and down, together we'll fall (siam)

Chaotique, c’était sans doute la meilleure qualification pour la vie d’Elmo, ces dernières semaines. Et dire qu’il avait eu l’impression que le début de l’été était inégalable en termes de désordre. Le beau bordel qu’il vivait actuellement était certainement pire, même si c’était d’une manière plus douce, moins solitaire. Son cœur était encore déchiré, à Elmo, même s’il retrouvait le corps de Bella aussi souvent qu’il le souhaitait, dans le secret le plus total, filant en douce vers chez elle et elle vers chez lui, lorsqu’aucun regard suspicieux ne pouvait se poser sur eux. Si cette relation secrète avait semblé être une bonne idée, lors de ce week-end à Brisbane, Elmo avait tôt fait de renouer avec la réalité mais surtout, avec la culpabilité. Et pourtant, il n’avait aucune envie que ça s’arrête. Il aurait eu envie de figer le temps à ce moment précis, en fait, et de n’avoir à se soucier d’aucune conséquence. De ne pas avoir à penser aux répercussions de toutes ses mauvaises décisions. Parce qu’en plus de ce mensonge qui lui coûterait sans doute cher, Elmo avait aussi fait une croix sur tout semblant d’avenir convenable, en quittant ce programme dans lequel il avait pourtant tellement investi. Il se retrouvait alors nulle part, dans une incertitude oppressante, dans une angoisse étouffante. Surtout, il se retrouvait ici, dans cette boîte de nuit où il pouvait se laisser complètement aller à l’oubli. Cette boîte était son échappatoire, un endroit où plus rien n’importait et encore moins les heures qui s’écoulaient. Il était tard, probablement passé minuit, il avait un peu perdu la notion du temps mais ça lui convenait parfaitement. Moins il connaissait les réponses à où, quand et comment, plus il pouvait feindre l’insouciance. « Un verre de ce que t’as de plus fort, s’te-plaît. » Lança-t-il alors au barman, ses doigts pianotant sur le comptoir sur lequel il attendait l’arrivée de sa consommation. Il avait besoin du fort, du genre de fort qui le cognerait, qui le mettrait k.o. jusqu’à demain au moins. Même si ce ne serait sans doute jamais suffisant.

Chaotiques, c'était comme cela que je qualifiais mes pensées de ces derniers temps. Sans trop que je ne le vois venir, je m'étais laissée aller à des pensées à nouveau sombres et noires, tout le temps.  Sans répit. J'avais pourtant un nouveau travail totalement fun, et j'avais pu lâcher le cabinet de vétérinaire sans que personne ne m'en veuille réellement. Oui mais. La vie professionnelle, ça ne fait pas tout hélas.  J'avais tenté de résister cette nuit. Résister à ces démons qui m'appelaient sans cesse : l'alcool, une relation d'un soir, une trace de poudre, peu importe laquelle, je cherchais refuge dans n'importe quoi désormais. J'avais réellement tenté. Allongée dans mon lit, je fixais le plafond, attendant un sommeil qui ne venait jamais quand il le fallait.  Impossible. Sans même réfléchir, je me relevais d'une traite, enfilant les premiers vêtements noirs convenables qui me tombaient sous le bras. Une couche de mascara sur les cils, mon sac à main sous le bras -vérifiant mon argent liquide-, et j'étais à nouveau dans la nuit noire. Le monde que je connaissais le mieux. Je me dirigeais alors vers cette boîte que j'aimais le plus. J'entrais sans même lancer un regard vers quiconque, me dirigeant vers le bar. Un jeune homme venait justement de passer sa commande. Ce qu'il y avait de plus fort. Je jetais un coup d'oeil vers lui, surprise. Il ne semblait pas réellement accompagné par une bande d'amis avec qui il aurait voulu se saouler. Au contraire, il semblait seul. Peut-être tout aussi perdu que moi justement. « Pareil pour moi. » Lançais-je au serveur, tout en m'installant aux côtés du brun. « Ca a pas l'air d'aller. » Je tentais de lui lancer un sourire réconfortant, mais je n'étais pas réellement sure de savoir faire ça.

Une voix féminine, douce, mais pourtant si grave à la fois, réclama la même chose qu’Elmo à ses côtés. Ce dernier tourna un regard tout aussi surpris vers elle, vers elle toute petite, toute belle, un ange qui se serait égaré dans les mauvais endroits de la ville. Pourtant, lorsqu’on s’attardait un peu plus à son regard, on voyait bien qu’il n’y avait absolument rien de blanc comme neige. Les démons valsaient dans la couleur de ses iris foncés et en voyant sa réflexion dans les pupilles noires de la jeune femme, Elmo aurait pu jurer qu’il était face à un miroir. Mais non, ils étaient deux individus distincts, proies du même mal qui les rongeait. Même mal, non peut-être pas. Mais un mal similaire, assez du moins pour les avoir tous les deux traînés jusqu’ici et pour avoir mis entre leurs mains un verre de ce même alcool, le plus fort de la place. Elle s’installa aux côtés de l’italien, comme si la force négative les attirait. « Toi non plus, alors. » Releva Elmo, un même sourire à demi-réconfortant aux lèvres. Mais ils trouveraient sans doute réconfort dans d’autres choses que les sourires, cette nuit. Le jeune homme resserra ses doigts autour du verre et leva celui-ci entre eux deux. « En espérant qu’on puisse trouver ce qu’on est venu chercher ici. Peu importe ce que c’est pour toi. » La délivrance, l’oubli, le réconfort, l’autodestruction. Elmo prit une gorgée, grimaça, marqua une pause et puis replongea son regard dans celui de la jeune femme. « Non en fait, j’ai dit peu importe ce que c’est pour toi mais ça importe. Ça importe et faut pas minimiser. » Lâcha-t-il. Après avoir risqué de perdre Milo parce qu’il avait sous-estimé sa souffrance, Elmo tâchait d’être plus à l’écoute, plus attentif. La souffrance est partout. Il fallait la reconnaître.