could you be the light to my darkness ? (fede)

Les premiers jours de l'année s'étaient enfilés les uns derrière les autres, Beth épongeant la décision de Rafael d'éteindre leur possible relation, laissant planer entre eux une image de famille dysfonctionnelle déjà, le bébé à peine arrivé dans leurs vies communes. En réalité, Beth ne pouvait en vouloir à Rafael d'avoir fait ce choix, lui qui s'était vu le seul ignorant du secret que sa belle lui cachait, lui qui avait dû non seulement surmonter son divorce, mais aussi les peurs reliées à une relation avec une femme âgée de dix ans de moins que lui, avec des envies et des réalités bien différentes, accumulé d'une nouvelle de grossesse qui, bien qu'elle l'avait rendu heureux, lui avait aussi démontré que les choses évoluaient beaucoup trop vites entre eux et qu'ils n'étaient pas prêts à ça. Le coeur de Beth s'était d'abord serré, acceptant l'inévitable, ce qu'elle avait compris depuis le jour où elle lui avait annoncé qu'elle portait la vie, une moitié de lui, et qu'il s'était montré froid et distant, pour ensuite le laisser partir, voler dans sa nouvelle vie de père célibataire, affronter son divorce, seul, comme il aurait dû le faire dès le départ. Il serait présent pour Ivy, évidemment, et pour Beth, si elle en avait besoin, mais leur relation ne serait plus la même. Et bien qu'elle tentait d'être forte, l'Anglaise avait besoin de soutien. De beaucoup de soutien. Milo avait été là, Azriel aussi, ils avaient su remonter le moral de leur colocataire et amie en si doux gentlemans qu'ils étaient, attentionné au bonheur de la femme enceinte et le calme avait fini par revenir dans sa vie, jusqu'à ce matin du mois de janvier, ce matin où son portable résonna sur le bureau du café dans lequel elle était sortie pour bosser, laissant à Azriel l'appartement pour se reposer avant son service du soir. Beth, travailleuse autonome, n'avait pas prévu de prendre son congé de maternité avant l'arrivée de son bébé. Or, elle travaillait chaque jour, souvent jusqu'à tard, sachant que dès le mois prochain elle devra mettre pause à ses avancées professionnelles, alors qu'à son âge elles étaient en expansion. Vingt-cinq ans, n'était-ce pas trop jeune pour mettre sa carrière sur pause l'instant de quelques mois de câlins avec un nouveau-né? Sur ton téléphone s'affichait le nom de son coloc, Azriel, l'introduisant à un prétendant qui, dès qu'il reçut l'accord, ne manqua pas à contacter la brune, l'invitant à prendre un verre. D'abord perplexe, Beth s'était montrée méfiante. Rares étaient les fois où elle se faisait regarder par les hommes, depuis sa grossesse. Et quand cela se produisant, ils laissaient leur regard changer de direction dès qu'ils posaient leurs yeux sur le ventre bien rond qu'elle portait et qu'elle pouvait difficilement cacher. Pouvait-elle leur en vouloir? Les hommes de son âge n'avaient pas tous envie de se retrouver piégés avec une copine qui s'était fait enfourner par un autre, avec raison. C'est bien pour cela qu'elle tenta de déceler les intentions de Fede, de percer son premier message et de trouver des réponses à ses inquiétudes. Et lorsqu'elle sentit qu'il était sincère, elle accepta. Sans rien avoir à se mettre, elle accepta. Ce fut d'un jean de maternité dont la bande élastique servant de confort sur son ventre rond était cachée par une chemise à poids assez ample qu'elle se présenta au Elm Street, lieu qu'il avait choisi pour éviter de s'exposer sur les regards d'Azriel. Il avait fait un bon choix, Beth était du même avis, pour le coup, préférant nettement en apprendre plus sur l'italien en intimité que sous le regard de tonton Azriel. Je serai la grosse fille, tu ne pourras pas me manquer, qu'elle lui avait dit lorsqu'ils avaient confirmé le lieu et l'heure de leur rendez-vous. Nerveuse, elle entra dans le bar, les regards se posèrent sur elle, inquisiteurs, qu'est-ce qu'une femme en cloque venait faire dans une taverne? Elle n'y porta pas attention, se trouvant une table à deux sièges libres avant de sortir son téléphone de son sac pour éviter de devoir regarder tous ces hommes qui jugeaient son choix de soirée, ou même ses choix de vie. Elle n'espérait qu'une chose, que Fede arrive rapidement pour la sortir de ce malaise perpétuel. Ça et qu'il soit, en effet, plein de bonnes intentions à son égard et pas seulement présent parce qu'il s'y était montré forcé.

