a whiter shade of pale (livio & fede)

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a whiter shade of pale
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@fede luciano, @livio manzoni & @aura luciano

Je savais qu’il se tramait quelque chose, depuis plusieurs semaines maintenant. Je le savais au fond de moi, je savais qu’Enzo me cachait des choses, qu’il taisait la vérité, qu’il m’évitait, qu’il filtrait mes appels. Pour me protéger, sans doute, ou pour une autre raison, mais cela ne me faisait pas moins mal. Enzo avait ce côté secret, parfois, mais j’arrivais, en général, toujours à lire en lui, ou bien c’était lui qui finissait pas se dévoiler. Nous ne pouvions pas rester longtemps avec un secret l’un pour l’autre. Sauf aujourd’hui. Aujourd’hui, j’avais le sentiment qu’il m’échappait complètement, je le sentais s’éloigner de plus en plus. J’avais beaucoup de mal à l’accepter. Quelles que soit les raisons qui poussait mon frère à partir, cela me faisait mal. Et ce colis que j’avais reçu, c’était la goute d’eau. Etait-ce ainsi qu’il espérait me faire accepter son départ ? Sans un réel au revoir, sans me laisser le prendre dans mes bras ?
Quand Fede arriva, nous ouvrir ensemble ce paquet. Il contenait une lettre très brève, et une clef usb. « Sorellina, je vais bien. Je t’aime. Je t’explique tout dans cette vidéo que j’ai tournée pour que tu comprennes ma démarche. Ne la regarde pas seule, je sais que tu auras besoin de quelqu’un à tes côté, puisque je ne peux pas être là. Ne m’en veux pas. » C’était concis, sans fioriture. C’était du Enzo. Je croisais le regard de Fede. J’avais une boule dans mon estomac, une douleur que je n’arrivais pas à chasser et que je distinguais bien de la nausée qui me prenait depuis quelques jours. La clef usb était devant moi, sur la table basse. Je la regardai du coin de l’oeil puis, au moment où j’allais m’en saisir, Livio toqua à la porte d’entrée. J’indiquai à mon grand frère que j’allais ouvrir, puis au moment où la silhouette de mon amoureux s’encadra dans le chambranle, je fonçai dans ses bras. Je me heurtai à la dureté de son blouson de moto, d’abord, mais finis par glisser mes bras sous le cuir, joignant mes mains dans le dos de Livio comme pour me laisser envelopper par la chaleur qui se dégageait de lui. Je lui en voulais toujours un peu du silence radio qu’il avait appliqué depuis que je lui avais appris que j’étais enceinte d’un tout petit peu plus d’un mois, mais j’avais besoin de lui, plus que j’avais besoin de nourrir cette petite rancoeur. Après une minute, je me détachai doucement de lui et déposai un baiser sur ses lèvres.
— Entre, l’invitai-je.
Nous rejoignîmes Fede sur le canapé. Je me plaçai instinctivement entre mon frère et mon petit ami. Je n’avais pas encore craqué, mais quiconque me connaissait un peu pouvait déceler dans mon comportement une retenue qui commençait à me peser. J’essayai malgré tout de prendre sur moi, de ne pas paniquer. Je savais, cependant, que le visionnage de la vidéo allait mettre à rude épreuve mon self-control.
— Allez…on va pas tourner autour du pot 107 ans.
Avec un soupir, je me levai, attrapai la clef usb sur la table basse et l’insérerai dans le port    de la télé. Je sélectionnais le seul fichier qu’elle contenait et lançai la vidéo. J’eus un pincement au coeur quand le visage de mon jumeau apparu sur l’écran, j’avais l’impression de pas l’avoir vu depuis des lustres.

Il calla son téléphone, stabilisa la caméra puis s’éloigna de l’objectif. Il inspira longuement puis pris enfin la parole.
— Sorellina, j’espère que tu m’as écouté et que t’es pas tout seule.
Il marqua une pause.
— Livio, mon pote, si t’es là. Bah…merci.  Vraiment. Je sais que ça va être dur pour elle et que…bref. Merci. Fede…t’es peut-être là aussi. Je t’ai écris une lettre. Tu l’as peut-être pas encore reçu mais…ce message t’es aussi destiné de toute façon.
Il se racla la gorge.
— Croyez-moi c’est pas facile de faire cette vidéo, mais j’ai pas vraiment le choix. Je…je veux que tu saches, Aura, que je vais bien et que je ne suis pas en danger. Mais tu le sais je crois. Je déteste avoir à te faire subir tout ça, mais…je pouvais pas rentrer à Bowen et vivre ma petite vie comme si de rien n’était. Ca m’aurait rendu fou.
Il frotta sa barbe de quelques jours de sa main, signe qu’il était ému. Je le connaissais assez pour le savoir.
— Je suis pas en train de te quitter, Aura, je serai toujours là, d’une certaine façon. Mais…pas physiquement pour un moment. Tu ne pourras pas me contacter non plus. Par sécurité, je préfères qu’on n’ait aucun contact pendant quelques temps.
J’eus un léger rire amer. Il était là, sans être là et sans que je puisse lui parler ou avoir de ses nouvelles. Il se foutait de ma gueule ! S’il lui arrivait quelques choses de grave, je le saurais, je le ressentirais dans mes tripes. Certes. Notre lien existerait toujours mais c’était loin d’être suffisant.
— Gisella…Gisella a des problèmes et elle m’a quitté. Pour mon bien. J’peux pas lui en vouloir, c’est ce que je suis en train de faire, moi aussi, avec toi. Avec vous aussi, Fede, Livio…
Il passa une main dans ses cheveux.
— Je peux pas. Elle m’a fait promettre de l’oublier, de ne pas chercher à la retrouver mais je peux pas. Il faut au moins que j’essaie. J’serais qu’une sous-merde si j’essayais pas. Aura…j’espère que tu comprends. Je…je te jure que je serai prudent. Je te jure que je reviendrai.
Je serrai les poings, sentant la boule que j’avais dans l’estomac monter dans ma gorge.
— Je sais que t’as envie de hurler, de me frapper, et en vrai…je le mériterais. Je déteste te faire ça, sorellina. Mais je le fais en sachant que t’es pas toute seule. T’as Fede avec toi.
Son regard capta la caméra, il pinça les lèvres, puis je vis passer une lueur espiègle dans ses yeux.
— Il m’arrive pas à la cheville, je sais…
Il se força à rire, mais l’émotion transparaissait. Il prit un instant, puis inspira avant de tourner à nouveau ses yeux noirs vers l’écran.
— Bref, je sais que Fede est à tes côtés, que Livio est à tes côtés. Bon…qu’il fasse gaffe, par contre, parce que c’est pas parce que je suis à l’autre bout du monde, que je ne peux pas venir lui casser la gueule s’il te fait du mal.
Je levai les yeux au ciel. Livio n’était pas celui qui me faisait du mal aujourd’hui, il n’était pas celui qui me brisait le coeur. Enzo méritait qu’on lui casse la gueule, personne d’autre.
— Bon…j’avoue je sais pas quoi te dire d’autre, a part que je suis désolé d’en arriver là. Mais je reviendrais, je te le jure. Prenez soin de vous et…vous en faites pas trop pour moi.
Il s’avança vers l’écran et son doigt éteignit la caméra.

