this darkness would turn to light (brooke)

Le retour à la réalité était bien plus difficile que ce qu’il n’avait imaginé, Niels peinant à redescendre de ce nuage sur lequel il avait creusé son nid, avec l’amour de sa vie. Ces quelques jours loin de tout l’avaient complètement reposé, et même dépaysé, lui qui avait maintenant un mal fou à se remettre dans le bain, parce-qu’avec leur retour en Australie, ils savaient aussi que les séparations quotidiennes reviendraient au galop, les empêchant de se voir autant qu’ils le voulaient. Et pour Niels, chacun de ces moments passé loin d’elle était une véritable torture, son amour pour elle étant si fort qu’il acceptait mal la distance, d’autant plus après ces jours entiers où il ne l’avait pas quitté une seule fois. Ce soir-là, il avait accepté d’aller boire un verre avec un collègue de l’hôpital, prévenant Aelya qu’il ne serait pas chez eux en lui expliquant la raison par sms, comme il en avait l’habitude. Il s’était laissé porter par l’exaltation du moment, par les verres d’alcool qui s’enchaînaient, Niels sachant déjà qu’il ne rentrerait certainement pas en voiture chez lui ce soir. Son ami l’informa qu’il était temps pour lui de rentrer, Niels ne le retenant pas, choisissant de terminer tranquillement sa dernière bière avant de se mettre lui aussi sur le chemin du retour, conscient qu’il était déjà beaucoup trop tard et qu’il aurait probablement quelques regrets au réveil le lendemain matin. Il ne s’était sans doute pas attendu à la voir, elle, presque avachie sur le comptoir, l’air complètement hagard. Il mit d’ailleurs quelques secondes à réaliser que Brooke était bien devant lui tant elle semblait mal en point, sentant une hésitation l’envahir à l’idée d’aller la voir, persuadé qu’il se ferait de toute manière rembarré dans la minute. Abandonnant sa première idée, il remit sa veste, décidé à partir lorsqu’il entendit la voix d’un homme résonner là où il avait posé son regard quelques minutes auparavant. Fronçant les sourcils, il s’intéressa à la scène, comprenant rapidement que l’homme n’avait en aucun l’air bienveillant vis-à-vis de la rousse, lui qui balbutiait quelques mots en rapport avec de l’argent. Repérant la main de l’homme qui s’était enroulée autour du bras de Brooke, Niels décida d’intervenir, se faufilant jusqu’au comptoir, son regard toisant l’homme avant de se poser sur celui de la rousse. « Brooke. Tout va bien ? » Lâcha-t-il, lui adressant un regard sérieux, peinant à savoir ce qui la liait à son interlocuteur. « Tu veux que je te ramène ? » Proposa-t-il, lui tendant une perche, une épaule sur laquelle elle pourrait s’appuyer si elle en avait besoin, Niels étant parvenu à suspecter cet homme de lui vouloir du mal.

Ça va pas. Putain que ça va pas. T'as la tête appuyée contre le comptoir froid du bar, les yeux à demi-clos, l'esprit presque dans les vapes. Et si autour de toi ça s'agite, ça bourdonne, t'as à peine l'énergie pour te relever et te traîner jusqu'à chez toi. Et, à quoi bon, d'abord? Parce que chez toi, c'est aussi pire, peut-être même pire, qu'ici. Au moins, ici, y'a pas le vide. T'es pas seule. T'as l'impression de participer à un truc alors qu'au fond t'es dans ton coin, amorphe, vidée. Tu pourrais mettre ça sur le dos de la nourriture, ton manque de nutrition qui se fait presque dangereux, mais au fond, tu sais que c'est pas ça. C'est ce que t'injecte, ce que tu laisses entrer dans ton sang, ce corps étranger qui laisse des marques sur ta peau. T'en as pas pris depuis quelques jours, parce que t'avais plus les moyens de payer. C'est dur. Y'a eu le contrat qui s'est terminé au cabaret, puis y'a eu la rue. T'as pris tes économies pour consommer, à peine pour manger. Fallait oublier, fallait noyer le mal, fallait éteindre tes sentiments, même si Sacha veut tenter de recoller les morceaux brisés, c'est loin d'être gagné d'avance. C'est affreux, même. Presque pire qu'avant. Parce que là t'es consciente du mal que ça peut faire, le perdre. Et tu t'exposes sûrement à une nouvelle perte, en te lançant là-dedans les yeux bandés, en croyant que c'est possible de tout recoller sans laisser un morceau derrière vous. Et tout ça, ça serait une raison suffisante de plus pour consommer encore. Mais