alix - j'ai des éclairs, des retours à zéro

Je souffle. J'ai le coeur qui bat bordel. Comme un gamin qui découvre le trac. J'suis ridicule bordel. Mais en même temps, j'suis heureux de c'que j'fais. Je tiens entre mes doigts une lettre. La boite aux lettres est là, je la glisse dans la fente, souffle une nouvelle fois et lâche l'enveloppe. Je regarde autour de moi, et je file, remonte les marches quatre à quatre et referme la porte de mon appartement juste derrière moi. Voilà six jours que je suis rentré. Et il m'a fallu seulement trois jours pour identifier l'endroit où elle habitait. Wo wo, du calme, j'vous vois déjà avec vos gros sabots, mais c'est qui ce timbré, il est parti pour harceler une nana, on a pas besoin de cinglé à Bowen. Du calme. J'suis pas sociopathe. J'suis juste sur la trace d'une amie d'enfance. C'est bon pour vous? Et franchement, j'pensais pas que ça serait aussi facile. J'ai eu sacrément du bol je dois l'avouer. J'avais pas vraiment de plan pour la retrouver mais quand j'ai vu son nom sur l'interphone de mon propre immeuble, j'me suis dis que c'était un signe. Elle était juste là. Mais j'avais pas envie de faire mon gros bourrin et de simplement frapper à la porte, genre "salut Alix, j'suis là". Nan, il fallait faire mieux, faire du grand Ariel. Alors j'avais eu une super idée. Lui laisser une lettre avec écrit seulement: rendez vous dans la cave de l'immeuble à 21h vendredi. Oui bon ok, là ça fait sociopathe. Mais en fait, si j'avais choisi la cave c'est parce qu'on traînait tout le temps dans la cave de l'immeuble de notre ancien médecin en Italie. On s'éclipsait des séances de groupe à la con et on allait fumer des clopes et cracher sur le monde dans notre petit recoin secret. Donc j'voulais juste renouer avec le passé d'une manière sympa. Bon c'est sur que si on avait eu l'habitude de se retrouver sur le toit, ça aurait eu plus de gueule, mais c'est comme ça.

Alors voilà, il est 20h58 , je suis dans la cave de mon immeuble. Avec un bouquet de fleurs. J'me trouve à la fois complètement ridicule et assez touchant aussi. J'sais pas si Alix aurait le courage de venir. Avec le recul, j'me rends compte que ma démarche est très flippante, mais tant pis, c'est fait, c'est fait. Et si elle vient pas, je déposerais une autre lettre dans sa boite. Juré, j'suis pas sociopathe.

Alix. C'est tout ce qu'il était marqué sur cette enveloppe glissée dans votre boite aux lettres. Pas de timbre, pas d'adresse, ce qui voulait forcément dire que la personne l'avait déposée en mains propres. Et en découvrant son contenu, tes sourcils se froncent davantage encore. La cave... ça a presque des allures de film d'horreur ce truc. N'importe qui sain d'esprit n'irait pas à ce rendez-vous mais ta curiosité est piquée à vif. Qui plus est, ce rendez-vous ne semble pas si anodin à tes yeux parce qu'il y a un élément qui te ramène des années en arrière. Cela ne peut pas être une coïncidence, si ? Après avoir hésité longuement, tu décides de prendre ton courage à deux mains et d'aller découvrir l'auteur de cette lettre. Tu prends quelques risques parce que ça pourrait tout aussi bien être un psychopathe qui t'attire pour te séquestrer mais tant pis. Maintenant, ta décision est prise. A 21h pile, tu passes la porte de la cave, descendant les quelques marches qui mène jusqu'au lieu de rendez-vous. Ton coeur bat à tout rompre, tu ne vas pas mentir. Et tu as l'impression qu'il s'emballe encore plus en voyant l'initiateur de ce rendez-vous. « Ariel... » Murmures-tu alors que tu peines à y croire. Comment peut-il être là ? Et pourquoi n'es-tu pas au courant ? Après une fraction de seconde, tu accélères la cadence et te jettes dans ses bras. Tu as l'impression d'être de retour des années plus tôt, alors que vous n'étiez que deux adolescents écorchés par la vie et qui passaient leur temps à se plaindre de tout et de rien. « J'y crois pas. Qu'est-ce que tu fais là ? » Est-il en voyage ou a-t-il décidé de renouer avec ses origines ? Car bien sûr, adolescents, vous avez parlé de son ancienne vie et Bowen en faisait définitivement partie. Tu te recules d'un pas pour l'observer, malgré les années, tu retrouves le Ariel que tu as connu. Ton Ariel. « J'suis vraiment trop contente de te voir. » Ajoutes-tu avec un large sourire avant que ton attention ne soit enfin dirigée vers ce bouquet de fleurs qu'il tient dans les mains.

