You're under arrest

Dans la vie, il faut savoir tourner la page. Ma famille me l'a enseigné et après avoir entarté un certain néo-zélandais, je pensais que c'était fait. Sauf que non. Je n'y arrive pas. Je ne supporte pas de le voir traîner avec cette pétasse, cette fouille-merde de Mei. Je l'ai en travers ! C'est à cause d'elle si je ne file pas le parfait amour avec Aslander, je la haïs ! Qu'est-ce qu'elle a de plus que moi ? C'est juste une grande gueule ! Par contre, je ne suis pas stupide, je ne peux pas me venger en la prenant pour cible alors je le fais indirectement, en m'en prenant à lui.

Le show télé devait s'arrêter avec le départ de Jason aux states mais sous la pression des fans, il continue avec d'autres stars. Plein de stars cette fois et j'en fais partie. Ca prouve que les parents de Jason m'ont toujours à la bonne et vu qu'ils font "la pluie et le beau temps" en matière de spectacles en Australie, ça me soulage ! Je ne me servirais pas de leur estime pour moi pour faire virer Mei de son journal par exemple, ça se retournerait contre moi et puis j'ai une autre arme si je puis dire. J'ai obtenu le droit de m'associer aux scénaristes pour l'évolution de l'intrigue. C'est un bien grand mot pour un spectacle surtout destiné aux adolescents, c'est du "kikoolol" mais ça me permet de décider qui va rester et qui va partir. J'ai fait rester les actrices qui me gavaient l'an dernier, les ex de Jason de fait, d'abord parce que je leur avais donné une bonne leçon, puis parce que du coup elles me sont redevables !

Aujourd'hui, la police de Bowen a reçu cinq plaintes pour harcèlement sexuel et attouchements sexuels accompagnées d'une petite armée d'avocats, et ce n'est pas nous qui les payons. Je porte plainte sous anonymat mais pas mes complices qui accusent directement Aslander d'avoir eu des paroles et gestes déplacés quand il était figurant pour le show, puis en dehors des studios. Nous avons même apporté des vidéos le montrant en train d'avoir des propos blessants avec une de mes acolytes. Logique, c'est un rush qui avait été fait à part, au cas où, Jason ayant songé à discréditer Aslander auprès du public s'il n'avait pas pu le faire virer. Comme il y est arrivé sans problème, il n'a pas eu besoin de ses vidéos mais elles n'ont pas été détruites. Comme il parlait trop, je l'ai entendu en parler à un technicien et je les ai retrouvés dans le fatras qu'ils appellent un rangement. Alors oui, j'agis comme une garce et je vois bien que mes complices agissent d'une façon forcée, je vois la façon dont elles me regardent malgré la peur de perdre leur place.

Je m'en fiche ! S'il n'est pas avec moi, il ne sera pas non plus avec cette garce !

Je suis donc là le jour où il est arrêté. Les menottes sont obligatoires vues les preuves à charge contre lui et puis c'est un expert en arts martiaux, il pourrait se la jouer Bruce Lee … Je me doute que non mais les flics n'ont pas envie de prendre de risques. Je les suis au poste de police et vois la surprise dans son regard quand il m'y voit. Je passe tout près de lui et m'exclame d'un air horrifié :

"Il m'agresse !"

Pour rappel, je suis une bonne actrice et ça ne coupe pas, un des flics plaque Aslander au mur le plus proche et lui colle un coup de matraque dans le ventre, pas fort, juste assez pour le faire s'agenouiller et ça marche. On me conseille alors de ne pas m'approcher mais je le fais juste assez pour plonger mon regard furieux dans le sien avant de lui murmurer à l'oreille :

"Tu croyais que l'entartage suffirait à me calmer ? Mais Mei, Mei … Bon retour chez les Kiwis."

Puis je me recule rapidement parce qu'il vaut mieux se méfier "de l'eau qui dort". Il ne reste plus qu'à assumer les dégâts collatéraux de mes actes, c'est-à-dire un éventuel geste violent de sa sœur, qui la ferait aussi expulser du pays. Quant à Mei, je l'ai fait s'éloigner avec le genre de reportage qu'on ne peut pas refuser. A son retour, il sera trop tard et je la gérerai avec le propre moyen de pression qu'elle avait eu sur Jason et moi !