T'avais demandé à Azriel des infos. Parce que ce soir là, au nouvel an, t'avais remarqué une fille plutôt mignonne dans l'assemblée. Et elle semblait connaître ton collègue. Quelques jours après la soirée, tu lui avais demandé son numéro. Et boum, l'affaire était lancé. T'avais peur qu'elle te recale, qu'elle te dise non. Parce qu'après tout, une femme enceinte est peut-être déjà avec quelqu'un et elle avait peut-être pas envie de te connaitre parce que tu es un total inconnu pour elle. Mais t'avais persisté, et au final, Beth avait répondu positivement à ta demande. Tu étais content. Aujourd'hui, t'avais été occupé par un tatouage qui t'avais pris tout l'après-midi. Et à peine tu eu fini que la jeune femme t'avait envoyé un message pour te dire qu'elle était là. Tu t'empressais de répondre et de finir ton rendez-vous avec le gars que tu avais tatoué. T'avais juste mis un peu de parfum et t'étais parti en vitesse en enfilant ta veste en jean. En 10 minutes, tu étais au Elm, et tu trouvais facilement la jeune Ellington assise toute seule sur une table. Tu t'avançais alors vers elle en esquissant un sourire sur le coin de tes lèvres. « Ciao, Beth » dis-tu dans ta langue natale. Tu étais toujours ainsi, à parler en italien, comme si ça te confortait ou comme si ça te mettait plus à l'aise avec les gens. Tes amis avaient l'habitude de t'entendre parler ainsi, mais ceux que tu connaissais à peine, non. Tu pris place en face de la jeune femme et tu interpellas un serveur. « Qu'est-ce que tu prends ? » demandas-tu à Beth avant que le serveur n'arrive vers vous. Heureusement que tu étais venu au Elm, parce que tu aurais été servi par Ella, Maileen ou Jewel, ça n'aurait pas été la même histoire. T'en aurais pris surement plein la tronche, même.

Elle s'était présentée un peu trop d'avance, ponctualité qu'elle tenait de ses origines britanniques. En Angleterre, arriver à l'heure était une règle d'or qu'ils tenaient de l'importance de montrer son respect à la royauté. Si Beth n'avait pas de sang royal, son sang était pourtant teinté des racines anglaises qui avaient forgé sa personnalité en la faisant adhérer à ce principe. Et même pire. Elle arrivait affreusement à l'avance, de peur de faire attendre les gens, de peur qu'un pépin lui arrive en chemin. Aujourd'hui ne faisait pas exception à la règle. Et quand Beth envoya un message à son rendez-vous, elle s'empressa d'y ajouter une formule de politesse l'incitant à prendre son temps. Loin d'elle l'envie de le brusquer ou de lui faire sentir qu'il devait se dépêcher. Au fond, c'était elle qui était d'avance. Et non lui qui était en retard. Et malgré sa tentative pour l'assurer que rien ne pressait, Fede arriva aussi rapidement qu'il le put, au Elm où ils s'étaient donné rendez-vous. Si le Hendrix semblait plus ouvert quant à la clientèle qu'il recevait, elle en avait pu voir les preuves le soir du Nouvel An, le Elm Street semblait plus conservateur. La clientèle, plus âgée, plus habituée, la jugeait du regard. Mais ça lui était sans importance. Elle préférait nettement tout ça, nettement passer pour une future mère indigne, plutôt que de vivre ce rendez-vous sous les yeux curieux de Az. Ou même d'Ella, qui avait vu Beth dans les bras de son meilleur copain quelques mois avant. Quand Fede arriva, son sourire charmant sur les lèvres qui pourraient définitivement la faire craquer, il l'a salua dans sa langue natale, langue que la traductrice connaissait bien. Elle en avait fait l'étude dans le cadre de son travail, traduisant souvent des documents de l'italien à l'anglais. Bonsoir, se contenta-t-elle de lui répondre dans un anglais dont son accent était prédominant. Elle ne lui dévoilerait pas tout de suite ses connaissances en italien, préférant bien jouer ses cartes. Qui sait ce qu'il tenterait de lui dire dans sa langue? Elle lui accorda cependant un sourire, répondant à celui qu'il affichait, ses joues qui s'empourpraient alors qu'elle tentait de se lever, montrant une nouvelle fois à l'homme qu'elle était bel et bien enceinte, qu'il n'avait pas rêvé le soir du Nouvel An. Elle s'avança pour lui faire la bise, le parfum de Fede qui lui donna un frisson qu'elle tenta de cacher en reprenant sa place alors qu'il appelait le serveur. Un coca, tout simplement, demanda-t-elle en haussant les épaules, sachant très bien que sa boisson ne démontrait rien d'exaltant sur sa personnalité. Alors, les femmes enceintes, hein?, demanda-t-elle en riant. C'est ça ton truc, c'est comme un fantasme?

