#17 l'emménagement, la promesse d'une vie meilleure (ft Léo)

Léo attendait près de cette maison encore inconnue de voir arriver un camion de déménagement au bout de la rue. Aujourd’hui était un grand jour, Andrea et Jonah revenaient emménager à Bowen après près de trois ans d’absence. La mère et son fils avaient vécu quasiment un an dans cette ville, pour donner une chance au petit garçon de nouer un lien fort avec son père et pour tente de se donner une chance à eux aussi, même si de ce côté-là ils avaient largement échoué. La relation entre la blonde et son ex avait toujours été tendue, ils n’avaient très clairement jamais voulu les mêmes choses et bien qu’ils aient tenté de se voiler la face durant quelques mois ça n’avait rien donné de bon, au contraire, créant des tensions entre eux qui n’étaient pas bonnes pour l’enfant. Parce que dans cette histoire le plus important c’était Jonah et personne d’autre, ça avait longtemps été leur seul terrain d’entente. Le petit garçon n’avait pas à souffrir des erreurs de ses parents, il n’en était en rien responsable. Emerson aurait pu jouer aux abonnés absents, se déchargeant de toute obligation parentale puisqu’il ne voulait pas de ce bébé au départ et qu’Andrea avait pris sa décision toute seule de le garder. Mais il savait, ô combien, ça pouvait être horrible, ayant un exemple tout tracé de père démissionnaire en la personne de son propre père. Lui, Léo, c’était le fils prodigue, l’enfant rêvé, mais il avait appris assez rapidement que le grand Peter Emerson avait des mômes cachés qu’il avait refusé de reconnaître pour éviter de faillir à sa réputation, il avait abandonné deux gamins sans scrupules et cette simple idée dégoûtait le photographe, lui qui avait toujours refusé de ressembler à son paternel. Et puis au-delà de ça, il se demandait simplement comment il aurait pu vivre une vie normale tout en sachant que quelque part il avait un enfant, un fils, de son sang, qu’il aurait renié, il en était tout bonnement incapable, il avait bien trop de cœur pour ça. Depuis trois ans, donc, il faisait les navettes entre Brisbane et Bowen, ce n’était pas si loin, c’était le prix à payer pour avoir un semblant de liberté, parce qu’il l’aimait, sa précieuse liberté, sa vie de célibataire, d’homme sans attaches qui pouvait partir au pied levé à l’autre bout du monde quand il le voulait. Et c’était totalement incompatible avec une vie de famille rangée avec des enfants. Il n’avait jamais rêvé de ça, Andy le savait, toutes les femmes qu’il fréquentait le savaient, il avait besoin de se sentir léger, sans bagage, affranchi de toute obligation. Il pouvait aimer, il savait aimer, parfois mal, mais il ne savait pas se poser, il n’avait jamais su. Aujourd’hui pourtant il avait changé, au moins un peu, peut-être que la maturité commençait doucement à gagner du terrain, peut-être était-il lasse de courir le monde à la recherche d’un idéal dérisoire. Peut-être qu’il y avait cette bonde, plus spéciale que les autres, qui le retenait ici puisqu’il l’aimait. Peut-être que ça ne durerait pas, mais depuis quelques mois son dernier voyage se résumait à une escapade dans un île pas très loin de Bowen avec Freja. Et il avait même fait l’effort de passer un Noël à Brisbane avec Jonah et Andy, même que ça lui avait plu, ce moment où ils étaient réunis autour de ce petit garçon si heureux, presque comme une famille. Depuis les choses avaient changé et la photographe avait proposé de revenir vivre à Bowen, à la plus grande surprise de son ex. Si Léo appréhendait ce retour pour diverses raisons, il était plus qu’heureux de savoir qu’il pourrait profiter de son fils quand bon lui semblerait, même pour une heure dans la journée le temps de jouer sur la plage. Il n’essayait pas de réfléchir à quoi pourrait ressembler sa relation avec Andrea, que ce soit bizarre ou qu’ils deviennent amis, ils verraient bien, de toute façon le temps serait la clé