i know i'd go back to you (belmo)

Les yeux brillants, Bella l’avait simplement regardé, et écouté lui énumérer tout ce qui faisait d’elle la personne extraordinaire qu’elle était. C’était facile, face à une femme comme elle. Les mots lui venaient tellement facilement. C’était encore plus facile quand il avait eu nuits et jours pour songer à toutes les raisons qui le faisaient toujours un peu plus tomber pour elle. Mais ça, Bella ne pouvait pas le savoir, elle ne devait même pas le deviner, et pour cette raison, Elmo ajouta une blague à la fin de son monologue, un peu pour casser la douceur du moment. Surtout pour la faire rire. Entendre ce rire cristallin, voir ce visage fatigué s’illuminer à nouveau. Retrouver la Bella de cette soirée-là, avant que le ciel ne leur tombe sur la tête. Avant qu’ils ne s’entortillent dans les barbelés d’un amour impossible. « Oui, oui, tu as effectivement un teint tellement plus lumineux ! » Dit-il en riant. C’était pourtant le contraire, actuellement, Bella avait un teint plutôt livide, et pour la simple mais bonne raison qu’elle était malade et faible. Elle n’en était cependant pas moins belle. Lorsqu’elle le remercia en lui serrant la main, Elmo en fit de même, un sourire aux lèvres. « Toujours. » Oui, toujours. S’il était toujours là pour la faire souffrir bien malgré lui, il serait au moins aussi là pour lui faire du bien lorsqu’il le pouvait. Rétablir l’équilibre de cette relation qui glissait sur une dangereuse pente. Redresser leurs regards vers l’horizon, même s’ils ne s’autorisaient peut-être pas encore à regarder dans la même direction. « Bien sûr que j’doute, Bella. J’doute de tout. J’y peux rien. Parce que d’un côté comme de l’autre j’ai l’impression de passer à côté de quelque chose. » Il marqua une pause. « À côté de quelque chose qui pourrait être gros, et beau. » Il parlait d’eux, bien sûr. De cet amour qu’ils auraient pu vivre au grand jour si seulement ils ne s’étaient pas retrouvés au milieu de tous ces regards, de tous ces jugements, de ces histoires de cœur emmêlés les uns avec les autres. Les nœuds étaient tirés trop serrés, ils ne pouvaient s’en sortir. « Mais si c’est pour que tu puisses aller mieux, alors cessons, Bella, cessons pour de bon. De jouer à ce petit jeu. J’sais pas combien de fois on s’est dit qu’on arrêtait, qu’on n’allait pas plus loin, et pourtant on revient toujours à ça. À vouloir revenir sur notre décision, à essayer de trouver une autre issue possible. La solution est pourtant bien simple. On arrête. C’est tout. » C’est tout, c’était plus facile à dire qu’à exécuter, dans les circonstances. Mais ils n’avaient pas le choix. Et si ça rendait Bella malade à ce point, que la roue tourne encore et encore dans sa tête, à penser et à repenser aux récents événements, alors Elmo voulait que ça arrête. Il mettrait tous les bâtons possibles dans cette roue, s’il le fallait. Pour qu’elle aille mieux. Pour qu’elle aille bien. Et lui aussi, un jour, peut-être. Et Milo. Et tous ceux qu’ils avaient pu blesser, les dommages collatéraux. Alors, comme une vaine tentative de repartir sur une amitié banale et normale, sans prise de tête et sans querelle, ils établirent une liste de sujets tabous. « That will be all … for now. » Il esquissa un sourire. Ils étaient tellement doués pour se disputer qu’il n’avait aucune idée de quel autre sujet pourrait devenir épineux pour eux. Mais le plus difficile de tous, c’était justement eux, le sujet du eux impossible. « Et tu feras pareil, Bella. T’as déjà ton harem et tu ne le remarques peut-être même pas mais t’auras qu’à ouvrir les yeux et ils seront tous là à t’attendre. T’auras l’embarras du choix. » Il sourit. Ils se mentaient ouvertement, tous les deux, à eux-mêmes et à l’autre. Mais peut-être qu’à force de croire au mensonge, il deviendrait une vérité, qui sait. Lorsque Bella se décala dans son lit d’hôpital pour l’inviter à s’allonger à ses côtés, Elmo soupira imperceptiblement, puis secoua doucement la tête de gauche à droite. « That’s not how it works, you know it. » Ce qu’ils venaient de se dire, ce qu’ils avaient convenu. Il esquissa un faible sourire, triste et désolé. « Je devrais rentrer, Bella. » Dit-il en se levant, même. « J’ai mon téléphone sur moi, si tu t’ennuies et que t’as envie de parler. » Au moins, leurs corps ne se réclameraient pas autant qu’en ce moment. Au moins, la tentation serait un peu plus loin. Mais il serait quand même là pour elle.

