say my name, say my name and if no one is around you say baby i love you (felix)

La nuit avait été courte. Trop courte. C'était le désavantage depuis que Nevaeh avait emménagé chez Juliann : le manque de sommeil. Ce n'était pas parce que le lit était inconfortable ou que les bruits de la maison ne lui étaient pas encore assez familiers, mais bien plus parce qu'ils ne pouvaient pas se lasser l'un de l'autre. Lovés l'un contre l'autre, toutes les nuits, ils finissaient par dévier, trop souvent, et ne former qu'un, toute la nuit, jusqu'à ce que le cadran du pompier sonne et que le réveil pique. Ce matin, ils avaient étiré le moment de se lever au maximum, Nevaeh gardant son petit ami collé à elle le plus longtemps possible jusqu'à ce qu'il ne doive l'abandonner pour se rendre au travail. Un baiser rapide échangé, Juliann avait quitté ce qui était désormais leur maison, laissant la journaliste seule dans les draps qui avaient été habités de leur amour quelques heures avant.

Nevaeh avait somnolé quelques minutes de plus avant de finalement regagner la douche. L'eau chaude coulait contre son corps, le shampoing aussi, alors qu'elle se lavait frénétiquement les cheveux dans un concert de salle de bain improvisé. Au loin, la sonnerie de son téléphone portable retentissait, lui arrachant un soupir et interrompant son karaoké. Elle choisit tout de même de laisser sonner l'appareil, se remettant à se dandiner alors que le portable s'était tu. Mais à peine quelques minutes plus tard, le voilà qui reprenait son interruption, obligeant la brune à rincer ses cheveux à toute vitesse, sortant de la douche sans vraiment prendre le temps de s'essuyer.

Maladroite comme elle l'était, elle manqua de s'étaler de tout son long sur le parquet mouillé sous son corps alors qu'elle regagnait son portable, répondant avant que la sonnerie ne s'arrête à nouveau. « Allô ? », s'essoufflait-elle au bout du fil. « Euh, oui... Oui oui... », assurait Nevaeh, sans vraiment comprendre la lourdeur du service qu'une collègue lui demandait. « Tu n'as qu'à m'envoyer les questions par courriel. Tu m'en dois une! », lâchait la brune en fermant la ligne, attendant cedit courriel. Elle lança l'impression des questions à distance, regagna la salle de bain à toute allure pour enfiler des vêtements propres et faire quelque chose de sa tignasse, mais ce matin, elle n'aurait pas beaucoup de temps.

Elle était attendue dans moins d'une heure dans un café au centre de Bowen. Enfin, sa collègue y était attendue. Sa collègue dont le petit garçon s'était réveillé, ce matin, tout picoté de la tête aux pieds. Une belle grosse varicelle, qui piquait et qui avait fait monter un peu de fièvre et une maman qui devait en prendre soin. Et qui, malheureusement, ne pourrait pas assurer son interview de ce matin. Par chance, Nevaeh avait accepté de la remplacer, sans trop poser de questions. Elle improviserait, à la fois avec les questions que sa collègue avait préparées, mais aussi où la discussion avec l'auteur qu'elle devait rencontrer les mènerait. La brune n'en était pas trop inquiète. Enfin, c'était avant d'entrer dans ledit café et de ne tomber nez à nez avec nul autre que... « Felix ? », demandait-elle, non pas sans un peu de mépris dans la voix.

