We Go Home ~ Samuel

Consequences of fear

En ce moment c’était plutôt calme niveau travail pour Samuel, autant à certaines périodes il pouvait enchaîner les différents petits jobs, mais parfois c’était plus creux. En ce moment il fallait avouer que ça l’arrangeait, sans savoir trop pourquoi, il semblait que l’inspiration lui soit revenue, il avait écrit plusieurs chapitres assez concluants pour son bouquin et il avait l’impression de voir se dessiner une vraie trame d’histoire. Enfin, depuis des années qu’il fixait sa page blanche, il avait retrouver sa plume, elle lui manquait et il en était soulagé. Il n’en avait parlé à personne, surtout pas à son éditeur, c’était encore trop frais et trop fragile pour qu’il puisse affirmer qu’il allait réellement pondre une nouvelle oeuvre. Pour aujourd’hui il avait autre chose à faire de toute façon, Olivia lui avait demandé s’il voulait bien l’aider à récupérer des cartons qui arrivaient par conteneurs dans la journée. Il avait eu du mal à croire au retour de la belle Carteret sur cette île, mais il fallait admettre qu’elle faisait quelques efforts, elle avait acheté cette maison, faisait venir des bouts de sa vie jusqu’ici, comme une nouvelle vie, un nouveau départ, comme si elle voulait réellement s’installer. Il n’était pas dupe, si pour beaucoup un changement de vie était définitif, ou du moins pour des années, il savait que ça ne pouvait être qu’une passade pour la britannique, un caprice, un coup de tête et qu’elle pourrait aussi bien tout rapatrier à Londres en un claquement de doigt si l’envie lui prenait. Et dans tout ça il y avait Chuck, celui qui, selon Sam, faisait tâche dans le décor, mais il ignorait sa présence, généralement il ne le voyait pas de toute façon, ils avaient un rythme de vie différent du sien et c’était très bien comme ça. Ils arrivèrent à la villa, Olivia et lui, avec son pick-up chargé à craquer de cartons, assez tôt dans l’après-midi. Liv se grilla une clope avant d’entrer dans la maison alors que Pohl commençait à décharger tranquillement. Il croisa Eustache, le maître d’hôtel et le salua chaleureusement, se demandant encore comment la brune avait réussi à se dégoter ce parfait homme de maison anglais pur souche, flegmatique au possible, au beau milieu de l’Australie, sa détermination le surprenait toujours. Il y a des cartons plein la voiture, si vous voulez bien me donner un coup de main ça ne serait pas de refus. On va déposer tout ça dans le hall pour l’instant, Liv verra après où elle veut que tout soit installé. Pour Sam il n’y avait pas de mademoiselle, il avait oublié la bienséance depuis bien longtemps avec elle, pour lui elle était Liv, tout simplement, même si ça faisait grimacer l’homme d’intérieur conservateur. Il retourna à l’extérieur et revint deux minutes plus tard les bras chargés, tombant nez-à-nez avec Carteret junior. Il soupira en entendant sa question et ne prit pas la peine de le saluer. Il passa devant lui pour déposer son chargement avant de lui faire face. Enfin de leur faire face, à lui et sa crise de nerf. Mais ça va pas ! Bordel Charles, t’es obligé de me hurler dans les oreilles ?! Putain on dirait un sale gosse de cinq ans. Viens plutôt m’aider, j’en ai une pleine voiture… Et me dis pas que t’as peur de te casser un ongle. Il ne tint pas compte des craintes du Carteret, évidemment que non, il n’emménagait pas ici, il avait refusé catégoriquement la proposition d’Olivia, mais ça le faisait rire intérieurement de voir l’autre paniquer comme une fillette.