L’écran de la télévision devint noir, et nous observâmes le silence un court moment. Je sentais les regards de Livio et Fede sur moi, sans doute cherchaient-ils à anticiper le moment où j’allais craquer. J’inspirai longuement, puis m’enfonçais un peu plus dans le canapé.
— Il m’aura tout fait, séirieux !

Tu étais remonté. Enzo était parti, sans rien dire, et vous vous retrouviez là, à chercher des réponses tout seul. Et ça t'énervait. Ça t'énervait surtout parce qu'Aura était inquiète, et qu'elle n'était pas dans son assiette ces derniers jours. Alors si ta petite soeur n'allait pas bien, tu n'allais pas bien non plus. Mais ton frère te manquait aussi, les sentiments étaient très compliqués en ce moment. Après avoir envoyé un message à Leticia pour lui dire que tu allais passer la soirée chez Aura pour découvrir ce que manigançait ton petite frère, tu rangeais ton téléphone dans ta poche, et tu ne comptais pas le ressortir de la soirée. En un rien de temps, tu arrivais chez ta soeur et tu te précipitais dans son appartement. Lorsqu'elle t'avait ouvert la porte, tu avais lu l'inquiétude sur son visage, et la tristesse dans ses yeux. Tu l'avais pris immédiatement dans tes bras, pour la rassurer, même si tu savais que ça ne servait pas à grand chose à l'heure actuelle. Une fois dans l'appartement, vous ouvriez tous les deux le fameux colis qui était destiné à ta soeur. Après avoir posé ton casque de moto sur un meuble dans l'entrée, tu lis à haute voix les mots qui étaient destinés à Aura. Dans cette lettre était expliqué qu'il y avait une petite vidéo qu'il fallait visionner pour comprendre les raisons de son départ. Ta gorge se serra, tu n'étais pas enchanté à l'idée de savoir qu'il avait des ennuis. Livio ne tarda pas à arriver dans l'appartement. Une fois qu'il était là, tu voyais que l'italienne était un peu plus rassurée et ça te faisait doucement sourire. Tu étais installé sur le canapé lorsqu'il entra dans l'appartement. Pour le saluer, tu lui serras la main, léger sourire aux lèvres. Vous étiez tous les trois installé, à ne rien dire et à fixer cette clef usb. Jusqu'au moment où Aura décida de mettre la clef dans le lecteur. « Allons-y » dis-tu en t'enfonçant dans le canapé.

Lorsque le visage de ton petit frère s'afficha sur la télévision, tu ne pouvais t'empêcher de sourire. Il te manquait, même si tu ne lui disais quasiment jamais, tu l'aimais énormément et sans lui, tu aurais surement du mal à avancer. Aura et Enzo t'avaient rendu tellement heureux en débarquant à Bowen, alors que l'un d'eux s'en aille, ça te déchirait le coeur. Mais pas plus qu'à la jeune femme. Lorsqu'il mentionna une lettre qui t'étais destiné, tu étais surpris parce que non, tu ne l'avais pas encore reçu. Mais tu regarderai ta boite aux lettres en rentrant chez toi sur le champ. Ses mots étaient dit avec une pointe de tristesse, ça s'entendait et ça se voyait. Lorsqu'il avoua ne pas revenir avant un moment, et qu'il ne serai pas joignable, Aura rit amèrement. Et toi, tu t'enfonçais encore plus dans le canapé, la colère qui te montait aux yeux. Tu étais remonté contre lui, c'était certain, mais surtout parce que tu ne savais pas où il était ni comment tu pouvais le joindre et ça ça te rongeait. C'était toi le grand frère, celui qui est sensé veillé au bien-être des plus jeunes, des jumeaux. Mais non, Enzo en avait décidé autrement. Et ce n'était pas comme tu l'entendais. Au moment où il dit que tu ne lui arrivais pas à la cheville dans le coeur d'Aura, tu ris légèrement, un bref instant. Il avait toujours le chic de détourner une situation avec une petite vanne à droite ou à gauche. Mais c'est lorsque tu voyais son doigt se rapprocher de la caméra pour l'éteindre que ton visage s'éteignait à nouveau.

