we all know how this will end (edwin)

Chez Starbucks, ils ont cette tradition – ou cette politique, peu importe – de vous demander votre prénom pour l’inscrire sur votre tasse de café pour emporter. Comme ça, lorsque votre commande est prête, ils vous appellent et vous êtes assurés qu’il s’agit bel et bien de vous, et de votre café. T’avais toujours du mal à faire comprendre ton prénom aux employés, toi, Mali, parce que même quand tu y allais pour la version courte de ton prénom, tu te ramassais avec des haussements de sourcils ou des épellations sordides. Généralement, d’ailleurs, tu préférais aller dans les petits cafés locaux plutôt que dans cette grande chaîne. Et pas que pour cette histoire de prénoms, bien sûr. Tu préférais encourager les locaux et le café était souvent bien meilleur, pour moins cher. Toutefois, pour cette fois exceptionnelle, t’avais décidé de te rendre à ce géant du café et c’était sans doute un signe du destin, parce que n’importe où ailleurs, l’identité de la personne qui avait commandé juste après toi te serais demeurée inconnue. Tu l’aurais sans doute regardé dans les yeux, souri même, sans jamais savoir qu’il était l’homme que tu remplaçais en quelque sorte depuis six ans auprès de Noah. Non, t’irais jamais jusqu’à dire ça. Tu ne cherchais pas à remplacer son père, même si ce dernier n’était pas dans le portrait. Noah te l’avait bien fait comprendre par lui-même : t’étais déjà le père de tes deux enfants biologiques, t’étais pas son père à lui, à Noah. Mais c’était tout comme. Alors quand le lycéen t’avais appris que son père était de retour à Bowen, t’avais un peu flippé, intérieurement. Parce que sa présence ici signifiait beaucoup pour toi, même si tu n’osais pas l’avouer. Quand tu entendis, donc, cet homme prononcer son prénom à la caissière, tu tournas vivement la tête vers lui. Edwin. Il n’y en avait pas mille. T’étais toujours en train d’attendre ton café quand l’homme vint se poser à côté de toi, pour attendre le sien. T’aurais dû te fermer la gueule. T’aurais dû continuer ton chemin. Mais t’en étais incapable. Pour Ella, pour Noah, et pour toi-même. « Edwin, je connais bien ça, ce prénom. » Avais-tu d’abord lâché, plantant ton regard dur dans celui de l’homme. Normalement, on oubliait rapidement ta forte carrure et ta cicatrice au sourcil, parce que t’avais toujours l’air d’un bisounours. Mais pas en ce moment. T’avais l’air de ce que t’avais l’air, un grand sauvage. « J’ai entendu parler de toi venant d’Ella et de Noah. » C’aurait pu être un simple fait énoncé, mais en vérité, ça sonnait telle une menace.