if you don't have bread, just eat cakes ∞ nev

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if you don't have bread, just ear cakes
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@nevaeh rutkowski & @pippa wojcik

Mes ongles pianotaient sur la table que j’occupais au salon de thé, sans que je ne parvienne à contrôler mon anxiété. C’était pourtant moi qui avait donné rendez-vous à Nevaeh chez Imogen. J’avais cru qu’un endroit familier, comme l’une des boutiques de pâtisserie de ma sœur ainé, rendrait la chose plus facile. Pourtant, je ne pouvais d’appréhender le moment où ma meilleure amie franchirait la porte de l’échoppe. Nevaeh et moi nous étions rarement disputé comme nous l’avons fait récemment, pour ne pas dire jamais. Notre amitié était solide, et cela depuis des années. Malgré tout, des choses avaient été dites, par sms principalement, et cela avait fait craqueler notre si beau vernis. J’aimais Neveah comme ma sœur, je la connaissais depuis l’enfance…elle représentait tout pour moi. Avec Juliann, elle était surement l’une des personnes qui me connaissait le plus sur cette Terre. Son amitié m’était précieux, et aujourd’hui, j’avais si peur de la perdre. C’était absurde, pourtant, de penser qu’un lien comme le notre pouvait se rompre avec autant de facilité. Je soupirai longuement. Nevaeh allait bientôt arriver et j’appréhendais ce moment. Devant moi, une assiette de tarte au citron intacte, je n’avais pas touché à la pâtisserie que j’avais commandée plus de dix minutes plus tôt. Quelque chose me coupait l’appétit.

Le temps, la distance, les divergences d'opinion, rien n'avait su séparer les deux trentenaires. Elles s'étaient déjà querellées un peu, de survol, rien de plus naturel dans une relation aussi solide que la leur, mais avaient toujours fini par trouver un moyen d'oublier leurs malentendus, pardonnant à l'autre les fautes qu'elle avait pu commettre, aussi stupide qu'un oubli de date importante ou un mot de travers. Mais des disputes comme celle-là, jamais Nevaeh et Pippa n'en avaient vécu. Elle avait pensé pouvoir l'éviter, taire ce qu'elle ressentait pour Juliann, laisser à sa meilleure copine le bonheur qu'il lui apportait en se retirant de l'équation. Elle s'était dit que de prendre ses distances, de fuir à l'autre bout du monde, les aiderait à passer au travers de ce ravin, mais elle avait eu tort. Et tout ça n'avait contribué qu'à aggraver leur désaccord. Alors quand elle avait fini par lui avouer qu'elle ressentait un truc pour Juliann, par voix de sms, il était déjà trop tard. Quelque chose entre elles était brisé. Nevaeh avait tenté de rester loin de l'ex de sa meilleure amie, de l'oublier, mais elle n'y était pas parvenue. Et, encore derrière le dos de celle qui comptait le plus pour elle, elle avait fait des plans avec lui, l'envie de le revoir dès que son avion atterrirait. Seulement, au même moment, Pippa s'était proposé pour discuter avec elle, comme si elle avait su, comme si elle avait été mise au courant. Et, évidemment, la brune n'avait pas pu dire non. Et donc, elle avait repoussé son rendez-vous secret avec Juliann au lendemain, acceptant de rencontrer Pippa dès qu'elle arriverait à Bowen. Elle avait à peine eu le temps de poser sa valise chez elle, d'embrasser une dernière fois Alex, avant de rejoindre la blonde chez Imogen, lieu neutre bien choisi par l'investigatrice de cet échange. C'était bien, ça leur forcerait à garder leur sang-froid, leur calme, même si les choses devenaient tendues. Puis, au fond, ce n'était pas ce que Nevaeh souhaitait. Elle, tout ce qu'elle voulait, c'était retrouver sa meilleure copine. Elle entra dans la pâtisserie en cherchant Pippa du regard, trouvant sa tête blonde sans difficulté. Quand elle arriva près d'elle, elle lui chantonna un : « Salut », avant de prendre place devant elle. « Comment... », commença-t-elle avec nervosité. « Comment ça s'est passé ? Comment tu te sens ? » Elle n’avait pas pu être là pour un des moments les plus difficiles de la vie de son amie, par sa propre faute. Il était la moindre des choses que de prendre de ses nouvelles avant même de crever l'abcès. « Je regrette de n'avoir pas pu être là avec toi... » Elle était vraiment une mauvaise amie.