J'suis là, debout, comme un con avec les mains qui tremblent et mon cœur qui cogne dans ma gorge serrée. En fait, j'ai le trac mais j'ai surtout peur. Peur qu'elle ne vienne pas. J'ai hâte de pouvoir poser mes yeux sur elle, retrouver son sourire, pouvoir retrouver chacune de ses mimiques, entendre sa voix, son rire, inspirer une nouvelle fois son parfum et ressentir sa présence, juste ça. Mais naan, mais arrêtez vos conneries, j'suis pas amoureux d'Alix. C'est juste qu'elle représente tellement que j'peux pas être un sale con avec elle. Et puis de toute façon, j'suis pas tout le temps un sale con. J'suis aussi un être doué de sensibilité. J'me fais marrer moi même, dans le genre sensible on a connu mieux. Mais bref, pour Alix, j'ferais beaucoup c'est tout. Alors rentrez ça dans vos petites têtes de têtus et c'est classé.
J'tiens le bouquet entre mes doigts et j'me dis juste que j'espère qu'elle aime les fleurs. J'souris tout seul en repensant à la fleuriste, elle m'a fait un cours sur la signification des fleurs, genre elle voulait vraiment que le bouquet corresponde à ce que je voulais, elle s'était mis l'objectif en quête ultime, elle a passé quatre plombes à faire le bouquet. Elle était un peu timbrée mais il faut dire que le bouquet avait de la gueule et puis l'essence des fleurs avaient empli l'air, ça sentait moins la vieille cave toute moisie. On est dans le romantisme à fond là Ariel, merci. J'entends du bruit dans les escaliers. Bordel elle est venue. Ou alors je vais tomber sur le voisin un peu bedonnant qui descent ses cadavres de bière et j'vais passer pour un con. Le bruit se rapprochent, mon cœur s'emballe et mes mains serrent un peu plus le bouquet. La lumière vacillante de l'unique ampoule éclaire alors la jeune femme. Alix. Un sourire s'attache automatiquement à mes lèvres. elle me reconnait, souffle mon prénom et quelques instants plus tard, je la serre dans mes bras, si fort. J'ferme les yeux et je respire son parfum. Alix. Je ne saurais pas dire depuis combien de temps je ne l'ai pas vu, mais ça me parait une éternité. "Alix, bordel, tu m'a manqué.." Elle me demande ce que je fais là, ça serait si long à expliquer, mais maintenant on a tout le temps. "J'suis revenu à Bowen pour quelques temps" Je ne dis rien de plus, rien de moins. Je souris, je plonge mon regard dans le sien. Elle n'a pas vraiment changé, je retrouve l'étincelle dans ses prunelles. Le regard d'Alix se pose sur le bouquet, je souris et je lui tends les fleurs. "Pour toi, pour le courage dont tu as fais preuve pour t'être aventurée dans la cave! T'as pas eu peur?" Je souris, ris un peu. J'suis tellement heureux qu'elle soit là, j'me sens nostalgique aussi, on a partagé tant de choses. Et se retrouver face à face, j'me dis qu'on est finalement au tout début.

