Un coureur c'est un joggeur et une coureuse c'est une pute. [ft. Woody]

Je ne pensais pas qu'il viendrait un jour où je me mettrais à prendre des cours de yoga. Je ne sais même pas vraiment si c'est le terme qu'on emploie réellement "des cours". Je sais juste que j'y assiste depuis presque trois mois. Woody Rutkowski, professeur de yoga, malade de ce que j'ai cru comprendre malgré le fait que je n'ai absolument rien compris à ce qu'il avait et surtout, petit-ami de Selene comme elle a bien voulu s'appeler en ma présence. Enfin petit-ami, le mot est grand vu que leur histoire n'est que du réchauffé de ce que j'ai compris. Fuis moi je te suis, ce genre de conneries qui fatiguent en fait tout le monde. Oui je sais que j'abuse réellement à tenter de rentrer en contact avec toutes ses personnes intimes mais il faut bien s'aventurer par-là si je veux toucher ma cible. Ce qui m'embête le plus dans cette histoire c'est que cette salope sorte avec un type aussi bien que lui -du peu que je le connais- et ce qui me déplaît encore plus est que je sais que je profite de lui juste pour avoir des informations sur sa vie privée et surtout sentimentale même s'il ne me dit pas forcément le nom de sa "compagne". Je me fais craquer le dos en revenant dans les vestiaires en sa compagnie. Un peu d'exercice ne fait pas de mal. Moi qui pensais que c'était une activité de meuf, il semblerait que mon avis change à ce sujet vu les courbatures que je me tapais aux premières séances. Un frisson, je commence à me déchausser, posant mon pied sur l'un des bancs pour délacer mes baskets. "Tu ne sais pas quoi? J'ai trouvé quelqu'un pour tenir le bar avec moi au Chiki Boom. Elle a l'air compétente, ce qui est déjà pas mal mais je sens en elle un fort caractère. J'ai peur que ça m'exaspère à un moment donné." lui confiais-je comme la majeure partie des "post-sport". "Si par hasard tu connais des gens à qui ça intéresserait d'être Disk Jockey ou encore un autre barman, dis moi. La femme est en cloque et va forcément être en congés durant quelques semaines donc..." Quelle plaie. Je ne sais même pas pourquoi je l'ai embauché alors que je savais qu'elle attendait un ou plusieurs mioches. "D'ailleurs, je ne t'ai jamais vu dans ma boîte de nuit. Rien de bien méchant, juste de quoi rappeler notre jeunesse. Ca ne te ferait pas de mal non?" Je le regarde en enlevant finalement mon haut en sueur. Une simple proposition amicale. Je ne m'attends pas à ce qu'il vienne directement avec Freja.

Ils tiraient à leur fin, ces cours. Et pas que parce que l’aiguille de l’horloge approchait la prochaine heure. Et pas que parce que le temps des fêtes était à nos portes et que le centre fermerait pour quelques jours. Ils tiraient à leur fin parce que Woody ne serait bientôt plus capable d’exécuter lui-même ces mouvements qu’il encourageait auprès des autres. Il ne pourrait plus être enseignant de yoga, il ne pourrait plus être massothérapeute, hell, il ne savait même pas combien de temps encore il pourrait être physiothérapeute. Ses symptômes étaient de plus en plus dérangeants et il savait pertinemment que ses activités quotidiennes ne pourraient plus être les mêmes. Elles ne pourraient plus être, point. Autant vous dire que cette constatation plongeait Woody dans des états sombres et étouffants. Ces séances de yoga, dernièrement, il les faisait davantage pour lui-même que pour les autres. Il avait besoin, pour se garder la tête hors de l’eau, de ces moments de méditation, de réflexion, et de reconnexion avec son corps. Si les visages des élèves dans ses cours changeaient de semaine en semaine, grâce à ces fameux forfaits à la carte qui permettaient des vas-et-viens incessants, un visage parmi d’autres laissait croire à Woody que quelqu’un d’autre que lui avait ce besoin pressant de retourner aux sources. Tobias. Cela faisait environ trois mois qu’il fréquentait le Yoga Space, et soit il avait exactement le même horaire que Woody, soit il assistait à tous les cours de la semaine, tous professeurs confondus, parce qu’il était toujours là lorsque Woody animait une séance. Si le silence était roi pendant cette heure pour soi, c’était au vestiaire que les deux hommes avaient pris l’habitude de parler, jusqu’à ce qu’ils regagnent chacun leur voiture. Aujourd’hui ne faisait pas exception. Le trentenaire fronça légèrement les sourcils en écoutant Tobias. « Fort caractère et en cloque ? Ça me fait drôlement penser à quelqu’un que je connais, ça. » Il esquissa un sourire. Tahlia Wates, qu’il n’aurait pas imaginée enceinte après leur dernière conversation, mais la vie était parfois drôlement faite, aussi. « Y’a pas de nom qui m’vienne en tête mais je te dirai si je pense à quelqu’un qui pourrait faire l’affaire. » Il n’avait plus beaucoup de connaissances, Woody. Autrefois bien populaire, il s’était finalement fermé sur lui-même, ne laissant plus personne entrer définitivement dans sa vie. Quand Tobias l’invita à aller faire un tour dans sa boîte de nuit, qui impliquait presque automatiquement d’enfiler des patins à roulettes, Woody secoua doucement la tête. « C’est pas trop mon genre, j’t’avoue. J’préfère l’ambiance des bars. » Et surtout, il ne savait pas combien de temps il tiendrait debout sur cette piste de roller.