Il y avait des moments où tout semblait réussir à Asl. Il vivait en Australie, auprès de sa grande sœur adorée et de sa nièce qui était elle-même adorable. Ais vivait le grand amour avec Isa, un jeune homme que le néo-zélandais considérait comme un frère, c'est dire s'il l'appréciait beaucoup. Il avait gagné sa vie plus que de raison en gardant le fils de Lin et si le petit était retourné vivre auprès de son père en Chine, au moins ne subissait-il plus une femme aussi toxique que son ancienne amie d'enfance. Puis cerise sur le gâteau, les malentendus s'étaient dissipés entre Mei et lui et ils filaient le parfait amour, une relation basée sur la confiance, sur l’honnêteté, une qualité qui avait fait défaut à la jeune femme à cause de sa rancœur envers Lin. Son amour était partie pour un reportage important qui devrait voir l'aboutissement d'un dossier de quelques années, aussi Asl prenait-il bien son absence parce que ça comptait pour elle. Il n'empêche qu'elle lui manquait déjà. Il y avait aussi le fait que sa sœur n'était pas prête à côtoyer Mei, ne serait-ce qu'un peu mais avec un peu de patience, ca finirait par s'arranger, de ça le jeune homme était convaincu.

Puis il y avait des moments où un gros problème surgissait sans prévenir. Asl allait faire les courses au marché pour la petite famille  quand il était entouré par plusieurs policiers et des voitures aux sirènes hurlantes, faisant peur aux passants et pleurer les enfants. Devant une telle démonstration de force, le jeune homme cherchait du regard d'éventuels terroristes qu'il aurait pu éventuellement manquer, se promenant dans le marché avec un bazooka et des fusils d'assaut. En fait, les policiers étaient là pour lui, ils lui ordonnaient de se rendre et de les suivre au commissariat. C'était limite s'ils ne le braquaient pas avec leur arme de service.

"Qui, moi ?"

Demandait-il, stupéfait et c'était bien le cas, aussi avant toute chose leur demandait-il de lui donner leur identité pour qu'il contacte le commissariat et qu'on lui confirme leur statut de policiers. De faux policiers avaient déjà procédé à des kidnappings et Asl avait pu se faire des ennemis pour avoir aidé Mei contre la fan de Lin. C'était d'ailleurs son droit le plus élémentaire, c'est juste que trop de personnes l'ignoraient. Il contactait donc le commissariat et on lui confirmait non seulement leur identité mais on l'informait aussi de la raison de cette arrestation. Tombant des nues, il regardait d'abord parmi la foule à la recherche d'un visage familier.

"Je suis accusé d'harcèlement sexuel ? Sérieusement ? Vous plaisantez, c'est ça, c'est une blague. Thalia se cache dans le coin ? Tahlia, tu te caches où ?"

Tahlia n'était pas là, elle ne se cachait pas dans le décor en attendant de sortir en disant avec un grand sourire un genre de "surprise sur prise !" Asl était vraiment en état d'arrestation. Ca lui faisait un choc parce qu'il n'aurait jamais fait ça mais il n'était plus menacé, aussi se laissait-il arrêter et même menotté même si ça n'était pas nécessaire mais les policiers avaient sans doute peur que l'expert en arts martiaux leur mette une raclée. Livide, il embarquait dans la voiture et arrivait peu de temps après au commissariat où on le traitait comme un terroriste. La présomption d'innocence avait l'air d'échapper à certains membres des forces de l'ordre. C'est là qu'il tombait nez à nez avec Ana et il comprenait, surtout quand cette dernière faisait croire aux policiers qu'il allait l'agressait et qu'il se prenait un coup de matraque en plein ventre, ce qui lui coupait le souffle et il tombait à genoux. L'actrice lui soufflait alors des paroles qui lui rappelaient ce moment où il avait confié ses inquiétudes à Ais.

"Tu tombes bien bas Ana, tu me déçois ..."