Avec Nev nous avions souvent été séparés, physiquement. Elle comme moi avions beaucoup voyagé, pour le travail ou pour le plaisir, et puis Nevaeh était partie vivre à New York quelques temps. Malgré la distance, nous étions restées proches. Nev était comme ma soeur, elle était ma confidente depuis que nos étions petites, et il se passait rarement un jour sans que nous nous parlions, au moins par téléphone. La situation actuelle était donc complètement inédite pour nous, et par ailleurs assez difficile à vivre au vu des mots que nous avions échangés. Nous avions toutes deux été blessées, par des quiproquos ou des non-dits qui avaient assez duré, malgré tout, je savais que nous étions suffisamment fortes pour passer au dessus de ça. L’amour que nous nous portions l’une à l’autre était plus fort que ça. Nous regrettions toutes les deux ce qui avait été dit, c’était ce qu’il fallait retenir. Quand ma meilleure amie arriva, je sentis toutes mes appréhensions, tous mes doutes s’envoler. Je savais que nous parviendrons à dissiper les malentendus, ensemble, j’avais confiance tout d’un coup.
— Nev, je suis heureuse de te voir.
Je la laissai s’asseoir face à moi. Aussitôt, elle décida de crever l’abcès. Je la reconnaissais bien là, ça, n’était pas vraiment son genre de tourner autour du pot.
— Je me sens bien, répondis-je en toute honnêteté.
Mon avortement n’avait pas été une épreuve facile, je l’admettais. Malgré tout, j’avais su la traverser sans difficulté, ni accablement excessif. J’étais sure de ma décision et parfaitement à l’aise avec le sujet.
— Ne te torture pas avec ça, ça va.
Je ne voulais surtout pas qu’elle se sente coupable de quoi que ce soit. Je savais qu’elle était sincère, qu’elle aurait souhaité être présente le jour j. Je lui en avais voulu, c’était vrai, au début, d’être partie pile à ce moment de ma vie où j’avais besoin de soutien. Mais j’avais compris qu’elle l’avait fait par nécessité et pas vraiment pas choix. Nev avait eu besoin d’encaisser quelques chose, de se libérer d’un poids. Je ne pouvais pas lui en vouloir pour ça. Et puis…de l’eau avait coulé sous les ponts. Je tenais davantage à elle qu’à la rancoeur que j’avais pu ressentir sur le moment.
— J’ai été une loque le premier jour, ça fatigue…physiquement, déjà, et moralement un peu aussi, je vais pas te mentir. J’ai même dis à Juliann de partir, je n’ai fais que dormir après…ça. Alors ne t’en fais pas. Et toi…la Californie ?