Un haussement de sourcils lorsqu'il me dit qu'il connait la personne. Avait-elle si mauvaise réputation pour qu'on se rappelle d'elle? Oui, je ne l'imagine pas être la parfaite jeune femme qui donne des millions aux associations caritatives et à qui on fait les louanges sur sa générosité. Je fronce finalement les sourcils. "Et tu la connais bien? Faut du temps pour l'apprivoiser ou bien...?" Oui. Elle me fait souvent sortir de mes gonds celle-là, je le reconnais. D'ailleurs Woody n'est jamais passer à la boîte et ça, ça me pose un petit problème. Je sais bien que nous ne sommes pas les meilleurs amis du monde mais on s'entend bien quand même. Un petit passage, ce n'est pas ça qui lui fera du mal. "Si tu veux, je peux organiser ce genre de chose. Dis moi l'ambiance qui te ferait plaisir et j'organiserais de A à Z la boîte pour que ça ressemble à un bar dansant." Ma tête penche légèrement sur le côté, un petit sourire pincé à mes lèvres se dessinent. Si mes connaissances VIP peuvent se sentir comme chez elles, je ferais tout ce qui en mon pouvoir pour y arriver. Et surtout faire une soirée qui déchire et où Harmonie ne pourra pas rivaliser. "Non vraiment. Ce serait cool qu'on fasse des choses autre que de discuter au vestiaire. Ça ne me dérange pas mais bon." Un petit sourire, j'hausse les épaules. "Mais toi, comment tu te sens dis moi?" Arrêtons quelques secondes de parler de moi, concentrons-nous sur l'homme à mes côtés.

Un sourire se dessina sur les lèvres de Woody alors que Tobias le questionnait avec un peu d’inquiétude dans la voix à propos de celle qu’il venait d’employer. « Ben, si on parle de Tahlia, elle a du caractère, j’peux pas le nier … » Il rit légèrement tout en enfilant ses vêtements. « Mais c’est une des personnes que j’apprécie le plus dans mon entourage. » Lui avoua-t-il ensuite. Ce serait peut-être d’ailleurs un argument de plus pour Tobias de le convaincre à passer à sa boîte de nuit puisque pour le moment, ça ne semblait pas gagné. Woody aurait bien voulu l’encourager mais il doutait que son ami ait besoin de ce coup de pouce, vue la popularité grandissante du Chiki Boom à Bowen. Cependant, Tobias semblait y tenir, puisqu’il affirma qu’il pouvait organiser une soirée selon l’ambiance que recherchait Woody. Ce dernier haussa les sourcils. « Oh, pas un bar dansant, par pitié. » Il rit. S’il ne pensait pas pouvoir tenir bien longtemps sur patins, ça ne serait pas vraiment différent sur une piste de danse. Mais ça, Tobias l’ignorait, parce que Woody se cachait de tout le monde quand venait le temps d’aborder sa maladie. « Te donne pas tout ce mal pour moi. Je passerai bientôt, promis. J’aurai qu’à rester au bar et regarder la magie s’produire. » Le propriétaire de la boîte serait toutefois très déçu de voir Woody débarquer seul. Il n’y avait aucune chance que Freja l’accompagne, où que ce soit d’ailleurs, puisqu’ils ne s’étaient pas parlé depuis qu’ils s’étaient croisés par hasard au Elm Street. Puis, Tobias lui demanda comment il se sentait, question qui sonna drôlement formulée aux oreilles du malade. Comme si son ami savait quelque chose qu’il ne devrait pas savoir. « Je me sens bien. Pourquoi tu me demandes ça ? » Demanda Woody, les sourcils froncés, suspicieux.