don’t become a ghost without no colour ‘cause you’re the best paint life ever made ⤅ lys

don’t become a ghost without no colour ‘cause you’re the best paint life ever made

D'un naturel placide et serein, Azriel était un peu chamboulé par les derniers événements. Il n'était pas certain de ce qu'il se passait entre Beth et Milo, ses deux colocataires et amis proches, pour le moment, mais les choses n'étaient pas au beau fixe. La jeune mère semblait très préoccupée et s'éloignait un peu de la colocation du 13, Milo quant à lui était perdu et tourmenté. Le troisième colocataire se retrouvait au milieu de tout ça, essayant au mieux d'apaiser la situation et laissant les choses se tasser en espérant un dénouement rapide et surtout positif. Il ne doutait pas de la force du lien qui les unissait tous les trois, mais la relation s'était un peu fragilisée, pour des raisons qui au final, n'étaient pas vraiment claires. Chacun ruminait dans son coin et se protégeait à sa façon, visiblement. En plus de ça, l'italien avait pété une case au Hendrix l'autre soir, contre cet abruti bourré qui avait absolument voulu reprendre le volant. Même si sa rage était justifiée, le coup de poing qu'il avait envoyé au client l'était moins, d'autant plus que perdre son calme ainsi et se laisser aller à la violence ne lui arrivait quasiment jamais. La bagarre qui avait suivi avait laissé des traces sur le visage hâlé du brun, quelques hématomes et une belle coupure à la pommette droite. Il n'en était certainement pas fier. C'était dans ce genre de moments qu'Azriel était plus qu'heureux de voir Lys. Malgré tout ce qu'ils s'étaient dit, les semaines étaient passées, et il était content de passer un moment avec elle, seul à seule, enfin débarrassés de cette ambiguïté parfois malaisante qui avait régné entre eux. Aujourd'hui était comme un retour à la normale des choses, enfin. Si on pouvait dire ça comme ça, car bien sûr, tout ne pouvait plus être exactement pareil qu'avant. Mais la belle artiste restait son point d'ancrage et en cette journée ensoleillée, il avait envie de retrouver son amie la plus chère. « Hey, beautiful ! » l'accueillit-il lorsqu'elle sortit du bâtiment scolaire, après une troupe d'étudiants dont certains ne manquèrent pas de pouffer de rire et de jeter des coups d’œil curieux. Il aurait aimé la prendre dans ses bras et retrouver son étreinte rassurante et si confortable, mais il ne le fit pas, premièrement parce qu'il ne se serait pas permis ce geste sur le lieu de travail de la jeune femme, et ensuite, parce que oui, certains gestes n'étaient pas forcément revenus à la normale. Il préférait marcher sur des œufs de ce côté. « Ça te dit qu'on aille se poser près de la rivière ? » proposa l'italien, replaçant sa casquette posée à l'envers sur son crâne. Bowen River était bien assez grande pour qu'ils se trouvent un coin tranquille, il était rare que ses alentours soient bondés, chacun se trouvait bien un endroit à lui à distance respectable d'autres groupes, suffisamment pour ne pas être embêté. En sortant de l'enceinte, Az se roula rapidement une cigarette qu'il alluma une fois qu'ils furent à distance de l'école, jouant avec son skate en montant parfois sur la planche pour en redescendre quelques secondes plus tard, restant à hauteur de Lys. Il était détendu, comme si rien de spécial ne s'était passé entre eux lors des semaines écoulées. Il avait simplement envie de passer du temps avec sa meilleure amie sans se concentrer sur les questions qui s'étaient posées entre eux. « Ça a été avec Beth et Ivy ? » demanda-t-il nonchalamment, faisant référence au fait que mère et fille avaient passé quelques jours chez la brunette. Il ne voulait pas s'immiscer dans leurs confidences, si sa colocataire avait voulu s'éloigner quelques jours et aller chez Lys, ce n'était pas dans le but que cette dernière aille tout raconter à Az ensuite. Mais il voulait simplement s'assurer que tout allait bien et que les choses allaient rentrer dans l'ordre prochainement, comme il le pensait actuellement. Il était convaincu d’un happy end imminent.

