such a wonderful christmas time (libre)

T’es pas douce, Alma. Oh que non, les infirmières font les cents pas autour de toi et les médecins aussi. Toi, tu tousses sans cesse. Tu crains que le sang va bientôt sortir d’entre tes lèvres et tu le sais que c’est possible. Tu le sais. T’es assise dans une petite salle de l’hôpital et t’es branchée de partout. Normalement, tu t’opposes pas aux gens de l’hôpital et tu les laisses faire leurs trucs, mais là... T’es impatiente, Alma. Pas que t’avais prévu faire des trucs spécifiques aujourd’hui, peut-être faire un peu de shopping de Noël, même si tu savais pas trop. T’es assise, tu bouges les jambes, t’es impatiente. C’est pas parce que t’es sur le point de te vomir les poumons que tu vas arrêter de grouiller. Finalement, ils s’éparpillent tous et tu restes branchée sous mille solutés. « Hey Ho! J’aimerais bien avoir un sac de chips! J’vais rester ici jusqu’à la fin de ma vie si ça continue! » Tu te la joues dramatique et pourtant, t’aimerais bien que quelqu’un t’aies entendu parce que mine de rien, t’as envie de ces chips! Tu soupires vaguement et t’enfonces ta tête dans la chaise. « Raaah, mais c’est long! J’savais pas que les hôpitaux australiens étaient plus chiants que les américains! » T’aimerais bien avoir un ami avec qui discuter plutôt que de râler, parce que tu râles pas toi habituellement, Alma. Tu regardes la pauvre infirmière qui rentre et c’est elle qui va se mériter des paillettes. « C’est quand que tu vas mettre des paillettes dans ma vie, Nancy? J’ai 24 ans, for God’s sake, je devrais vivre ma meilleure vie! » C’était vrai tout ça, tu le savais Alma. Le countdown était trop long d’ici Noël!

Des sacs pleins les bras, Ezekielle cherchait la fameuse porte 107 que la gentille dame de la réception lui avait indiquée. Elle avait beau chercher, cela devait faire au moins dix minutes qu'elle tournait en rond. Pas qu'elle était pressée, elle ne l'était pas du tout, mais elle avait hâte que les petits précieux qu'elle portait trouvent réconfort dans leur futur chez soi. La jeune blonde avait mit sur pied un projet dans le quartier afin de confectionner de petites douceurs pour plusieurs patients de l'hôpital. Des chaussettes de laine pour les soirées plus fraîches, des couvertures douces et colorées, de petites sucreries et des cartes soigneusement écrites. Chacun d'eux serait remis quelques jours avant Noël aux patients qui demeureraient hospitalisés le soir de Noël. Ça lui faisait chaud au coeur, Ez, d'aider de toutes les façons possibles. Elle viendrait assurément passer quelques heures dans les différents départements, d'ailleurs, durant ce temps des fêtes. Elle n'avait pas prévu quitter pour Portland, du moins, pour l'instant. Ezekielle s'arrêta de marcher, déposa ses sacs par terre puis replaca quelques mèches de ses cheveux derrière ses oreilles. Sa vieille montre au bracelet de cuir affichait une heure qui ne lui disait pas grand chose, en fait. « Il faudrait bien que je cesse de remettre à plus tard ce changement d'heure », pensa-t-elle. Alors qu'elle s'apprêta à repartir, sacs dans les mains, une infirmière entra dans la chambre sur sa gauche et, la porte entrouverte, une voix qui lui semblait familière se fit entendre. Et elle se plaignait. Sans réfléchir, Ezekielle étira son cou question d'essayer d'apercevoir la patiente. Confidentialité 0, Ezekielle 1. Son regard ne la trahissait pas. Ezekielle poussa la porte sans gêne et entra dans la chambre. « Alma ? Tu blagues, c'est certain ! » Comment était-ce même possible ? Cela faisait des lustres qu'elles ne s'étaient pas vues. « Pardonnez-là, Nancy. Elle n'est pas toujours aussi chiante », glissa Ezekielle à la pauvre femme qui semblait complètement déboussolée. « T'es pas toi quand t'as faim », ajouta l'Américaine en direction de son amie, un grand sourire aux lèvres, lui tendant une barre tendre qu'elle avait sortie de sa poche. Elle se montrait patiente, mais serrerait dans ses bras son amie aussitôt l'attelage de tubes démêlé.