t'as pas pu. T'as pas pu jusqu'à aujourd'hui. T'as pas pu, parce que t'en avais plus les moyens. Plus un rond, plus un sous. Plus rien pour te permettre de t'engourdir l'esprit. C'est Aelya qui serait contente, parce qu'elle ne cesse de te supplier d'arrêter. T'essaies de lui faire croire que t'es pas accro, que tu peux arrêter quand tu veux, mais la vérité c'est que t'as besoin de cette merde à présent. Et depuis que t'as plus les moyens, merde, t'es une épave. Tu trembles, tu sens que ton coeur va percer, crever, t'as l'impression que t'es morte. Mais tout ça, c'est du passé. Y'a Aelya qui t'a trouvé un boulot, parce que le cabaret s’est terminé. Tissu accroché, couteaux rangés, t'as rompu ton contrat, sans le renouveler, sans te retourner, parce que juste de penser y remettre les pieds te retourne le coeur. Sacha a choisi d'y travailler, d'y faire autre chose que de performer avec toi. Mais toi tu peux pas. Les souvenirs te montent à la tête, t'angoissent, te hantent. T'as envie de lui, de retrouver ce que vous étiez. Puis, le mal te reprend et t'as envie de lui faire du mal, de le faire souffrir à nouveau d'avoir choisi Effy plutôt que toi. T'es pas un second choix, t'es pas un remplacement, putain, tu vaux plus que ça. Alors maintenant tu sers des verres dans un bar de striptease, tu fausses un sourire sur tes lèvres que tu peints de rouge et tu récoltes des généraux pourboire chaque fois que tu te penches pour ramasser des bouteilles, dans le bas des armoires derrière le bar, et que ta jupe daigne se lever un peu trop voyeuse. T'as pu te remettre en marche, payer tes comptes, réalimenter le courant qui manquait dans ta caravane et foutre un peu de nourriture dans ton frigo, le pauvre qui semblait en diète intensive tant il n'y restait rien. Et une fois que tout ça s’était payé, il te restait à peine pour quelques grammes de canna. Et c'est pas suffisant, t'avais besoin de plus fort. Puis il est arrivé, ce mec dont le nom t'échappe, ce qui montre à quel point tu te fiches de ce qu'il est, t'as juste besoin de ce qu'il a. Il t'a vu, alors que t'allais rentrer chez toi, que t'allais te coucher pour oublier à quel point ton corps sevrait. Et il t'a proposé un pacte que tu pouvais pas refusé. T'avancer. T'avancer pour la semaine. Sauf que tout ça, ça venait avec des intérêts. Mais qu'est-ce que t'en avais à faire? T'as juste accepté, sans réfléchir, et aussitôt que tu as pu, t'as recommencé à t'injecter, bien plus fort qu'avant pour palier à ce manque qui se faisait trop ressentir. Trois jours maintenant que t'as recommencé. Ça t'assomme. T'es là, appuyée contre ce bar, et tu sais même pas comment tu pourras retrouver le chemin vers la maison, toi qui viens de te piquer dans les toilettes sur Elm Street. Y'a ce mec qui revient, comme s'il te hante, comme s'il sait tout ce que tu fais, au quart de tour, prêt à voir la couleur de l'argent qu'il t'a avancé. « T'as mon blé ? », qu'il demande, le ton peu chaleureux. À peine en mesure de lever la tête, tu articules difficilement un non, assez fort pour qu'il puisse parvenir aux oreilles du tatoué. « Putain, t'exagères! », crache l'homme en haussant le ton. Il attrape ton bras, serres exactement là où t'as fait ton garrot quelques minutes plus tôt pour faciliter l'entrée de l'héroïne dans ta peau. T'as mal, putain que t'as mal, tu grimaces entre tes mèches rousses qui se collent à ta peau, mais t'es incapable de dire un seul mot. « Tu penses que c'est gratuit, ce genre de choses? » Tu le sais que c'est pas gratuit, merde, mais t'as été faible et t'as voulu gouter au pouvoir de son prêt, te disant que ça pouvait pas être si mal que ça. « J'te jure Oxley, si t'as pas mon fric d'ici demain, c'est ton lanceur de couteau qui aura de mes nouvelles », menace-t-il au moment où une présence se faire sentir derrière toi. Une voix retenti, ton nom, un mec, tu lèves la tête. Niels. Tu fronces les sourcils, qu'est-ce qu'il te veut? Ça va, beugles-tu. Nan, ça va, j'ai pas besoin d'aide. Mais, au fond, t'aurais peut-être dû prendre la perche qu'il te lançait, c'était peut-être moins dangereux que de rester ici avec l'inconnu qui fait enfler ton bras tant il le serre. « T'as entendu la rousse, dégage! », ordonne le dealer, impatient.

