no reason to stay is a good reason to go ⤅ libre

no reason to stay is a
good reason to go

Eve avait eu la pire idée du monde, en acceptant ce speed-dating avec un type qui ne lui plaisait même pas. Elle l’avait rencontré sur l’application de rencontres qui faisait fureur à Bowen dernièrement, sur laquelle elle s’était également inscrite sans trop savoir pourquoi, parce que ça ne lui ressemblait pas du tout. Mais au moins, grâce à ça, elle avait pu garder contact avec Riley, ce garçon super mignon qu’elle avait eu l’occasion de rencontrer dans des circonstances pas tellement idéales : lui tombant de son muret, elle en train de nettoyer le pont de son bateau. Rien à voir avec les belles rencontres romancées qu’on retrouvait dans les livres à l’eau de rose, dont son esprit fleur bleue était assez fan. L’état actuel des choses étant qu’elle avait accepté un date avec un mec, dans l’idée clairement foireuse de s’entraîner avant d’aller à celui avec Riley. Parce que qu’on se le dise, elle était en proie à une nervosité difficile à mettre de côté depuis qu’elle avait accepté avec une joie non dissimulée d’aller prendre un café avec lui. Enfin, elle voyait ça comme rendez-vous, mais ce n’était peut-être pas du tout la vision qu’en avait le garçon. En attendant, plus la date approchait, plus elle paniquait, et elle s’était ridiculement dit que tenter l’expérience avec une autre personne avant pouvait être bénéfique. Sauf que pas du tout : non seulement elle était également nerveuse, mais en plus de ça, le type en question la mettait extrêmement mal à l’aise. Cela faisait un quart d’heure qu’ils étaient l’un en face de l’autre à une table du Love Bar, et à chaque minute qui passait, Eve avait de plus en plus envie de prendre ses jambes à son cou. Sauf qu’elle n’allait certainement pas oser avouer poliment à son partenaire de la soirée qu’elle désirait mettre un terme à cette idée visiblement foireuse. Surtout que lui ne semblait pas le moins embarrassé du monde. Jamais elle n’aurait réussi à former une phrase polie mais ferme avec le tact nécessaire. Elle aurait simplement eu l’air d’une cruche, comme d’habitude. La jeunette en était venue à étudier mentalement les options qui s’offraient à elle, et il n’y en avait pas des masses. Prétexter d’aller aux toilettes et s’enfuir par la fenêtre était la seule qu’elle avait retenu, bien que ce soit digne d’un mauvais film des années 80. Ou d’une sitcom hilarante. Elle se sentait débile au possible, et avait finalement sorti le prétexte de "se repoudrer le nez" pour signifier élégamment qu’elle se rendait aux sanitaires. Encore une fois, mauvais film des années 80. Elle avait viré rouge pivoine, avec l’impression que son interlocuteur avait très bien compris ce qu’elle avait derrière la tête, avant de quitter la table. Sauf que ouais, une fois dans les toilettes, elle s’était rapidement rendu compte que la minuscule fenêtre, en hauteur, ne ferait pas l’affaire. Surtout avec sa robe à sequins, cousus un par un de ses petites mains, qui épousait les lignes de son corps et ne lui permettait pas un grand écart, ni aucun acte de souplesse quelconque. Paniquée, elle était ressortie de là à deux doigts de l’hyperventilation, avec l’impression d’avoir une dizaine de regards désapprobateurs braqués sur elle. Personne ne faisait attention à elle, évidemment, mais ce n’était pas le ressenti qu’elle avait, en proie à une grosse anxiété sociale.

