Help me if you can, I'm feeling down (Cleo)

Je suis là. Les yeux rivés sur son écran de téléphone, Tahlia répondit à ce texto, alors qu'elle prenait la direction de la porte de sortie du club de strip-tease. Perchée sur ses hauts talons et à l'étroit dans ce petit haut moulant et ce mini-short, la brune sortit à l'extérieur, ses yeux verts balayant du regard la ruelle vide. Puis une silhouette l'interpella, au détour d'une ruelle, à l'abri des regards indiscrets. Elle se dirigea vers l'homme, sourire aux lèvres. Mais quand elle arriva à sa hauteur, elle regarda autour d'elle, vérifiant que personne ne la voyait. Comme si elle savait qu'elle faisait une belle connerie et qu'elle ne voulait pas être attrapée pour cela. Là, elle glissa dans la poche de l'homme quelques billets en échange de ce petit sachet où se trouvait une poudre blanche tant reconnaissable. Son moteur depuis quelques semaines. Un remerciement et la brune s'éloigna, en toute discrétion. Mais elle ne comptait pas reprendre son service directement. Elle mit le petit sachet dans la poche arrière de son short en jean et sortit son paquet de cigarettes pour s'en griller une. Adossée contre le mur du club, la jeune femme observait les quelques passants, lançant un regard noir quand certains l'observaient avec un peu trop d'insistance. C'était le prix à payer quand on se trouvait près de ce club, dans une tenue plutôt... affriolante. Mais malgré les semaines qui passaient, elle ne s'y faisait pas totalement. Il n'y avait que son salaire qui la maintenait ici, qui lui permettait d'éponger ses dettes et de s'acheter sa drogue, dont elle n'arrivait pas à se passer. Elle était tombée bien bas, Tahlia. Elle était bien loin la policière droite dans ses bottes, qui enchaînait les leçons de morale, qui se décarcassait pour ceux qui sombraient. Maintenant, c'était elle qui sombrait. Seule. Rejetant tout son entourage. Portant sa cigarette à ses lèvres, elle prit une bonne bouffée de nicotine, tournant la tête pour recracher la fumée en l'air. Ce fut là qu'elle croisa un regard connu. Un regard surpris. Cleo se trouvait sur le trottoir d'en face, les yeux rivés sur elle. « Et merde... » souffla-t-elle. Tahlia aurait pu baisser la tête, tourner les talons et faire comme si elle n'avait pas vu Cleo. Faire comme si ce n'était pas elle, là, à proximité de ce club où Tahlia n'avait pas sa place. Mais elle resta là où elle était, soutenant le regard de son amie, sachant qu'elle allait sûrement avoir droit à des questions gênantes. Chacun son tour, dirons-nous...

Devant le bar de striptease de la ville. Il y avait fallu qu'elle fasse répéter deux ou trois fois le lieu de rencontre pour le client de ce soir à la répartitrice qui lui avait dit, pour la dernière fois, avec une pointe d'humour. « Bah quoi, Cleo, tu trouves ça bizarre qu'un mec aille besoin de se rincer l'oeil avant un rendez-vous avec une escorte ? », lui avait-elle demandé. « Ma chérie, si tu savais à quel point les gens sont dérangés. » Ça les mettait dans l'ambiance, selon elle. Ils en sortaient préparés, gonflés à bloc, dans tous les sens du terme, aussi dégoutant que ça pouvait paraître. En ce qui avait a trait avec les atrocités dégoutantes et déviantes de ce monde, il ne fallait pas oublier que Cleo en faisait également partie. Elle qui, depuis quelques mois déjà, couchait avec ces mecs qu'elle avait toujours regardés avec dédain, sous prétexte qu'elle n'avait pas assez de poids pour s'y opposer face à ses patrons. La jeune femme ne posa pas plus de questions, trouvant réconfort dans ses pensées, essayant de s'imaginer que ce mec ne pouvait pas être si horrible qu'elle se l'imaginait, malgré ses comportements déviants. Après tout, elle les encourageait, ces comportements, en acceptant de se dénuder en échange d'une paie bien méritée. Vêtue d'une robe de soirée ajustée, de talons qui claquaient derrière son passage, d'un rouge imitation Chanel sur ses lèvres, hors de question qu'elle gaspille son maquillage de luxe qu'elle arrivait peine à se payer pour l'un de ses clients, elle rejoignit le lieu de son rendez-vous où elle n'était pas supposer entrer. En effet, l'homme à l'identité toujours inconnue, la rejoindrait devant l'entrée de l'établissement. C'est en avançant vers ce dernier qu'elle remarqua une silhouette qui lui était familière. Cleo accorda une attention particulière à la brune qui, dans une tenue beaucoup moins couvrante qu'à son habitude, l'avait aussi aperçu. Tahlia ?, demanda-t-elle en fronçant les sourcils, s'avançant vers son amie d'un pas déterminé. Je peux savoir ce que tu fais ici ? La dernière fois qu'elles s'étaient vues, leur relation avait semblé en prendre un coup, la vérité qui leur avait éclaté en plein visage. Aujourd'hui, Tahlia pouvait très bien deviner ce que la blonde venait faire ici. Mais, l'inverse, n'était pas aussi clair. Que faisait-elle ici, si peu habillée ? Qu'est-ce que ses yeux semblaient vouloir fuir ?

hj:

Tahlia avait honte. Honte de ce boulot. Honte de cette poudre blanche qu'elle gardait précieusement dans la poche arrière de son mini jean. Et à cet instant, alors que son regard venait de croiser celui de l'une de ses plus proches amies, Tahlia avait honte d'elle. Elle avait blâmé Cleo sur ses activités douteuses. Aujourd'hui, elle était logée à la même enseigne, obligée de travailler pour un homme qui employait des femmes que pour leurs corps. Elle était bien loin la donneuse de leçon. Avant de juger quoique ce soit, il fallait s'assurer d'être irréprochable. Et Tahlia était loin d'être irréprochable. Elle avait juste tendance à l'oublier. Ecrasant nerveusement sa cigarette pour l'éteindre, la brune lâcha un juron, sans détourner le regard, sans tourner les talons. Elle aurait pu opter pour la lâcheté et fuir, elle qui n'avait ni le coeur, ni la force de subir les jugements de son amie. Pourtant, Tahlia aurait de quoi répondre. La brune savait pertinemment ce que Cleo faisait là. Elle était sûrement là pour rejoindre l'un de ses clients, elle qui devait désormais vendre son corps, comme elle l'avait sous-entendu lors de leur dernière rencontre. Tahlia pourrait lui balancer cela, pour se défendre, pour se protéger, mais elle ne voulait pas que leur amitié vole en éclat. La voix de son amie la fit sortir de ses pensées alors que son prénom brisa le silence nocturne. La brune tourna la tête et observa Cleo qui venait jusqu'à elle. Son visage était neutre, tentant de ne pas laisser transparaître la moindre émotion, tel un roc. Mais sa question ne la laissa pas de marbre, malgré tous ses efforts. "Je travaille ici." répondit-elle platement. Elle était clairement dans une impasse, sans aucun détour possible. Mentir n'était pas dans les habitudes de Tahlia, alors elle avait opté pour la simple vérité. "Et toi ? Qu'est-ce que tu fais là ?"

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