Il traînait les pieds chaque matin, peinant à quitter le lit et la laisser seule dans les draps qui se refroidissaient lorsqu’ils n’étaient pas ensemble. Pourtant, Niels savait parfaitement qu’il devait se ré-habituer à ce quotidien, surtout que ces moments de repos, hors du temps, seraient toujours rares pour eux qui possédaient chacun des obligations professionnelles et financières. Il s’était autorisé à aller boire un verre, sachant de toute façon qu’Aelya était de fermeture ce soir et qu’elle ne rentrerait que très tard dans la nuit. Il préférait de toute manière être en bonne compagnie plutôt que seul, lui qui gérait très mal la solitude depuis qu’Aelya avait bouleversé son quotidien, y amenant une lueur d’espoir, lui qui était maintenant persuadé d’avoir une vraie raison de vivre lorsque ses yeux se posaient sur elle. Les heures avaient finalement rapidement défilé, Niels échangeant avec son collègue autour de quelques verres alcoolisés jusqu’à ce que ce dernier ne décide de rentrer. Le brun termina le fond de sa bière, laissant quelques billets sur la table avant de se redresser, son attention se portant rapidement sur une voix qui résonnait bien plus que les autres dans la pièce, celle d’un homme qui semblait être sérieusement remonté face à la personne à qui il s’adressait. Son coeur s’emballa lorsqu’il comprit que cette personne n’était autre que Brooke, la meilleure amie d’Aelya, avec qui l’entente était toujours très compliquée. Il s’approcha presque indiscrètement, demandant de manière rhétorique à la rousse si tout allait bien, ses yeux percevant la détresse dans les siens, dans sa gestuelle qui parlait pour elle. Elle avait tout sauf d’avoir l’air bien, et la manière avec laquelle cet inconnu avait attrapé son bras le poussait à agir. Il aurait parié tout l’or du monde et même mis sa main à couper qu’elle refuserait son aide, Brooke le lui confirmant en lui certifiant qu’elle n’avait pas besoin de lui. « T’es sûre ? » Il resta silencieux quelques secondes, lui adressant un regard plus sérieux que jamais, parce-qu’il était prêt à faire cet effort pour elle, si seulement elle acceptait de lui tendre la main. Il fut sorti de ses songes par l’homme qui reprit la parole, lui crachant au visage de partir, s’adressant encore plus violemment à lui, ses mots reflétant le mépris qu’il avait pour Brooke. « La rousse porte un prénom à ce que je sache. Et t’es personne pour me donner des ordres. » Lâcha-t-il, tout aussi méprisant et ferme que lui, son regard se posant une nouvelle fois sur l’emprise que sa main avait sur le bras de Brooke. « Par contre toi, tu ferais mieux de la lâcher. Et je plaisante pas. » Menaça-t-il, la mâchoire serrée, prenant les devants en attrapant à son tour l’avant-bras du type, espérant lui faire lâcher sa prise, maintenant persuadé qu’il était là pour lui faire du mal. « Brooke, s’il-te-plaît, viens avec moi. J’te ramène chez toi. » Lui demanda-t-il, se voyant presque à lui supplier de le suivre, parce-qu’il savait pertinemment que l’inconnu ne la lâcherait pas, la noirceur de ses yeux lui confirmant qu’il était prêt à tout, et même au pire. « Redescends sur Terre superman, elle te suivra pas. » Les interrompit l’homme, Niels sentant l’étau se refermer autour de Brooke. « Putain mais de quoi je me mêle. C’est à elle de décider, non ?! » Lâcha-t-il, perdant patience en toisant l’homme du regard.

