout oublié, lui y compris et ça lui faisait beaucoup plus de peine qu'il le pensait mais ce n'était pas tout. Lin avait oublié sa famille, ses parents mais surtout son fils et ça, c’était vraiment tragique. Il devait préciser en fait qu'elle avait surtout oublié leur fils, par conséquent Liam restait vivre auprès de lui "pour le moment", ce qui ne semblait pas déranger Ais. Il faut dire qu'il était un amour et qu'il s'entendait très bien avec Sio même si sa mère commençait à lui manquer un peu. Lin en avait trop demandé à son fils pour son jeune âge, enfin, ça ne serait probablement plus pareil maintenant mais le néo-zélandais comprenait hélas que son rejeton ne se roule hystériquement au sol en demandant sa mère et que son visage s’illumine à chaque fois qu’il voyait Ais, ce qui était en un sens particulièrement ironique.

Une semaine s'écoulait durant laquelle Asl faisait semblant. De sourire, de vaquer à ses occupations, de vivre dans l'attente de voir enfin son amie d'enfance, n'en parlant à personne et surtout pas à sa sœur, laquelle détestait Lin et y verrait sûrement un complot. Au bout de huit longues journées, on lui accordait le droit de voir son amie et de la remettre en forme, parce que rester au lit tout de temps l'avait un petit peu affaiblie physiquement. Et moralement ? Personne ne lui répondait.

Quand Aslander arrivait tôt ce matin-là, Lin était déjà levée, portant logiquement un bas de survêtement comme lui et lisant près de la piscine.

"Bonjour Lin."

Disait-il amicalement avant de s’asseoir à coté d'elle. Il n'ajoutait rien, se disant qu'elle allait peut-être le reconnaître même s'il en doutait puisqu'elle n'avait pas reconnu sa propre mère mais quelque part, il aurait aimé y croire mais tout espoir se brisait en lui en découvrant la confusion et l'incompréhension dans le regard de la jeune femme alors il enchaînait.

"Je m’appelle Aslander Callaghan mais tu peux m’appeller Asl. Nous sommes des amis d'enfance."

Le jeune homme réalisait un brin trop tard que Lin ne l’avait jamais appelé ainsi mais c’était fait et ça ne ferait pas de mal de toute façon. Il se voyait mal parler au passé comme si elle était morte, même si sa mémoire semblait morte dans des conditions encore nébuleuses.

"Tu n'as pas du perdre beaucoup en moins de dix jours d'inactivité mais je vais t'aider à retrouver la forme et peut-être quelques "acquis martiaux". Tu lis quel livre ?"

Demandait-il, ne voyant pas le titre sur la couverture de là où il était assis.

Un jeune homme venait te dire bonjour et s'asseoir à coté de toi. C'est bête à dire mais déjà physiquement, ça n'était pas le coup de foudre. Tu découvrais donc que les blonds n'étaient pas spécialement ton type d'homme, c'était un progrès, non ? En tout cas, il avait l'air sympathique, il se présentait et disait que vous étiez des amis d'enfance. Du coup c'était mieux qu'il ne t'attire pas puisque vous étiez amis."Bonjour, je m'appelle Lin mais vous le savez déjà. Je veux dire, tu le sais déjà, puisque nous sommes amis et que nous nous tutoyons. Je suis navrée mais je ne me souviens pas de toi. Je ne me souviens de rien, je dois dire que ça m'angoisse. Ce que je lis ? Je lis ceci."Tu lui montres la couverture du livre : Le voyageur sans bagage. Puis tu le posais à coté de toi."Je le relisais en fait. Je dois dire que je comprends ce que Gaston ressent. Je me sens comme une page blanche. Or, je ne sais pas pourquoi mais je ne suis pas sure du tout de vouloir me souvenir ..."Tu hésitais avant de poursuivre avec un petit sourire."Tu vas m'aider à me remettre en forme ? J'ai un corps assez ferme, j'étais sportive ? On pratiquait un sport ensemble ? Je ne sais rien, personne ne me dit rien."Les larmes te venaient sans que tu puisses y faire quoique ce soit."Pourquoi personne ne me dit rien ? Je voudrais qu'on me parle de ce que j'ai oublié et en même temps, je ne sais pas ... Je me sens perdue, je suis tellement perdue !"Quelques instants plus tard, tu te retrouvais en train de pleurer à chaudes larmes dans les bras du jeune homme.