15h45, la sonnerie retentit et ma voix fut aussitôt perdue dans le vacarme des chaises qui trainaient par terre, des sacs que les élèves bourraient à la va-vite pour sortir en quatrième vitesse de la salle. Je soupirai et levai les yeux au ciel, avec un sourire amusé sur les lèvres, cette attitude était systématique, quelque soit mes élèves, à chaque fin de cours et cela quelque soit l’heure, mais la palme revenait tout de main à la dernière session de la journée. C’était compréhensible, dans un sens, moi aussi, j’avais envie de quitter le boulot au plus vite, d’autant plus que le programme de la fin d’après-midi m’apparaissait des plus réjouissants. Je rangeai donc à mon tour mes affaires, puis fermai ma classe, avant de me diriger vers le portail et de trouver, juste à la sortie, une tête familière. Enfin…il fallait le dire vite…Azriel l’air d’avoir passé un sale quart d’heure, malgré l’air enjoué qu’il affichait. Son visage était tuméfié et il avait un petit près au dessus de l’oeil. Je fronçai légèrement les sourcils, mais décidai de taire mon ressentis pour le moment. N’importe qui aurait sans doute bondi en demandant immédiatement des explications, puisqu’il était clair que les quelques bleus qu’il avait sur le visage était le résultat d’une bagarre, mais Azriel n’avait pas besoin qu’on l’infantilise. Ca n’était pas vraiment son genre de céder à la violence, ce qui me rendait encore plus perplexe. Je décidai malgré tout de ravaler mes interrogations et de m’approcher de mon meilleur ami  avec un sourire heureux.
— Salut ! dis-je en faisant comme si de rien n’était.
Je préférais, en effet, me concentrer sur mon bonheur de passer du temps avec lui, plutôt que sur le reste. Du moins pour le moment. Les choses n’avaient pas été si facile que ça entre nous, dernièrement et j’avais besoin de retrouver notre amitié telle qu’elle était avant. Cette après-midi dessin à l’extérieur, presque improvisée, allait me ramener aux moments que nous avions coutumes de passer ensemble et j’avais vraiment besoin de ça. Besoin de lui, en fait. Simplement. La séparation que je nous avais imposée m’avait fait davantage de mal que de bien en réalité. Elle avait été nécessaire par certains côtés, cela nous avais permis à l’un comme à l’autre de faire le point, par exemple, je ne le niais pas, mais malgré cela, j’avais souffert de cet éloignement, culpabilisé aussi, beaucoup. Parce que j’avais été celle qui avait fichu un pavé dans la marre, il fallait maintenant se laver des éclaboussures. Retrouver Azriel, retrouver nos moments de complicité, même si tout était différent, bien entendu, semblait vital et la seule option valable pour nous, même si je devrais m’accommoder du fait qu’il ne serait plus avec moi de la manière qu’il l’avait été avant d’avoir Sasha dans sa vie.
— Près de la rivière ? fis-je en haussant un sourcils. Tu me sors le grand jeu ou quoi ?
Je pouffai légèrement. J’aimais la rivière, son bord était agréable. L’inspiration, là-bas, venait facilement et c’était un endroit que nous aimions, Az et moi. Un endroit paisible où il était facile de trouver un coin pour s’isoler.  
— Je te suis ! déclairai-je en désignant son skate du menton.
Nous primes la route ensemble, lui glissant quelques fois sur sa planche, moi marchant à côté de lui. Entendre le roulement de ses roues avait quelques chose d’apaisant et j’aimais le voir défiler à toute vitesse sur son skate, j’avais le sentiment de le voir voler. Nous ne parlâmes pas vraiment pendant un petit moment, mais le silence n’était pas pesant entre nous, il l’était rarement d’ailleurs. C’était l’avantage d’un lien aussi fort que le notre, les mots n’étaient pas toujours nécessaire, la seule présence de l’autre suffisait. Mais au bout d’un moment, Az rompit le silence et me demanda des nouvelles de Beth qui était venu passer quelques jours chez moi avec sa fille, suite à une dispute qu’elle avait eu avec Milo. Je n’avais pas tout saisi de cette histoire, mais j’avais respecté le besoin que ma meilleure amie avait ressentis de s’éloigner de l’appart qu’elle partageai avec Milo et Azriel.
— Ca a été, soufflai-je en faisant mine de réfléchir, Beth est assez troublée par tout ça, je crois. Je sais qu’elle a peur, qu’elle est perdue…j’ai essayé de lui changer les idées. Mais ça m’a fait du bien, à moi aussi, de les avoir à la maison. Et Milo ?
Beth m’avait confié qu’elle avait peur que Milo replonge dans la drogue, car il fréquentait une fille qui, visiblement, était grande consommatrice. Je connaissais le passif de Milo, mais je savais aussi sa force de caractère et j’espérais de tout coeur qu’elle serait suffisante pour ne pas qu’il replonge dans ses travers.
— Et toi ? Tu me racontes comment tu t’es retrouvé avec la gueule de Rocky Balboa ? Si c’est pour m’impressionner, tu sais que j’ai passé l’âge de minauder devant des bad-boys ?

