Decepción

Depuis un certain déjeuner "amical", je fais semblant de sourire, d’être joyeuse mais je me sens morose, triste et en plus je me pose des questions, beaucoup de questions, beaucoup trop de questions. En fait, je me pose des questions surtout depuis que j’ai parlé à une personne à qui finalement une de mes anciennes meilleures amies se confiait plus qu’à moi. Je devrais aller crier ma déception sur un certain "Judas", lui envoyer ses "quatre vérités" à la face et le traiter "de tous les noms d’oiseaux" en espagnol mais j’ai mes raisons pour ne pas le faire. Je m’attends aussi à ce qu’on s’évite même si le monde de Bowen est visiblement tout petit et puis ce matin, c’est lui qui vient à moi alors que je me rends prendre mon petit café habituel. "L’embuscade" semble planifiée, je suis peut-être trop prévisible. En tout cas, aucun fan ne viendra nous déranger maintenant. Dès que je le vois, je le "fusille du regard".

"Que me veux-tu ?"

Aslander m’a mis la honte devant sa grande sœur et le petit ami de cette dernière et je l’ai "en travers". Un café, voila qu’il me propose de m’offrir un café. Dommage que cet établissement ne vende pas de tarte à la crème, je l’aurais volontiers entarté.

"Pourquoi pas ..."

Inutile de dire qu’on ne se fait pas la bise. J’accepte donc, me disant qu’il va expliquer ses paroles vexantes de ce triste jour. Puis il se pourrait que je me me lève de table pour lui mettre une paire de gifles bien senties pendant qu’il est assis. Non parce que debout, je ne suis pas sure d’avoir l’allonge pour l’atteindre. On s’installe donc en terrasse où je commande pour ma part un café noir, aussi noir que mon humeur. La serveuse croit que mon regard noir est pour elle et je lui dis que ce n’est pas pour elle dans une tentative de sourire qui vire à la grimace, puis je le "fusille à nouveau du regard".

"Que me veux-tu ?"

Asl n’était pas fier de sa conduite envers Ana. Il n’essaierait pas de "recoller les morceaux" ni de se faire pardonner mais de lui fournir des explications qu’elle méritait indéniablement. Elle était une brave fille, le fait qu’ils ne soient pas "compatibles" ne remettait pas ceci en cause. Il allait donc la trouver de bonne heure au café qu’elle avait l’habitude de fréquenter et en effet, elle arrivait juste après lui. Sans surprise, la réaction de la jeune femme était glaciale et si elle avait eu des pistolets mitrailleurs à la place des yeux, il aurait été criblé de balles. Il proposait de lui offrir un café, ce qu’elle acceptait. Le néo-zélandais devinait qu’elle voulait entendre ses explications. Ils s’attablaient l’un en face de l’autre à une petite table en terrasse et passaient commande. Asl prenait pour sa part un cappuccino avec beaucoup de crème puis Ana disait à la serveuse que son regard noir n’était pas pour elle, ce dont il se doutait. Du coup la jeune femme lui vouait un sourire compréhensif et à lui un regard noir avant de s’éloigner. La façon dont les femmes pouvaient faire bloc contre un homme l’avait toujours étonné. La latine lui posait alors la même question.

"Ana, je sais que j’ai été abrupt avec toi. Crois-le ou pas, ce n’est pas moi, ce n'est pas dans ma nature d'agir ainsi. Je l’ai fait parce que je ne voulais pas qu’on commence une relation intime que tu regretterais ensuite. Je m’entends bien avec les enfants, j’ai la fibre paternelle mais je suis trop jeune pour devenir père. Toi tu désires fonder une famille tout de suite. J’ai eu tort de couper les ponts aussi radicalement mais si c’était à refaire, je crois que je le referais. Tu mérites de rencontrer quelqu'un qui aura les mêmes désirs, les mêmes projets d'avenir que toi."

Aslander va droit au but, c’est déjà ça puis nos cafés arrivent plutôt vite. J’écoute le jeune homme sans toucher à mon café, me demandant si je vais le boire ou lui envoyer à la figure. Finalement, je suis presque amusée par le petit jeu auquel il joue avec son café et la réaction de la serveuse me prouve qu’il est vigilant à raison. Je trempe mes lèvres dans le liquide noir avant de me rendre compte que j’ai oublié de mettre un sucre, ce que je fais.

"C’est marrant, moi j’ai cru que tu m’avais "crucifiée" pour libérer plus vite ta sœur, pour qu’elle n’ait pas à me subir davantage."

Je sais que j’ai raison. Il sait que j’ai raison. Nous savons que j’ai raison. Je conjugue bien. Je complique. Je sais qu’il sait que j’ai raison. Il sait que je sais qu’il sait que j’ai raison. J’arrête là.

