stranger in a strange land (rafael)

Elle cherche à fuir. Ses pupilles s'agitent alors qu'elle n'est plus capable de le regarder en face, Rafael, son beau Rafael qu'elle est venue reconquérir. Il est là, devant elle, il ne demande qu'à avoir sa chance, qu'à retrouver la proximité qu'ils ont laissée derrière eux à Londres, cette facilité à se regarder dans les yeux et à dire tout ce qui leur passe par la tête avant de retrouver les bras de l'autre et de s'enfuir dans l'ivresse de leurs caresses. Mais son secret lui pèse. Beth le sens qui presse, qui veut sortir. Et comment on annonce à l'homme qu'on est venu rejoindre, sans s'être annoncé qu'en fait, il y a plus que de simples retrouvailles dans sa visite à Bowen ? Comment on annonce à un homme de trente-quatre ans, qui a toujours désiré fonder une famille, pas encore divorcé, que sa maitresse de dix ans sa cadette, trop idiote pour savoir combien bien utiliser une pilule contraceptive, est enceinte. Il n'y a pas de doute, c'est lui le père. Avant, après, il n'y a pas eu d'autres hommes. Elle peut le jurer, solennellement, Beth, le jurer devant Dieu s’il le faut, même si elle n'y croit pas. Il secoue la tête, s'oppose au départ de la brune qui, au fond, ne veut que fuir la vérité trop lourde à porter pour elle seule, son ventre qui lui fait mal tant elle tente de cacher ce qu'il en détient. Le doux bleu des yeux de Rafael se pose sur la traductrice, elle sourit, reprends possession de son calme quand il dit que le temps passé ensemble était trop court, que ces quelques minutes d'accalmies n'avaient pas comblé le vide de quatre mois sans nouvelles. Elle reste, ses jambes qui caressent toujours les chevilles de l'homme, l'homme qui reprend la discussion où elle l'a laissé, Beth, avant que l'angoisse lui prenne à la gorge. Et c'est beau. Oui. Mais c'est aussi effrayant. Elle ne sait pas quoi en penser. Elle ne sait pas quoi en dire. Son corps tremble presque. Il y a plusieurs choses qui se bousculent dans ce discours. D'abord, la bonne personne.... Lui, parlait-il d'elle ? Comment pouvait-il le savoir, qu'elle était la bonne, si, en effet, c'était d'Elizabeth qu'il parlait, le beau brun ? N'était-elle pas une amourette, une facilité pour passer au travers de son divorce ? Ou, alors, il tentait de lui faire comprendre qu'elle trouverait bien la personne parfaite pour elle, un jour, mais que ce n'était pas lui, parce que lui il ne pouvait attendre de fonder sa famille et qu'une femme de vingt-cinq ans, c'est trop jeune pour ça. Oh, Rafael, il ne sait pas encore qu'au fond, sa famille, elle existe déjà. Puis il parle d'Héléna et le coeur de sa britannique se serre, se brise presque. Si elle avait pu enfanter, ils ne se seraient surement pas laissé briser. Parce qu'au fond, peu importe ce qu'on tentait de dire de leur divorce, le problème de ce couple, ce n'était pas le manque d'amour, c'était le manque de fertilité. Et dans un tel cas, leur histoire à eux, elle n'aurait jamais pu voir le jour. Quelle tristesse, pense Beth alors qu'elle prend conscience qu'elle ne sera jamais à la hauteur de son ex-femme, que même fertile, même enceinte, elle ne sera pas à la hauteur de cet amour. Et l'angoisse revient. Elle cogne, elle frappe, elle l'empêche de respirer librement. Comment on sait qu'on a rencontré cette personne parfaite pour nous ?, demande-t-elle, naïve, inculte face à tout ça. Comment avait-il su, lui, que Héléna était la bonne ? Ce n’est pas que je n’ai pas forcément envie de fonder une famille..., reprend la brune en soupirant. Et, parfois, ce sont des choses que nous ne pouvons pas contrôler. Elle parle en connaissance de cause, Beth. Mais, le reste, il est important, Rafael, enchaîne-t-elle, le regard plus sérieux cette fois. Sa voix est douce, bien qu'elle soit soudainement plus grave. Il y a ton divorce, il y a notre histoire qui... qui n'est pas très simple... Il y a ton envie de fonder une famille, de bâtir avec quelqu'un. Je ne doute pas que je t'apporte une légèreté... mais... mais... Dans quelques années, tu ne crois pas que tu auras envie de trouver quelqu'un de ton âge, quelqu'un qui comprend les stades où tu es ? La vérité fait mal, Beth ravale son sanglot.