Un souffle de douceur était venu envelopper leur bulle, durant leur marche silencieuse, comme si les derniers événements n’avaient pas eu lieu, comme si les dernières semaines n’avaient jamais existé, créant un espace-temps parallèle dans lequel ils pouvaient se lover en toute tranquillité. Lys n’avait pas perdu son esprit taquin, réagissant à sa proposition d’aller se poser à la rivière et arrachant un sourire en coin malicieux à l’italien. « Peut-être que j’ai juste besoin de ton aide pour lester un corps et le jeter à l’eau. » répliqua-t-il sur un ton faussement mystérieux, en faisant référence à son visage marqué par la bagarre de l’autre soir. Ce n’était pas la meilleure idée que de plaisanter à ce sujet, au fond, il avait honte de ce qu’il s’était passé. Mais aux côtés de la brunette, le ton de l’humour l’emportait toujours et il avait sans peine sous-entendu en riant qu’il avait peut-être tué la personne qui lui avait donné ces coups. Évidemment, rien de tel n’était arrivé, encore heureux. Il se sentait déjà extrêmement coupable d’avoir fait preuve de violence envers ce type, même si celui-ci l’avait en quelque sorte mérité. Bien qu’en soi, personne ne méritait une agression physique, peu importe la provocation. Une fois installés sur un coin d’herbe entre quelques gros rochers aux aspérités particulièrement artistiques, Az commença par prendre des nouvelles de sa colocataire et de sa nièce, hochant la tête à la réponse plutôt encourageante de la jeune femme. « Même chose. Il a peur et il est perdu. » répondit-il avec un petit air ironique, en constant que finalement, ses deux colocataires ressentaient exactement la même chose. C’était plutôt une bonne nouvelle, selon lui. Cela voulait dit que les légères tensions entre eux n’étaient dû qu’à de la peur, infondée sûrement, et que rien n’était insoluble dans cette histoire. Et qu’au final, cela ne faisait que prouver à quel point ils tenaient l’un à l’autre et avaient besoin de l’autre dans leur vie. Un petit rire léger s’échappa de ses lèvres devant la formulation empruntée par Lys quand elle aborda enfin le mystère de son visage un brin amoché. « Merde alors, tout ça pour rien. » jura-t-il en feignant la déception quand son amie prétendit que les bad boys ne l’intéressaient plus depuis longtemps. Néanmoins, son visage s’assombrit quelque peu quand il s’apprêta à lui expliquer les réelles raisons de son état. Il avait honte, vraiment. « J’ai voulu empêcher un client de reprendre le volant alors qu’il était totalement ivre, et il n’a pas été très coopératif. Je sais, ça n’excuse rien. Et oui, c’est moi qui ai commencé. » résuma le garçon tout en sortant son matériel à dessin de son sac à dos, histoire de porter son regard ailleurs.

Azriel savait bien qu’il pouvait m’appeler à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, même pour « lester un corps et le jeter à l’eau » comme il le disait. Quoiqu’il arrive j’aurais répondu présente pour lui. Il était mon ami le plus cher et bien plus que cela. J’aurais pu faire n’importe quoi pour lui.
— Pas de soucis, laisse-moi juste passer un t-shirt moche, ce serait con de tâcher de sang et de boue un chemisier tout neuf, plaisantai-je en prenant avec lui le chemin de la rivière.
Si les choses étaient plus ou moins revenues à la normale entre nous, on ne pouvait pas en dire autant de Beth et Milo qui s’étaient récemment disputés. La situation semblait délicate, et personne ne pouvait rien pour arranger ça, hormis les deux personnes concernés évidemment. Je me sentais impuissante pour aider mon amie, je n’aimais pas ça mais il fallait que j’accepte de la laisser gérer ses propres émotions. Prenant des nouvelles de Milo auprès d’Az, je regrettai que lui aussi ait du mal à gérer les évènements. Az était dans le même bateau que moi, malheureuse. Perdus et apeurés, Beth et Milo, eux aussi, en était au même point. J’espérais sincèrement qu’ils parviendraient à discuter.
Azriel et moi arrivâmes à la rivière et trouvâmes un coin tranquille pour dessiner tous les deux. Je n’avais pas apporté de peinture, mais, à la place, quelques crayons de couleur un peu gras que je pouvais mixer entre eux et diluer avec un peu d’eau. Je profitai du calme pour questionner mon meilleur ami sur l’oeil au beurre noir qu’il affichait. Quand il me donna son explication, je ne pus m’empêcher de pincer les lèvres.
— Merde…
Azriel avait un tempérament plutôt tempéré en règle générale. Il se laissait très rarement aller à la colère, mais il pouvait quelque fois se montrer impulsif, lorsqu’il était poussé à bout.
— Ça fait longtemps que tu n’as pas explosé comme ça…
Ce client ivre a qui Azriel avait eu à faire et qui, visiblement, l’avait fait déboulonner au quart de tout avait fait appel à de vieille blessure. Je savais ça. Je savais que le sujet de l’alcolémie au volant était douloureux pour lui. Il avait commis l’erreur, plus jeune, et cela avait couté la vie de sa petite soeur. Prise de compassion, je m’approchai d’Azriel et vins caresser son avant-bras avec tendresse, je m’attardais sur la peau douce à l’intérieur de son poignet pour tenter de le déstresser un peu.
— La violence n’est pas une solution, admis-je, mais ne te flagelles pas pour ça non plus…tu lui as rendu service et tu le sais.