Asl comprenait que la latine était à l'origine de son arrestation et la connaissant, elle n'avait pas du faire les choses à moitié. A son regard, il comprenait qu'il n'arriverait pas à lui rendre la raison, à arrêter tout ça. Il avait droit à un coup de fil et appelait Ais. Elle répondait à la deuxième sonnerie et il allait droit au but :

"Au secours Frangine, la police m'a arrêté, j'aurais harcelé sexuellement des actrices. Tu sais pertinemment que ce n'est pas le cas. C'est Ana, la tarte dans ma figure ne lui a de toute évidence pas suffi. Ca aurait été mieux si elle avait rayé la carrosserie de la voiture avec son trousseau de clefs. Surtout ne lui saute pas dessus, elle n'attend certainement que ça."

C'était plus facile à dire qu'à faire, lui-même commençait à sentir la colère monter en lui. Le jeune homme pouvait comprendre qu'Ana déteste Mei, elle avait son franc-parler, il pouvait concevoir qu'elle reste bloquée dans son idée erronée qu'il n'était pas allé plus loin dans leur amorce de flirt pour s'amouracher de la journaliste mais que la latine se serve de lui pour atteindre l'australienne, c'était un coup bas qu'il aurait jugé indigne d'elle, jusqu'à aujourd'hui du moins.

Aslander est déçu, le pauvre chou ! Pas tant que moi ! Puis j'apprends que le néo-zélandais a appelé sa grande sœur, que c'est mignon ... Moi je recadre en toute discrétion mes complices qui me témoignent à présent du respect. Non, de la peur, ce qui est mieux dans ce cas. Finalement mon nom va être cité très loin dans le rapport en tant que témoin et les médias locaux ne devraient même pas l'évoquer. De toute façon, ça ne fera même pas un entrefilet dans les faits divers et Mei n'aura pas le droit d'en parler à son retour, sauf si elle veut faire un autre métier. J'en doute ! Puis ce sera trop tard. Je me suis renseignée comme il faut, l'Australie et la Nouvelle-Zélande sont des partenaires de longue date. Leurs concitoyens peuvent vivre et travailler dans le pays ami sans permis. Par contre, l'Australie est très sévère concernant la délinquance commise par ses invités sur son sol et elle les expulse en quarante-huit heures vers leur pays natal qui se charge du procès éventuel. Des fois, le kiwi est expulsé sur des accusations mensongères. Non, sérieusement ? Très improbable ! Je me fiche des relations internationales, je veux juste me venger de Mei. Me voilà donc "rassurant les pauvres victimes de l'odieux harceleur".

"Vous vous rendez compte, il a même tenté de m'agresser !"

Elles me répondent alors "je le voyais venir, il n'était pas net", de "un sauvage !", surenchéri par "si ça se trouve, il fomente un attentat" et je me retiens de rire. De rire jaune parce que la colère commence à retomber et je ne me sens pas bien mais "quand le vin est tiré, il faut le boire". Par contre, quand une de mes complices me sort un "et dire qu'il garde des enfants, si ça se trouve il a des gestes déplacés …", je l'empoigne par le haut de sa robe et la regarde avec un air mauvais qui lui fait regretter aussitôt son zèle. Dans l'agitation ambiante, personne ne remarque mon geste.

"Pas de ça."

Elle hoche la tête pour signifier son accord inconditionnel. Je veux leur faire mal autant que j'ai mal, pas détruire Aslander, nuance. Je me demande pourquoi on doit encore s'attarder ici puis un policier m'apprend une nouvelle à laquelle j'aurais pourtant du m'attendre. Une confrontation avec ses accusatrices … Ca n'est pas bête mais ça ne changera rien. Je regarde les bimbos et j'espère qu'elles seront à la hauteur. Ce serait mieux pour elles.

Depuis qu'il était à Bowen, Asl avait lié amitié avec plusieurs policiers en participant à un cours de boxe par semaine, il avait aussi donné de son temps pour enseigner le wing tsun à des recrues pendant deux stages d'autodéfense et même si son copain David venait prendre de ses nouvelles et lui assurait qu'il ne croyait pas en sa culpabilité, le néo-zélandais n'aurait droit à aucun traitement de faveur, ce qu'il ne demandait pas de toute façon. Par contre, il aurait du se souvenir que son amie Thalia ne travaillait plus dans la police depuis un moment.