Lin était en train de lire ce livre et s’identifiait plutôt logiquement au personnage principal, Asl se souvenant des grandes lignes de cette histoire du soldat qui a perdu la mémoire pendant la première guerre mondiale. La fin l’avait surpris à l’époque et même marqué puisqu’il s’en souvenait encore. Pourtant la lecture de ce livre remontait à environ cinq ans. Le jeune homme hochait la tête quand son amie amnésique lui demandait s’il allait la remettre en forme, entre autres questions.

"Oui et ça devrait aller. On pratique les arts martiaux ensemble, c’est pour ça que j’ai évoqué des réflexes martiaux mais chaque chose en son temps."

Les paroles suivantes de la jeune femme étaient pour le moins troublantes, en tout cas elles perturbaient Asl puis elle pleurait et le néo-zélandais la consolait comme il le pouvait avant de sécher ses larmes.

"Il faut que tu sois patiente, tu dois réapprendre ta vie petit à petit sinon le trauma risque de s’aggraver."

En fait, en dehors de sa famille, Lin ne semblait pas connaître grand monde à Bowen. Seule sa mère était venue la voir, devenant ainsi la représentante du reste de la communauté chinoise. Quelque part, les conditions de cette amnésie devaient ranimer leurs peurs superstitieuses et évidemment, Asl ne savait pas que c’était lié aux relations troubles de son amie avec le milieu du crime organisé mais il se posait des questions.

"Si tu te sens d’attaque, on commence l’entraînement par une marche rapide alternée par une course."

C’était le cas, elle était d’attaque. En fait, Lin était beaucoup moins en forme que le jeune homme le pensait et elle faillit ne pas dépasser le stade de l’échauffement. Or, elle montrait un grand courage et une ténacité qu’il lui avait toujours connue en continuant malgré un point de coté et les jambes lourdes. Il lui conseillait d’aller doucement mais elle avait clairement toujours la même volonté de fer maintenant qu’il lui avait expliqué la situation, ce que personne n’avait donc fait. La jeune femme allait récupérer ses forces beaucoup plus vite que prévu mais Asl comptait continuer de l’aider, ne serait-ce que pour voir si elle récupérerait ses connaissances en wing chun ou s’il faudrait tout revoir depuis le début. Il comptait la tester au moment où elle s’y attendrait le moins vu que le cerveau reptilien n’était en principe pas atteint par une amnésie et qu’il était tout à fait possible qu’elle sache toujours se battre sans même se souvenir du nom des techniques qui seraient exécutées instinctivement.