pour savoir si c’était réellement une bonne décision. Aujourd’hui il allait déjà aider les deux nouveaux habitants à emménager dans leur maison, le reste suivrait. Le camion arriva finalement, suivi de la blonde dans sa voiture qui une fois garée lui fit signe de venir chercher son fils. John dormait comme un bienheureux à l’arrière et Emerson le réveilla avec douceur. Il ne fallu pas longtemps au petit garçon pour réaliser ce qu’il se passait et déjà il lui sautait dans les bras, ce genre de moment valait tous les sacrifices au monde. Jonah toujours dans les bras Léo fit le tour de la voiture pour venir saluer Andrea, qui lui fit la bise en le remerciant. C’est normal, tu n’allais pas tout faire toute seule. On s’y met ? Allez petit singe, il faut descendre, toi aussi tu vas nous aider à porter les cartons de ta chambre ! Et ils s’avançaient d’un pas joyeux vers le camion. Au bout d’une bonne heure à se croiser dans un ballet de cartons et de meubles une pause s’imposa pour tout le monde. Léo offrit une bière aux déménageurs qui les aidaient, il se tourna vers Andrea. Tu en veux une ? Il y a du jus de fruit sinon. J’ai des cookies Jonah, ça t’intéresse ? Il tendit la boite qu’il avait pris à la pâtisserie ce matin au garçon et sa mère. On a déjà bien avancé, je pense qu’on aura bientôt terminé à ce rythme. Il sourit à Andrea avant de mordre dans un biscuit.

On pouvait lui reprocher pas mal de choses, à Léo, mais il était quelqu’un d’attentionné, le genre d’homme qui aimait faire la cuisine pour une femme, qui offrait des bouquets de fleurs et pas que pour se faire pardonner, qui prenait le temps d’écouter. Lorsqu’il avait de l’affection pour une personne il pouvait être délicieux, c’était dans son caractère et dans sa façon bien à lui de séduire son monde, les femmes ou simplement son entourage, il savait se rendre presque indispensable, il était l’ami qu’on appelait si on ne savait pas allumer un barbecue ou si on manquait de quelque chose en cuisine, il répondait toujours présent. C’était parfois difficile à concevoir parce qu’il pouvait être, paradoxalement, l’homme le plus égoïste qu’il soit et pour les gens qui avaient côtoyé ce Léo-là, son excès de gentillesse passait pour une ruse comme pour mieux se rendre indispensable et pouvoir vous planter un couteau dans le dos. Ce pourrait être ça… si seulement il calculait ses faits et gestes, chose qu’il ne faisait pas. Il pouvait simplement être le plus adorable comme le plus détestable au monde, que l’on s’y fasse. Aujourd’hui donc, même si ce n’était pas son déménagement mais il avait tout prévu pour que tout se passe bien, collations inclues pour tout le monde. Il s’était dit qu’Andrea aurait bien d’autres préoccupations en tête. Au moment de la pause chacun pris une bière, une boisson, un cookie, ce moment de détente était le bienvenu alors qu’ils avaient tous déjà bien avancé. Il porta sa bière a ses lèvres et rit à la réaction de la blonde, elle était rouge et semblait en effet déjà épuisée. Repose-toi si tu veux, c’est bientôt terminé. Il y a un parc pas loin, tu peux y emmener John, les déménagements ce n’est pas vraiment drôle pour les enfants. Mais elle ne semblait pas décidée à les laisser continuer entre hommes, Léo le comprenait, c’était sa maison, en plus d’acheminer les cartons elle donnait aussi quelques directives à chacun pour que tout soit disposé où elle le voulait. Au bout d’un moment alors qu’il manqua de la bousculer dans un virage, ce qui aurait été malheureux parce que c’était un carton de vaisselle qu’il avait dans les bras et il voyait déjà la porcelaine se briser sur le sol. Il la rattrapa de justesse. Oui si tu veux, avec plaisir. Il sourit en déposant le carton. On installera une table et des chaises histoire d’être plus à l’aise. Si à une époque il la fuyait presque ou du moins évitait tous les contacts trop prolongé, la perspective de ce dîner ne lui faisait plus peur.