Asl avait droit à un avocat mais d'abord il n'avait pas confiance en eux et ensuite il se doutait qu'Ana n'était pas une conspiratrice de la trempe de Lin, qu'elle avait agi ainsi par colère, non par calcul et que par conséquent l'objet de cette plainte devait être sérieusement bancal. La procédure n'étant pas ralentie par un avocat, il demandait donc qu'on lui montre les preuves de sa prétendue culpabilité.

Il y avait donc d'abord la plainte de quatre actrices à la merci d'Ana et le témoignage de cette dernière. Elles s'appelaient Emmy, Barbara, Alison et Suzie. La latine lui avait raconté qu'il s'agissait des ex de Jason et qu'elle les avait ridiculisées à l'époque parce qu'elles diffamaient l'acteur, Asl avait préféré ne pas demander à quel sujet.

Il y avait ensuite des vidéos dites compromettantes et ça, Asl demandait à les voir en premier en fait, curieux de voir à quel moment on aurait pu le filmer en train de harceler sexuellement quelqu'un vu qu'il n'avait jamais fait une chose pareille. Il les visionnait et était consterné par ce qu'il voyait.

"Sérieusement ? Ce sont des bouts d'essai qu'on a tourné pour le cas où j'aurais un rôle un peu plus durable que figurant. Ce son parfait à cette distance, ça vous semble normal ? C'est parce qu'il y avait une perche avec un micro au dessus de nous et dans la deuxième vidéo, Suzie m'appelle Bob. Bob ! C'était le nom du personnage que j'aurais joué."

Les flics étaient mal à l'aise, se rendant probablement compte que quelque chose clochait en effet, et puis un tel déploiements de moyens juridiques pour un simple figurants sans histoire ni casier laissait perplexe, aussi sa demande de confrontation avec ses accusatrices était-elle acceptée mais seulement le lendemain matin à cause du "filtre" des avocats. Or le temps jouait contre lui parce que dans moins de deux jours, il serait expulsé du pays pour longtemps s'il ne parvenait pas à convaincre les autorités locales que ces accusations pesant contre lui étaient un tissu de mensonges.

Le néo-zélandais allait être hébergé au commissariat cette nuit, dans une cellule individuelle de deux mètres sur deux avec un wc, un lavabo et une couchette heureusement très dure, c'était déjà ça. D'ici là, sa frangine devrait arriver et il pourrait lui faire un topo de la situation. Le jeune homme s'en voulait de lui causer de tels soucis mais après le "Tout Sauf Lin" légitime d'Ais, il ne pouvait pas deviner qu'Ana pratiquerait le "Tout Sauf Mei" et irait aussi bas pour se venger de la sorte.

Asl dormirait probablement peu cette nuit mais il espérait lire le dossier écrit complet et demander que la police cherche des témoins au studio, tels que par exemple le cameraman et le technicien micro qui avaient filmé ces scènes mais leur témoignage serait tellement compromettant pour Ana et les quatre autres actrices qu'Asl se doutait qu'il devait y avoir un problème.

Asl avait pu étudier le dossier des charges contre lui et ce dernier était d'une brièveté hallucinante, lui confirmant qu'Ana n'était pas du tout machiavélique. Le lendemain matin, il n'était pas surpris de voir sa sœur mais d'être libéré. Le policier lui disait que les charges étaient retirées contre lui, qu'ils n'avaient rien de concret contre lui, ce que le néo-zélandais aurait dit au juge dès sa confrontation avec ses quatre accusatrices. Le jeune homme ne comprenait néanmoins pas ce qui s'était passé quand sa sœur l’attrapait par la main et il la suivait de fait. Ais semblait très en colère, une véritable tornade et il avait l'impression qu'elle était furieuse contre lui puis elle s'exprimait une fois en dehors du commissariat.

"Bonne idée frangine même si ça m'étonnerait que les complices d'Ana la lâchent et sans ça, les policiers ne pourront rien prouver. Comment as-tu fait pour me faire libérer ? Je me voyais expulsé malgré la faiblesse des charges contre moi. Ana a même utilisé des essais de vidéos où je jouais le méchant garçon pour en faire des preuves, ça ne tenait pas debout mais ça aurait pu suffire pour me renvoyer en Nouvelle-Zélande et ça, elle le savait parfaitement."