Si et nous entendons bien si, parlons au conditionnel, dans un monde parfait où il y aurait probablement quelques licornes et autres elfes. Bref, si un jour Samuel venait à emménager avec Olivia, dans cette demeure qu'il n'aimait pas et qui ne lui correspondait pas du tout, si Chuck le teigneux devait toujours y vivre à ce moment là, ça faisait beaucoup d'hypothèses déjà... bref, si tout ça arrivait un jour, le blond se contrefoutrait de la présence du junkie dans ces murs. Il ferait probablement comme il savait si bien le faire, il l'ignorerait purement et simplement et, éventuellement, quand il le croiserait, peut-être lui enverrait-il des petites piques de son cru, tout au plus. Mais il ne gaspillerait certainement pas d'énergie à tenter d'avoir de l'autorité sur lui ou à lui faire la morale. De toute façon on avait bien vu ce que ça donnait, le jour où il l'avait pris avec de la drogue dans les mains il avait tenté de jouer au moralisateur avant de s'envoyer deux cachets dans la gorge et de planer jusqu'au lendemain. Il laissa échapper un petit rire moqueur à l'attention de l'hystérique face à lui. T'es pas chez toi non. Enfin, passons... Et voilà qu'il recommençait, tellement persuadé qu'il était que Pohl allait s'installer chez lui et voler une partie de son territoire en même temps qu'il lui volait sa sœur, œdipe et ses dérivés. Il ponctua en assurant qu'il était clean, ce sur quoi Sam toussa alors que l'autre commençait à sortir des menaces. Si tu veux jouer à ça, gamin, alors je pourrais très bien lui dire que même si t'es clean de drogues t'es totalement camé aux médocs à présent, elle appréciera tu crois ? Il ne fallait pas grand chose pour agacer l'écrivain et entre la sœur et le frère, on pouvait dire qu'ils étaient une vraie famille de casse-couilles. Bien que Liv soit largement à part. Et puis il pouvait bien lui dire, à son aînée, que Sam s'était drogué, il oubliait que ce lui qui l'avait fourni c'était lui-même, elle rigolerait sûrement bien à cette histoire ! Le pauvre Eustache était pris dans cette dispute et s'il tenta d'intervenir il fut envoyé sur les roses par un gosse de riches bien trop condescendant pour être sympa, Pohl le plaignait en le voyant partir la mine basse. Je n'suis pas obligé, non. Il lui sourit, provocateur. C'est même toi qui pense que je m'installe ici. Peut-être qu'il allait enfin capter qu'il se plantait depuis le départ.

C'était définitivement jouissif de voir Chuck s'offusquer et s'égosiller au sujet de cette maison et de ce pseudo emménagement. Avouons que Sam ne s'en lassait pas, il pourrait probablement le laisser courir des heures. Il ne répondit donc pas à sa réflexion en effet il n'avait rien à y redire, ce n'était pas plus chez lui que chez le gamin, bien au contraire, cette maison appartenait à sa sœur, à sa famille, peut-être même que c'était l'argent paternel qui avait acheté ces murs, qu'en savait-il de toute façon il s'en foutait totalement, comme on l'avait déjà dit, il ne comptait pas s'installer de sitôt. Son éclat de rire, par contre, le surpris, il était exagéré, à gorge déployée comme si Samuel avait sorti la plus belle blague possible, ou dit une bêtise plus grosse que lui. Et une bêtise c'en était une en effet, Pohl s'en rendit compte. Il ne pensait pas qu'Olivia était au courant et pourtant il se rappela de son retour à Bowen, de leur première soirée dans cette maison, celle durant laquelle elle avait volontairement oublié que son frère était défoncé au médoc, pire, elle avait espéré qu'il comate jusqu'au lendemain sans se réveiller pour mieux les laisse tranquille. Quelle famille, il soupira, comment ce pauvre type pouvait penser s'en sortir un jour ? Il eut presque pitié, une seconde. Tu l'dis toi même, t'as pas envie d'arrêter. Si Liv cautionne, après tout... enjoy alors. Finalement l'écrivain se lassa de son petit jeu et leva le voile sur son mystère, non, il n'emménageait pas ici et Carteret était bien idiot d'y avoir cru, d'avoir pensé que le blond soit à ce point aux pieds de sa sœur, au point de dire oui à ses moindres désirs. S'il était fou d'elle, il ne le cachait plus, il ne se voilait plus la face, il avait malgré tout ses limites. Ce sont vos affaires, Monseigneur, celles qui viennent d'arriver par cargo après avoir voyagé sur toutes les mers du globe. Tu veux un dessin ? J'imagine que dans ces cartons il y en a au moins la moitié rempli de paires de chaussures de ton aînée. Il roula des yeux en écoutant l'autre se confondre en excuses comme s'ils étaient potes maintenant qu'il savait que Sam n'allait pas marcher sur ses plates bandes. Il rit en passant la main dans ses cheveux. Me laisser terminer... tu ne m'as même pas laissé entrer alors... Enfin il n'allait pas lui en tenir rigueur, ses sautes d'humeur il s'en contrefoutait. J'ai pas l'intention de m'installer dans cette maison de fous, y a aucun risque. Il le regardait s'enfiler ses médocs comme il goberait des bonbons et l'envie de s'en griller une se fit sentir. Il sortit son paquet de clopes et en alluma une sans s'occuper du fait qu'il était à l'intérieur de la maison. Ces conneries vont te tuer Charles. Il s'avança vers la cuisine juste à côté et sorti une bière du frigo, il ne vivait pas ici mais c'était presque tout comme, il était à l'aise dans cette demeure qu'il qualifiait de fous, c'était peut-être lui le fou de croire qu'il pourrait avoir une place auprès des Carteret.