"Alors tu ne sais pas sinon tu en aurais déjà parlé. Tu ne t’en rends peut-être pas compte mais c’est tout à fait toi. Tu l’as déjà fait avec ton ex, tu as été aussi abrupt avec elle. Je ne pensais pas que c’était toi, elle ne m’a pas parlé de toi, tu m’as a peine parlé d’elle et j’ai évoqué très superficiellement mes anciennes meilleures amies devant toi."

Je prends une profonde inspiration avant de continuer.

"Ton ex c’était Lena, elle était aussi ma meilleure amie avant de me tourner le dos. Je ne le savais pas en te rencontrant alors ça n’aurait rien changé concernant mes sentiments pour toi."

Ca va, je me doute qu’il ne savait pas non plus puis je croise son regard embarrassé et je sens que ma vision se brouille peu à peu. Mon café ne va pas tarder à avoir un goût salé.

"Crucifiée", Asl se doutait que le caractère entier d’Ana lui ferait utiliser des mots aussi excessifs mais quelque part, il l’avait mérité. Il la regardait avec sympathie et même avec compréhension puis la serveuse revenait avec les cafés et à son regard malveillant envers lui, le jeune homme se disait que ça ne présageait rien de bon. Vu qu'elle apportait un autre cappuccino à une table voisine, il se levait alors et proposait d’échanger les cafés, le sien étant "meilleur". Avec un sourire très amical, ça passait et là, la serveuse prenait précipitamment le café qu’il venait de donner à l’autre client en lui disant qu’elle lui en rapportait un autre très vite. Asl vouait alors un regard entendu et un brin menaçant à la jeune femme qui avait trouvé que la cause des femmes bafouées imposait qu’elle crache dans son café.

"Pas très accueillant, ce café."

Ana lui parlait alors de la véritable raison qui aurait motivé Asl. Elle était très lucide et même si ce n’était pas la seule raison qui avait poussé le blond à précipiter la fin de leur "relation intime naissante", il avait ainsi préservé sa sœur qui ne supportait visiblement pas Ana. C’était comme une réaction épidermique et il ne pouvait pas lui imposer ça toute la journée, d’autant que l’actrice en faisait trop pour leur plaire, beaucoup trop. Par contre sa révélation le stupéfiait et sa réaction n’échappait évidemment pas à la latine. Alors ça, le néo-zélandais ne s’y attendait pas du tout.

"Le monde est vraiment petit."

Surtout Bowen mais parle-t-on vraiment de ses ex à une personne avec qui on pourrait lier des rapports intimes ? Même niveau amitié, il comprenait que la latine ait éprouvé des difficultés à lui parler de ses amies. Pourtant il aurait suffit d’un prénom pour comprendre. Le plus ironique, c’est que son ex avait évoqué le prénom de Bella mais pas celui d’Ana. C’était assez logique au demeurant qu’on ait une meilleure amie et pas deux, il y en avait toujours une qu’on préférait à l’autre. Il voyait alors les larmes naître au contour des yeux de la latine qui devait se souvenir de ses paroles vraiment dures ce jour-là.

"Je suis désolé de t’avoir dit si directement que tu es superficielle, creuse. J’ai été moins abrupt avec Lena."

Disait-il en tendant la main pour tapoter amicalement celle la plus proche d’Ana, ce qui provoquait aussitôt une réaction épidermique du coup assez prévisible chez elle.

Aslander me confirme qu’il l’ignorait aussi mais je m’en doutais. Il n’aurait pas eu le même regard pour moi, les mêmes attentions. La même douceur, la même gentillesse. En plus il est canon et il doit être une affaire au lit. On aurait pu fonder une famille, être heureux. Pourquoi ai-je pris mes désirs pour des réalités ? Ai-je le droit d’être heureuse ? Et voila que je pleure, et voila que j’imite les chutes du Niagara. Aurais-je du refuser de prendre ce café avec lui ? Aurais-je du rester dans l’ignorance, dans la confusion, faire l’autruche ? Bien sur que non mais le revoir me fait souffrir.

"Ne me touche pas !"

Lui dis-je d’une voix brièvement "caverneuse" comme surgie du plein profond des Enfers en retirant ma main prestement.

"Oui, je suis superficielle. Oui je me sens tellement bien quand je joue un rôle mais je ne suis pas creuse, je ne suis pas fausse !"

Je suis sur le point de me lever mais je n’en fais rien et je me calme pour les autres clients du café. Je me calme pour ne pas me faire exclure de mon café habituel et parce que j’ai une question à poser, une question "qui me brûle les lèvres".