Asl comprenait que sa sœur avait fait un peu d'humour sur le fait de remédier au fait qu'ils choisirait mal "les femmes de son entourage" dont il n'en parlait pas. Il ne sentait pas le fauve, il fallait plus qu'une nuit au poste de police pour en arriver là, il avait juste un début de barbe mais ça n'était rien et puis il pourrait même en laisser un peu finalement, il verrait ça avec Mei à son retour. En songeant à elle, il fronçait les sourcils.

"Je suis désolé de t'apporter ces problèmes, grande sœur. On peut prendre un café dans le coin et je vais tout t'expliquer en détails. Je pense à Mei qui va bientôt revenir et ça me contrarie aussi. Si je lui en parle, elle est capable … Tu sais de quoi elle est capable parce que tu en est capable toi aussi. S'il-te-plait, pas de violence, pas physique en tout cas. Or, si je ne lui en parle pas, ça sera pire. On ne doit plus rien se cacher."

C'était un dilemme.

Au café, Asl buvait un café bien noir même s'il était déjà pleinement réveillé. Ca l'aidait à rassembler ses pensées.

"J'ai travaillé comme figurant au studio d'Ana, elle venait alors de commencer à percer dans le métier parce que Jason, la star du show l'avait mise en avant à la surprise générale. Il y a une part d'improvisation dans ce spectacle. J'aurais pu avoir un vrai rôle mais Jason a été jaloux a mis un terme à mon contrât. En gros, il a fréquenté les quatre jeune femmes avant d'être avec Ana même si ça n'a pas été officiel avec elle. Ils entretenaient le secret mais personne n'était dupe. Puis j'ai revu Ana par hasard pour le résultat que tu connais. J'ai été abrupt avec elle alors je l'ai revue pour lui présenter mes excuses. Je lui ai dit la vérité, à savoir qu'après les manipulations de Lin, j'ai été virulent quand je me suis rendu compte qu'elle avait planifié notre avenir alors que nous n'étions pas encore intimes."

Il soupirait.

"Elle m'a cru et pendant quelques instants, nous avons été sur le point de devenir des amis mais Ana a alors découvert que Mei et moi étions en couple. Ana la haït et elle a cru que je "l'avais quittée" pour elle. La quasi amitié est devenue alors de la haine et c'est pour ça que je t'avais fait part de mon inquiétude."

Le jeune homme concluait pour le moment en finissant son café :

"Elles doivent toutes être au studio maintenant mais il nous faudrait contacter les parents de Jason. La moralité n'est pas leur qualité première mais ils n'auront pas envie qu'un scandale éclate, c'est mauvais pour les affaires. Eux seuls peuvent libérer les complices forcées d'Ana de son emprise. Eux seuls peuvent mettre Ana sur la touche, pas pour toujours mais un petit moment, qu'elle comprenne que son acte malveillant aura eu des conséquences néfastes pour elle."

Proposait Asl tout en se disant que pour Ais et Mei, ce serait probablement une punition beaucoup trop légère.

J'aime jouer la comédie, j'ai ça "dans le sang" ! Je suis une bonne actrice. C'est juste que je n'ai pas eu la chance d'avoir vraiment un rôle à la hauteur de mon talent mais je suis jeune et il faut bien commencer quelque part, d'ailleurs je suis toujours une étudiante. Puis l'an dernier, j'étais encore une simple figurante alors ce n'est pas mal d'avoir un premier rôle, même dans un show pour adolescents. Du coup, on a tendance actuellement à me sous-estimer et je dois dire que ça m'arrange dans mon entreprise actuelle : Reconquérir le cœur d'Aslander et le mettre dans mon lit parce que je le vaux bien et parce que des mâles à la hauteur du néo-zélandais, il n'y en a pas à Bowen, ou il sont pris avec une concurrence féroce guettant le moindre faux pas de leur chérie actuelle.

Tout ça, c'est la faute de Lin et parce que le jeune homme n'a pas voulu m'embêter en me parlant de son ancienne amie d'enfance manipulatrice. S'il m'en avait parlé, j'aurais agi différemment, tout ce serait passé différemment. J'aurais été plus "au jour le jour", plus spontanée et je n'aurais pas essayé de m'attirer les faveurs de sa sœur. Si je ne peux pas revenir en arrière, je peux tenter le tout pour le tout en misant sur cette période de ma vie où mon talent de comédienne est sous-estimé.