Depuis le nouvel an, tu n’avais pas arrêté de penser à l’amie d’Azriel. Et tu ne savais pas trop pourquoi. D’habitude, les filles ne te rendaient pas comme ça. Et puis, tu ne lui avais même pas parlé, à cette nana. Mais bon, t’avais demandé à ton collègue ses coordonnées pour pouvoir la revoir, une autre fois et apprendre à la connaitre. Cette femme enceinte autour de tous ces gens sous alcool t’avait interloqué, et tu voulais en savoir plus sur elle. Alors tu étais arrivé au Elm, ne voulant pas aller au Hendrix pour ne pas croiser tes collègues, et la britannique était déjà arrivée. Vous vous saluèrent et tu pris place en face de la brune. Tu voyais qu’elle ne semblait pas à l’aise avec tous ces regards autour d’elle, mais tu te jurais de faire en sorte qu’elle se sente mieux en ta présence. Elle commanda un coca et tu souris au serveur. « J’prendrais la même chose s’te plait » demandas-tu à ce dernier. Tu le connaissais, il t’avait servi de nombreuse fois et il semblait troublé à l’idée que tu ne prennes pas une bière ou un alcool un peu plus fort. Mais bon, ça fait du bien de temps en temps de boire autre chose qu’un spiritueux. Ensuite, tu reposais ton regard sur Beth et tu remarquais qu’elle était aussi belle que dans tes souvenirs. A sa remarque, tu ne pus t’empêcher de rire. « Non, c’est pas mon fantasme » répondis-tu en joignant ton rire au sien. « C’est juste que… j’sais pas. Tu m’as intrigué ce soir là. Une femme enceinte au Hendrix, entouré de plusieurs habitués du bar, j’ai trouvé ça étrange » dis-tu en reprenant un peu plus de sérieux, mais toujours avec un sourire. Le serveur apporta la commande et tu lui donnas un billet en lui disant de garder la monnaie. Vos verres devant vous, tu versais le liquide noir dans ton verre. Puis, tu levais ce dernier. « A notre rencontre » dis-tu en souriant et en faisant claquer ton verre contre le sien.

Un verre, curieuse elle avait accepté. Beth était intriguée de qui pouvait bien résulter des envies de Fede. Disait-il la vérité lorsqu'il prétendait la trouver intéressante ou avait-il perdu un pari stupide qui le confronterait à un rendez-vous avec une baleine. C'était bien ce que Beth était, à l'instant, une baleine échouée sur un tabouret, accostée seule à une table, attendre l'arrivée de l'Italien. Pour elle, ça lui semblait impossible qu'il soit intéressé par elle. Petit un, elle était enceinte, et les femmes enceintes, mis à part amadoué les gens, ça ne plaisait pas. Pas de cette façon. Petit deux, ils ne s'étaient même pas adressé la parole, le soir du Nouvel An, fête à laquelle il l'avait croisé. S'il s'intéressait à elle, n'aurait-il pas tenté un rapprochement à cette soirée, ne serait-ce qu'un bonsoir inoffensif, pour tâter le terrain ? Petit trois, ELLE ÉTAIT ENCEINTE ! Fede finit par arriver, ses airs italiens séducteur et détaché reprenaient le dessus sur sa personnalité. Il avait de l'assurance, une confiance qui était séduisante. Il prit place, demanda à la brune ce qu'elle prendrait à boire et quand le serveur arriva, il commanda deux cocas, un pour elle, l'autre pour l'accompagner. Beth sourit finement, avant d'adresser une question à son interlocuteur, agrémenté d'un rire mélodieux. Et si, au final, les femmes enceintes, c'était son truc, un genre de fantasme ? De nos jours, tout était possible, il ne suffisait de regarder les nouvelles pour le savoir. Il se joint à la plaisanterie de Beth, riant de bon coeur à son tour, avant de reprendre du sérieux. Ça lui était étrange, elle hocha la tête. Ouais, c'est ce que la plupart des gens pensent en me voyant dans un bar. Une femme enceinte, entourée de personnes complètement saoules, c'est étrange, répéta-t-elle, un faible sourire aux coins de ses lèvres. Il n'avait pas tort, c'était étrange. C'était d'ailleurs ce que toute la clientèle du Elm devait se dire, à l'instant même, en la regardant. Tu étais intriguée à propos de quoi ?, finit-elle par demander avant que le serveur n'arrive avec leur commande. Elle le remercia avant de voir que Fede payait pour eux. J'aurais pu payer pour mon coca, grogna-t-elle en le regardant. Merci, finit-elle par souffler, alors que la consommation était déjà payée. À notre rencontre, répéta-t-elle avant de trinquer, fracassant sa bouteille, qu'elle n'avait pas pris la peine de verser dans le verre qu'on lui avait apporté, contre le verre de Fede. Puis elle but, à même le goulot. Tu sais, tu n'étais vraiment pas obligé de prendre une boisson sans alcool, hein, finit-elle par lui dire, en reposant son coca sur la table. C'est cher payé, les cocas dans un bar.