Ton ami d'enfance était le premier à t' expliquer un petit peu la situation, ça te rassurait et vous commenciez l'échauffement. Finalement, tu te retrouvais essoufflée rapidement et même avec un point de coté mais tu avais de la volonté à revendre de toute évidence et tu continuais, te sentant mieux ensuite, bien mieux. Ca c'était pour l'entraînement purement physique mais tu te posais néanmoins des questions sur ces arts martiaux que vous aviez pratiqué ensemble."Montre-moi les mouvements de base du wing chun, s'il-te-plait."Il le faisait et les gestes te revenaient très vite, tu ignorais leurs noms, tu les découvrais mais les exécuter te semblait aussi naturel que de respirer. D'ailleurs, même ta façon de respirer semblait optimale, martiale. Du coup, vous passiez à des techniques plus élaborées et vous enchaîniez donc les mouvements jusqu'à ce que tu te sentes agréablement lasse après cette dépense d'énergie que tu trouvais stimulante. Tu voyais alors du coin de l’œil une jeune femme marcher dans votre direction, ce que ton ami te confirmait juste après. Tu percevais alors un mouvement brusque venu du flanc  gauche et l'instant d'après, Aslander chancelait sous l'impact de ton direct que tu venais de lui assénais tout en déviant son attaque surprise."Je ne pensais pas pouvoir accomplir une telle action mais toi oui de toute évidence. Ca doit faire longtemps qu'on pratique cet art martial."C'était étrange mais tu ne lui en voulais pas pour ce geste, vous étiez deux combattants et quelque part, il respectait en quelque sorte ton esprit guerrier. Il te répondait en se massant la joue endolorie mais tu n'avais pas tapé fort, il ne devrait pas avoir de bleu. Ca faisait donc tant de temps que ça. Effectivement, si tu t'entraînais très régulièrement, tu devais être douée et peut-être que ton champs martial était plus étendu que ça. Tu regardais la jeune femme arriver devant vous et tu étais intriguée par son air de famille avec Aslander mais tu n'en disais rien, au cas où ça ne soit pas le cas. Ton ami d'enfance l'appelait "Ais" et tu soupçonnais qu'il s'agissait d'un diminutif comme Aslander et Asl."Il n'y a que dans les films que l'amnésique retrouve brusquement la mémoire en se battant."Commentais-tu quand Aslander faisait référence à ton cerveau reptilien intact avant d’enchaîner pour la blonde."Bonjour et bienvenue, je m'appelle Lin."Lui disais-tu en inclinant la tête poliment vers cette jeune femme dont le visage ne te disait rien non plus mais ça n'était hélas pas une surprise.

Les explications rassuraient la jeune femme et Asl se demandait pourquoi on la maintenait dans une telle ignorance. La théorie du risque de trauma lui semblait plutôt incohérente mais il n'était pas un spécialiste du cerveau après tout. Il était tout de même satisfait d'avoir calmé son amie par ces paroles. Après l’échauffement, le néo-zélandais avait donc montré les premiers mouvements de wing chun suivis d'autres plus complexes à Lin qui ne se souvenait d'aucun nom de technique mais qui les exécutait avec une grande facilité et surtout avec encore plus d'habileté que par le passé, ce qui était vraiment étonnant.

"Tu récupères vite, c'est très bien, il faudra voir ton degré de perception et de réactivité face à une attaque surprise."

Ce qui le perturbait indubitablement le plus, c'est que la jeune femme semblait suivre une voie du wing chun que son père et elle s'étaient toujours refusés à suivre, la voie dite de Yip Man, celle qui devait inspirer la philosophie d'un certain artiste martial mort beaucoup trop jeune.

"Tu as de la visite."

Asl avait dit cela mais c'était de toute évidence inutile puisque son amie avait déjà repérée Ais qui venait dans leur direction. Il ne pensait pas qu'elle viendrait en fait et se demandait si sa frangine en profiterait pour régler ses comptes avec Lin mais ce serait déplacé contre une amnésique et il doutait qu'elle en arrive là. En tout cas, son arrivée lui donnait l'occasion de placer une attaque sous la forme d'un direct dans l'angle mort de la jeune femme. Puis il manquait de tomber sous l'impact et ressentait une douleur à la joue. Lin venait de le frapper tout en déviant son coup, ce qui était exactement l'essence du jeet kune do. Ca ne signifiait qu'une chose, son amie avait adhéré à cette philosophie sans le lui dire mais comme c'était aussi son cas ...

"Te voilà frangine. Le cerveau reptilien de Lin est plus alerte que jamais, si ce coup avait été appuyé, elle m'aurait assommé. Voici Aisling, ma grande sœur, on l'appelle Ais."

Lin faisait alors une réflexion plutôt pertinente sur certains films avant de se présenter sans doute par réflexe à Ais mais Asl comprenait qu'elle ne se souvenait pas non plus de la néo-zélandaise.

"L'entraînement est terminé, on pourrait peut-être piquer une tête dans la piscine et boire quelque chose de frais en discutant amicalement."

Concluait-il pour le moment en regardant Ais en dissimulant de son mieux son inquiétude derrière un sourire jovial. Il avait conseillé à sa grande sœur de prendre de quoi se baigner si elle passait aujourd'hui mais bien sur il ne lui aurait rien imposé. C'était la différence fondamentale entre proposer et imposer.