Qu’est-ce que c’est bon d’entendre que tu lui as manqué. Il n’a pas idée à quel point il a manqué à ta vie, lui aussi, ces dernières années. Même si vous n’avez jamais réellement cessé de vous parler, cela n’a rien de comparable de l’avoir en chair et en os, aujourd’hui. Ces derniers mois, tu as été tellement occupée par ta vie professionnelle que tu n’as pas vraiment eu le temps de donner des nouvelles à Ariel et c’est quelque chose que tu regrettes beaucoup. Mais par chance, à présent, vous allez pouvoir rattraper tout ce temps perdu. « Toi aussi si tu savais. » Murmures-tu, ton corps toujours collé au sien. Finalement, pour le regarder encore et encore et surtout pour prendre de ses nouvelles, tu te dégages un peu de son étreinte et l’interroges sur les raisons de sa venue à Bowen. Quand le brun t’apprend qu’il est là pour rester un petit moment, tu as du mal à contenir ta joie à travers ce sourire qui s’élargit de plus en plus. A tel point que tu commences à avoir mal aux joues. « Alors je vais t’avoir rien que pour moi pour quelques temps ? » Rien que pour toi c’est un peu utopique quand on y pense parce qu’il a forcément des tas d’autres personnes à revoir. Enfin, c’est ce que tu t’imagines. Et de ton côté, avec la vie que tu mènes, tu ne pourras pas offrir tout ton temps à Ariel mais tu comptes bien lui en donner un maximum. Ailleurs que dans cette cave, néanmoins. Tu ris quand il te tend le bouquet, signe de ton courage. « Merci, elles sont magnifiques… » Dis-tu en détaillant les fleurs des yeux. Tu ne le pensais pas si romantique même si, avec toi, l’Australien a toujours été aux petits soins. « Si, j’ai un peu flippé… Imagine si ça avait été un psychopathe qui me tendait un piège dans le but de me séquestrer et d’abuser de moi ? » Rétorques-tu avec l’air horrifié. Maintenant que tu as une notoriété plus importante, c’est quelque chose qui pourrait arriver. Il faut vraiment que tu te montres plus prudente. « D’ailleurs, comment ça se fait que tu as accès à cette cave ? » Seuls les habitants du bâtiment peuvent s’y aventurer alors est-ce que ça veut dire qu’il vit ici – ce qui serait complètement dingue – ou qu’il s’est arrangé avec un de tes colocataires ?

Quand j'y repense, Alix, elle est un peu folle. Elle est quand même venue à un date dans une cave, et elle a même pas pris un rouleau à patisserie ou quelques choses pour se défendre ! En tous les cas, j'aurais vraiment été triste s'il elle n'avait pas ramené sa petite frimousse que j'lui pardonne son inconscience. J'la serre dans mes bras et j'ai pas envie que ça s'arrête. En un éclair, je repense à une multitude de choses, des fragments de souvenirs viennent se percuter dans mon esprit, des éclats de rire, des phrases, des regards, des sourires, des odeurs, des parfums, comme si le condensé de souvenirs que j'avais avec Alix s'était accumulé durant des années et avait décidé d'exploser à l'instant de l'étreinte.
L'humour faisant parti intégrante de ma personnalité, j'souris lorsqu'elle me demande si elle va m'avoir rien que pour elle. J'porte automatiquement mes yeux à ma montre et rétorque, faussement sérieux : "bah encore une petite demi-heure quoi, et puis avec c'est ciao." J'souris, elle sait parfaitement que l'humour est quelque chose derrière lequel je me retranche habituellement pour ne pas dévoiler ce que j'ai en tête. Mais oui, en clair, j'allais être dans le coin un bon moment et j'espérais bien pouvoir passer du temps avec elle. On plaisante sur le rendez-vous dans la cave, ses mots me font rire. "Sans déconner, t'aurais au moins pu venir armer ! Quelqu'un savait que tu avais ce date?" J'essayais de voir actuellement à quel point mon amie était innocemment venu me rejoindre. Elle tilt finalement sur ma présence dans l'immeuble. Je souris, me recule un peu et fait mine de me présenter en pointant mes propres mains devant mon torse : "vous avez devant vous, Madame Alix, un nouvel habitant de l'immeuble et pas des moindres!" Je marque une pause puis rajoute "d'ailleurs, si tu veux, on va boire un truc chez moi, c'est juste au deuxième étage". Je souris, j'suis tellement contente de la revoir, j'ai envie de lui dire tellement de truc d'un coup, que je ne sais même plus par quoi commencer. Les émotions sont beaucoup trop condensées pour moi, j'suis pas habitué bordel.