Pendant quelques secondes, vous étiez tous les trois silencieux devant l'écran noir du téléviseur. Tu jetais un oeil à ta petite soeur, pour voir si elle allait craquer, si elle avait versé une larme ou simplement si elle voulait balancer quelque chose contre sa télévision d'énervement. « Pourquoi il n'en a pas parlé avant ? » demandas-tu naïvement, dans un souffle. « J'veux dire... je savais pas que c'était si sérieux avec cette fille. Bon, il me disait plus grand chose ces derniers temps faut dire » avouas-tu en haussant les épaules. Depuis cette grosse dispute que vous aviez eu chez toi, à propos de la mafia, Enzo se confiait de moins en moins. Peut-être pour te protéger ? Mais tu n'avais pas besoin de l'être. Tu avais besoin de connaître la vie de ton petite frère, pour pouvoir le protéger tel que tu devais le faire. Et surtout, tel que tes parents t'avaient demander de le faire.

Depuis l'annonce de la grossesse de sa petite amie, Livio s'était fait petit, très petit, si petit au point de faire le mort. Ce n'était pas de la lâcheté ou une volonté de fuir ses responsabilités, mais il avait eu le besoin de digérer, de prendre pleinement conscience de ce qui leur tombait dessus. Et cela l'effrayait au plus haut point. Toutefois, aujourd'hui, Aura avait besoin de lui. Enzo semblait avoir fait des siennes, ce qui, finalement, faisait oublier le silence radio de Livio. Il s'était dépêché de rejoindre l'appartement des jumeaux, en moto comme à son habitude. Arrivé devant la porte, il s'empressa de frapper et quelques secondes plus tard, Aura apparut dans son champ de vision. Elle était blême, ce qui frappa Livio, dont le regard se fit inquiet. Le silence de la brune n'arrangea pas le tout, ni même ce câlin qu'elle lui demanda sans un mot. Comprenant que les discours ne menaient à rien, il la serra tout contre lui, dans une étreinte qu'il espérait chaleureuse et un peu réconfortante. Il resta ainsi tant qu'elle en eut besoin, déposant brièvement ses lèvres sur le haut de son crâne avant de rejoindre ses lèvres quand elle lui donna un baiser. Il entra dans l'appartement et vit Fede, déjà installé sur le canapé. "Salut Fede..." dit-il, en lui serrant la main, sans être trop expansif, se doutant que l'aîné était tout aussi inquiet que la benjamine. Une fois assis sur le canapé, Aura estima qu'il fallait arrêter de tourner autour du pot et décida de lancer la vidéo faite par Enzo. Ce dernier apparut sur l'écran, les traits tirés, le visage fatigué, une barbe de quelques jours. Même dans ses souvenirs les plus lointains, Livio ne l'avait jamais vu ainsi. Le jeune Luciano commença à remercier Livio et Fede pour leur présence, sachant pertinemment que les deux hommes auraient été là pour aider Aura à affronter une telle nouvelle. Quelle nouvelle ? Son départ. Il ne tourna pas autour du pot et annonça bien vite qu'il partait, ajoutant même qu'il ne serait pas joignable pendant un moment. Livio sentit Aura se tendre, à ses côtés. Il déposa une main sur l'avant-bras de la brune, qu'il caressa du bout des doigts. Enzo justifia son départ en avouant qu'il partait à la recherche de Gisella. Il en avait besoin. Il en ressentait le besoin. Et pour cela, Livio le comprenait pleinement. Evidemment, Enzo fit du grand Enzo en arrondissant les angles, pour calmer la tempête Aura qui allait probablement gronder d'ici peu. Il se permit même de faire un peu d'humour envers Fede et Livio, ce qui arracha un sourire au jeune Manzoni. Puis, un dernier mot, un prenez soin de vous et l'écran s'éteignit.

Sonnés par cette nouvelle, un silence suivit. Livio croisa rapidement le regard de Fede avant de tourner la tête vers Aura. Aura qui inspira longuement, qui s'enfonça davantage dans le canapé. Il n'y avait pas une émotion qui transparaissait plus qu'une autre. Livio resta silencieux, parce qu'il était la pièce rapportée du lot, parce qu'il était l'un des meilleurs amis d'Enzo et que de fait, il était tiraillé entre le choix de son ami et la douleur que cela occasionnait chez sa petite amie. Fede fut le premier à enchaîner sur la décision de son frère, avouant qu'il ne pensait que c'était si sérieux avec Gisella. "Enzo n'est pas du genre à dévoiler ses sentiments." commença à dire Livio. "Mais...ça se voit qu'il est fou de cette fille. Et je peux comprendre qu'il parte à sa recherche..." ... même si à côté, il devait laisser tomber son frère et sa soeur. ça, c'était peut-être risqué de l'avouer. "Bon après, le silence radio, ce n'est peut-être pas la meilleure solution, mais s'il le fait, c'est qu'il a ses raisons." Il fallait lui laisser le temps et la possibilité de se justifier quand il reviendra. Livio posa ses yeux bleus sur Aura et osa poser la question qui faisait mal : "C... comment tu te sens ?" C'était risqué. Mais à choisir, il préférait qu'elle explose maintenant, plutôt que de tout garder en elle.