Non, t'es pas sûre. Tu sais pas vraiment ce qui t'attend, en laissant partir Niels. Mais tu sais pas non plus ce qui t'attend si tu le retiens. C'est pas le genre de mec à te faire la charité. Pas à toi, pas après ce que tu lui fais subir. Tu sens le bras de l'homme s'enfoncer dans ta peau, ton regard implorer à Niels de partir. Parce que la douleur, tu la sens vive. Et à en croire la poigne de ce mec, ça n'envisage rien de bon. Tu le sais, t'as déjà eu affaire à des mecs dans le genre, à de la violence, ça commence toujours de cette façon, une prise violente avant le coup qui partira sans prévenir. Tu peux le deviner, à sa respiration saccadée, à la façon dont il se tien. Il n'attend que le départ de l'autre pour t'en foutes une, parce que le peu de ton énergie tu l'as mis sur la réponse que t'as donné à Niels. Et là, tu te retrouves à nouveau amorphe, presque morte, livide, ta tête qui revient lourde. Foutue drogue, mauvais moment pour taper, mauvais moment pour te faire sentir les effets. Niels ne part pas. Au contraire, il défie l'homme. L'homme qui rit, un rire gras, un rire grave, un rire qui n'a rien de rassurant. Un rire qui te fou des frissons. Sans lâche ton bras, il plante son regard dans celui de Niels. Il empoigne plus ta chair, créer un étau autour d'elle, montre qu'il fera bien ce qu'il veut de toi, qu'il n'a d'ordre à recevoir de personne. Qu'il fera ce qu'il veut de toi, que ça plaise ou non. Et toi, t'es à moitié consciente. Il te serre tant que ta peau s'est engourdie. Et Nies s'approche. Le menace. T'entends à demi. Tu secoues la tête. Niels, non, tentes-tu d'articuler, mais t'es pas certaine que c'est sorti correctement, qu'on a entendu ce que tu tentes d'implorer. Tu les entends s'obstiner, baratiner des mots que tu perçois mal. Il rit à nouveau. Et au travers du flou de tes yeux, tu sembles apercevoir le visage contrarié du mec de ta copine. Merde. T'es dans la merde. Le mec s'avance, toise Niels. « Dégage » aboie-t-il avant de se retourner vers toi. « Je te donne jusqu'à demain Oxley » menace ton antagoniste, la voix colérique. Et il te fou une baffe, une baffe qui résonne, devant tout le monde, sans scrupule, sans pudeur. Une gifle qui rougit ta joue, au travers de tes taches de rousseur permanentes, une gifle qui t'érafle un léger gémissement, la tête toujours un peu trop lourde, les cheveux devant les yeux. Tu tends ta main sur ta joue, tentes d'apaiser le pincement en te redressant sur ton siège quand il s'approche à nouveau de toi, crache à tes pieds, sa salive qui s'écrase contre ta chaussure. Ordure. Tu bous. Mais t'es trop faible. Tu veux te lever, renchérir, tu titubes de droite à gauche, mais y'a Niels qui te bloque le chemin. Merde. Non. T'espère seulement qu'il ne fera rien. Ce genre de mecs, ça n'est jamais seul. Et contre eux, tu ne penses pas que Niels fait le poids. Tu te mets devant Niels, aussi bien que mal, au mieux que tu peux, et tu lèves les yeux vers le loup. Va chier, craches-tu. « Répète ça », menace-t-il. Va chier!, le défis-tu. Tu le toises à ton tour. T'es chambranlante, mais tu t'en fiches. Tu craches à son visage. Et il t'empoigne la gorge. Tu ne respires plus. Tu vois noir.

Il peinait à comprendre, à déchiffrer ses mots quand son regard semblait lui dire tout le contraire. Parce-que Brooke n’était pas son amie, mais il était assez humain pour la sortir d’une situation aussi pénible que celle dans laquelle elle s’était fourrée. L’homme qui semblait avoir une emprise sur elle cherchait à le faire fuir par tous les moyens possibles, haussant le ton, sans savoir que ce genre de stratégie ne marcherait certainement pas avec Niels. Bien au contraire. Ça appuyait sur son égo, ça agrémentait sa colère qui s’enflammait à mesure que les mots fusaient, Niels ayant de plus en plus de mal à accepter que ce type puisse s’adresser de la sorte à Brooke, et à lui. Il le méprisait, s’imaginant déjà lui faire la peau, à même sur le comptoir s’il le fallait. Et évidemment, une de ses pensées s’envola pour Aelya, parce-qu’il savait déjà qu’il lui reviendrait avec des égratignures dans le meilleur des cas. Elle lui ferait sûrement la morale, mais il était convaincu qu’elle comprendrait pourquoi il en était venu aux mains. « Si, Brooke. T’as pas à le laisser faire putain ! » Lâcha-t-il, la mâchoire serrée, le coeur tambourinant, sur le point d’exploser alors que la tension avait atteint son paroxysme, Niels ne baissant pas les