Incapable de lâcher Ariel des yeux, tu as encore du mal à croire qu’il est bel et bien là, en chair et en os. Cela fait tellement longtemps que vous ne vous êtes pas retrouvés physiquement parlant que tu as envie de te blottir dans ses bras à chaque fois que ton regard se pose sur lui. Heureusement, l’Australien t’apprend qu’il est là pour un moment alors tu auras tout le loisir de profiter de sa présence, de son sourire et de ses bras entourant ton corps. « Oh… j’ai toujours su que je ne comptais pas trop à tes yeux. » Dis-tu d’abord sérieusement puis en riant, n’en croyant pas un mot. Tu sais que votre relation est particulière aux yeux d’Ariel également parce que vous avez vécu des choses, ensemble, que vous ne vivrez jamais avec quelqu’un d’autres. Il y a des choses que tu ne peux partager qu’avec lui et ça ne changera jamais. Et dans le fond tant mieux parce que tu aimes cette relation privilégiée que vous avez tous les deux. Tu sais que tu auras toujours une place unique à ses côtés et inversement. « J’ai une bombe au poivre dans ma poche… » Rétorques-tu en la sortant de la poche arrière de ton jeans. « Et ouais, j’ai dit à ma coloc’ que je venais ici. » Nova ne sait pas pourquoi, par contre, et si elle ne te voit pas revenir, elle risque peut-être de s’inquiéter. Tu écarquilles légèrement les yeux en apprenant qu’Ariel vit dans ton bâtiment à présent, au deuxième étage. C’est complètement dingue que le destin vous ait réuni de la sorte et avec une telle proximité. « Quoi ?! On a une star dans l’immeuble ? » Dis-tu en souriant malicieusement. « Avec plaisir. Il faut juste que j’envoie un sms à ma coloc’ avant pour qu’elle ne s’inquiète pas en ne me voyant pas revenir. » Tu souris avant de sortir ton téléphone de la poche de ton pantalon et d’envoyer un sms à Nova. Une fois que c’est fait, tu es fin prête à rejoindre l’appartement d’Ariel. « Tu vis tout seul ou t’es en coloc’, toi aussi ? » Demandes-tu quand vous reprenez les escaliers pour quitter la cave.

Je me revois plus jeune, lorsque ma mère m'annonçait un nouveau voyage en Italie, je devais contenir ma joie. Ma mère n'aurait pas trop compris pourquoi j'étais si heureux d'aller voir ma psychiatre. Mais en fait, c'était pas pour cette vieille médecin toute rabougrie que j'étais heureux, c'était pour Alix. Souvent, on descendait en Italie pour une semaine. C'était des thérapies de groupe assez importante et intensive. Et nous savions, elle et moi, qu'on allait pouvoir passer du temps ensemble. Finalement, ce qui me faisait le plus de bien, au fond, c'était pas les efforts et les compétences du pédopsy, mais c'était la présence d'Alix et la force qu'elle dégageait. A deux, on était plus fort. Et cette relation, rien ni personne ne pourra la détruire, l'affaiblir ou la détériorer.
J'entends sa réponse, je souris toujours parce que je sais qu'elle n'y croit pas elle même, comme n'a pas cru que je n'avais qu'une demi-heure pour elle. J'la garde toujours dans mes bras, j'pourrais ne jamais la lâcher je crois. "Si tu savais .." Ces trois mots, je les ai murmuré, adressé à elle mais aussi à moi. Bien sûr qu'elle comptait pour moi.. tellement.
Je l'ai défiée en supposant qu'elle était venue sans rien dans cette cave et je la retrouve à m'exposer les différentes précautions qu'elle a prise. Une bombe au poivre et sa coloc' de prévenue. Je hoche la tête, un petit rictus balaye le coin de ma bouche. "Ca ira pour cette fois Madame Tedeschi." Je souris franchement puis en arrive le nouvelle : nous sommes voisins. Le destin fait vraiment bien les choses. Alix aussi est choquée de cette nouvelle. J'propose à Alix d'aller boire un verre chez moi, elle accepte, empoigne son téléphone et envoie un message. J'reste silencieux, j'pose mon regard sur elle. Elle est tellement .. tout. J'saurais pas décrire ce que je ressens quand je suis avec elle. J'suis juste bien. Et, non, je ne suis pas amoureux, j'vous entends encore piapiater dans mon dos là! . Quelques secondes plus tard, Alix est dispo, elle pose son regard sur moi et on prend la direction des escaliers. "J'suis tout seul, j'suis arrivé il y a une dizaine de jours, j'ai d'abord squatté chez mon père et puis j'ai trouvé cet appart il y a une semaine. J'avais pas trop envie d'être en coloc, j'suis pas hyper sociable tu sais bien!" Je rigole, j'suis mi-sociale mi-casanier. Difficile à expliquer mais vivre avec des inconnus, sûrement pas! "Et toi, donc, t'es en coloc avec une pote ?" On monte les escaliers tranquillement, on arrive devant la porte. J'm'arrête une seconde : "c'est le bordel, j'suis pas là depuis longtemps, no jugement ok ?" J'souris, je sais bien qu'Alix ne dira jamais rien. Mais les piles de cartons et l'appartement à moitié vide, ça fait pas vraiment rêver.