Quand la vidéo s’éteignit, étrangement, je sentis un poids se retirer de mes épaules. C’était…bizarre à expliquer, et sans doute n’y parviendrais-je pas avec des mots, mais si je me sentais en colère et éprise du sentiment qu’Enzo m’abandonnait, il y avait une part en moi qui était soulagée, soulagée d’avoir enfin des réponses aux questions que je me posais depuis plusieurs semaines. Un silence s’installa, durant lequel, je tâchais de digérer les informations débiter par Enzo sur notre écran de télé. Le calme avant la tempête sans doute…Pourquoi de nous faire parvenir ce message sous format de vidéo, et non de venir nous expliquer tout ça en face ? Cela ne lui ressemblait pas, Enzo n’était pas du genre à fuir ses responsabilités. Il était irresponsable souvent, mais il assumait toujours ses actes après coup. Pourquoi pas là ? Pourquoi n’avait-il pas fait l’effort de venir me voir, de m’expliquer tout ça, celui de m’appeler au moins…Je ne comprenais pas. Rapidement, Fede s’interrogea, sur Gisella notamment, il était étonné qu’Enzo ne lui ait pas parlé d’avantage. Livio répondit en avança qu’Enzo n’était pas du genre à se dévoiler. C’était vrai. Ce couillon gardait les choses pour lui, pensant que personne ne voyait rien. Mais moi je voyais. J’avais sentis que quelque chose se tramait depuis plusieurs semaines déjà.
— Gigi c’est pas…c’est pas juste une fille de qui il est brusquement tombé amoureux, dévoilai-je à mon frère ainé, c’est…
Je soupirai puis me levai tout d’un coup pour faire les cent pas devant le canapé.
— C’est plus. C’est vraiment…vraiment plus. Ils se sont rencontrés pour la première fois, on avait genre…quinze ans, presque seize. En Sicile. Et déjà à ce moment là, c’était quelque chose. Et, bref…leur histoire n’a jamais vraiment aboutie, déjà…à cause de la différence d’âge, et plein d’autres choses. Sauf qu’Enzo ne l’a jamais oubliée.
Je posai les mains sur mes hanches en continuant d’aller et venir. La tête commençait légèrement à me tourner mais je n’y prêtai pas attention.
— Qu’ils se retrouvent ici, à Bowen. Tous les deux, adultes et…(je dodelinai de la tête en levant les yeux au ciel) plus ou moins libres…c’était totalement fou.
L’histoire d’Enzo et Gisella était intense, et, si on croyait à ces choses là, elle était même destinée. Livio soulignait quelque chose de sensé. Cela n’avait rien d’étonnant qu’Enzo parte à sa recherche. Je croisai le regard de mon amoureux et acquiesçai. Les méthodes d’Enzo se discutait, mais le mobile, lui, non. Au moment où Livio me demanda comment j’allais, je serrai les mâchoires, en continuant mes cents pas. Je ne voulais pas m’appesantir sur ce que je ressentais, je ne voulais pas laisser la place à cette tempête qui menaçait d’éclater en moi, je tâchais de garder mon calme, mais cela devenait difficile, de plus en plus difficile. Puis…au moment où j’ouvrais la bouche, une vive nausée me scia tout à coup en deux.
— Oh…non…, gémis-je en plaçant une main sur ma bouche, et l’autre sur mon ventre.
Sans attendre, je courus jusqu’aux toilettes et rendit aussitôt mon petit déjeuner.

Tu ne savais vraiment plus comment réagir face aux révélations d’Enzo. Pourtant, tu savais que quelque chose de louche se tramait. Mais cette vidéo le confirmait encore plus. Tu étais en colère, et surtout soulagé. Parce qu’à la base, tu avais peur que son départ soit du aux règlement de compte de la mafia dans laquelle il avait trempé il y a quelques temps. Le voir là, sans vraiment s’adresser à vous mais seulement avec une caméra, ça te serrait le coeur. Même si tu avais déjà été loin de ton frère et ta soeur, le savoir ailleurs, sans toi, ça te faisait mal. Tu savais très bien que c’était un grand garçon et qu’il s’en sortirait très bien sans toi, mais même. Il y avait aussi ce sentiment de culpabilité qui restait dans un coin de ta tête. Je l’ai pas assez écouté me parler, j’ai pas été assez attentif à ce qu’il avait, enfin tout ce genre de chose quoi. Tu t’étais levé du canapé, dans le silence et tu ne savais pas quoi dire ni quoi faire. « Ce que je veux dire c’est que… pourquoi il m’a pas parlé de cette fille ? Je sais que j’ai déconné avec Enzo mais on reste frères, merde » avouas-tu en passant ta main dans tes cheveux. Tu soufflais d’agacement, parce que tu savais que depuis cette dispute que vous aviez eu par rapport à la mafia, chez toi il y a quelques mois, il ne se confiait plus autant. C’était Livio et Aura, ses plus grands confidents. Et tu le savais, tu le comprenais. Lorsque tu repris place sur le canapé, tu écoutais ta petite soeur t’expliquer la relation que ton frère avait avec cette fameuse Gisella. Tu l’avais déjà vu à son anniversaire, tu avais déjà entendu parler d’elle mais sans plus, malheureusement. D’après les paroles de la jeune Luciano, il était vraiment mordu de cette fille et d’un côté, ça te faisait sourire. Tu aurais aimé qu’il vive cette histoire d’amour à fond et qu’il soit heureux. Mais non, le destin en avait fait autrement. « Ca avait l’air d’être… très passionnel entre eux » dis-tu en réponse à ta soeur, et en écho aux paroles de son petit ami. La jeune femme commençait à se sentir mal, tu le voyais sur les traits de son visage. Elle plaçait une main devant sa bouche et partait en courant vers les toilettes. « Aura, ça va ? » demandas-tu en panique au moment où elle quittait le salon. Tu te retournais vers Livio, ensuite. Comme s’il allait répondre à sa place. « Elle est malade ? » demandas-tu en fronçant les sourcils, t’interrogeant sur la question.