Même si je pense qu'au final, cette péripétie aura un dénouement heureux, je passe une première moitié de nuit très agitée, remuant sans cesse dans mon sommeil puis à quatre heures du matin, pas moyen de me rendormir alors je vais à la cuisine me faire un café. Ma mère me rejoint l'air soucieux. Elle semble le deviner quand j'ai un problème, il faut dire que notre lien est très fort. Ma petite maman d'amour toujours à l'écoute, toujours de bon conseil. Ca n'est pas un du, ça n'est pas automatique ! Je lui sers du café et je lui raconte ce que j'ai fait. Tout ce que j'ai fait et en détail. La partie I et la partie II de mon plan. Elle m'écoute et là, elle me raconte comment elle a conquis le cœur de mon père qui à l'époque avait de nombreuses prétendantes, l'air de rien. Je connais cette histoire par cœur mais je ne me lasse jamais de l'entendre tant maman y met de la vida. Ma mère est gentille, elle a le cœur sur la main mais dès qu'il s'agit de la famille, elle devient un démon. En fait, quand il s'agit de la famille et des affaires de cœur. Ce qu'elle a fait pour que mon père l'épouse, non pour qu'il tombe amoureux d'elle dépasse l'entendement mais je comprends pourquoi elle me raconte ça cette nuit, avec un sourire entendu aux lèvres.

Telle mère telle fille ?

Je lui fais un gros bisou sur le front et réveillée pour réveillée, je vais préparer la suite des événements. Aslander va être expulsé et sa sœur sera furieuse contre moi. Le Joker à coté, c'est Bambi. Je dois amortir le choc de notre rencontre inévitable et organiser le retour de son frère. Ainsi je prépare les demandes d'annulation pour l'expulsion du néo-zélandais tout en sachant qu'elles seront refusées. Le juge en charge de ce type de dossier est un "anti-kiwis" convaincu. Il renvoie les néo-zélandais à leur pays natal à la moindre suspicion de méfait contre la société australienne. C'est un croisé, c'est un zélé et il est intouchable. C'est d'ailleurs le nerf de la guerre parce que contrairement aux apparences, mon action n'est pas mue uniquement par la colère d'une amoureuse éconduite précocement.

A la première heure, je vais trouver mes complices au studio et leur explique la vérité sur notre entreprise, gagnant aussitôt un statut de "sainte sauveuse du monde libre" à leurs yeux. Elles demandent l'annulation de leur plainte qui est refusée en un temps record de cinquante-huit minutes. Plus fort que Bruce Willis. On ne tourne pas aujourd'hui, ce sont plutôt de brèves répétitions. Deux heures plus tard, je prépare la suite des événements, une "rencontre fortuite" avec Aisling. J'ai un pincement au cœur en songeant qu'Aslander doit être à l'heure actuelle conduit à l'aéroport sous escorte policière quand je le vois débarquer au studio avec sa sœur et sans surprise, ils n'ont pas l'air contents. La surprise, c'est de le voir libre en fait. La rencontre fortuite l'est du coup beaucoup moins, fortuite. Je pourrais crier à la sécurité et ils seraient mis à la porte en moins de temps qu'il ne m'en faut pour trouver la racine carrée de … Cent-vingt-et-un. Ca fait combien d'ailleurs ? Sans un mot, je m'approche d'Aslander, lui prends la main et leur fais signe à tous deux de me suivre dans ma loge. Je me doute que même Aisling ne me tabasserait pas en public, sous l'objectif des caméras en plus, mais une fois en privé … Là, j'éclate en sanglots en me jetant aux bras d'Aslander.

"Ils t'ont libéré, merci mon Dieu ! Gracias a Dios ! Je te croyais dans l'avion, c'était horrible. Mei m'a obligée, elle m'a fait chanter !"

Je ne peux pas en dire davantage sur le moment à cause de l'émotion forcément, mouillant allègrement la chemise d'Aslander, lequel ne devait pas s'attendre à ça. Oh, le jeune homme peut douter de ma bonne foi et sa grande sœur ne pas y croire une seule seconde mais j'ai les preuves de ce que j'avance et ils vont les connaître dans les instants à venir.