T'avais toujours été comme ça, toujours à agir spontanément. Surtout quand il s'agissait d'une femme et qu'elle te plaisait. Bon, le contexte était différent de celui de d'habitude, parce que cette fille là était enceinte quand elle t'avait tapé dans l'oeil. Mais ça ne t'avait pas arrêté pour autant, t'avais eu envie de la voir une fois, seuls, sans autant de monde autour de vous. Et c'était une bonne chose, enfin c'est ce que tu pensais. Alors tu étais maintenant là, au Elm, pour apprendre à connaitre cette fameuse Beth, qui t'avait tant fasciné. « Je comprends les gens, mais ça doit pas être facile pour toi, parce que c'est pas forcément des regards positifs que les gens ont sur toi » dis-tu en souriant à ton tour. Tu voulais pas lui faire peur, tu voulais la rassurer comme tu pouvais. C'est pour ça que tu essayais d'y aller avec des pincettes, pour la rassurer. « Je sais pas... Az m'a dit que tu n'étais pas avec le père le soir du nouvel an, j'me suis dis qu'une femme enceinte avait peut-être envie de rester chez elle près du père de l'enfant pour passer cette soirée » dis-tu en haussant les épaules. Sans savoir, t'avais heurté un point sensible, mais il fallait que tu exprimes le fond de ta pensée, et surtout tu n'étais au courant de rien sur elle. Alors tu donnais tes hypothèses, ce que tu pensais qui était vrai alors que non. Tu payais le serveur qui vous emmenait les deux sodas et tu tendais son verre à l'anglaise. « Ca me fait plaisir » dis-tu simplement. T'étais un italien, et pour toi, les femmes ne devaient pas payer lors d'un rendez-vous. C'est surement le côté macho qui ressort, mais t'étais comme ça. Vous trinquiez alors avec vos deux sodas et tu en prenais une gorgée. A sa remarque, tu ris légèrement. Elle avait raison, un soda c'était beaucoup trop cher pour ce que c'était dans un bar et tu le savais vu ton travail. Mais qu'importe, t'avais envie de faire ainsi. « Je le sais mieux que quiconque ! » dis-tu en riant légèrement. « Mais ça me fait du bien de pas boire d'alcool, aussi » rétorquas-tu en lui faisant un clin d'oeil.

« Je ne vais pas souvent dans les bars, de toute façon », dit Beth en souriant quand Fede s'interrogea sur ce que les regards des autres lui faisaient. Évidemment que c'était dérangeant, mais que pouvait-elle bien faire ? Elle n'était pas du genre à s'imposer, à aller les voir pour leur faire comprendre qu'elle avait bien le droit à sa vie en paix, sans le jugement de gens qui ne la connaissaient pas. Puis, de toute façon, les bars, ce n'était pas ce qui avait de plus intéressant pour une femme enceinte. « Il m'a quitté », confie-t-elle quad Fede lui parle du père de son enfant. « C'est ma faute, en fait. Je lui avais caché la grossesse. Il l'a découvert par lui-même et bien qu'il était content d'avoir un enfant, la douleur de s'être fait trahir était trop forte. Il a préféré me quitter. » Ce n'était sans doute pas une bonne chose de parler de ses exs durant une date, mais la situation était particulière. « Mais ça va, Fede. Finalement, c'est mieux ainsi. La seule chose qui est difficile, c'est de se dire que je devrai élever ma fille seule. Heureusement que j'ai mes colocs pour m'aider. » Sans eux, elle ne serait rien. Il enchaîna en payant la consommation de la brune, mais aussi en l'imitant sur le choix de boisson. « Ah, oui, j'avais oublié que tu étais barman », gloussa-t-elle en se sentant idiote. « Mais si tu avais voulu prendre un verre sans alcool, Fede, on aurait pu aller n'importe où d'autre que dans un bar », renchérit-elle. « J'aurais accepté de te rencontrer même si tu m'avais proposé une glace, tu sais ? »