"J’aime mes proches, je ne fais pas semblant. J’avais commencé à éprouver quelque chose de fort pour toi et puis tu m’as poignardée en plein cœur, tu m’as même fait la morale sur ma rupture avec Jason … Est-ce que tu as rencontré une autre femme ?"

J’ai usé les serviettes en papier de la table sans même m’en rendre compte pour tenter d’endiguer le flot de mes larmes.

"Merci ..."

Dis-je à la serveuse qui m’a apportée en silence un tas d’autres serviettes en papier. J’attends la réponse d’Aslander en me demandant si mon maquillage waterproof va résister à ce "torrent". Oui je suis superficielle et alors ? Ca ne lui donne pas le droit de me briser le cœur.

Ana le prenait encore plus mal qu’Asl le redoutait et tout le monde au café le regardait comme s’il venait de renverser une vieille dame avant de lui dérober son portefeuille. Il n’en avait cure mais Ana, c’était différent. Il n’éprouvait pas d’amour pour elle mais il aimait bien sa nature bienveillante, sa chaleur humaine. Le jeune homme n'était effectivement pas fier de lui avoir dit qu'elle était fausse.

"Ana, tu n'es pas fausse. Je n’ai pas voulu faussé notre début de relation en te parlant de certains troubles nés d'un passé que je m'efforce d'oublier. Sans entrer dans les détails, j’ai été ami avec une jeune femme pendant quinze ans, on était tout petits quand on s’est connus et je l’ai toujours considérée comme une amie mais j’ai découvert récemment qu’elle ressentait de l’amour pour moi. Pendant tout ce temps, elle m’a manipulé pour que tombe aussi amoureux d’elle. Elle m’espionnait, elle nous suivait à notre insu, mes proches et moi, elle a même essayé de me séparer de ma famille. Elle a poussé le vice jusqu’à me faire croire que j’étais le père de Liam et je crois bien qu’elle a simulé l’amnésie pour m’amener dans son lit. Pourquoi crois-tu que j’étais contrarié avant le déjeuner ? Depuis que j’ai appris la vérité sur elle, je deviens virulent dès que je me sens manipulé et je ne suis pas celui qui te correspond. Tu me vois navré si tu me considérais comme ton âme sœur mais tu n’es pas la mienne."

Elle lui demandait alors s’il avait agi ainsi à cause d’une autre femme et là, l’ironie du sort frappait le jeune homme qui grimaçait avant de répondre :

"Je n’ai pas mis un terme à notre relation naissante à cause d’une autre femme mais suite à ça, j’ai renoué des liens très forts avec une jeune femme. Ca n’était pas calculé."

Son téléphone portable sonnait à ce moment précis, Asl s’en emparait trop rapidement, il lui échappait des mains et glissait sur la table, droit vers Ana.

Aslander sait qu’il a déconné, c’est le minimum. Il m’explique alors enfin les vraies raisons de sa décision brutale et pendant un moment, ça me calme. Ca m’attriste même pour lui et je cesse enfin de pleurer. Voilà donc ce dont il ne me parlait pas et je comprends pourquoi il le gardait pour lui. Je suis pratiquement certaine que la folle qui l’a stalké a été la cause de la rupture avec Lena mais je ne comprends pas pourquoi mes amies m’ont tourné le dos … Ah oui, le départ précipité de la plage … C’est tout de même un peu léger pour mettre fin à notre amitié mais c’est le passé. Pour revenir à Aslander, je le comprends jusqu’à ce passage sur "l’âme sœur." Pendant un bref instant j’ai l’impression qu’il est devenu le bras vengeur de Jason … Puis il répond enfin à ma question. Il y a une femme mais il n’aurait renoué avec elle qu’après le fiasco du déjeuner et ce ne serait pas prémédité. Renouer des liens … J’exclue d’office Lena, notre relation commune me l’aurait appris tout de suite. Je vais donc lui demander de qui il s’agit même si ça ne devrait en fait pas me regarder mais j’ai un doute sur "cet heureux hasard" quand le téléphone d’Aslander sonne. Il veut y répondre mais il lui échappe et le mobile glisse vers moi. Si je n’étais pas aussi triste, je dirais que c’est un peu "téléphoné". J’en rirais d’ordinaire mais je n’ai pas le cœur à ça et puis je vois le visage qui apparaît sur son mobile. Oui, il a l’option qui montre le visage de la personne qui l’appelle, en tout cas dans ses favoris. Je plisse les yeux en reconnaissant les traits bien trop familiers de Mei.

Mei la fouille-merde.