Si tu savais... Bien sûr que tu sais à quel point votre relation est importante dans la vie d'Ariel puisqu'elle l'est tout autant dans la tienne. Lorsque vous vous retrouviez en Italie, en thérapie de groupes, le spécialiste qui s'occupait de toi t'a fait comprendre à plusieurs reprises que cette relation avec Ariel n'était pas forcément saine, pas forcément bénéfique. Parce qu'il disait que vous aviez vécu trop de choses chacun de votre côté et que vous ne feriez que vous tirer vers le bas plutôt que vers le haut. Si seulement il savait à quel point il avait tort. Encore aujourd'hui, tu vois Ariel comme ta lumière, comme une bouffée d'air frais et rien ne pourra jamais changer ça. C'est une relation qui ne s'explique pas mais que vous vivez à cent à l'heure. Tu souris plus largement en l'entendant prononcer ton nom de famille, un nom qui résonne si bien quand c'est lui qui le dit. Puis, alors que l'australien t'apprend qu'il vit dans le même bâtiment que toi, tu ne peux cacher ta surprise. A présent, il ne fait nul doute que vous enchainerez les aller-retour l'un chez l'autre encore plus facilement. Tu ne pouvais pas rêver plus belles retrouvailles avec Ariel. « Ton père ? » Demandes-tu en haussant les sourcils, étonnée. Tu connais les rapports plutôt compliqués qu'Ariel entretient avec son père alors évidemment, cela t'étonne de savoir qu'il a vécu chez lui le temps de trouver où vivre. « Ouais je sais, t'es du genre grognon, surtout le matin. » Le taquines-tu. Avec toi, Ariel a toujours été particulièrement bienveillant et à l'écoute. Tu aimes penser que votre relation est tellement unique que tu es l'une des seules à le connaitre aussi bien et tel qu'il est réellement. Mais dans le fond, tu n'en sais rien. « Avec Nova, oui. Mais je n'ai appris à la connaitre qu'en emménageant. En fait, c'est grâce à Alexander, mon autre coloc' que j'habite ici. » Lui, tu le connais également de l'Italie mais vos rapports ont été plus qu'amicaux, à l'époque. Ce que tu te retiens bien de dire à Ariel, évidemment. Une fois devant la porte de l'appartement de l'australien, tu ris alors qu'il te demande de ne pas le juger. Pour avoir déménagé plus d'une fois, tu sais à quoi peut ressembler un appartement en chantier alors bien sûr que non, tu ne feras aucun commentaire sur son habitation. « Promis. » Dis-tu en le suivant à l'intérieur, observant ton nouveau QG. Même si les cartons sont omniprésents et que tout n'est pas encore installé, tu te sens tout de suite bien en entrant dans l'appartement d'Ariel sans pouvoir expliquer pourquoi. « J'aime bien. Il est différent de mon appart' mais plus lumineux, j'suis presque jalouse. » Plaisantes-tu. « Je m'y sens déjà bien alors attends-toi à ce que je vienne squatter régulièrement. » C'est sûrement la présence d'Ariel qui change la donne.

Maintes fois la vie avait essayé de vous séparer. A commencer par le destin. On habitait loin l'un de l'autre, on comptait les jours avant de pouvoir se retrouver. Et puis notre psy qui n'était pas très favorable à notre relation. Nos parents aussi qui ne voyaient pas toujours du bon œil le fait qu'on était tout le temps ensemble. Mais ils ne comprenaient rien. Ils n'ont jamais rien compris bordel. Nous deux, on était plus fort, ailleurs, plus puissant que n'importe quelle thérapie. La dose de force, de bonheur et de confiance que me donnait chaque sourire d'Alix valait des mois de discussions avec un médecin. On pouvait, d'un point de vue extérieur, sembler néfaste l'un pour l'autre, nos discussions étaient très négatives, on crachait sur le monde, on ne croyait pas en l'avenir mais c'est dans ces pensées sombres qu'on puisait notre force. Et finalement, dans toutes les étapes de ma vie, plus tard, il y a toujours eu l'aura d'Alix quelque part, non loin.