Un sourire amusé et enfantin parut sur le visage de l’italien, guère étonné de la répartie de Lys quand il plaisanta à propos de se débarrasser d’un corps. Et il ne doutait pas non plus que dans une situation aussi délicate, son amie l’aurait sans doute aidé. Bon, peut-être pas de cette façon, et il ne comptait pas devenir meurtrier, ni aujourd’hui ni un jour. Mais il savait que la brunette serait toujours présente en situation de crise, et réciproquement. Une fois confortablement installés dans le calme de l’herbe bordant la rivière, ils discutèrent brièvement des récents événements à la colocation, concernant Beth et Milo, avant que le sujet ne dérive vers le visage tuméfié d’Azriel, chose dont il n’était pas fier. C’était pas son genre de se battre, peu importe la raison. Ça pouvait arriver, mais il en fallait beaucoup pour le faire sortir de ses gonds et c’était si rare qu’on pouvait qualifier la violence d’inexistante chez lui. La réaction de Lys ne le surprenait pas, elle le connaissait mieux que personne, et comme on pouvait s’y attendre, il n’y avait aucun jugement dans son ton. Au contraire, juste de l’empathie, et de quoi le faire déculpabiliser, ce qui parvint à lui arracher un minuscule sourire, même s’il ne se sentait pas moins coupable pour autant. Il hocha lentement la tête, cela faisait longtemps, oui, et il aurait bien voulu que ça continue. Ça ne lui ressemblait pas, il n’aimait pas être comme ça. Ça lui rappelait ses réactions impulsives et irréfléchies quand il était plus jeune, inconscient des conséquences, agissant souvent comme un con. Il n’était plus cette personne, et même s’il savait qu’il n’allait pas le redevenir pour une malheureuse altercation avec des poings, il n’aimait pas que cet aspect de lui ressorte à l’occasion. Il tourna légèrement la tête vers la belle artiste quand elle posa une main sur son bras dans un geste réconfortant, se détachant enfin de son matériel à dessin dans lequel il cachait la honte qu’il ressentait. Il savait qu’il n’avait pas à se cacher devant Lys. Mais il avait toujours été comme ça, à se renfermer quand il s’agissait d’émotions du genre, d’émotions importantes ou fortes. Il gardait tout à l’intérieur, silencieusement. « Peut-être. Sans doute. Mais ça ne justifie pas mon comportement pour autant. » répliqua-t-il avec douceur, offrant tout de même un sourire chaleureux à son amie. Il la remerciait pour ses mots apaisants, il voulait bien les entendre, mais ça ne changeait pas son avis sur la question. Un instant, il vit mentalement cette scène de l’extérieur, de Lys et lui, leur complicité retrouvée, et se demanda ce que Sasha en penserait en les voyant ainsi. Il tâcha de chasser cette question de sa tête.