yeux lorsque l’homme s’adressa une nouvelle fois à lui. « J’bougerai pas. Tu devras me passer dessus pour me faire partir. » Cracha-t-il, le regard noirci par la haine qu’il vouait à cet inconnu, son regard finissant par revenir sur Oxley, ayant à peine le temps de réagir que la main du type s’était violemment écrasée sur la joue de la rousse, le bruit qui en résulta le faisant frémir de rage. Il resta une seconde ou deux sans même respirer, ne réalisant pas encore que cette ordure venait de la frapper, sans le moindre scrupule, sans même une once de remords. Cette fois-ci, ça en était trop. « T’es sérieux là ? » Il n’était pas sûr de s’être fait entendre, son regard valsant entre Brooke et l’homme, jusqu’à ce qu’elle ne décide de réagir, encore titubante, s’infiltrant entre eux deux pour lui cracher au visage. « Brooke, viens on se casse. » Il cherche à lui prendre le bras, à l’emmener loin de ce bar où tout risque de déraper, n’ayant pas même le temps de finir son geste que l’homme l’agrippa par le cou, lui bloquant la respiration. « Lâche la enfoiré ! » Il lui sauta dessus, s’infiltrant à l’arrière pour lui bloquer le cou avec son bras qui était venu resserrer son emprise, cherchant à lui faire subir le même sort. Juste pour qu’il sache à quel point il pouvait lui faire mal. Et l’homme décida enfin de lâcher son emprise, sûrement par manque d’air, Niels l’entraînant dehors en maintenant son bras autour de son cou, le traînant dans la ruelle d’à-côté, assombrie par la nuit qui surplombait Bowen. « Toi t’es mort ! » Articula l’homme, Niels ayant malencontreusement baissé sa garde, pensant qu’il capitulerait. Il se prit un premier coup de poing dans l’abdomen, suffisamment puissant pour le faire se plier en deux, la respiration coupée par la violence du geste, le brun tentant de se relever pour ne pas lui montrer qu’il l’avait atteint. Il avait entendu des pas hésitants dans son dos, comprenant aisément que Brooke les avait rejoint. « Rentre chez toi. » Lui demanda Niels, comme pour lui faire comprendre qu’il s’occupait du reste, sans même se douter que l’homme était parvenu à alerter quelques uns de ses complices pour lui régler son compte.

La drogue t'avait transformée. Si avant t'étais une pourriture, là, t'es devenue complètement toxique. Et bien que tu sois un merdier sans force vitale, Niels est là. Il ne profite pas de la situation pour rapporter ton état à Aelya, pour qu'elle s'éloigne de toi à force d'en avoir marre de tout ça. Et, avoue-le, Brooke, au fond tu le sais que l'aide de tout le monde autour de toi, ça ne pourra pas durer. Qu'à force d'être trop conne, ils finiront par se lasser, mettre leurs efforts ailleurs, là où ça en vaut la peine. Rapidement, ils comprendront que t'es une peine perdue. Pourtant, Niels tente à nouveau. Et toi t'ignores ce qu'il te dit, t'as juste pas envie qu'il soit témoin de tout ça. Ça te rend plus vulnérable que tu l'es déjà, ça te rend plus susceptible à te faire briser. Il pourrait utiliser tout ça contre toi, te faire chanter au sujet d'Aelya, lui menacer de tout raconter si tu ne les laisses pas tranquilles. Pis t'as pas besoin de lui pour te sortir de la merde dans laquelle tu t'es toi-même foutue. Cette merde, c'est la tienne. À toi seule. L'homme te laisse un nouveau délai, t'façon il dénote bien à ton look misérable que ce ne sera pas ce soir qu'il aura son fric. Ça te laissera le temps d'aller chercher le chèque de paye que le club te doit, peut-être même de réclamer plus d'heures au patron pour couvrir le trou que ça fera dans ton budget de devoir rembourser tes dettes. Au fond, ça te va. Jusqu'à ce qu'il te fou une gifle en pleine tronche. Et là, y'a plus rien qui va. Y'a Niels qui regarde la scène sans vraiment osciller, parce que c'est presque incroyable qu'il ait osé te frapper comme ça, devant tout le monde. Mais il s'en fiche. Des femmes, il en a surement touché bien d'autres avant toi. C'est pas une gifle qui lui fait peur. Niels tente de te retenir, mais t'es trop en rogne. Tu le regardes, hurles. Lâche moi, putain, avant de cracher au visage de l'homme, des insultes, mais, aussi, au sens propre. Et c'est là que tu perds le cap, tu vois flou, tu vois plus rien. Parce que tu ne respires plus. Tes poings qui étaient serrés se relâchent, tu sens ton visage passé du picoté au rouge écarlate, ça s'agence presque avec tes cheveux. En écho, y'a la voix de Niels qui lui ordonne de te lâcher et sa colère qui