En effet, table et chaises allaient probablement être installées avant la fin de la journée, ceci dit il pouvait les mettre comme elle le voudrait, tout comme son lit et quelques gros meubles, autant qu'Andrea profite du fait que Léo serait là pour l'aider plutôt que de faire ce genre de choses toute seule. Ils terminèrent de vider le camion et la voiture et en fin de journée ils purent laisser le camion repartir, tout était rentré dans la maison. Il ne restait plus qu'à la blonde à ranger ses affaires, ajuster sa décoration et son agencement comme bon lui semblerait, ce n'était pas la partie la plus rapide mais pas la plus désagréable non plus, si on aimait ce genre de choses. Léo, lui, avait fait un effort de déco et de mise en place depuis le temps qu'il possédait sa maison, au fil des quelques femmes qui avaient pu séjourner chez lui à court ou moyen terme, elles lui avaient donné quelques idées, fait quelques suggestions pour rendre cette maison moins impersonnelle. Il avait accroché quelques unes de ses photos de voyage dans des cadres ça et là. Et puis le fait que son fils grandisse aussi, la chambre de Jonah était la plus décorée de toutes les pièces, une vraie chambre d'enfant avec papier peint joyeux et jouets colorés, ça contrastait presque avec le reste de la demeure aux murs blancs. Mais il fallait avouer que c'était la maison des courants d'air, quand il n'était pas en voyage il se baladait en ville, il ne passait pas tant de temps que ça chez lui, mis à part à son bureau plein de souvenirs de voyages et autres babioles et dans sa chambre noire aménagée au sous-sol, le reste, il s'en moquait, il avait un intérieur qu'il aimait qualifier de fonctionnel. Il gageait que ce ne serait sûrement pas la même chose pour Andrea qui avait un peu plus de goûts que lui en matière de déco !
Logan dans le canapé lovée contre son fils, Léo qui lui faisait face, appuyé contre la grande table, une bière à la main, ils profitaient du calme après la tempête. C'était étrange de se dire qu'Andrea allait à nouveau vivre à Bowen à présent, mais l'idée n'était pas désagréable et puis il se réjouissait déjà de pouvoir plus profiter de John. Moi, je meurs de faim ! Et le petit garçon s'empressa de répéter la même chose que son père, ce qui fit rire le photographe. Il réfléchit à sa question. Tout dépend si tu veux être servie rapidement ou pas. Il y a toujours l'italien pas loin d'ici, qui fait des pâtes et des pizzas toujours parfaite. Il y a un nouveau Japonais qui livre des sushis, je n'ai pas encore testé mais pour Jonah peut-être pas. Après on peut très bien se faire livrer des burgers du fast-food le plus proche. C'est comme vous voulez ! Léo était bon mangeur, il aimait bien manger et raffiné si possible, mais dans des circonstances comme ce soir il pourrait bien tout avaler ! John tu veux quoi ? Vous me dites et j'appelle !

Spoiler:

Léo avait presque oublié que son ex ne supportait pas le poisson, il y avait pourtant cette fois mémorable où, en Thaïlande, étant donné qu'ils ne parlaient pas la langue et ne savaient pas la lire, ils s'étaient aventuré dans un restaurant en demandant la spécialité du chef, un plat en sauce dont on ne pouvait pas vraiment distinguer la nature sous les odeurs d'épices et il s'était avéré que c'était du poisson, la pauvre Andrea avait failli terminer sa nuit à l'hôpital, ils y avaient échappé de peu. Mais il était tête en l'air et il oubliait souvent ce genre de détails auxquels il fallait pourtant être vigilant. Evidemment il savait pertinemment qu'en proposant des burgers il allait conquérir son fils qui en raffolait, comme beaucoup d'enfants. Ils n'en mangeaient que très rarement simplement parce qu'il savait qu'Andy était strict sur son alimentation et parce que lui aimait beaucoup cuisiner alors il préférait lui préparer des plats sains plutôt que de la junk food. Mais il lui autorisait quelques plaisirs parfois, c'était aussi un moment de partage et de complicité, précieux d'autant plus qu'il vivait loin de lui et qu'il voulait en profiter au maximum. Et il avait raison, la moue qu'il lui fit n'autorisait aucun changement d'idée, Jonah savait parfaitement comment séduire son monde avec ses petits yeux brillants de malice et sa bouche boudeuse à laquelle on donnerait le bon Dieu sans confession. Il était doué, le gamin et son père cédait presque à tous ses caprices, heureusement qu'il n'était pas le genre d'enfant qui en profitait trop. Alors burger pour tout le monde ! Il ébouriffa la chevelure de son fils avant de s'éloigner un peu pour passer commande. Il n'avait pas à demander ce qu'ils aimaient, il connaissait leurs goûts, du poulet pour Andrea, un menu enfant pour John. Lui il se laisserait tenter par le menu du moment, il n'était pas difficile. Puis quand il revint vers eux il hocha la tête à la demande de la blonde. Oui bien-sûr, Jonah tu viens me montrer comment tu veux aménager ta chambre ?! Et les deux garçons prirent la direction du couloir. Dans la chambre de l'enfant il y avait encore plein de cartons et son lit était posé contre un mur en attendant d'être installé. Si on faisait ton lit mon bonhomme, pour que tu passes une bonne première nuit ici ? le petit garçon accepta docilement de l'aider, lui indiquant où il souhaitait l'installer. Léo trouva des draps sur le thème de l'espace et ensemble ils firent le lit. dans un carton il y avait des livres et des jeux qu'ils rangèrent dans une étagère puis ils finirent par jouer ensemble avec les figurines, oubliant les cartons, le bazar, mais riant aux éclats tous les deux.