Parmi toutes ces choses qui faisaient mal de devoir se séparer d'Elmo, il y avait aussi de réaliser comment il la voyait réellement, Bella. Jamais elle ne s'était posé la question, parce qu'ils n’avaient été que, jusqu'à tout récemment, des amis. Et ce genre d'amitié là, on ne la questionne pas. On ne l'analyse pas. Elle n'irait pas à dire que cette relation avait été superficielle, mais elle était de surface, oui, un peu, jusqu'à ce que la réalité les frappe. La dure et cruelle réalité. S'ils s'étaient cachés derrière cette amitié de surface, c'était pour cacher qu'au fond, depuis bien plus longtemps, ils auraient pu tomber l'un pour l'autre et causer tout ce mal autour d'eux bien avant. D'entendre toutes ces petites choses qui caractérisaient Bella au travers de ses yeux à lui, à un Elmo vulnérable, ça lui retournait le coeur à la Costaricaine. Qu'est-ce que ça lui retournait le coeur. Probablement à lui aussi, ce qu'il démontra par l'ajout d'une blague à la fin de son discours, blague qui servait à ne pas trop les laisser s'emporter dans les déclarations. Elle était touchée Bella, visiblement il pouvait le voir, mais elle ne dénota que sa blague, pour éviter de créer encore plus de malaise qu'ils en avaient eu au courant de cette courte, mais si chère, visite. Je trouve aussi, commenta-t-elle à la réplique d'Elmo alors qu'ils savaient tous les deux qu'elle avait une sale mine. Elle était horrible dans cette chemise d'hôpital, encore plus parce qu'elle était mal en point. Elle ne comprenait même pas comment il pouvait encore poser ces doux yeux sur elle. Elle, elle se répugnait. Et pas que physiquement. Mentalement aussi, de s'être rendue ici, d'une part, mais aussi d'avoir infligé le mal autour d'elle. Elmo s'était inquiété. Peut-être que leurs disputes d'aujourd'hui étaient une habitude pour eux, mais elle contenait aussi toute cette peur de l'avoir découvert ici, dans ce lit froid d'hôpital auquel il apportait sa propre chaleur. Mais une fois que ces querelles semblèrent s'apaiser un peu, une fois que ces disputes devinrent plus calmes, elles laissèrent place à la douleur, la douleur et l'amertume. Bella se confia sur sa vision des doutes, qu'elle en était fatiguée de douter continuellement sur la bonne chose à faire quand il était question d'eux. Son coeur et sa tête disaient l'opposé, se mettant dans une guerre intellectuelle, un conflit psychique qui était perdu d'avance où les deux mourraient assurément au combat. Elmo renchérit, décrétant qu'il doutait parce qu'il avait cette impression qu'il passait à côté de quelque chose. Et ç’a eu le don de blesser la belle, alors qu'il ne le cherchait pas. La brune sentit son coeur se serrer si fort, presque manquer d'air. Il ajouta qu'il valait mieux, pour eux, mettre un terme final à leurs promesses instables et instaurer de réelles limites. C'est tout, conclu-t-il. Bella ne fit que le regarder, les lèvres pincées, hochant la tête comme acquiescement. Pour conclure et accord qui, visiblement, ne faisait ni plaisir lui ni à elle, ils se lancèrent dans l'élaboration d'une liste pour reconquérir cette amitié perdue, cette amitié banale, cette amitié de surface. Sujet clos, elle se sentait un peu plus légère. Il évoqua son harem à elle, celui qu'elle ne semblait pas voir ce qui la fit sourire. Lequel de ces hommes avait été le premier à prendre le pas vers sa chambre ? Et même s'ils étaient plusieurs à la suivre sur les réseaux sociaux, à épier ses nouvelles photos dans l'espoir de peut-être la voir poser en maillot de bain, personne d'autre que lui, Elmo, avait pris de ses nouvelles. Tu as surement raison, finit-elle par dire en baissant les yeux. Pour une dernière fois, elle voulut sentir sa chaleur la réchauffer, l'envelopper dans ce lit où elle se sentait si seule. Elle l'invita à la rejoindre, se décalant pour lui faire encore plus d'espace, mais Elmo refusa. Bella fronça d'abord les sourcils, incomprise. Puis, il annonça son départ. Bella le regarda se lever, impuissante, elle qui, branchée sur tous ces appareils, ne pouvait se lever pour l'en empêcher. C'était injuste, elle ne pouvait le rattraper, le convaincre de rester encore un peu. D'accord, répondit-elle faiblement lorsqu'il lui assura qu'il aurait son téléphone sur lui pour la désennuyer. Mais Bella savait que c'était une mauvaise idée. Bien que leurs corps ne se toucheraient pas, ne se désireraient pas, leur esprit, lui, le ferait. Elle ne lui ferait pas cet affront, elle respecterait leur dernière promesse. Merci d'être venu, 'Mo, conclut-elle en le regardant s'éloigner, l'impression qu'ils avaient fait, encore une fois, le mauvais choix.

FIN