Alors que tu râles plein ton cœur parce que t’en as long à dire de la vie pénible que tu mènes. Tu te fais ramener à l’ordre par une voix familière; celle d’Ezekielle Wakefield. Autant que la vie était pénible pour toi, autant cette rencontre fortuite t’arrachait un énorme sourire et tu regagnais ta bonne humeur légendaire! « Non maiiiis, c’est pas toi qu’on assit de force pour te brancher de partout! Par contre, je suis bien heureuse de te voir! » C’est vrai, tu avais l’habitude avec les hôpitaux mais c’était à peine si ceux d’Australie ne te ligotaient pas directement sur un meuble. Ezekielle s’excusait à la pauvre Nancy que tu avais martyrisée avec tes paroles quelques secondes plus tôt. La blonde sortait un slogan d’une pub qui te faisait pouffer de rire. Tu regardes la barre tendre et tu affiches une moue enfantine en secouant la tête négativement. « J’peux pas, ils me font un gavage. » Tu grognes, tu détestes les gavages, mais c’est pas de ta faute si tu ne peux pas prendre un gramme! Il faudrait que tu fasses un régime grossissant alors que t’étais toute petite, quasi rachitique. « En plus de me faire un traitement pour une infection respiratoire... J’en ai pour au moins deux heures. » Tu grimaces, tu détestes les hôpitaux et pourtant, tu y passes le plus clair de ton temps. Tu appréhendes passer les fêtes à l’hôpital si ça se poursuit tout ça... Mais maintenant que tu revois ton amie d’adolescence, quelque part au fond de toi, t’es rassurée. « Tu me laisseras pas passer Noël toute seule ici, hein Ezie? » Que tu lui demandes avec un visage triste en pensant au pire.

L'air qu'affichait la brunette changea aussitôt que leurs regards se croisèrent. Les lèvres pincées, Ezekielle sourit à ses mots. Alma était heureuse de la voir, mais visiblement, sa santé ne s'améliorait toujours pas. Si seulement la blonde pouvait faire quelque chose pour son amie, elle l'aurait fait il y a de cela tellement d'années déjà. Malheureusement, comme Alma lui avait déjà expliqué, les chances étaient minces - très minces, dans son cas - de trouver un donneur compatible et de gagner, chaque fois, à la loterie du don d'organes. « Oh, je sais Alma, parce que si je le pouvais, je serais assise à ta place ». Mais ça, son amie le savait déjà. Tout comme elle savait qu'Ezekielle taquinait la pauvre infirmière. Les hôpitaux, elle évitait le plus possible. Ezekielle avait tout qu'un bottin de médecines douces enregistré dans sa mémoire. C'est fou comme certains aliments ou certaines habitudes pouvaient influencer la guérison ou le traitement de certains maux. Dans tous les cas, ce n'est pas la petite barre de noix biologique qui allait remédier à la situation d'Alma, qui refusa doucement son offre. « Désolée Alma, je n'y ai pas pensé. » Elle enfoui le petit emballage là où elle l'avait prit, puis s'asseya sur une chaise vacante. « Deux heures ? », pensa-t-elle tout haut. « Ça me va, je peux bien t'endurer deux heures. » Elle pouffa de rire. Les sacs attendraient. De toute façon, l'Américaine avait décidé de prendre de l'avance en les amenant aujourd'hui, puisque Noël n'était que dans deux semaines. À cet effet, Alma questionna Ezekielle, qui pouvait voir l'inquiétude dans ses yeux. Elle croisa ses jambes, sa tête se penchant tout naturellement. « M'en croirais-tu réellement capable ? » Un sourire se dessina sur ses lèvres. Même si elles s'étaient rencontrées il y a de ça plusieurs années, alors qu'elles n'étaient que de jeunes adolescentes, déjà, Ezekielle avait son grand coeur et son besoin urgent de changer le monde. « Personne ne passera Noël seul, encore moins toi. » Les plans qu'elle n'avait pas encore pour Noël se concrétiseraient peut-être plus rapidement que prévus.

Ta santé ne s’améliorerait sans doute jamais, tu avais déjà fait ton deuil à ce propos. Tu savais que les greffes étaient complexes et qu’elles demandaient un lot de guérison parfaite. Tu ne t’attardais même pas sur les chances que quelqu’un aille les mêmes spécificités que toi. Tu serais toujours coincée avec la fibrose kystique et tu le savais, peu importe le nombre de greffes que tu aurais. Tu savais qu’Ezekielle aurait prit ta place il y a belle lurette mais tu savais aussi que tu ne la lui donnerais jamais pour des raisons évidentes mais aussi parce que la vie d’Ezekielle était trop belle. Ezie méritait de continuer d’aider les autres et de leur apporter du bonheur, tu le savais. Toi aussi t’en profitais d’ailleurs... Mais tu la laisserais dans sa santé meilleure que la tienne. « Je sais, mais t’es faite pour remonter l’moral des troupes, Ezek. » dis-tu avec un petit sourire en haussant les épaules manquant de faire débrancher un fil ou deux. « T’en fais pas, c’est déjà oublié et pardonné. » Dis-tu alors qu’elle retire son offre pour de la nourriture. Tu lui fais tout de même un petit sourire rempli de reconnaissance. « Deux heures? » « Yep. » « Ça me va, je peux bien t’endurer deux heures. » Tu pouffais de rire joignant ton rire au sien. Quelque part, ça te réconfortait un peu qu’elle te supporte malgré tout. À tes inquiétudes, Ezie te retourne la question et tu secoues la tête négativement les yeux plein d’eau. « C’est la première fois que j’passe Noël loin de ma famille et là, j’suis coincée ici avec ça. » Dis-tu en levant ton bras branché de partout. « J’espère vraiment ne plus être ici le 25. » Tu regagnes un air un peu plus grognon en essuyant tes yeux avec ta manche. Même toi, tu ne mérites pas ça et tu le sais. T’as passé les fêtes de tes 6, 9 et 14 ans à l’hosto à cause de gros rhumes. Chaque fois, tu trouvais ça pénible et tu ne t’y habituerais jamais malgré la gentillesse du personnel hospitalier. La vie était très certainement injuste et tu n’échappais pas à la règle dans ce contexte.