Je n’eus pas de difficulté à lire de la culpabilité sur le visage d’Azriel, il avait rarement besoin de mot pour m’expliquer ce qui n’allait pas. Avec le temps, j’avais appris à lire en lui, puisqu’il avait du mal, de toute façon, à verbaliser ce qu’il ressentait. Mon meilleur ami avait cette fâcheuse habitude de tout garder à l’intérieur et la plupart du temps, cela lui réussissait. Il arrivait à le gérer. Sauf quand la coupe était trop pleine et qu’il ne suffisait que d’un geste - celui de trop - pour qu’il dégoupille. Az avait dompté son caractère impulsif pourtant, et cela depuis longtemps mais personne n’était infaillible. Il détestait perdre son sang froid, je le savais, quelque soit la raison qui l’avait poussé à le faire. Certes, il n’aurait pas du démarrer une bagarre avec ce type saoul, mais ce dernier avait appuyé un peu trop fort sur la corde sensible d’Azriel pour que mon meilleur ami ne garde son calme. Clairement, je ne pouvais pas le blâmer pour ça. Il le faisait très bien tout seul, je n’allais pas en rajouter une couche. Je l’écoutai, soupirant après qu’il eut terminé de parler. Du pouce, je caressais toujours machinalement son avant-bras.
— On a tous nos faiblesses, rappelai-je. Et on ne peut pas revenir en arrière de toute manière. Puis…a priori, il ne t’a pas loupé non plus, le type.
J’observai son visage un moment, puis repris calmement.
— On peut pas se contrôler vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et crois-moi, en terme de self-control, t’es un exemple pour beaucoup…Tu m’as pas tenu rigueur, toi, quand j’ai pété un câble, y’a quelques semaines…bon, ok…ouais, je t’ai pas frappé, mais c’est pas l’envie qui manquait.
Je partis d’un petit rire, puis croisant son regard, je fronçai le nez.
— Tu m’aurais laissé faire sans broncher en plus, j’en suis sûre…
Ses iris chocolat captèrent les miens et mon estomac se contracta aussitôt. Quand on parlait de self-control…je dus faire appel au mien, avec toute la force dont j’étais capable pour ne pas sauter sur l’italien.
— Me regarde pas comme ça, Shillinglaw ! désamorçai-je. Parce que c’est pas vraiment l’envie de te frapper qui va me traverser.

Laissant lentement les paroles destinées à le déculpabiliser filtrer jusqu’à son esprit, Az garda le silence, se contentant de sourires par-ci par-là. Il savait bien que son amie avait raison, en un sens, mais de son point de vue, ça ne lui donnait pas le droit d’être excusé et exempté de tout reproche. Il y eu même un rire, authentique, qui s’échappa de ses lèvres quand Lys rappela son déferlement d’émotions à elle, précisant qu’elle aurait bien eu envie de le frapper. « Évidemment que je t’aurais laissé faire. Tu m’fais pas peur, Kickett. » taquina-t-il en plongeant ses iris chocolat dans les siens, un vent de bonne humeur s’immisçant dans leur conversation. Il éclata de rire quand elle le menaça d’une autre envie. À nouveau, il sentit ses entrailles se contracter, voyant cette scène de complicité de l’extérieur. Ils avaient toujours eu ces moments, sans ambiguïté, simples, enjoués. Faciles. C’était un peu moins le cas depuis qu’il était avec une certaine jolie blonde, et cet instant le lui rappelait, presque douloureusement. « Je compte donc sur ton self-control, qui a intérêt à être meilleur que le mien l’autre soir. » rétorqua l’italien en la défiant du regard, amusé. Ils avaient toujours joué ainsi. Ca lui manquait, en un sens. Mais il ne pouvait s’empêcher de penser à Sasha. Sans doute que même ça, pour toute personne s’épanouissant dans un couple exclusif, c’était déjà de trop. Un regard de trop, une caresse de trop, même si le but derrière était uniquement d’apporter du réconfort. Mais le lien entre Lys et lui était trop fort, trop ancré en eux depuis bien longtemps, pour qu’il en aille autrement quand ils interagissaient. Pourtant, c’était innocent, en tout cas pour Az. C’était leur façon de communiquer, leur façon d’être ensemble, et il n’y avait jamais vu le moindre mal.

Az et moi ne nous étions jamais imposés la moindre barrière dans notre relation. Du moins jusqu’à présent. Et j’essayais autant que possible de respecter son choix d’être en couple exclusif avec Sasha, même si cela me faisait mal d’y penser, compte tenu des sentiments que j’avais pour lui, même si je devais complètement réapprendre ce qui était correct ou non, les gestes qui portaient à confusion ou non, j’essayais. J’essayai vraiment. Mais parfois, le naturel revenait simplement au galop et je ne savais plus très bien distinguer la frontière.
— Tu me mets la pression là ! Je n’ai jamais été très douée pour le self-control…
Pas quand cela le concernait en tout cas. J’avais souvent du mal à contenir la joie intense que j’éprouvais à ses côté, mon désir pour lui qui ne s’éteignait jamais, et le reste, toutes ses choses sur lesquels je ne savais pas poser de mots. Je sentais tout ça dans mon corps, dans mon ventre, dans mes tripes. Ne pas les exprimer me faisait parfois mal, physiquement. Alors, bien souvent, j’usais de mon arme secrète.
— C’est con, en plus je m’étais épilée, plaisantai-je, avant de me pencher, un sourire en coin, sur mon aquarelle.
Vivre d’humour et de peinture, c’était possible ? Peut-être, mais il me manquerait quelque chose, pour sûr.

fin