le fait s'immiscer entre vous deux pour assainir à l'homme le même sort, sa gorge qui se fait couper d'air, pressée, jusqu'à ce qu'il te lâche, que tu retrouves enfin l'air qui entre dans tes poumons dans un grand inspire de suffocation. Tes mains se posent sur ta forge dont les doigts de l'homme sont imprimés, tu tousses. Tout autour de toi s'est arrêté, les gens te regardent, y'a la peur dans leurs yeux. Dans les tiens, y'a de la panique. Parce que le temps de reprendre ton souffle, le temps de retrouver la force de te tenir sur tes deux pieds, t'as perdu de vu Niels et le mec. Merde. Tu tournes rapidement ta tête de la droite vers la gauche, tes pieds te guident vers l'extérieur, devant le bar. Y'a rien. Merde. Putain de merde. T'y crois pas, t'es à la recherche de ton ravisseur. Seulement, sans lui, y'a pas Niels. Et y'a comme une urgence dans le fond de ta tête. Faut que tu les retrouves. Tu laisses tes pas de mener vers une ruelle sombre, t'entends les premiers coups se marteler, quelqu'un gémir. Merde, et si c'était Niels ? T'as beau pas l'aimer, il ne mérite pas ces coups. C'est toi qui devrais les avoir. C'est toi qui devrais mourir. C'est toi qui devrais souffrir. T'avances, avec la même urgence, jusqu'à arriver au spectacle de l'Anglais qui s'fait frapper, qui reçoit un coup de poing d'une violence comme pas deux dans le ventre. Rentre chez toi, qu'il demande, par terre. Mais tu ne bouges pas. Tu ne peux pas. C'est comme si on te commande de rester, même si t'es qu'une paumée complètement droguée et que le seul fait de te rendre jusqu'ici t'a pris toute ton énergie. Le mec te regarde, sourit. « Hey bien, la rousse, t'as envie d'assister au spectacle? », lâche-t-il dans un rire gras, sa gorge irritée, sa voix encore troublée. Il s'élance, donne un coup de pied dans le ventre de Niels qui gémit au sol. Et, comme une nouvelle urgence, tu t'élances vers lui, vers l'homme, tu lui sautes dessus. Tu le frappes de toutes tes forces, mais il te maintient. Il t'envoie valser sur le sol, tes paumes s'éraflent contre le ciment, tes bras aussi. Et le carnage commence. Y'a d'autres hommes qui arrivent, des pas au travers du flou que tu vois se dessinent. Tu sais pas qui donne les premiers coups, entre temps Niels s'est levé. Mais tu reçois su visage les fluides sanguins d'un d'entre eux.

Il n’avait certainement pas imaginé que la soirée déraperait aussi vite, lui qui avait suivi son instinct, prenant la décision qui lui paraissait la plus juste qui soit parce-qu’il lui était tout simplement insupportable d’assister à cette scène sans même réagir. Brooke n’avait pas à subir les menaces de cet homme qui profitait de ses faiblesses, usant du fait qu’elle était complètement défoncée sur ce bar pour en faire ce qu’il voulait. Il n’y avait aucune amitié entre Brooke et lui et pourtant, Niels n’avait aucune envie de voir la rousse se faire malmener de la sorte, considérant qu’il était temps de lui venir en aide. Aide qu’elle refusa bien évidemment, le contraire aurait d’ailleurs été étonnant de la part de Brooke qui aimait montrer qu’elle ne dépendait de personne, et surtout pas de Niels. Cependant, il ne put se résoudre à la laisser s’enfoncer dans ce bordel qui finirait par exploser, se prenant à découvrir que l’homme renfermait une violence sans nom dans le creux de son organisme, violence qui finit par voir le jour lorsqu’il laissa sa main partir avec hargne sur le visage de Brooke. Ni une ni deux, Niels se vit retenir la rousse qui se jeta corps et âme sur son bourreau, tentant de lui faire du mal comme il venait de lui en faire, jusqu’à ce qu’elle ne finisse emprisonnée entre ses mains qui appelaient au crime, Niels ne trouvant aucune autre solution que celle d’intervenir, mettant la même rage dans ses gestes pour l’inciter à la lâcher. Parce-qu’il voyait qu’elle manquait d’air, qu’elle était à deux doigts de perdre connaissance et de s’effondrer au sol, la panique se lisant dans les yeux du brun qui renforça son étreinte autour du cou de l’homme, finissant par le faire capituler… pour peu de temps. A peine lâché, Niels se vit emporter en dehors du Elm, les autres clients ayant évidemment perçu toute l’agitation qu’ils avaient provoqué avec cette altercation, les deux hommes prévoyant d’en finir dans d’autres conditions, à l’abri du regard des curieux, tous les deux épris d’une colère noire et destructrice. Sauf que Niels aurait dû savoir que ses capacités avaient