Alix connait mes déboires familiaux, la relation catastrophique d'avec mon père, ses grosses conneries passées qui nous ont poussé à partir vivre en France. Elle sait que je ne l'aime pas trop et forcément, ma réponse l'étonne. Je hausse les épaules et lui dit la vérité. "Mes poches étaient vides, je comptais donc sur le compte bancaire de mon père pour m'aider.." je soupire et rajoute "on a rien sans rien hein." Je souris. Certains seraient outrés de mon comportement, t'as qu'à te trouver un boulot idiot d'Ariel ! Bosse et gagne ton propre argent ! Certainement pas, aucune envie de bosser et d'être à la merci d'un patron. Je préfère profiter des sous de mon géniteur, il en a plein et doit se faire pardonner pour ce qu'il a fait, alors j'en profite. C'est discutable, certes, mais j'suis ok avec ça.
Je souris, moi grognon le matin ? Je la regarde avec un air faussement choqué. "Moi grognon ? Ouais, c'est vrai, t'as entièrement raison. j'serais capable de coller une droite à un coloc un peu trop relou" Je rigole. J'suis pas le genre très sociable, et les personnes qui m'apprécient vraiment sont assez rares finalement. J'apprends qu'Alix vit dans une coloc avec Nova et Alexander. Hmhm, intéressant. J'relève pas, mais j'mènerai ma propre enquête. Jamais entendu parlé de cet Alexander. J'sais pas pourquoi, ça m'plait pas qu'elle vive avec un homme. Moi jaloux ? Tssss non pas du tout.
Mon appart est encore un peu en chantier, les cartons jonchent le sol et puis il manque encore de décoration , mais bon, j'm'y sens bien et encore plus maintenant qu'Alix est là. Je souris à sa réflexion "Faudra que tu me montres le tien pour que j'puisse comparer. Ah mais, la porte est ouverte, j'compte bien faire de cet endroit un QG et j'espère que tu seras un pilier d'cet appart !" J'souris, j'imagine déjà Alix, tous les quatre matins dans l'appart, genre j'me lève et elle est déjà là. Cette idée me fait rire. "Quand t'en aura marre de tes colocs, tu pourras venir ici, et j'aurais tout le loisir de t'emmerder à mon tour !" J'souris, j'suis comme sur un petit nuage. J'ouvre le frigo. "Mon appart est peut-être vide, mais mon frigo est plein ! Bière ou vin blanc ?" Putain, mais en fait j'ai pas du tout de choix. Je suis officiellement un hôte en carton.

Tu hoches la tête en fronçant légèrement les sourcils quand Ariel t’explique qu’il a utilisé l’argent de son père pour l’aider mais qu’en contrepartie, il a dû vivre chez lui pendant quelques temps. « Et comment ça s’est passé ? » Tu ne sais pas s’il est possible d’arranger les choses entre eux mais une chose est sûre, si tu avais la chance d’avoir encore ton père dans ta vie, tu en profiterais. Néanmoins, tu sais que le passé d’Ariel et son père est très différent du tien. En Italie, vous avez abordé des tas de sujets mais les plus compliqués restent les sujets dont tu te souviens le mieux. Tu te souviens à quel point c’était libérateur de te confier à l’Australien. Aujourd’hui encore, tu ressens cette connexion unique que tu ne connais qu’avec Ariel. « Evidemment, j’te connais par cœur. » Rétorques-tu fièrement. Finalement, tu expliques au jeune homme que tu vis en colocation avec deux autres personnes car, contrairement à lui, tu aimes avoir une présence et sentir que tu n’es pas seule. Surtout la nuit où il est encore parfois difficile, pour toi, de ne pas repenser au passé et à tes démons. Malgré tout, même si Ariel vit seul, tu comptes bien lui apporter une présence constante en squattant son appartement le plus souvent possible. Evidemment, avec tes deux boulots, cela risque d’être compliqué d’être aussi présente que tu l’aimerais mais tu feras ton maximum, c’est une certitude. Parce que chaque moment passé avec Ariel est une bouffée d’air frais. « Tu viens quand tu veux. Et compte sur moi pour être LE pilier de cet appart’. » Une idée qui semble ravir l’Australien qui propose que tu viennes chez lui quand tu en auras marre de tes colocataires. « Alors j’en aurai marre de toi aussi. » Répliques-tu, n’en pensant pourtant pas un mot. Être rassasiée d’Ariel ou en avoir marre de lui, c’est tout simplement impossible à tes yeux. « Vin blanc, j’mérite bien qu’on ouvre une bouteille pour moi, non ? » Dis-tu en souriant malicieusement avant de t’approcher du plan de travail de la cuisine sur lequel tu prends appui. Tu détailles Ariel du regard alors qu’il saisit une bouteille de vin, ne réalisant pas encore complètement que vous allez enfin vivre dans la même ville et surtout dans le même immeuble. « J’en reviens toujours pas que tu sois là. » Affirmes-tu les yeux brillants, sans détacher ton regard du jeune homme.