Même si Livio savait que l'annonce d'Enzo était difficile pour Aura, il se mettait aussi dans la peau de Fede. Cela ne devait pas être facile pour le grand frère de se rendre compte de la grandeur des sentiments que portait Enzo face à Gisella. Livio avait compris que les deux frères s'étaient disputés, il y avait quelques mois, mais il ne pensait pas qu'ils avaient été tant éloignés. Il adressa un regard compréhensif à son beau-frère, restant toutefois muet, parce que tout cela concernait les membres de la famille Luciano. Pas la pièce rapportée. Et puis, il ne voulait pas montrer que Livio avait déjà entendu parler de Gisella avant leur venue à Bowen. Enzo lui en avait parlé, un soir, lors d'une soirée arrosée, où les deux garçons s'étaient laissés aller à des confidences. Bon, cela n'avait pas empêché Livio de dragouiller Gisella, des années plus tard, sans savoir qu'elle était LA Gisella de son meilleur ami. Il posa son regard sur Aura alors que cette dernière expliquait la relation entre son jumeau et la jolie sicilienne. Et comme le disait Fede, oui, cela avait été passionnel. Grisant. Une relation de la sorte était rare, très rare dans une vie. On ne tombait pas passionnément amoureux aussi facilement. Aussi, Livio comprenait pleinement le besoin d'Enzo. Ce besoin de tout tenter, de se retrouver, de penser à lui. Ce n'était pas de l'égoïsme. A première vue, cela passait pour un abandon, mais ENzo savait ce qu'il faisait. Il savait qu'il n'abandonnait pas Aura. Il savait qu'elle serait bien entourée, entourée par Fede, entourée par Livio. Tout était réuni pour qu'il gère sa vie, sa propre vie. Mais cela mettrait du temps dans l'esprit d'Aura. Il faudra attendre que la colère, la tristesse, la rancoeur s'effacent pour qu'elle comprenne la volonté de son frère. Et pour cela, Livio avait envie qu'elle mette des mots, qu'elle cesse de faire les cent pas, à deux doigts d'exploser. Quand il osa lui demander comment elle allait, il la sentit se figer. Une main devant la bouche et une course plus tard, Aura s'éclipsa vers les toilettes, prise d'une violente nausée. Un juron s'échappa des lèvres de Livio alors qu'il l'avait suivi du regard jusqu'à ce qu'elle disparaisse de son champ de vision. Déjà que l'instant était désagréable, il fallait en plus que Bébé mette son grain de sel. Mais alors que Livio ne tombait pas dans l'inquiétude - pas totalement, du moins, puisqu'il savait que ces nausées étaient courantes - Fede, quant à lui, tomba dans la panique. Et quand il lui demanda ce qu'elle avait, ce fut Livio qui sentit la panique s'emparer de lui. Il devait faire attention à ce qu'il disait, ne pas faire de gaffe. Il ne pouvait pas annoncer la grande nouvelle. Pas tout seul. Pas de cette manière. Il se gratta l'arrière de la nuque, comme à chaque fois qu'il était gêné. "Euh... rien de grave. Elle... enfin... elle a l'estomac fragile depuis quelques jours. Et l'annonce d'Enzo a dû la secouer." Officiellement, il n'y avait aucun mensonge. Simplement, il n'évoquait pas la raison de ces nausées. "Je vais aller la voir." Fuis, Livio, fuis. Il se leva à son tour, fit un détour par la cuisine où il prit un grand verre d'eau - il ne savait pas vraiment quoi faire dans un tel moment - et vint taper à la porte des toilettes. "ça va, mon amour ?"

Je vivais un grand chamboulement dans ma vie. Le plus grand sans doute, et le depart d’Enzo, son annonce si brutale surtout, venait fragiliser mes remparts. J’avais besoin de lui dans un moment pareil et il n’était pas là. Les crampes de mon estomac me coupaient en deux. Cela faisait plusieurs jours maintenant que les nausées me rendaient la vie dure et il n’y avait pas grand chose que je puisse faire pour les apaiser. Subir, encore et toujours. J’en avais assez. Ma tête se trouvait encore par dessus la cuvette quand Livio me rejoignit dans la salle de bain. Je geignis, attrapai la première serviette que je trouvais et m’essuyai la bouche avant de tirer la chasse. Je m’assis au sol et levai les yeux vers mon amoureux. Je pris une longue inspiration puis soufflai longuement par le nez.
— Il a choisi son moment on dirait…
Je ne savais pas moi-même si je parlais de mon frère ou de mon enfant. Dans tous les cas, le timing n’était pas idéal. Je tendis la main pour que Livio m’aide à me redresser, puis vins me coller à lui. J’avais besoin qu’il me serre dans ses bras. Après un court instant, je soupirai à nouveau.
— J’aurais aimé qu’on lui dise autrement…
Cette grossesse était certes une surprise, mais elle ne m’emplissait pas moins de bonheur pour autant. J’avais envie de la partager avec mes frères, mais j’aurais souhaité que tout se déroule naturellement, leur annoncer avec le sourire aux lèvres, pas comme ça en tout cas.