été largement réduites par l’alcool, sa vision brouillée par les verres de trop qu’il avait descendu. Et rapidement, il sut que c’était joué pour lui. Au premier coup. Au premier ricanement de son adversaire. Le pire, c’était qu’il avait compris qu’il ne s’en sortirait pas aussi bien que prévu, assommé dés que le poing de l’homme était venu lui fracasser les côtes, lui coupant la respiration. Tant bien que mal, il avait demandé à Brooke de partir, parce-qu’il était hors de question d’avoir fait tout ça pour qu’elle ne subisse finalement le même sort que lui. Il ne savait pas dans quel état il finirait, ou bien s’il s’en sortirait tout court, tout ce à quoi il pensait, c’était à Aelya qui allait encore se faire un sang d’encre pour lui. A terre, les coups pleuvaient sur son corps, Niels percevant à peine Brooke qui avait tenté de lui venir en aide en faisant diversion, finissant quelques mètres plus loin au sol elle aussi. Il se rendait compte à quel point ils étaient mal barrés, Niels faisant l’effort de se relever une dernière fois en voyant d’autres hommes se ruer sur lui. « Putain Brooke, cours ! Barre-toi d’ici ! » Lâcha-t-il, puisant dans ses dernières forces pour crier, juste avant d’être remis à terre et rué de coups, le sang giclant de ses lèvres alors que ses bras cherchaient à tout prix à protéger son abdomen déjà endolori, Niels recroquevillé sur lui-même, entendant partiellement les insultes qu’on lui proférait jusqu’à ce que le silence complet ne vienne étourdir son esprit. Le noir, l’incompréhension, la sensation de partir. C’était tout ce qu’il pouvait encore ressentir alors qu’il gémissait sur le sol, son corps gisant dans un bain de sang qui recouvrait le bitume. « C’est ça de vouloir jouer les super-héros. On récolte ce que l’on sème. »

Dans la folie et l'élan de courage que la drogue te donne, t'es sauté à la gorge du mec, tes jambes se sont agrippées à sa taille alors que tes poings cognaient sur les épaules du dealer comme sur un sac de box, ta force que tu ne contrôlais plus, l'énergie issue de l'adrénaline qui t'avait repris. Tes mèches rousses bien trop rebelles te voilaient les yeux alors que tu déversais une colère fulminante sur lui, celui qui avait osé mettre ses mains sur toi, sur ta peau tachetée. Il avait d'abord sali ton visage avant de défigurer ton cou de ses mains, dont la force bien trop grande pour une personne aussi frêle que toi, pauvre droguée. Et alors que tu cognais de toutes tes forces sur lui, il lui fallut qu'un seul mouvement pour t'envoyer valser sur le sol, ton corps qui frôlait le ciment laissant des marques sensibles sur ta peau tatouée, au travers de ses oeuvres s'étaient formé des entailles d'où le sang mélangé aux petits graviers s'y étant immiscé perlait. Ta peau échauffait, Niels te criait de partir, mais t'en avais rien à faire de ce qu'il voulait. Quand tu lui avais demandé de partir, sachant très bien qu'il finirait par subir la colère du grand brun, connaissant assez ce monde pour comprendre qu'il fallait éviter de trop s'y chauffer si on voulait garder un semblant de vie, il avait lui-même refusé. Et maintenant qu'il mangeait la colère du tiers d'une personne probablement beaucoup plus influente que lui même, celui qui était relayé à donner les coups en cas de dettes non payées, t'allais te sauver en courant? C'était mal te connaître. Toi, Brooke la têtue. Brooke la tenace. Mais, surtout, Brooke qui ne supportait certainement pas qu'un mec, ou qu'une personne, point, ne décide pour elle. Autour de toi, tu vois pas très bien. Tes avant-bras picotent alors que le sang fait face à l'oxygène, tes paumes, elles, brulent. C'est elles qui ont subi le plus de blessures, elles sont les premières à avoir trainé sur le sol quand tu t'es mise à chercher à ralentir la chute. C'est flou, le mélange de drogue et d'étourdissement, sonnée par le coup, t'empêche de voir clairement. Mais tu entends. Et les coups sonnent. Résonnent. T'as du sang, un peu partout, sur tes vêtements, dans ton visage. Quand enfin tu vois clair, tu vois Niels au sol, le visage couvert de son propre sang alors que les agresseurs, il y en a 5, tu as fait le décompte, se donnent des élans pour l'assommer de nouveaux coups de pieds. Tu te traines contre le sol, tente de retrouver le chemin vers la sortie de la ruelle, espérant peut-être accroché un passant, lui demander de l'aide, de composer le 911, de trouver un agent de police, n'importe quoi