Jamais elles n'avaient été en dispute aussi longtemps, jamais même le ton avait monté entre elles. Elles n'étaient pas ce genre d'amies, toutes les deux, rien ne pouvait les briser. Jamais elles ne s'étaient criées dessus, jamais elles ne s'était envoyé balader. Et bien que tout s'était passé par le biais de sms violents d'une part et d'autre des deux parties, Nevaeh était convaincue, avec l'intensité de leur propos, que si l'échange s'était fait en personne, les voix se seraient élevé pour la première fois depuis le début de leur amitié. Mais maintenant que la poussière était retombée, Nevaeh s'en voulait d'avoir laissé la rage s'emparer trop d'elle et d'avoir parlé pour son propre chef. Elle avait été égoïste, lui reprochant des choses qui, au fond, étaient légitimes. La fautive, c'était elle, pas Pippa. Et c'était bien parce qu'elle se rendait compte qu'elle avait tout perdu, qu'elle avait été assez naïve pour croire qu'elle avait une chance, que tout avait explosé. Mais contre la blonde, Nevaeh, elle ne gagnait jamais. Dans une pièce, c'était Pippa qu'on regardait, Pippa l'énergique et la pétillante, elle dérobait tout sur son passage. Alors, comment avait-elle pu croire une seule seconde, Nevaeh, pouvoir avoir ses chances avec l'ex de sa meilleure amie. Chez Imogen, l'ambiance était à la réconciliation, bien que la gêne teintait l'entrée de la brune. « Moi aussi », confia-t-elle en prenant place devant sa meilleure amie avant d'entrer dans le vif du sujet. Nevaeh, elle n'était pas en mesure de faire semblant, elle n'était pas hypocrite. Et quand un truc la tracassait, elle l'adressait, sans gants blancs. Alors que Pippa la rassurait, elle, elle cherchait sa main sur la table pour venir la serrer, la réconforter en retard puisque lorsque ça aurait été nécessaire, elle avait décidé de fuir et de s'envoler dans un autre pays. Elle se sentait bien. Un poids se délogea des épaules de la journaliste, elle aurait même pu soupirer de soulagement si le reste du malaise entre elles n'avait pas existé, seulement cet avortement n'était que le premier de leurs problèmes, l'autre, Juliann, était plus délicat. Elle resserra son étau autour de la main de Pippa, souriant en coin. « Ça me soulage », avoua-t-elle en hochant la tête à la suite des propos de son amie. « Je m'en ferai toujours pour toi, tu le sais », se justifia la brune en relâchant la main de sa meilleure copine pour lui redonner sa liberté. Coupable, elle le ressentait, oui. Parce que malgré ses sentiments à elle, elle aurait dû être là pour son amie. Pippa poursuivit ses confessions sur l'avortement, laissant, au passage, le nom de Juliann se glisser dans la conversation. Nevaeh baissa les yeux sur ses mains, ce nom lui créait des électrochocs pas possibles dans tout son corps. « J'aurais quand même pu être là pour t'épauler », ajouta-t-elle en raclant sa gorge, mal à l'aise. Quand la blonde adressa la Californie, Nevaeh haussa les épaules. « C'est le American dream », souffla-t-elle pourtant peu convaincue de ce qu'elle avançait. C'est qu'elle avait passé les premiers jours de leur périple à Alex et elle dans leur chambre d'hôtel, honteuse, mal, blessée. « Entre toi et moi, ce n'est pas ma destination favorite. Je préfère nettement les destinations plus dépaysantes. » Dans ses destinations préférées on comptait les forêts de Thaïlande, les ruines de Grèce et les marchés urbains du Vietnam.

J’aurais voulu, c’était vrai, que Nevaeh m’accompagne pour cet avortement, comme elle m’avait épaulé pour chaque épreuve et chaque bon moment de ma vie, et oui, cela m’avait un peu peiné qu’elle ne soit pas là. J’avais ressenti de la colère en apprenant que Nev et Alex partaient ensemble pour la Californie tandis qu’on allait racler mon utérus pour extraire l’embryon qui avait été créer, par Alex et par moi, lors d’une soirée chaude en Italie quelques semaines plus tôt. Mais ce sentiment n’avait pas duré, il n’avait été que passager et j’avais finis par comprendre que mon amitié pour la belle Rutkowski dépassait de loin quelques petits griefs sans importance. Oui, j’aurais pu lui en vouloir plus longtemps, mais d’abord, la rancune ne faisait pas vraiment partie de mon caractère et puis j’avais passé l’âge de gamineries pareilles. Je comprenais, avec le recul, que ma meilleure amie avait eu besoin de s’éloigner, et que c’était mal tombé. Je savais qu’elle était sincère lorsqu’elle affirmait qu’elle aurait souhaité être présente, ce jour là. Cela me suffisait.
— C’est fait, maintenant, ne te tracasse pas pour ça.
Je pensais réellement ce que je disais, ça n’avait rien d’une phrase toute faite. Je ne lui en voulais pas, pas le moins du monde et je souhaitais qu’elle l’entende. Nous aurions d’autres sujets touchy à aborder ensemble, et je ne souhaitais pas créer une ambiance stressant, pour elle comme pour moi. Je déviais donc rapidement la conversation sur sa dernière destination : La Californie.
— Oui, je comprends ce que tu veux dire. C’est vrai que les plages peuvent ressembler aux nôtres…quoique sans vouloir être chauvine, les nôtres sont plus belles.