Ton ami d'enfance t'aidait à te remettre physiquement mais tu sentais qu'Aslander ne ferait rien pour apaiser tes doutes, qu'il suivrait ainsi les conseils des médecins parce qu'il n'y avait aucune obligation à te parler de ton passé. Tu avais l'impression qu'il respectait trop les règles pour songer à ne pas les suivre, même si ça t'aiderait à te sentir mieux mais il ne semblait pas en avoir conscience … Venait alors cette jeune femme qui avait effectivement un air de famille flagrant avec ton ami, lequel te la présentait. Elle s'appelait donc Aisling et était sa sœur aînée. Tu l'écoutais et tu étais surprise par son franc parlé. Sa franchise te changeait agréablement de tous ceux qui t'entouraient depuis ton réveil dans cet état de perdition. Tu souriais donc et envoyait une tape amicale à l'épaule d'Aslander."Ta sœur est plus franche que toi, tu devrais t'en inspirer."Puis pour les deux jeunes gens."Il y a des boissons fraîches à la piscine, venez donc vous installer, nous seront plus à l'aise pour discuter."Là, tu prenais place sur un des transats et t'adressais à Aisling."Je redoute en effet de ne pas aimer la vérité mais je n'en peux plus de rester ainsi dans l'ignorance."Tu ne mentionnais pas le fait que la jeune femme t'accusait de mentir, ce qui n'aurait pas tenu la route face à tous les examens que tu avais passés. Les experts savaient que ta mémoire avait été affectée, le problème, c'est qu'ils ne comprenaient pas comment ça c'était produit et puis tu ne voyais pas pourquoi tu mentirais. Tu buvais un peu de la limonade avant de regarder autour de toi."Je suis visiblement riche, est-ce que j'étais généreuse avec mes amis, est-ce que j'étais avare ? Est-ce que je vis seule ? Est-ce que je suis mariée ? Ai-je des enfants ? Ai-je un mari, suis-je toujours mariée ? Ai-je eu plusieurs maris ? Les aurais-je épousés uniquement par cupidité ? Est-ce que ton mari t'aurait trompée avec moi ?"Tu devinais que tu avais fait du mal à cette jeune femme mais tu ne voyais évidemment pas quoi. Tu te sentais un peu rougir en concluant ainsi."J'espère que je ne t'ai pas draguée parce que je dois dire que tu es très belle. Par contre, je te rassure, Aslander, je ne ressens absolument aucune attirance pour toi."Voila qui devrait lui faire plaisir, vous êtes des amis d'enfance après tout.

La seule chose qu’Ais devait trouver pénible chez Liam, c’était le fait qu’il appelle trop souvent Asl papa. Sinon c’était un enfant adorable, discipliné, en fait trop obéissant, ayant toujours peur d’être grondé au moindre "pas de travers", un des défauts de Lin qui ne pouvait qu’énerver Ais et il s’entendait bien avec Sio qu’on aurait presque pu le considérer comme son frère. C’était de fait la faute du néo-zélandais qui n’avait pas pu le dire à sa sœur, en sachant le genre d’effet que ça pourrait avoir sur elle. Or, il allait devoir se lancer parce que sa frangine semblait persuadée que son amie d’enfance était une simulatrice. Franchement, et même s’il n’était pas futé, Asl en doutait. Lin lui tapait alors l’épaule amicalement, le genre de geste qu’elle n’avait jamais eu pour lui. En fait, elle l’avait toujours mis dans le rôle de l’amoureux mais il n’en avait presque jamais eu conscience. Asl était encore plus perplexe quand il buvaient une limonade au bord de la piscine, le jeune homme trempant seulement les lèvres dans son verre pour sa part. Lin n’aurait jamais eu une telle réaction envers Ais, d’abord en considérant comme une bonne chose qu’elle lui dise la vérité même si elle ne semblait pas bonne à entendre, et ensuite en la flattant carrément.

"Hein ... Quoi ?"