Du calme, c’est peut-être pour … Le travail. Peut-être qu’il lui donne des cours d’arts martiaux. Peut-être qu’elle a écrit un article sur lui. Qu’importe le coté sans-gêne, je décroche et porte le mobile à mon oreille sans un mot tout en défiant du regard Aslander de m’en empêcher. Il s’abstient, ça vaut mieux. Mei a l’air enthousiaste tandis qu'elle amorce immédiatement la conversation sans se soucier du fait qu’il n’a pas dit bonjour. Non, elle est plus qu’enthousiaste, on dirait une chatte sur un toit brûlant. Ses paroles sont tellement crues que je rougis en les écoutant, mais je ne rougis pas seulement de gêne. De colère aussi. Elle se rend alors compte que quelque chose cloche et je raccroche. Pendant une seconde, je songe à casser le téléphone mais ça ne serait pas suffisant alors je le fais glisser vers lui.

"Mei."

Je le dis à voix haute comme pour me convaincre que je suis réveillée.

"Mei nous a fait chanter à la première occasion, mon ex et moi et c’est avec elle que tu as renoué des liens forts ? Forts comment ? Des menottes, des chaînes en acier trempé ? Sérieusement, tu ne veux pas être manipulé et tu … Tu couches avec Mei ? A qui tu … Finalement c’est moi qui t’invite. Je paie et on part."

Je dis ça aussi parce que j’étais en train de hausser le ton.

"S’il vous plaît ?"

La serveuse accourt.

"Merci. Merci pour votre gentillesse."

Je paie. Normalement, le pourboire est environ dix pour cent du prix des consommations. Je donne la moitié et j’ai l’impression de ne pas avoir donné assez. Elle ne semble pas de cet avis à son sourire. Ca aura au moins fait plaisir à quelqu’un. On s’éloigne, Aslander et moi et là, "j’explose".

"Tu couches avec Mei juste après m’avoir brisé le cœur et ce serait un hasard ? A qui tu crois pouvoir faire avaler ça ? A moi ? Tu me prends pour une conne ! Ne me prends pas pour une conne !"

Je fais mine de partir mais je me retourne vers lui avec un dernier "missile" aujourd’hui contre lui.

"Je vais te dire, d’après toi, elle a vu quoi ta sœur le jour où tu m’as parlé aussi mal ? Tu crois qu’elle a admiré ton caractère fort ? Je ne crois pas ! Aisling a son caractère mais ce n’est pas une garce ! Si elle t’aime autant que je le pense, elle devrait te recadrer parce qu’elle pourrait avoir vraiment honte de toi bientôt ! Tu espérais quoi en venant me parler, qu’on resterait amis ? Même pas en rêve et on n’en a pas fini ! Le jour ou on en aura fini tous les deux, tu le sauras !"

Ceci dit ... Plutôt, après m'être un peu défoulée en criant ainsi, je m’éloigne enfin de lui avec une certaine idée de vengeance en tête mais pas encore parce que comme on dit, la vengeance est un plat qui se mange froid.

Il avait fallu que ce soit Mei qui appelle à ce moment précis. A nouveau, l’ironie du sort. Ou bien la fatalité ? Ainsi, elles se connaissaient mais ça lui revenait maintenant. La journaliste avait du employer cette méthode pour "aider" Lin en lui faisant perdre la mémoire, ce qui au final avait été un échec flagrant. Il n’était par conséquent pas étonnant qu’Ana n’aime pas l’australienne mais Asl ne s’attendait vraiment pas à ce qu’elle réponde à sa place. Il n’entendait pas les paroles de sa compagne mais à l’expression de la latine, elles devaient être intimes.

Très intimes.

Sans surprise, l’actrice l’avait par conséquent très mal pris mais elle avait attendu qu’ils s’éloignent du café pour lui crier dessus. Le fait qu’elle ait payé les cafés pour ne rien lui devoir ne lui échappait pas non plus. Il la laissait donc se défouler et finalement partir. Aslander savait que sa sœur le défendrait toujours mais elle n’avait pas du aimer son comportement excessif ce jour-là. Peut-être qu’ils en parleraient, ou peut-être pas. Sur cette pensée, il rappelait Mei qui devait penser qu’il avait fait tomber son téléphone avant de lui parler mais elle ne lui cachait plus rien alors ce serait réciproque. Ca le navrait vraiment qu’Ana réagisse aussi mal et surtout que ce malentendu de dernière minute ait fait empirer la situation. Il était loin de se douter que la jeune femme ait ressenti des sentiments aussi forts pour lui mais s’il devait le refaire, il le referait tel quel parce que ce seul cette colère pouvait amener la latine à tourner la page. Du coup l’incident du téléphone était plutôt une bonne chose et le néo-zélandais pensait qu’elle l’avait menacé de se venger sous le coup de l’émotion et qu’elle n’en ferait rien.

Il se trompait.