À la défense de Nevaeh, si elle l'avait su, si Pippa lui avait demandé, évidemment qu'elle serait venue pour l'accompagner dans cette dure épreuve. Et bien qu'elle ne cherchait pas à minimiser ses propres torts dans l'histoire, elle en avait de bien plus gros, probablement, que de lui avoir caché une grossesse, son absence se justifiait. Pippa ne savait pas tout. Elle ne savait pas que les sentiments de Nevaeh pour Juliann étaient sans doute bien plus grands que ceux que lui éprouvait pour la journaliste et que de risquer de le perdre parce qu'il se replongeait dans les bras de son ex-fiancée avait été un coup dur à encaisser, fiancée qui plus est était sa propre meilleure amie qu'elle risquait, elle aussi de perdre au passage. Ajoutons à cela, aussi, le fait que sa propre meilleure amie n'avait pas eu le courage de lui dire personnellement pour sa grossesse et qu'elle l'avait appris par Alex, concerné dans l'histoire, oui, mais tellement moins impliqué que Pippa. Tout ça, toute la culpabilité et la peine et la frustration mis ensemble l'avaient forcé à quitter. Est-ce que c'était le bon choix ? Non. Mais si Pippa lui avait demandé d'être là pour elle, pendant qu'elle se faisait charcuter le corps, Nevaeh, de son grand coeur trop connu, aurait abandonné son voyage pour elle. Sauf que Pippa avait choisi Juliann. Et Juliann avait choisi Pippa, lui aussi. Nevaeh n'avait eu d'autre choix que de partir, que de leur laisser l'espace dont ils nécessitaient et dans lequel elle était visiblement de trop. Alors, serait-ce ça toute leur vie ? Se sentirait-elle de trop indéfiniment ? Pippa lui assura que c'était fait, qu'il ne fallait plus se faire du sang de cochon pour cette histoire du passé. Nevaeh hocha la tête, bien qu'elle n'était pas de cet avis, laissant les contrariétés dans un coin de son cerveau où elle seule avait accès, évitant ainsi les conflits. La blonde migra la conversation sur le sujet de la Californie, lui demanda donc comment s'était passé son voyage. Ceux qui connaissaient Nevaeh savaient qu'elle avait pour habitude de découvrir des lieux insolites, des endroits qui n'étaient pas du tout touristiques. C'était son penchant, d'être immergée au travers des locaux, de ne pas se sentir comme une étrangère, de découvrir des endroits où il y avait tellement peu de gens qu'on s'y sentait comme au paradis. La Californie, ça avait été un prétexte pour fuir, le seul vol disponible au moment où elle en avait besoin. Ce n'était pas un rêve, pas une destination qui lui correspondait et, d'ailleurs, elle n'en avait vu que très peu, de cette ville, passant les premiers jours de ce périple enfermée dans sa chambre. Chagrin d'amour, alors qu'on ne parlait pas d'amour entre Juliann et elle. Chagrin d'amitié, alors que Pippa et elle étaient sur le bord du gouffre. « Tu as raison, les nôtres sont nettement plus belles que celles-ci », confirma Nevaeh en lui accordant un clin d'oeil. « Mais c'était loin, c'était ce qu'il me fallait... », avoua la brune en poursuivant.

Je n’avais jamais rien remarqué entre Nevaeh et Juliann. Jamais. Peut-être n’avais-je pas été suffisamment attentive ou peut-être la perspective me paraissait trop saugrenue. Mais au fond…pourquoi pas. Nev était belle, intelligente, passionnante et avait de si nombreuses qualités qui pouvaient plaire à mon ex-fiancé ; quant à Juliann…comment ne pas succomber, je le voyais encore et toujours comme l’homme parfait. Notre lien m’apparaissait comme indéfectible et il demeurait aujourd’hui le seul homme que j’avais jamais aimé. Je pensais d’ailleurs que ce genre d’amour là était unique, qu’il ne pouvait pas être vécu deux fois, que jamais mon coeur ne s’ouvrirait à un autre homme de cette manière là. Mais je l’acceptais. J’étais chanceuse après tout, d’avoir vécu dans ma vie une expérience si belle et si pure. Pour autant, cela ne signifiait pas que j’avais un droit de regard sur toute les relations futures de Juliann. Ca n’était pas ma manière de penser. Nev avait parfaitement le droit d’éprouver des sentiments pour Juliann, et ils avaient parfaitement le droit de vivre leur idylle. Je devais travailler sur moi pour essayer de comprendre ce qui avait pu me déranger à cette idée, en tout premier lieu. Oui, Juliann et moi venions de nous retrouver, physiquement, puisque nous ne nous étions jamais quitté autrement. Et il avait fallu que je fasse, peut-être, le deuil de quelque chose de précieux que j’aurais pu voir renaitre. Nev avait droit à sa chance., c’était ce que je ne cessais de me répéter. Elle n’avait pas été très chanceuse en amour, par le passé, elle méritait amplement quelqu’un comme Juliann.
— Je suis désolée que tu aies éprouvé ce besoin de t’éloigner, confiai-je avec sincérité, je n’ai pas réalisé ce qui se passait pour toi, ce que tu pouvais ressentir…
J’avançai le bras pour attraper sa main.
— J’ai failli à mon rôle de meilleure amie, je crois, sur bien des points.