Il faillit avaler de travers le peu de limonade qu’il était en train de boire quand Lin disait à Ais qu’elle était belle. Bien sur que sa grande sœur était une jeune femme de toute beauté mais que ces mots-là sortent de la bouche de son amie d’enfance semblait irréel. Lin aurait préféré certainement mourir que d’avoir une telle bouche. La suite l’étonnait aussi mais sa première réaction couvrait en quelque sorte la suite. La jeune femme lui disait qu’elle n’était pas attirée par lui et là, Asl avait la certitude que son amie avait vraiment perdu la mémoire. Elle n’avait pas la même attitude avec lui et surtout, il y avait quelque chose de définitivement disparu dans son regard. C’était une chose qu’il avait vu dans le regard de Lena et toujours chez la chinoise, une lueur qu’il n’avait pu identifier et sur lequel il pouvait mettre un nom maintenant qu’elle avait totalement disparu : L’amour. Toutes les pièces du puzzle s’imbriquaient alors avec une facilité alors et Asl comprenait que c’était Lin qui avait piégé Mei avant que cette dernière révèle la vérité sur Liam.

"Je ne sais pas ce que Ais veut te dire et je vais la laisser commencer. Ce que je risque de te dire ensuite ne te plaira pas non plus mais tu as raison, on ne peut pas te laisser ainsi dans l’ignorance parce qu’il ne fait aucun doute que tu as perdu la mémoire, probablement pour toujours."

Il concluait en regardant sa sœur avec gravité et en secouant très légèrement la tête de droite à gauche comme pour lui faire comprendre de ne pas pousser sur la thèse du mensonge, au moins jusqu'à ce qu’il se soit exprimé après Ais.

La sœur d'Aslander ne t'aimait pas mais tu l'écoutais attentivement parce qu'elle était au final la seule à te parler vraiment. Les autres pensaient que tu étais trop fragile, que tu risquerais une rupture d'anévrisme en apprenant ton passé ? Ainsi, tu en voulais un peu à Aslander de ne pas voir vraiment communiqué avec toi. L'Enfer est pavé de bonne intentions. Tu étais surprise par les révélations d'Aisling. Qu'aurais tu cherché à acheter à Aslander en lui offrant une voiture et une moto ? De toute évidence, tu n'avais été généreuse qu'avec lui. Elle disait ensuite que tu aurais un fils, un mari et tu ne comprenais pas la suite. Un infirmier venait alors dans le but de parler à Aisling. Tu te doutais qu'il allait lui demander de partir aussi tu lui parlais avant en chinois, lui ordonnant de garder le silence, de ne plus rien lui cacher et de lui faire parvenir le rapport médical te concernant, tout de suite. Il s’exécutait aussitôt et tu reposais ton verre de soda."Je dois dire que je redoutais d'entendre ce genre de paroles mais tu m'as ouvert les yeux. Je dois savoir. Je devine que nous ne sommes pas amies mais merci pour ta franchise. Néanmoins ..."Tu réfléchissais quelques instants avant de reprendre la parole."Je suis surprise que tu me parles d'un fils. En effet, j'ai surpris une conversation vu que les experts ont largement étendu leurs recherches pour découvrir la ou les raisons de mon amnésie. Ils pensaient que je dormais. Je les ai entendus dire que j'étais stérile. Ils avaient l'air très embêtés et je commence à comprendre pourquoi."Disais-tu sur un ton intrigué mais pas spécialement triste parce que tu n'as pas du tout la fibre maternelle, tu le ressens ainsi depuis ton réveil sans le moindre souvenir de ta vie passée en tout cas."Quel âge a cet enfant ? Je dirais qu'il ne doit guère être âgé."

Asl buvait de l’eau pour sa part, il n’aimait pas trop boire gazeux pendant et juste après l’effort. Les paroles d’Ais l’amenaient à soupirer en contemplant son verre d’eau comme si c’était une des sept merveilles du monde. Sa sœur était toujours persuadée que Lin faisait semblant d’avoir perdu la mémoire et rien ne semblait pouvoir la faire changer d’avis. Sa haine contre la jeune femme avait conduit à cet aveuglement total et son jeune frère ne pouvait lui reprocher quoi que ce soit. Il soupirait simplement à nouveau quand sa frangine prétendait qu’il fallait lui demander les raisons du mariage de son amie.