HJ:

Tu avais eu besoin de sortir ce soir pour évacuer un peu de la pression des examens et de la maison familiale en quelque sorte. C'était dingue de voir à quel point tu te sentais à côté de tes pompes. Mais pas qu'en ce moment au fond, ça avait toujours été le cas. Toi, t'étais l'insociable de la famille, la casse couille qui ne sait pas s'amuser et pourtant tu aurais tellement aimé être plus que ça. Mais toutes ses années harcèlement t'avais brisé et tu te cherchais, tu ne savais pas vraiment qui tu étais encore. Comme la plus part des jeunes de ton âge très certainement. C'était tellement frustrant au final. Tu avais hâte de sortir de toute cette merde. De prendre ton indépendance, de devenir une meilleure version de toi même. Une version qui ne ferait plus autant d'erreur, qui ferait les choses sans regretter le lendemain. En soit, tu aimerais être n'importe qui sauf toi même. Alors que tu marchais depuis un moment maintenant, tu finis par te retrouver devant le love bar. Quel connerie ça aussi. pensais-tu. Est ce que les gens croyaient vraiment en ce genre de chose ? Rencontrer le grand amour dans ce contexte ? Toi aussi tu t'étais inscrite à cette application de rencontre mais tu ne mettrais probablement jamais les pieds dans ce genre d'endroit. Tu pestais dans ta tête contre le monde entier et tes yeux se posèrent finalement sur une jeune femme de ton âge environ qui n'avait pas vraiment l'air bien. Pour le coup, tu ne réfléchis pas et tu te dirigeas vers elle. Ça va ? demandas-tu bêtement. Bien sur que non qu'elle n'allait pas bien, elle n'en avait même pas l'air. Tu ne savais pas vraiment quoi faire et tu n'allais certainement pas être d'une grande aide non plus. Ok, respire, concentre toi sur ta respiration et compte mes doigts au fur et à mesure. proposas-tu pour essayer de calmer la jeune fille. 1, dis-tu en levant un premier doigt. 2. continuas-tu pour l'encourager à se concentrer sur ta voix et ta main. C'était une technique que tu avais vu dans une série pour ado sur un loup garou et tout le bordel. Qui sait, peut-être que ta passion pour Netflix pourrait être utile ce soir ? Tu allais vite le voir. Les grises d'angoisses tu connaissais bien et tu avais toi même ta propre technique pour te calmer. Mais, le voir sur quelqu'un d'autre c'était différent, personne ne réagissait de la même manière et c'était beaucoup plus impressionnant.

hj:

Une voix lui fit tourner brusquement la tête, et elle resta un instant sans mot dire, saisie. Finalement, elle hocha rapidement la tête, un peu trop longtemps, sans savoir comment justifier l’air désespéré et paniqué qu’on devait avoir lu sur ses traits. « Oui oui ! » s’empressa-t-elle de rassurer la brune qui était venue à sa rencontre. Waw, qu’elle était jolie, avec ses yeux d’un bleu incomparable. Sûrement pas le genre de filles qui se mettait dans des situations comme elle, à pas savoir gérer un date à la con, à passer pour une imbécile congénitale et à croire une seule seconde qu’elle pourrait s’échapper par la fenêtre des toilettes. Gênée, Eve baissa les yeux vers ses chaussures ouvertes et observant le vernis ornant ses orteils. Finalement elle était pas si bien cette couleur, ça faisait un peu kitch, non ? Elle n’aurait pas dû choisir celle-là. Mais la jeune femme l’arracha à ses regrets pédicuriens. Misère, si elle lui donnait des conseils pour respirer, c’est qu’elle devait avoir une tête à faire peur. Elle devait vraiment ressembler à rien, ou bien à une vieille meuf nauséeuse qui a la grippe depuis deux semaines et ne voit plus la lumière du jour depuis. « Oh non ça va, je vous assure… » souffla-t-elle, encore plus gênée, alors que son interlocutrice commençait son exercice de respiration, pour elle. C’était vraiment gentil de sa part et la jolie brune semblait dotée d’une douce empathie, sans exagération. Eve s’exécuta néanmoins, pour faire bonne figure, comptant ses respirations en suivant la voix de la jeune femme. « Merci. » fit-elle une fois que l’inconnue fut arrivée jusqu’à dix. Elle n’était peut-être pas dans un état qui méritait autant d’attention, mais respirer, ça faisait toujours du bien, et la blondinette se relâcha un petit peu, tentant de remettre ses idées au clair. « Je… Je ne sais juste pas ce que je fais ici, et… » commença-t-elle, incertaine, avant de couler un regard vers la table où son cavalier de la soirée l’attendait, jouant avec son téléphone. Comment expliquer la situation sans mourir de honte ? Eve ne savait même pas pourquoi elle commençait à raconter sa vie à une inconnue qui était juste venue l’aider à se calmer, par pure bonté d’âme, et non pas pour écouter l’histoire inintéressante et inutile de sa soirée.  Apparemment, elle avait besoin de lancer un appel à l’aide, fallait intervenir là, tant de gauchitude c’était pas possible.