C'était sa faute. Elle s'était amourachée d'un homme qui avait partagé la vie de sa meilleure amie sur des plans bien plus personnels qu'une simple relation de quelques mois. Ils avaient été fiancés, s'étaient rendus devant l'autel, jusqu'à se rendre compte que la vie ne leur réservait pas ça, que ce n'était pas pour eux. Nevaeh était consciente de tout ça, elle avait vécu les premiers papillons de sa meilleure copine et leur rupture. Alors quand ils s'étaient croisés sur cette application de rencontre, elle aurait dû éviter d'entrer dans ce jeu de séduction, de retomber dans les sentiments qu'elle avait jadis eus pour lui et de respecter leur histoire passée. Mais elle avait tout gâché, pour une crush d'adolescence qui ne s'était jamais vraiment concrétisé. Elle s'était laissé emporter au gré des papillons qui grandissaient dans son ventre quand elle pensait à Juliann. Mais tout avait éclaté. Cette attirance secrète qu'elle lui cachait, apprendre qu'ils se voyaient toujours, apprendre la grossesse de Pippa, Woody qui l'avait repoussé une nouvelle fois, ses fiançailles qui avaient été rompues. La journaliste avait eu besoin d'une pause, loin de tout, loin de ce qui pouvait encore lui faire du mal. « C'est rien », lui assura-t-elle, toujours plus soucieuse de ce que Pippa pouvait ressentir que ses propres émotions. La blonde attrapa sa main, une chaleur l'empoigna. Nevaeh lui sourit faiblement. « Ce n'est pas toi qui a failli », répondit-elle en baissant les yeux. « J'ai flirté avec ton ex, alors que tu devais gérer une grossesse non désirée. Celle qui a fauté, c'est moi », gronda la brune en secouant la tête. Elle n'était pas mieux que les hommes qui entraient dans sa vie, à croire qu'à force d'être cocue elle avait fini par prendre de ces mauvaises habitudes jusqu'à vouloir le seul homme inaccessible de toute la ville.

Nevaeh et moi pouvions continuer encore longtemps à essayer de déterminer laquelle de nous deux était la plus fautive. Nous nous aimions trop l’une et l’autre, depuis l’enfance, nous étions soudées. Différentes, avec des divergences de point de vue notamment et des manières de vivre parfois opposées, mais nous étions un peu comme des soeurs finalement, liées par un amour inconditionnel. Cela aurait été mentir que de dire que ce qui se passait entre mon ex et ma meilleure amie ne me touchait pas du tout. Bien sûr que cela me touchait. Mais d’un autre côté, j’étais heureuse pour elle et je ne voulais pas qu’elle ressente de la culpabilité pour quoique ce soit.
— Je crois qu’on a toutes les deux nos raisons et nos torts dans cette histoire
Autrement dit, il n’y avait pas de méchant ou de gentil, ca n’était pas aussi binaire que cela. La complexité de la situation étant bien sûr renforcée par l’affection que nous nous portions.
— Tu n’as commis aucune faute. Juliann n’est pas ma propriété, c’est un homme libre, indépendant…tu as bien le droit de flirter avec lui. Certes, ça m’a fait bizarre quand je l’ai appris mais…je ne peux pas te blâmer pour autant.
Je ne disposai d’aucun droit de véto sur les fréquentations de mon ex. Juliann, comme Nevaeh, n’avaient pas à demander mon autorisation pour quoique ce soit.
— Tu…envisages quelques chose de plus, avec lui ?