Elle a besoin qu'on l'a rassure, de trouver réconfort, que cette décision de garder le bébé, de venir le rejoindre en Australie, sans s'annoncer, n'était pas tout simplement une erreur, parce que son coeur bat la chamade dans sa cage thoracique et ses idées sont mélangées à force de se poser des questions, à force de tenter de repousser ce qu'au fond elle attendait depuis le début. Première tentative qui avait échoué, l'ayant vu au bras de sa presque ex-femme. Maintenant qu'elle avait ce qu'elle voulait dès le départ, maintenant qu'il se trouve devant elle et qu'il la supplie de ne pas partir, c'est elle qui tente de prendre la fuite. C'est que la suite est bien trop effrayante, c'est qu'elle n'arrivera plus à cacher ses secrets bien longtemps encore. Son ventre grossira au même titre que la place qu'il occupe dans son coeur, son beau Rafael. Et Beth n'en est peut-être pas aussi prête qu'elle se le convainquait, avant de prendre cet avion et de parcourir des milliers de kilomètres à la recherche de celui qui lavait laissés sans réponses. Leurs retrouvailles venaient avec un lot de questions sans réponses et de secrets impossibles à avouer, pas maintenant, pas alors qu'elle ne savait pas où ils allaient, tous les deux. S'il prenait la fuite, elle ne le supporterait pas. Rafael ne se montre pas rassurant, pas d'emblée. On ne sait jamais vraiment, lance-t-il par expérience. Beth soupire, baissant les yeux. Il semble confus, ne pas comprendre l'enjeu de l'angoisse de la brune. Parce qu'il ne sait pas tout, parce qu'elle n'est pas totalement honnête. Et s'il tente de se montrer détaché, pas trop insistant, le coeur de Beth, lui, manque des battements. Assez paradoxale, oui. Et, pourtant, quand il saura l'issu de leur histoire, Rafael comprendra mieux ce qui tracasse la belle. Il n'y a pas d'âge pour se lasser de quelqu'un, lâche-t-elle en réponse à son commentaire, comme si elle serait la seule à qui cela pourrait bien arriver. Ne pas t'amuser comme je le fais... Elle rit, secouant la tête. J'sors pas en boite. Non pas parce qu'elle était enceinte, mais bien parce que la musique forte l'assourdissait et qu'elle préférait nettement passer la soirée à sonder les librairies à la recherche de nouveauté plutôt que de se faire toucher les fesses par mille et un garçons dont elle ne connaissait pas le prénom. Elle dirigeait la boîte de traduction de son père établie en Australie, son rôle lui demandait beaucoup de temps et de travail. Entre les nausées et les hauts le coeur, il fallait bien trouver le temps de travailler. Et j'aurais pas fait tous ces kilomètres pour me lasser de toi à la première occasion. Mais tout était compliqué entre eux, leur relation et ce qu'ils avaient droit de se permettre de vivre. Et donc, ces kilomètres, n'étaient-ils pas un risque qu'elle avait finalement pris ? N'était-il pas l'essence de son discours, au fond, prendre des risques ? Rafael déposa de l'argent sur la table, bien plus qu'il fallait pour payer sa consommation, avant d'attraper la main de sa douce amante pour l'extirper du café. La beauté de l'Australie transparaissait dans le décor où ils se trouvaient à deux orteils de la mer et de son sable chaud, bien différent de Londres qu'elle connaissait, bien différent des pavés et des pierres qui constituaient ses anciennes rues britanniques. Rafael initia le pas, les pieds entre les grains de sable blancs alors que Beth retirait ses chaussures pour mieux avancer sans s'y enfoncer, imitant son guide personnel natif de l'air marin. Et dès sa première phrase, il décrocha lui décrocha un rire. C'était totalement cliché et pas du tout original comme technique de drague, surtout considérant le pays dans lequel ils étaient, mais ça fonctionnait. Et sa main se serra dans celle de l'homme alors qu'ils enchaînaient le pas le long de la rive. Tu racontes ce genre d'histoires à toutes les femmes que tu tentes de draguer ?, demandes Beth, moqueuse, un sourire plus doux sur ses lèvres. Ce n'est toujours pas la définition de discrétion que j'ai, ajoute-t-elle, mais ça me plait. Elle laisse son corps se coller contre le bras de Rafael, l'agrippant comme s'il était le sien, la tête qui se pose contre son épaule. Elle est bien, à cet instant, entouré de lui et de cette union qui grandit en elle.

FIN