Le petit prolo faisait bien une tête de plus que le gamin Carteret et avait presque une dizaine d’années de plus que lui. Et par-dessus tout ça l’agaçait énormément qu’on le qualifie de ce surnom avec ce ton condescendant mais il serra les dents et ne dit rien, parce que s’il osait râler ça ferait plus rire Chuck qu’autre chose et il ne voulait pas s’abaisser à ça, il avait suffisamment fait de courbettes dans son enfance, parce qu’il y était forcé, à présent qu’il s’était affranchi il estimait être sur le même pied d’égalité que ce fils à papa, même s’il se trompait. Il détestait aussi que l’autre parle d’overdose, c’était la solution de facilité, pour mieux se faire pleurer, s’il voulait tant que ça s’ôter la vie alors qu’il le fasse comme un vrai, au lieu de faire suer son monde. Mais bon, c’était un peu trop violent à dire à quelqu’un d’instable. Comme quoi, l’homme sans filtre que Samuel était à une époque avait appris à tenir un peu sa langue, même s’il n’en pensait pas moins. La clope c’est pour m’éviter de devenir impoli face à ta bêtise, Charles. Puis tu sais bien… faut bien mourir de quelque chose. L’expression stupide qu’il sortait ironiquement. J’ai pas l’air d’avoir la joie de vivre là ?! En même temps Carteret junior lui tapait sur les nerfs depuis son arrivée alors il avait de quoi avoir l’air un peu piqué. T’as pas l’air de l’avoir plus que moi d’ailleurs… Dans tes dents, gamin, il avait l’air d’être tellement paumé dans sa vie que ça dissuadait d’accepter ses médocs. Parce que ta sœur m’a demandé de l’aider et que c’est quelque chose qui se fait, Chuck, d’aider les autres, sans forcément attendre quelque chose en retour. Ca s’appel être sympa, ou c’que tu veux. A croire que Chuck n’était jamais sorti de chez lui, qu’il n’avait jamais levé le petit doigt pour un ami ou autre. A croire qu’il avait toujours eu quelqu’un à son service et que tout lui tombait tout cuit dans le bec. Sûrement en fait… sûrement. Et finalement Pohl trouvait ça bien triste, il n’enviait pas sa place, loin de là.

C'est sur que Samuel n'était pas du genre hyper expressif. Il ne fallait pas généraliser, quand il était en soirée entre amis il était bien plus expansif, mais au quotidien il ne souriait pas à tout vas simplement pour signifier qu'il était heureux, ça ne lui ressemblait pas vraiment. Mais il fallait bien avouer qu'en ce moment Pohl n'était pas l'homme le plus malheureux au monde, il se plaisait bien à Bowen et puis ça allait de mieux en mieux avec Liv, tout évoluait plutôt bien. C'est ta présence qui me fait cet effet Charles, que veux-tu ! Ouais, parce qu'il lui tapait sérieusement sur le système, alors c'est sûr qu'il n'allait pas lui faire de courbettes juste pour lui faire plaisir, au gamin. Si Chuck ne savait pas ce qu'Olivia trouvait à Sam, lui il se demandait vraiment ce à quoi la britannique avait bien pensé en revenant en Australie avec son jeune frère, elle avait peut-être espéré apaiser sa conscience en faisait une bonne action, elle pensait peut-être être la seule capable de le sauver de ses démons. Sauf que ce mec ne voulait pas être sauvé, c'était flagrant et il se foutait pas mal des efforts et des sacrifices de sa sœur. T'inquiète, j'vais pas m'attarder, j'suis bien plus tranquille dans mon petit trois pièce que perdu dans votre manoir austère avec le risque de te croiser à chaque fois que j'avais pisser ou me griller une clope. Apparemment le Carteret ne savait pas ce que c'était d'être un peu sympa et d'aider les autres, ça ne devait pas faire partie de ses qualités, ni même des choses auxquelles il pensait, lui, l'aristo égoïste à qui on servait toujours tout cuit dans le bec. Sam détestait ce genre de personnes. Et en plus il provoquait le blond, comme pour mieux le faire enrager. Go fuck yourself Chuck. C'est pas parce que t'es la vermine de petit frère Carteret que j'peux pas t'en foutre une ! Qu'Olivia soit d'accord ou non. Ne me pousse pas à bout. Il tira nerveusement sur sa clope, ça le foutait en rogne parce que Chuck le poussait et lui, avec son caractère volcanique, réagissait au quart de tour. J'ai pas quitté Londres pour me faire emmerder ici à l'autre bout du monde. Il allait se retourner, de toute façon il y avait encore d'autres cartons à ramener. Il hésita juste une seconde. Qu'est ce que tu crois ? Elle a vérifié tous les cartons et trouvé toutes tes petites cachettes, tu ne trouveras rien... Et il sortit dehors pour aller décharger et terminer sa clope tranquille.