L'amour qu'il y avait entre Nevaeh et Pippa était bien plus fort qu'une histoire de voyage et d'excuses qu'eux deux se présentaient alors qu'au fond, étaient-elles réellement fautives ? Nevaeh le penserait toujours un peu, toujours fautive d'être tombée sous la charme de l'ex-fiancé de sa meilleure amie alors qu'elle connaissait leur histoire. Mais au fond, est-ce que cela méritait que leur amitié soit brisée ? Et la belle blonde le disait elle-même, Juliann n'était pas sa propriété. Est-ce que cela voulait dire qu'elle ne pouvait pas avoir ressenti un pincement au coeur quand elle avait appris pour leur relation secrète ? Non, évidemment que non. Et Nevaeh comprenait tellement la réaction de sa meilleure amie. Mais, il est important de le redire, elles s'aimaient tellement qu'elles étaient prêtes à se pardonner les pires erreurs qu'elles pouvaient commettre, simplement pour s'assurer d'être là l'une pour l'autre jusqu'à la fin des temps. « Je suis désolée que ça te fasse bizarre... », confia la brune en soupirant. « J'aurais souhaité que ce soit plus simple.. Mais je n'ai pas su contrôler. Et bien que ma tête me disait que c'était mal, j'avais envie d'écouter cette petite voix dans mon coeur qui m'entrainait à foncer... » Et on la connaissait pour ça, Nevaeh, à suivre son instinct, plus que la raison. Surtout parce qu'elle se laissait guider par ses émotions, autant pour le bien que pour le mal. Quand Pippa lui demanda si sa meilleure amie envisageait une relation sérieuse avec son ex, Nevaeh baissa les yeux. « On a pas parlé de ça », confia-t-elle, « mais.. mais je suis bien avec lui et.. Et pourquoi pas ? », demanda-t-elle, timidement. « Après, je ne suis pas certaine que c'est ce qu'il cherche, je pense qu'il est encore trop affecté par sa rupture pour penser à ce genre de choses.. » Et elle aussi, au fond, seulement elle savait plus facilement oublier Felix que lui pouvait oublier Alejandro. « Pips, Je dois te dire... », soupira la journaliste. « J'ai flashé sur Juliann bien avant que lui et toi ce soit un truc... Mais j'étais trop timide pour aller le voir... Et... Et quand j'ai voulu prendre mon courage à deux mains, il avait déjà craqué pour toi... » Ça lui avait pris tout son courage pour avouer à sa meilleure amie que toute leur adolescence elle s'était sacrifiée pour elle, c'était à ce point qu'elle l'aimait, Pippa.

Pourquoi pas. Nevaeh mettait justement le doigt sur ce qui rendait la situation compliqué. La tête opposait le coeur. Je compris que ma meilleure amie devait s’être longuement triturée l’esprit avec tout ça, qu’elle avait sans doute tû cette attirance qu’elle ressentait pour Juliann, j’ignorais encore à quel point. Cela me faisait de la peine pour elle. La vie amoureuse de Nev n’avait pas été un long fleuve tranquille jusqu’à présent et je ne souhaitais qu’une seule chose : qu’elle trouve le bonheur. Si désir il existait entre Nev et Juliann, ils seraient bien idiot de le taire simplement par égard pour moi. Oui, cela me faisait un peu bizarre de les imaginer tous les deux, je n’allais pas le nier, mais je ne voulais pas être un obstacle. Par ailleurs, Nevaeh soulignait également que mon ex traversait une période compliqué. Son coeur avait, lui aussi, été mis à rude épreuve suite à sa rupture avec Alejandro. Je savais aussi que sa vision de l’amour différait un peu de celle ma meilleure amie et puis…si je devais être parfaitement honnête, les choses, entre Juliann et moi n’étaient pas vraiment chastes, et ne le seraient peut-être jamais. Et je n’avais pas envie qu’elle souffre.
— Laisses-lui du temps.
Juliann avait beaucoup a digéré ces derniers temps, et même s’il n’en parlait pas ouvertement, je sentais qu’il avait besoin de réconfort, il avait besoin de souffler. Le voir heureux était tout ce qui m’importait et je savais que Nev était en mesure de le lui en apporter un peu. J’espérai sincèrement que cela ne se jouerait pas au dépend de ma meilleure amie. L’aveu de cette dernière coupa soudain le fil de mes pensées. L’attirance que Nevaeh ressentait pour mon ex, que je considérais encore aujourd’hui comme mon âme soeur, était bien plus ancienne que je le croyais. Cette information me scia sur place, si bien que je restais muette un moment.
— Qu’est-ce que tu essaies de me dire au juste ? Ca…ça change quelque chose qui tu aies flashé sur lui quand on avait quinze ans et demi ?