C’était dorénavant officiel, Enzo vous avait quitté pour retrouver sa moitié. Et même si tu devais de l’entendre vous le dire sur la vidéo qu’il avait laissé à ta petite soeur, tu n’y croyais toujours pas. Il te faudra surement quelques jours pour assimiler la nouvelle, et faire en sorte que tu y croies vraiment. Tu savais que la première personne qui serait touché dans cette histoire, ça serait Aura. Elle qui était si proche de son frère jumeau, ils n’avaient jamais été séparés jusqu’à aujourd’hui. Alors tu ne pouvais pas imaginer la douleur que c’était pour elle. De ton côté, tu avais rapidement trouver refuge en Australie, même si tu les appelais très souvent tous les deux pour prendre de leurs nouvelles. Mais tu étais habitué à cette absence. C’était aussi un coup dur pour Livio, qui voyait son meilleur ami partir loin. Heureusement, Aura était bien entouré par son petit ami et toi. Elle pouvait compter sur vous. Mais lorsqu’elle s’éclipsa vers les toilettes, rapidement, tu te posais des questions. Questions dont tu faisais forcément part à Livio, qui était encore avec toi dans le salon. Il justifiait mal ça, en disant que c’était parce qu’elle avait l’estomac fragile. Et que le départ d’Enzo devait lui faire un choc aussi. « Hm, d’accord » dis-tu simplement. Il te dit qu’il allait jeter un coup d’oeil pour aller la voir, un verre d’eau en main, et tu te retrouvais comme un con tout seul dans le salon. Tu sentais que l’italien ne t’avait pas dis toute la vérité mais bon, tu ne pouvais rien faire tant qu’ils étaient tous les deux enfermés dans la salle de bain, et tu n’allais pas les déranger. Alors tu t’assis sur le canapé, et tu attendais que les deux jeunes gens reviennent vers le salon.

Cette annonce les avait tous sonnés. Mais de tous, c'était sûrement Aura qui souffrirait le plus, qui allait avoir besoin d'eux. Et alors qu'ils sondaient la jeune femme, Bébé décida de mettre son grain de sel en rendant sa mère nauséeuse. Aura partit en courant dans la salle de bains, laissant Livio et Fede seuls. Fede avec ses questions, Livio avec ses réponses foireuses. Autant il avait l'habitude de jouer un rôle à la télé, autant il avait su jouer le connard pendant des années, autant il n'arrivait pas à mentir, là, actuellement. Il s'empressa de rejoindre Aura dans la salle de bains afin de savoir comment elle allait. Quand il entra dans la pièce, il ressentit un pincement au coeur en la voyant si blanche, si perdue. Il hocha la tête quand elle évoqua le mauvais timing, ne sachant pas, lui aussi, si elle parlait d'Enzo ou de Bébé. Dans les deux cas, le moment était mal choisi. A croire que ce Bébé allait hériter de quelques gènes de son cher oncle. Quand elle entreprit de se relever, Livio lui prit la main afin de l'aider et passa ses bras autour d'elle quand elle vint se réfugier contre lui. Il déposa un baiser sur le haut de son crâne, resserrant son étreinte jusqu'à ce qu'elle décide de s'éloigner de lui. Il la couva du regard quand elle reprit la parole. Elle aurait voulu l'annoncer autrement. "On n'est pas obligés de l'annoncer aujourd'hui, si tu préfères." Son côté un peu lâche le pousserait à envisager cette solution. Cette grossesse le rendait heureux, oui. Mais Livio était encore en train d'essayer de se faire une place chez les Luciano. Il avait peur d'aggraver son cas quand les frères Luciano apprendront que leur petite soeur était enceinte, et que ce n'était pas prévu. Oui, cela l'arrangerait de repousser l'échéance, mais... "... mais ton frère n'est pas bête. Il se pose des questions." Il marqua un temps d'arrêt et reprit la parole, avec douceur : "Au fond, ça doit peut-être se passer de cette façon. Vous venez de vivre un choc avec le départ d'Enzo. Peut-être que l'annonce de cette grossesse va aider à faire passer la pilule." Et ouvrir une nouvelle page dans la famille Luciano. Il redéposa un baiser sur son crâne et lui prit la main. "Allez, viens, ne le laissons pas tout seul trop longtemps."