De son enfance, Léo gardait en mémoire beaucoup de moments de solitude, en fils unique et avec des parents peu présents pour jouer avec lui, il n'avait pas partagé beaucoup de moments à jouer dans sa chambre, surtout avant ses six ans, après les copains étaient arrivés et ils avaient changé beaucoup de choses. Mais il est toujours resté un petit garçon solitaire qui s'inventait ses histoires avec ses personnages. Ces souvenirs n'étaient pas pour autant négatifs ou tristes, il s'était développé une certaine forme d'imagination, tout un monde merveilleux dans sa tête, peuplé d'aventures plus folles les unes que les autres et avec personne pour brimer cette imagination sans bornes. Cependant il avait ressenti la solitude quelques fois, surtout lorsqu'il voyait les autres, ceux qui avaient un frère ou une sœur et qui partageaient cette complicité que jamais il ne comprendrait. Ou bien ceux avec qui les parents passaient du temps à jouer, pour compenser le fait qu'ils soient enfants uniques, par amour tout simplement. Léo était un bon père pour Jonah même s'il se reprochait beaucoup de choses, même s'il était dur envers lui-même, cependant il savait que son fils prenait le même chemin que lui, petit garçon solitaire sans que ses parents aient de projets de lui donneur un jour un frère ou une sœur, ensemble ou séparément. Alors il jouait avec lui, dès qu'il le pouvait, pour compenser, par amour et aussi parce qu'il adorait ça, les parties avec les Playmobil ou les Lego, les histoires toujours plus folles qu'ils inventaient à deux. C'était dans ces moments là qu'ils étaient le plus complices. Et puis il ne se faisait pas d'illusion, le jour où son fils dirait stop viendrait un jour, bien trop vite, où il considérerait que son paternel était trop vieux jeu, trop adulte pour s'amuser avec lui, celui où il aurait besoin d'indépendance. Alors il profitait de chaque moment d'innocence, il savourait, en espérant qu'adulte, John aurait des souvenirs joyeux de son enfance. En effet ils n'entendirent pas le livreur arriver ni Andrea tout préparer. Ce ne fut que quand la blonde passa discrètement la porte que Léo compris. Il entreprit déjà de commencer à ramasser le désordre qu'ils avaient semé et quand elle proposa de les laisser jouer son estomac gargouilla en signe de protestation, la journée avait été longue et chargée, ils avaient bien tous mérité un bon dîner. Le petit garçon blond se ruait déjà dans la salle à manger et son père le suivit en souriant à Andrea. En tout cas il semble ne pas être perturbé par ce déménagement pour l'instant. Visiblement le simple fait d'avoir ses parents autour de lui, son univers, sa chambre, devait suffire à ce qu'il se sente bien et c'était tant mieux. Tous les trois s'attablèrent autour du dîner dressé avec soin. Ca sent bon, bon appétit ! Léo découvrit son burger, à base de viande saignante, de bacon avec double dose de fromage et la sauce secrète qui faisait le succès de la maison. Jonah se ruait déjà sur les frites. Il faudra que tu manges ton burger aussi mon grand, puis laisse-nous un peu de frites ! Il rit en mordant dans son plat.