qui pourrait les arrêter. L'un d'eux te remarque, il arrête son carnage. « Merde, la rousse! », lâche-t-il. L'assaillant principal sourit, rit, il se délecte, ordonne que les autres poursuivent alors qu'il se dirige vers toi et t'attrape par les cheveux, amène ton oreille près de sa bouche. Il te murmure : « Où tu penses aller, comme ça? T'aimes pas le spectacle ? » Tes dents grincent, si t'avais pas eu autant mal à tes paumes tu l'aurait gifler, peut-être même griffer. Vous allez le tuer!, craches-tu. Il rit. « C'est ce qu'il mérite », lance-t-il en t'envoyant percuter le sol à nouveau. Niels ne bouge plus, inerte, visage amoché par les centaines de coups reçus, côtes certainement fracturées, ils arrêtent leur carnage. Et quand ils quittent, tous les cinq, chacun crache sur ton corps dépouillé, l'un à la suite de l'autre, jusqu'au dernier, celui qui se penche sur ton corps, prend ton porte-feuille au passage. « Ça servira au moins à payer une partie de ta dette. Demain, Oxley. 300$. » Et il disparait dans la noirceur. Tu traînes ta carcasse vers Niels. Niels? Niels?, demandes-tu, hurles-tu, presque, du moins c'est ce que tu tentes, mais la panique t'empêche de le faire. Difficilement, tu touches à son corps. T'oses pas, tu ne veux pas lui faire mal, l'endommager plus qu'il ne l'est déjà. Niels, merde, réponds-moi! Il respire, t'as vérifié. Mais il ne bouge pas. Tu sors ton téléphone de la poche arrière de ton jean, avec douleur tu composes les touches 9, 1, et 1 sur ton clavier tactile. Ouais.... euh.. J'ai besoin... J'ai besoin d'une ambulance, articules-tu avec difficulté à l'opératrice. Merde, madame, j'ai besoin d'une ambulance, vite. Elle pose des questions, où tu es, quel est le problème, mais ça tourne si vite dans ta tête que tu ne suis pas tout. Tu la prends, justement, cette tête, entre tes mains, ton téléphone qui tombe sur l'asphalte alors que tu te remets à toucher Niels, cette fois plus fermement. Putain, Niels, bouge! Merde, tu peux pas me faire ça, tu peux pas mourir, tu peux pas... Pas alors qu'il a demandé ta meilleure amie en mariage. Merde, Aelya, faut l'aviser. Mais au loin t'entends les sirènes. C'est eux, ils ont retracé l'appel. Ils vont s'occuper de lui.

Elle s’entêtait à rester, malgré le danger, malgré les coups qu’elle pouvait entendre de là où elle était. Elle ne bronchait pas, refusant de l’écouter alors qu’il savait très bien que ces types s’occuperaient d’elle dés qu’ils en auraient fini avec lui. Et c’était tout ce qu’il aurait voulu éviter, pensant à Aelya, au mal qu’elle ressentirait en apprenant que Brooke et lui s’étaient fait tabasser au beau milieu d’une ruelle sombre et déserte. Il se détestait pour ça, conscient qu’il lui avait déjà fait subir ce genre de tragédie par le passé, lui qui n’était pas à sa première altercation avec des personnes malveillantes, prêtes à tout pour avoir ce qu’elles désiraient. Et là, Niels était persuadé que ces types désiraient le tuer, lui faire du mal pour s’être interposé dans une histoire où il n’avait pas son mot à dire. La violence de leurs coups le prouvait, Niels qui se voyait percuter de tous les côtés, sur chaque partie de son corps qui garderait les traces de cet affront. S’il ne regrettait pas d’être venu en aide à la meilleure amie d’Aelya, Niels commençait à angoisser pour sa propre survie, se rendant compte que les hommes le punissaient avec un acharnement sans nom, sans s’épuiser, chaque muscle de son corps se contractant au moindre coup. Au bout d’un moment, il avait fini par arrêter de lutter, son sang se déversant sur le goudron qui portait le poids de son corps, Niels perdant conscience de ce qu’il se passait autour de lui, n’entendant même pas les hommes approcher de Brooke pour la maltraiter. Il était là, à demi-vivant, le dos contre le sol, le visage balafré par les blessures, ne discernant plus rien, ne réagissant plus aux appels de Brooke et au contact de ses mains sur son corps refroidi. Inerte, voilà ce qu’il était. Il n’avait pas entendu les secours arriver, entendre l’agitation autour de lui, les médecins qui avaient vite compris qu’il avaient affaire à un cas grave, le pronostic vital de Niels semblant plus qu’engagé. Ils avaient été transportés à l’hôpital, séparément, le brun passant rapidement au bloc opératoire pour tenter de réparer les dégâts, d’arrêter les hémorragies qui menaçaient directement sa vie, les chirurgiens tentant leur possible pour le sauver.