J’aurais aimé vivre cette situation autrement, j’aurais aimé pouvoir partager mon bonheur avec mes frères autrement qu’après avoir dégobiller dans les toilettes, j’aurais aimé qu’Enzo soit assis sur mon canapé, à côté de Fede, pour que je puisse leur annoncer la nouvelle, à tous les deux. Mais rien ne se passait comme je le souhaitais. Dans les bras de Livio, je tâchais d’accepter la situation, mais elle passait difficilement en réalité. Quand je me détachais doucement de lui, son sourire et la tendresse sur son visage m’aida à faire face. Il affirma que nous n’étions pas obligés de l’annoncer ce soir. Je hochai la tête, rien ne nous y obligait, c’était vrai. Mais…comme Livio le détailla ensuite, Fede n’était pas dupe, il se doutait peut-être même déjà de quelque chose. Mon amoureux assuma que la nouvelle viendrait même peut-être chassdf les nuages du jour. Je dodelinai de la tête.
— Espérons que tu as raison…
Si l’enfant me rendait heureuse et que je n’avais aucun doute qu’il rendrait mon grand frère heureux, lui aussi, je ne pouvais mettre de côté l’épreuve que nous traversions. Et cette annonce ne ferait que mettre en relief l’absence d’Enzo. Dans tous les cas, nous n’avions pas vraiment le choix que de faire sans lui, puisque mon jumeau en avait décidé ainsi. Je levai les yeux vers Livio, puis souris.
— T’es vraiment en train de me parler de pilule, juste avant qu’on annonce une grossesse surprise ? fis-je pour détendre l’atmosphère.
J’avais besoin de légèreté. Et ma plaisanterie n’était pas des plus fines mais elle faisait l’affaire. Je coulai sur Livio un sourire tendre, pris une grande inspiration puis sortis de la salle de bain. Ma main dans celle de mon amoureux, j’avançai vers mon frère. Mon coeur battait à tout rompre dans ma poitrine. Je ne savais pas comment aborder le sujet. L’angoisse me saisit tout à coup le ventre.
— Euh…
Je me sentais fébrile. J’étais à deux doigts de flancher. Seul le contact avec Livio me permettait de garder une consistance.
— J’ai…euh…on a quelque chose à te dire…

Assis tout seul dans le salon, tu étais entrain de cogiter. Surtout sur le départ d’Enzo. Ca t’angoissait énormément de ne pas avoir de nouvelles de ton petit frère. Même si tu as déménagé rapidement d’Italie, tu avais toujours pris soin de prendre de ses nouvelles. Tu avais toujours été plus proche d’Aura, Enzo était un peu ton pilier. Tu savais qu’il avait pris soin de ta petite soeur quand toi tu ne le pouvais pas, et même de tes parents. Du coup, le savoir dans cette escapade sans date de retour, ça te terrifiait. Mais tu ne cogitais pas longtemps parce que Livio et Aura sortaient de la salle de bain après une brève discussion. Tu ne t’attendais pas une seule seconde à ce qu’ils allaient t’annoncer ce soir. La nouvelle de la soirée avait déjà été choquante et surtout dure à avaler. « Qu’est-ce que vous osez pas me dire ? » demandas-tu au jeune couple, alors qu’ils étaient l’un et l’autre en face de toi. Heureusement que tu étais assis. « Pour couronner cette soirée, tu vas pas me dire que t’es enceinte ? » dis-tu sur le ton de la blague, riant légèrement. Mais tu ne savais pas encore à quel point tes propos étaient vrais. Un instant, tu arrêtais de rire et tu réalisais ce que tu venais de dire. Elle venait d’aller vomir dans les toilettes, mais il y avait d’autres raisons à ça, non ? « Aurelia Luciano, t’es enceinte ? » demandas-tu en écarquillant les yeux. Tu avais laissé tomber tes bras sur le canapé, attrapant un coussin comme pour déterminer si c’était la réalité ou un mauvais rêve. Bien sûr que tu serai content si c’était le cas, mais c’est la soirée que vous venez de passer tous les trois qui fait que tu réagissais un peu bizarrement.

Il n'en menait pas large, Livio. Et surtout, il se sentait tellement impuissant. Il se disait que l'annonce de la grossesse d'Aura allait peut-être apaiser la douleur, mais il n'en était pas certain. Parce que Livio et Aura, c'était encore une histoire toute fraîche, parce que ça pouvait faire peur sur la solidité de leur couple dans les années à venir, et parce que le départ d'Enzo n'était pas facile à oublier. Le jumeau Luciano attirait tant les regards sur lui que l'on ne pouvait facilement combler l'absence qu'il laissait derrière lui. Mais il se devait de garder le cap, d'être un roc, la véritable épaule sur laquelle Aura pouvait s'appuyer. Même s'il était maladroit dans ses actes, même si le choix de ses mots n'était pas le meilleur. Mais quand la brune rebondit sur la pilule qu'il avait énoncé, Livio ne put s'empêcher de rire, malgré tout. "J'espère que notre enfant aura ton sens de l'humour !" En effet, ce n'était pas fin, mais ça fonctionnait quand même ! Main dans la main, ils revinrent au salon, espérant ne pas avoir laissé Fede seul trop longtemps. Il sentait l'angoisse d'Aura alors qu'elle annonçait qu'ils avaient quelque chose à lui dire, aussi serra-t-il encore plus sa main pour la rassurer. Mais pour autant quand Fede rétorqua, à la blague, qu'il ne manquerait plus qu'elle lui annonce qu'elle était enceinte, Livio se décomposa et devint blême. Son malaise ne s'arrangea pas quand l'aîné des Luciano changea d'expression, la surprise, voire même le choc, se lisant sur son visage. Il attendait la confirmation de sa soeur. Livio se mura dans un silence total, ne sachant pas comment prendre la réaction de Fede, tentant de ne pas montrer que cela l'atteignait. Il avait presque l'impression qu'une éventuelle grossesse d'Aura s'apparenterait à une catastrophe, ce qu'il n'acceptait pas forcément et qui se laissait voir sur son visage aux traits tirés.

