La séduction aussi est un art !

Au milieu des têtes amatrices ou connaissantes, Blanche déambulait au travers des oeuvres et des représentations artistiques, lieu dans lequel elle se sentait bien, surplombée de toutes les richesses que l'art pouvait lui apporter et toute la subjectivité qu'elle comportait. Beau, laid, rien n'était juste quand il s'agissait d'interpréter des oeuvres, rien n'était mauvais, rien n'était absolu. Âme créatrice, il valait sans dire que la belle blonde ferait partie de ceux qui jouissaient des plaisirs de l'exposition éphémère de la ville, prenant plaisir à découvrir ce que d'autres avaient à partager, ce que les oeuvres pouvaient dire sans mots, sans l'usage de la parole. Elle-même artiste secrète, elle se laissait bercer par les représentations de ces autres qui menaient l'inspiration à terme, calepin entre les mains, esquisses qui commençaient déjà à prendre forme, émotions qu'elle écrivait pour se souvenir, plus tard, de ce qu'elle avait envie d'illustrer. Les peintures, c'était ce qu'elle préférait, mais elle les délaissa, l'instant de quelques minutes, et se força à parcourir les différentes pièces et à s'exposer à la diversité de l'art. C'est devant une sculpture en cure-dents que Blanche s'arrêta, fascinée par la minutie de l'artiste qui avait placé méticuleusement toutes les pièces de cette représentation qui en formaient un puzzle complexe et fascinant. Minutie qui lui rappelait la sienne, quand elle devait encrer sur la peau de ses clients de tout petits détails, de tout petits chefs-d'oeuvre, de la pointe fine de son aiguille. Pensées qui furent brouillées par l'arrivée d'un homme scrutant la même oeuvre. Blanche, concentrée sur la sculpture, sursauta alors qu'il s'adressa à elle. Pardon ?, demanda la blonde en se tournant vers l'inconnu, n'ayant pas compris qu'il s'adressait à elle. Elle lui sourit avant de reprendre. Incroyable, oui. C'était peu dire du résultat. Probablement autant de temps que Michel-Ange a pris pour peindre la chapelle Sixtine, plaisanta Blanche. Et, pourtant, le rapport temps-oeuvre n'en était peut-être pas si loin, en moyenne.

Elle n'enlevait rien à l'oeuvre, ni même à son crédit, Blanche. Bien qu'elle était effectivement plus peinture que sculpture. Mais, ça, c'était dû à son passé d'artiste. Et son présent de tatoueuse. Son amour des couleurs, des mélanges, de la douceur de certains traits et de la sévérité de d'autres. Elle trouvait qu'au travers de la peinture, peu importe le style des tableaux, impressionnistes, classiques, modernes, contemporains, il y avait plus d'histoire, plus de mots, qu'une simple oeuvre fixe, sculptée ou assemblée. Mais elle avait ce raisonnement, en grande partie, parce qu'elle n'avait pas la patience d'arriver à un tel résultat, elle, éternelle impatiente. L'inconnue la questionna, d'ailleurs, sur la minutie et le temps que l'artiste avait pu mettre sur cette oeuvre, chose à laquelle elle répondit avec son savoir plus axé sur son domaine, la peinture. Elle aurait pu user, comme référent, la construction elle-même de la chapelle nommée, mais elle n'en connaissait pas la réponse. Ce qui n'aurait pas pu faire le même effet lorsque le blond avoua ne pas se souvenir du temps que Michel-Ange avait mis à peindre le toit de la chapelle. Elle lui sourit. Quatre ans, confia-t-elle en riant. Merci aux cours d'histoire pour cette information, ajouta-t-elle pour lui faire comprendre qu'elle n'était pas, non plus, complètement folle. Oui, on peut dire ça comme ça, avoua-t-elle à l'homme alors qu'il lui supposait qu'elle était plus peinture que sculpture. Et il avait raison. Vous avez raison. Et c'est bien la beauté de l'art, la différence. Parce que s'ils étaient tous attirés par les mêmes oeuvres, il n'y aurait pas matière à la critique et aux discussions. Et vous, alors, vous êtes plus sculpture que peinture ?, demanda-t-elle à son tour en souriant. Oh, ajouta-t-elle avant même qu'il ne puisse lui donner une réponse. Quelle impolitesse.. Blanche tendit la main au blond. Blanche.