Ça n'était pas facile, cette situation. En temps normal, Nevaeh ne se serait jamais accordé un seul rencard avec l'ex, non seulement ex-amoureux mais aussi ex-fiancé, de sa meilleure amie. Ça, c'était chasse gardée. C'était inacceptable. Mais elle avait quand même envoyé ce match, elle avait quand même voulu lui parler, elle avait quand même accepté de le surprendre avec un rendez-vous dont il ne saurait rien à l'avance. Et elle avait tout de même répondu à son baiser. Parce qu'avec Juliann, il y avait quelque chose de différent, quelque chose qui lui donnait cette envie déraisonné de briser les normes, les règles, les conventions sociales. Et, pour une fois, elle n'était pas prête à s'oublier. Elle aurait voulu que Pippa comprenne, qu'elle accepte. Mais dans la situation inverse, elle savait bien qu'elle demandait la lune. Elle savait bien que peu de gens accepteraient.

Lui laisser du temps. Oui. À lui, à elle, aussi, qui venait de rompre ses fiançailles. Mais Juliann, il lui faisait du bien, au travers de cette période où les garçons auraient dû la répugner. Juliann lui faisait du bien. Et quelque part, Nevaeh lui retournait l'appareil. Ils mettaient mutuellement un baume sur leur passé douloureux, faisant le petit bout de chemin. Mais malgré tout ça, si Pippa lui demandait d'arrêter de voir Juliann, elle le ferait. Parce que c'était Nevaeh, de faire plaisir aux autres au détriment de ce qui lui faisait du bien à elle. Alors que Pippa la questionnait sur ce que la brune envisageait avec son ex, ce qui était encore un peu flou parce qu'ils n'étaient vraiment pas rendus là dans leur relation, Nevaeh avoua qu'elle avait craqué pour lui bien avant cette histoire récente. « Non, j'avais seulement besoin d'être honnête avec toi. » Ça ne changeait rien, qu'elle ait craqué pour lui bien avant ces dernières semaines. Mais ça voulait dire que toute leur adolescence, Nevaeh s'était fait toute petite pour éviter que son secret se dévoile. « Mais j'imagine que de le revoir, ça m'a fait resurgir cette attirance à laquelle j'ai jamais pu céder en respect envers toi.. »

L’information eut du mal à passer, je la digérais avec difficulté. Quand je demandais à Nevaeh ce que cela changeait, qu’elle ait eu le béguin pour Juliann depuis nos quinze ans, elle me répondit simplement qu’elle avait eu besoin de d’être honnête avec moi, elle ne voulait pas que je crois que cette attirance sortait d’un chapeau, que ce n’était pas quelque chose de soudain, de passager. Je comprenais tout ça et je savais mon amie sincère. Nous avions traversé tant de choses toutes les deux, je savais donc reconnaitre quand elle me parlait avec le coeur et c’était le cas à cet instant précis. Pourtant, je ne pus m’empêcher d’éprouver une certaine amertume sur le fond de ma langue. Nevaeh avait gardé tout ça pour elle durant des années. Elle avait flashé sur l’homme que j’avais failli épouser, celui que je considérais encore comme le seul homme que je serais jamais capable d’aimer. Je me sentais à la fois trahie et affreusement égoïste de n’avoir rien vu, de n’avoir pas été capable de lire au fond du coeur de celle que je considérais comme ma troisième soeur. Je détestais ce sentiment, je ne savais pas quoi en faire.
— Je…
J’étais incapable de la garder et je sentais les larmes me monter dangereusement aux yeux. Je me raclai la gorge, puis me levai de ma chaise.
— Je suis désolée, je…pardon. Je peux pas. Je suis désolée Nevaeh. J’ai besoin de temps. Pardon.
Sans rien ajouter de plus, j’attrapai mon sac pendu à ma chaise et quittai la pâtisserie comme si une mouche m’avait piqué.

fin