"Je ne sais pas pourquoi elle s’est mariée et je n’ai pas été invité au mariage."

C’était vrai en plus, il n’avait pas été invité au mariage.

"Lin, avant ton amnésie, tu as rencontré le chéri d’Ais et vous avez sympathisé. J’y ai réfléchi après les derniers événements dont celui où tu as porté des accusations graves contre Mei et je commence à me dire que ce n’était peut-être pas une coïncidence, mais c’est difficile de te reprocher quelque chose que tu as totalement oublié."

Lin commentait alors les paroles d’Ais sur Liam d’une façon qui mettait très mal à l’aise le jeune homme. Comment ça, elle serait stérile ? Pourtant, il avait vu une photo d’elle au mariage, elle semblait enceinte. Etait-ce une ruse de l’ancienne Lin ? Dans ce cas, aurait-elle poussé le subterfuge jusqu’à créer de fausses preuves contre Mei ? Du coup, qui étaient les vrais parents de Liam ?

"Tu as l’air de bien prendre cette nouvelle. Franchement, je ne sais pas si on peut rester amis et je me demande si ça te dérangerait qu’on ne le soit plus."

Ceci dit, le néo-zélandais regardait alors Ais.

"Je crois que ce point n’aurait pas été abordé si tu n’avais pas été là, pourtant il n’est pas bénin du tout. Quel choc de se dire qu’une mère penserait avoir perdu son enfant et ce serait Liam ..."

Ca avait aussi des conséquences pour lui et pas des moindres, ça signifiait que Liam ne serait pas son fils en fin de compte. Evidemment, il ne pouvait pas parler de ça mais c’était un autre choc et Asl se sentait ko pour ainsi dire. Il avait une expression très grave que sa grande sœur ne lui avait probablement jamais connue, sa respiration était devenue un peu saccadée et il chancelait un peu sur place, clignant sans arrêt des yeux comme s’il avait du mal à remettre ses idées en place. C’était d’ailleurs le cas.

"Il faut que je m’assoie."

Sauf qu’il était déjà assis.

Tu observais Aslander et Aisling avec amusement en fin de compte. Le jeune homme était de toute évidence déstabilisé par tes paroles, ce qui te ravissait. Ainsi, tu te découvrais une nature sadique qui te plaisait beaucoup. Juste amis … De toute évidence, tu avais manipulé ton petit monde il y a quelques années de cela et le kiwi pensait qu’il était le père de cet enfant dont tu ignorais tout jusqu’ici. Tu soupirais d’ennui en entendant les jacasseries d’Aisling, tu préférais parler en connaissance de cause pour ta part, pas dans le vent comme cette blondasse insipide. Tu recevais alors un rapport concis, sans termes médicaux incompréhensibles, ça valait mieux pour eux. Un sourire carnassier naissait sur tes lèvres en le lisant."Tu te trompes, des analyses montrent clairement que je ne peux pas enfanter depuis toujours. Je dois dire que c’est un soulagement. Je n’ai absolument pas la fibre maternelle. Cet enfant va donc rejoindre son père qui l’aime beaucoup, mon ex mari je veux dire."Tu parlais à ton employé en chinois, lequel te répondait après quelques instants d’hésitation, ce qui t’irritait fortement mais heureusement pour lui, sa réponse allait dans ton sens et tu la traduisais pour tes invités."C’est réglé. Un représentant légal de mon ex mari passera le prendre chez vous demain matin, puis je rentrerai le jour même. Je suis sure que la raison de mon amnésie y sera découverte."Disais-tu en te grattant le poignet après avoir lu une découverte de dernière minute en fin de rapport. Un implant, tiens donc. C’était très suspect, ça. Tu avais été manifestement "pucée" et tu le faisais retirer dès ton retour au pays parce que tu ne faisais pas partie du bétail humain mais de l’élite."Vous devriez rentrer."Il s’était demandé si ça te dérangerait si vous n’étiez plus amis, ce à quoi tu n’avais pas daigné répondre tant ça t’indifférait.[b]"Aisling, je ne sais pas quel mal je t’ai fait et tu m’en vois navrée."C’était bien sur ironique et la vache blonde comprendrai au ton de ta voix. De fait, l’invitation à t’accompagner ne la désignait pas mais là encore, elle le comprendrait aisément."En tout cas, ta franchise aura été rafraîchissante, je n’en dirais pas autant de toi, Aslander. Quels qu’aient été nos rapports par le passé, je ne désire pas conserver cette amitié dont tu parles. Maintenant, j’ai des affaires à régler d’ici mon départ. Vous connaissez la sortie, adieu donc."Tu te retirais donc, t’habillais et donnais des directives claires à ton personnel pour déménager tes affaires par le vol du lendemain. Tu n’avais pas envie de voir cet enfant et tu ne le verrais à aucun moment de toute façon. Dans la journée, ton ex mari te donnait l’équivalent de la valeur de la propriété sur un de tes comptes en banque déjà bien fournis mais l’argent va à l’argent, comme on dit. Tu retournais donc vivre définitivement en Chine, y découvrais les raisons de ton amnésie qui au final avait révélé ta vraie nature et passais donc un accord commercial à ton avantage avec les protagonistes de ta perte de mémoire. Ils y perdaient largement dans l’affaire mais comme ils avaient en quelque sorte éveillé ton esprit, tu estimais qu’ils s’en sortaient à bon compte au final.