Je crois qu'on ne s'en souvient tous pas trop de ces cours, décréta la blonde en riant alors que l'inconnu décrétait avoir eu de ces fameux cours, sans réellement en avoir un souvenir clair. Elle ne se doutait pas, Blanche, que la mémoire de l'homme avait pu être affectée, comme sa parole. Elle ne le connaissait pas, elle ne connaissait pas son histoire et ce n'était pas son genre de poser des questions indiscrètes. Blanche, elle ne connaissait pas grand-chose à la santé. Elle ne se posa pas de questions quant au parler de son interlocuteur. Elle se contenta de répondre aux questions qu'il lui posait, de participer à la discussion, tout simplement. Poétique ?, répéta la tatoueuse en riant à l'affirmation du blond. La philosophie, ce n'est pas trop mon fort. Non, je préfère parler d'art, si vous m'offrez le choix, répliqua-t-elle, son éternel sourire toujours sur les lèvres. Se rendant compte qu'elle n'avait pas pris la peine de se présenter, Blanche interrompit le blond dont elle eut connaissance du prénom, Jim, afin de faire connaissance avec convenance. Ils se serrèrent la main et, lorsque chacun en retrouva leur possession, Jim reprit la conversation où ils l'avaient laissée. L'architecture ?, répéta-t-elle avec curiosité. Elle en connaissait peu sur le sujet, que vaguement le nom des styles marquants des époques. Le gothisme, le classique, le colonial. Mais rien de plus. Vous avez raison, il y en a pour tous les goûts. Blanche hocha la tête, acquiesçant la remarque de Jim. Comment connaissez-vous l'architecture ? Ce n'était pas quelque chose que l'on apprenait dans les cours. Du moins, pas en profondeur. À moins d'avoir fait des études supérieures dans le domaine.

Ça n’avait rien à voir avec les connaissances principales apprises à l'école, ici on parlait purement de connaissances personnelles, de culture générale que l'on aciérait seulement par intérêt. Impossible de retenir ce genre d'informations, plus de dix ans plus tard, si ce n'était pas intérêt. Les arts avaient toujours fait partis intégrante de la vie de Blanche, de par sa passion, de par son métier, de par sa personnalité. Quant à la philosophie, la blonde avait tenté d'oublier toutes les théories qui lui avaient causé la migraine lors de ces études. Platon, Socrate, être ou ne pas être, bien ou mal et toutes ces conneries qui ne voulaient rien dire à ses yeux, elle s'en était débarrassée. Impossible que l'inconnu lui fasse parler le langage de la rhétorique philosophique. D'arts, pourquoi pas. Mais pas de théorie auxquelles elle ne croyait même pas elle-même. Le blond était du même avis, elle hocha la tête en signifiant leur accord commun. C'est parfait alors !, conclut-elle, comme s'ils avaient signé un marché, le pacte de ne pas entrer dans les discussions trop lourdes alors que la vie était si légère. Vous avez raison, ça attire bien des gens. Experts en arts ou non, remarquez, ajouta-t-elle à la remarque de Jim. Et c'est ainsi qu'elle questionna le blonde, tentant de savoir ce qui l'avait poussé, lui, à venir poser ses curieux yeux sur l'exposition. Il avait été architecte, voilà d'où venaient ses connaissances accrues. Avant, précisa-t-il. Avant son accident. Accident qui lui donnait sans doute cette façon peu commune d'éloquer ses pensées. Et pourtant, vous en connaissez encore plus que moi sur la matière. Et que bien des gens, d'ailleurs ! Ce n'était pas pour le flatter ou le prendre en pitié, bien au contraire. Blanche trouvait impressionnant le fait que malgré sa mémoire défectueuse au sujet de ce qui l'avait tant passionné, il était en mesure de savoir encore plus que la plupart des gens, ce qui prouvait que le cerveau était un organe particulièrement puissant. Si on veut, oui, acquiesça alors que Jim lui demandait si on métier à elle était en lien avec les arts. Je dessine un peu. Sur les gens, surtout, lâcha-t-elle en souriant. Je suis tatoueuse.