L'angoisse, le fait d'être perdu, c'était un peu le résumé de ta vie actuellement. Tu ne connaissais que ça en réalité et quand tu voyais la détresse dans les yeux de la jeune femme tu te revoyais toi. Tu hoches la tête quand elle te dit qu'elle va bien. Pourtant sa mine pâle te dit l'inverse et tu t'efforças à lui donner les conseils qui te passait par la tête. Peut-être qu'au final, tu avais simplement l'air lourde puisque tu finis par lui faire un exercice de respiration. Désolée, ça me fait paniquer de voir les gens paniquer. répondis-tu finalement dans un petit rire sans pourtant grande conviction que la jeune femme allait si bien que ça. Tu fronces les sourcils quand elle essaye de se justifier en essayant de regarder ce qu'elle regarde. Soudain, la situation te parait beaucoup plus clair. Oh, je vois. Rendez-vous pas aussi bien que prévu ? demandas-tu amusée. Tu n'avais jamais compris ce principe. Après tout, tu ne savais jamais sur qui tu pouvais tomber, toi tu aimais trop le confort pour te risquer à tout ça. T'as besoin d'aide pour t'échapper ? J'peux me faire passer pour ta copine lesbienne jalouse ? proposas-tu en haussant les épaules, ne sachant pas vraiment d'où sortait cet élan de courage de ta part. Tu avais peut être simplement besoin de te défouler sur quelque chose, tant pis si c'était quelqu'un que tu ne connaissait ni d'Eve, ni d'Adam.

La remarque de la belle jeune fille arracha un petit rire nerveux à Eve, se rendant compte à quel point la situation était absurde. Mais c’était mieux d’en rire. Fallait relâcher la pression, à un moment, et savoir rire de soi, sinon elle n’allait pas s’en sortir. « Alors, désolée de vous avoir fait paniquer. Avec ma panique. » s’excusa-t-elle en riant toujours, de la façon douce et magnanime qui était la sienne. Il fallait savoir être indulgent avec soi-même, et si ce n’était pas son fort, ce soir elle avait envie de se l’autoriser. C’était peut-être l’effet qu’avait cette jeune femme sur elle, comme un geste de la providence. Son interlocutrice fut rapide à comprendre la situation, malgré le discours décousu de la blonde et son regard fuyant. Elle rougit un peu, comme à son habitude, et elle hocha la tête en cherchant un air complice dans le regard de la brune. Au moins, elle semblait amusée par la situation, plutôt que condescendante. « Vous feriez ça ? Je veux dire, tu… » s’exclama Eve d’une voix feutrée alors qu’une échappatoire lui était offerte sur un plateau d’argent. Mais l’idée qui suivait cette offre ne l’enchantait pas plus que ça. Elle, prétendre être dans une relation homosexuelle ? Déjà, prétendre être dans une relation, ça aurait été quelque chose, mais là, elle était encore moins en terrain connu et ses joues tachetées devinrent cramoisies. Elle n’oserait pas, si ? « Euh… Peut-être juste une bonne copine qui aurait besoin de mon aide en urgence ? » proposa-t-elle honteusement à la place, pas certaine d’avoir le courage de se prétendre lesbienne pour cinq minutes. C’était très con, elle le savait, et elle se sentait vraiment mal d’avoir sorti cette dernière phrase. Pour qui elle allait passer ? Une coincée des fesses, ce qu’elle était, ou une homophobe. Super.