(RP terminé pour ma part, merci ! )

Aslander était choqué par les paroles de Lin, par les conséquences de ces révélations et il n’arrivait pas à répondre vraiment à sa grande sœur.

"Je ne sais pas, peut-être."

Puis Lin leur assénait les faits sur sa stérilité et que Liam allait rejoindre son père en Chine. Il prenait le rapport des mains de la jeune femme et passait directement au passage concernant l'enfant. Les analyses étaient formelles, l'ex de Lin était le père biologique de Liam. Sa mère serait morte un mois après sa naissance, peu de temps avant le mariage de Lin. Dans ce cas, il était normal qu'il récupère son fils ... Le néo-zélandais regardait Lin avec une colère froide grandissante, comme s’il la voyait pour la première fois, ce qui était le cas quelque part. Tout ça signifiait que son "amie" lui avait tout le temps menti avant de subir cette amnésie.

"Ton indifférence me fait froid dans le dos, Lin, j’ai toujours pensé qu’Ais éprouvait une hostilité irrationnelle envers toi mais je me dis à présent que c’était non seulement justifié mais encore beaucoup trop loin de la réalité."

Elle s’en moquait, son "amie" n’avait que faire de lui. D’ailleurs, ses paroles suivantes le prouvaient largement.

"Je ne voulais pas te brusquer mais toi tu ne ménages visiblement personne, seule ta petite personne compte au final. On ferait mieux de partir effectivement. Adieu, amie."

Asl marquait bien ce dernier mot, en rendant le sens ironique du coup. Lin ne se souciait déjà plus d'eux mais elle ne s’était jamais souciée de personne en fait. L’amnésie semblait avoir fait ressortir sa vraie personnalité et le jeune homme s’en voulait d’avoir été crédule pendant tout ce temps, heureusement sa sœur était là pour lui comme il était là pour elle. Aussi une fois hors de la propriété, le néo-zélandais la serrait-il affectueusement dans ses bras.

"Merci. Dire que je ne reverrai plus Liam, c’est peut-être bête mais il va me manquer. Je l’aime bien, ce petit. Une page se tourne comme on dit ... Rentrons."

C’était ça au fond qui le rendait vraiment triste. En principe, Ais ne pourrait pas comprendre l’étendue de son chagrin et elle ne devrait pas pouvoir deviner qu’Asl avait cru être le père de Liam, aussi perspicace, aussi fine psychologue soit-elle.