Spoiler:

La remarque de Livio me fit rire. J’espérai aussi que notre enfant hériterait des meilleurs côtés de nous, même si c’était complètement idyllique de penser que ce petit être n’aurait aucun défaut. Cette touche de légèreté, malgré tout, était bienvenue, car j’appréhendais encore d’annoncer la grossesse à mon frère ainé, surtout après l’annonce du départ de mon jumeau. Très clairement, la situation n’était pas idéale, mais il nous fallait bien l’affronter. Forte du soutien de mon amoureux, je sortis de la salle de bain pour faire face à Fede qui, de prime abord, tira la carte de l’humour. Cela me déstabilisa quelque peu, jusqu’à me faire devenir blême au moment où mon frère, retrouvant son sérieux, devina ma grossesse. « Aurelia Luciano, t’es enceinte ?  Instinctivement, je cherchai le regard de Livio, que je trouvais plus fermé que jamais. Pour me donner de la force, je glissai ma main dans la sienne puis reposai mon attention sur mon frère.
— Oui. Je…oui.
J’eus un petit rire nerveux, puis décidai de m’affirmer un peu plus.
— Je suis enceinte, déclarai-je. C’est récent et…inattendu mais ça me rend heureuse. Alors…
Je sentais ma main devenir moite dans celle de Livio.
— On aurait voulu te l’annoncer autrement, vous l’annoncer, à Enzo et toi, mais…
Ok. Non. Je ne devais pas penser à Enzo. L’émotion grimpait. Dangereusement. Je me pinçai les lèvres pour ne pas pleurer.
— Voilà…

Tu ne savais pas trop ce que les amoureux allaient t’annoncer. Sur le ton de la blague, tu disais à ta soeur qu’il ne manquerait plus qu’elle t’annonce qu’elle était enceinte. Après quelques secondes de réflexion, tu te disais que ça correspondait parfaitement. Elle venait de courir vers les toilettes, pour vomir, et tu sentais que ses émotions étaient exacerbées. Livio ne disait rien, il attendait ta réaction. Assis sur le canapé, tu ne pouvais plus te lever à partir du moment où Aura t’annonça qu’oui, elle était vraiment enceinte. Bouche bée, tu ne savais pas quoi dire. Alors elle parlait toute seule, pendant que tu écoutais d’une oreille ce qu’elle disait, choqué de cette nouvelle. Elle t’avoua qu’elle voulait te l’annoncer autrement, à toi et à son frère jumeau mais que sur le coup elle se sentait de te le dire et Enzo n’était plus là. « Aura, je… » dis-tu sans trop savoir quoi dire à ta petite soeur. Mais tu étais super content pour eux, c’était extraordinaire ce qu’il se passait. Tu te levais du canapé pour aller vers ta petite soeur et la prendre dans tes bras. « Je suis trop content pour toi, Aura, vraiment c’est une super nouvelle » dis-tu alors que tu avais ta petite soeur dans les bras. Tu savais très bien qu’elle serait la première à fonder une famille, et que tu serai surement le dernier. Et là, ça se concrétisait. Puis tu pris Livio dans tes bras. « Félicitations à toi aussi » dis-tu à ton beau frère. C’était une nouvelles inattendu, t’avais un peu le souffle coupé et tu ne savais pas quoi dire mais tu étais le plus heureux des grands frères. Tu te séparais de Livio et tu réalisais ce que ça engendrait. « Mais… j’vais être tonton ! » dis-tu en réalisant. Oui, captain obvious, bien vu.

Une nouvelle comme celle-ci devrait se faire dans la joie et la bonne humeur. Là, il avait juste l'impression d'être mis au devant du mur, à annoncer une grossesse, certes, surprise, mais qui les remplissait de bonheur. Pourtant, le choc de Fede refroidit quelque peu Livio. Le jeune Manzoni était bête, bête de croire que cette nouvelle allait être merveilleusement accueillie par tous. Finalement, Fede, c'était le test. Et sa réaction effrayait Livio qui se disait que cela allait être pareil avec les parents d'Aura. Avec ses parents. Cela ne faisait même pas un an qu'ils étaient ensemble et ils faisaient déjà un enfant. Il craignait qu'on leur fasse des remontrances, qu'on leur dise que c'était trop tôt, qu'ils devaient apprendre à être un couple avant d'être parents. Il avait peur que la magie soit brisée, tout simplement. Mais c'était sans compter sur l'acharnement de Aura, qui assumait pleinement sa grossesse. En entendant les paroles de sa petite amie, qui affirmait à quel point cette grossesse la rendait heureuse, Livio tourna la tête vers elle, la regardant avec tendresse et fascination. Ça, c'était sa femme ! Mais quand elle évoqua Enzo, il sentit la vulnérabilité s'emparer d'elle. Il serra un peu plus sa main et se pencha vers elle pour déposer un baiser sur son crâne, attristé de la voir ainsi. Fort heureusement, Fede rapporta un peu de baume au cœur. Une fois le choc passé, il sembla réaliser toute l'ampleur de la nouvelle. Alors qu'il se leva du canapé pour venir féliciter Aura, Livio lâcha la main de sa petite amie et s'écarta un peu pour laisser le frère et la sœur partager cette nouvelle. Mais très vite, Fede s'avança vers lui pour le prendre dans ses bras et le féliciter. Livio en profita pour murmurer : « Je prendrais soin d'eux, je te l'assure. » Il était touché et ému de voir que, finalement, le grand frère Luciano était heureux pour eux. Livio se mit ensuite à rire quand Fede se rendit compte qu'il allait devenir tonton. « Et oui, Tonton Fede aura bientôt un petit neveu ou une petite nièce qui le fera courir partout. » Puis, taquin et souhaitant alléger l'atmosphère, il regarda sa petite amie et Fede : « Prépare-toi à ce qu'on te laisse le petit ! Ça te fera un entraînement pour plus tard ! »