Alix, elle sait tout de moi. Elle connait les frasques de mon père, l''humiliation qu'il a connu dans les années 90, et ma relation plutôt chaotique avec lui. Elle sait que je n'aime rien de cet homme et que je ne le considère que comme un simple géniteur et accessoirement comme un porte-feuille aussi. C'est vrai qu'il n'a jamais été tendre avec moi, et il faut que dire que je lui ai toujours bien rendu l'appareil. Alix s'étonne que j'sois venu jusqu'à Bowen pour m'installer quelques jours avec mon père. Je souris tout en soupirant. "ça c'est .. passé on va dire. C'était tendu forcément, on a convenu ensemble qu'il m'aiderait financièrement et qu'en contre-partie on essayerait de se voir de temps en temps." La présence de mon père m'irrite mais je n'ai aucun scrupule à vivre avec son argent. Je suis une contradiction à moi tout seul. Alix m'apaise. De la voir près de moi, c'est un soulagement. Comme si je venais de trouver ici, à Bowen, un véritable point de repère. Elle représente tellement moi. C'est elle, c'est notre amitié, notre complicité qui à une certaine époque, m'a littéralement sorti d'une obscurité étouffante. C'est ma lumière. Comme elle le disait si bien, elle me connaissait par cœur. Elle faisait partie des rares personnes sur cette terre à posséder mon estime.
On monte ensemble jusqu'à mon appartement. J'ai envie de lui faire découvrir où je vis, ce que je suis devenu aujourd'hui. Les années qui nous séparent sont si nombreuses. Sans jamais rompre le lien, nous ne nous étions pourtant pas vu, en réel, pendant de longues années. Mais de la retrouver là, de pouvoir sentir sa présence si rassurante, de pouvoir percevoir son aura s'envelopper autour de moi, je me sentais heureux. On s'installe, on a tant de choses à se dire. Je rigole à ses mots. "Marre de moi ? J'suis la personne la plus facile à vivre tu sais bien! C'est plutôt moi qui en aura vite marre de toi, la pot de colle!" Je rigolais. Il m'arrivait, par le passé, de l'appeler comme ça. Nous étions très tactiles quand nous étions plus jeunes, et Alix ressentait le besoin de tout le temps me coller aux basques, pour mon plus grand plaisir. Il faut dire que j'étais exactement pareil qu'elle. Ensemble, on bougeait toujours en osmose. Nous deux, on s'attirait comme des aimants. Bien évidemment, on allait fêter nos retrouvailles. Je souriais, Alix méritait effectivement une bonne bouteille. En tant que bon français, je m'y connaissais en vin. J'empruntais une voix faussement bourgeoise: "Un petit Chablis 2015 irait à Madame ?" Je présentais la bouteille comme dans les grands restaurant. Tandis que je débouchais la bouteille avec des gestes précis, la jeune femme lâcha quelques mots qui me touchèrent. Cela était tellement sincère. Je levais les yeux, plongeais mon regard dans le sien, il était brillant, si particulier. "Tu sais Alix, j'pourrais pas être plus heureux qu'à cet instant." Je souris sincèrement. Tellement de sentiments en nous! Je servais deux verres, je m'asseyais près de la jeune femme. On fit tinter nos verres l'un contre l'autre. "A nous." Je souris, et bu une gorgée, ça avait un goût d'amitié, d'espoir et de renouveau. Je reposais mon verre. "Et toi alors, comment vas-tu ?" Tellement de choses à se dire, il fallait bien commencer par quelques parts.