La brunette lui rappelait que son rôle était de s'assurer que les gens autour d'elle étaient heureux, et elle n'avait pas tort. Pour se sentir bien, Ezekielle avait besoin que les autres se sentent bien aussi. Ça avait toujours été comme ça, d'ailleurs. Toute petite, si moindrement Thiago était triste pour une histoire légère d'enfant, Ezekielle ne passait pas une bonne journée. Au tout début, elle ne comprenait pas vraiment ce qui la rendait de mauvaise humeur, ses parents non plus. Ce n'est qu'après quelques semaines qu'ils comprirent que leur fille avait été dotée d'une empathie très élevée, tout comme sa grand-maman, Agustina. Elle avait hérité beaucoup d'elle, d'ailleurs. Son amie se mit à rire suite à sa remarque, puis le sujet devint sérieux à nouveau. Non, il lui était impossible de passer les fêtes ailleurs, heureuse, si elle la savait ici, seule et triste. Le regard de son amie s'embuait et le coeur de la blonde se mit à rater des coups. « Oh, non, Alma », dit-elle en se rapprochant d'elle. Une main sur l'épaule, elle l'écouta doucement. « On fera tout pour que tu te sentes moins loin d'eux, promis. » Tous ceux qui cotoyaient Ezekielle, que ce soit depuis peu ou encore, depuis des années, savaient que c'était une femme de parole. « Y a quelqu'un, un jour, qui a dit que la vie, c'est comme une boîte de chocolats. On ne sait jamais sur quoi on va tomber. Et bien en décembre, y a une tradition nord-américaine que toi comme moi connaissons bien, qui consiste à manger un chocolat par jour jusqu'au jour de Noël. » C'était l'avantage d'avoir une amie qui venait du même bout du monde qu'elle, ici, en Australie.  Elle poursuit, l'index levé dans les airs, puis posé sur le coeur, en  guise de promesse : « Alors là, je te promets que si on se trouve ici le 25 décembre, bien les infirmières n'auront jamais vu une soirée pyjama aussi sympa que la nôtre ! » Parce que si la belle ne pouvait pas manger, elle pourrait profiter de tous les autres aspects d'une telle soirée, aux petits soins de son amie. « Deal ? », lui demanda-t-elle, un sourire au coin des lèvres.

Ezekielle était un ange sur deux pattes présente sur la terre sans trop qu’on sache pourquoi. Il fallait que Dieu aille au moins une petite espionne ou lui seul savait quoi... C’était une personne attachante, adorable et tu l’appréciais grandement. La blonde se rapprochait de toi alors que tes yeux s’embuaient quasi seuls. Tu hochais la tête positivement avec un petit sourire. « Merci, Ezekielle. » soulignais-tu en tentant d’essuyer quelques larmes. Elle poursuit en te sortant une citation de Forrest Gump, sans doute la plus connue. « C’est qu’un film, tu le sais bien. » Expliques-tu gentiment comme si la blonde l’ignorait. Elle te parlait d’un calendrier de l’avent et tu hoches la tête. Ça devait faire de bien nombreuses années que tu ne t’étais pas prêtée au jeu. « Le calendrier de l’avent! » Dis-tu comme s’il y avait une surprise à gagner et pour une fois, tu te sentais un peu plus proche de chez toi, de ton vrai chez toi. Tu aurais voulu rejoindre ta famille pour cette période de réjouissances, mais d’un autre côté, tu te devais d’être forte, Alma. C’était ce que tu voulais aussi, être forte. Ezekielle te fait sourire alors qu’elle parle d’une soirée pyjama, tu hochais la tête. Tu comptais sur elle pour être présente dans ce contexte que tu trouvais trop difficile, encore. Tu trouvais que la vie était difficile et fort complexe. « Deal. » Réponds-tu en te promettant de tenter de trouver un cadeau digne de ce nom à Ezie. « Merci d’être là. Merci de me ramener à l’essentiel. » Elle te ramenait à l’essentiel, comme elle l’avait toujours fait.