Nerveusement, Felix faisait les cent pas dans la maison, retournant la situation dans tous les sens. Encore sous le choc de la révélation de Kaith, quelques heures plus tôt. Radieuse, elle lui avait semblé si sereine en lui annonçant la nouvelle, il ne pouvait en dire autant le concernant. Une partie de lui n'arrivait toujours pas à réaliser ce qu'il s'apprêtait à se passer dans les mois prochains. Rien n'était encore concret pour l'instant ce qui rendait la projection très floue. Ce n'était probablement pas un hasard qu'il faille neuf mois pour s'y préparer. Felix n'avait que très peu dormi cette nuit, probablement un avant goût de toutes celles qui l'attendaient une fois que le bébé aurait débarqué. Mais avait-il réellement envie que sa vie ne change à jamais ? Rien n'était moins sûr. D'autant plus qu'il avait imaginé cela autrement mais bien évidemment cela n'arrive jamais comme prévu. Il n'y a que dans les films où les deux protagonistes ont tendrement attendu l'événement, désirant cet enfant plus que tout au monde. Felix lui n'avait pas encore eu cet élan de paternité, cette volonté de devenir parent à tout prix.

Incapable de rester plus longtemps au lit sans trouver le sommeil, il s'était levé tôt bien que son rendez-vous n'était pas avant neuf heures. Il avait bien tenté d'écrire quelques pages mais sans succès, rien de ce qu'il avait pu noter ne lui convenait. Abandonnant l'idée d'avancer sur son thriller ce matin, Felix préféra se préparer pour ne pas manquer son interview, bien qu'il n'ai pas vraiment la tête à ça. Il espérait au moins que la personne qui allait le questionner en saurait un minimum sur lui, son parcours et son passé. Il commençait à se lasser de répondre aux questions toutes faites des journalistes et estimait qu’un travail de préparation au préalable était plus appréciable. S'apprêtant à partir, il ne prit pas la peine d'avaler quoi que ce soit, sachant qu'ils devaient se retrouver dans un café, il se rattraperait là bas si besoin.

Une fois sur place, Felix s'installa au fond de la salle et commanda une boisson chaude. Il n'attendit pas longtemps avant d'être rejoint par la fameuse journaliste. Lorsqu'elle s'adressa à lui, Felix manqua de se brûler avec son café, ne l'ayant pas vu arriver c'est seulement au son de sa voix qu'il l'a reconnue. Des retrouvailles auxquelles il était bien loin de s'attendre, encore moins dans un tel contexte. « Nevaeh... ». Il était plus que surprit que ce soit elle qui ai à l'interroger aujourd'hui. Ce n'est pas comme si les journalistes manquaient dans les environs, il fallait que cela tombe sur son ex-fiancée. Devant l’ironie de la situation, Felix ne parvenait pas à être totalement détendu, il avait déjà bien du mal à chasser ses pensées de la veille, et cette rencontre n'allait rien arranger. « Je ne savais pas que tu travaillais pour le journal local... », laissa-t-il échapper. En même temps, ni l'un ni l'autre n'avait cherché à garder contact depuis leur dernière séparation. Cela dit, il se doutait bien que la jeune femme avait fini par revenir à Bowen après toute cette histoire. « Tu t'y plais ? », osa-t-il demander, il lui semblait pourtant que Nevaeh était trop ambitieuse pour se contenter d'un tel poste mais après tout, cela avait peut-être changé. Ce n'était pas vraiment à lui de poser les questions, même s'il ne pouvait s'empêcher d'avoir une certaine curiosité pour son interlocutrice. Il avait passé bien trop de temps auprès d'elle pour rester indifférent. « Je t'écoute. », annonça-t-il un peu nerveusement en passant machinalement la main dans ses cheveux dorés, appréhendant quelques peu les questions qu'elle allait lui poser. Ce qui est certain c'est que cette interview serait bien différente de toutes celles que Felix ai pu faire et il allait être bien difficile de ne pas mêler vie personnelle à cet échange professionnel.

Devant lui, elle ne savait que dire. Et elle se maudissait de ne pas s'être préparé plus d'avance, d'avoir bien lu les questions de sa collègue. Si elle l'avait fait, d'ailleurs, elle se serait rendu bien vite compte que la personne à interviewer était Felix Brown. Sur ce coup, Nevaeh avait été tête en l'air, maladroite, bien trop comme à son habitude. Et c'était sans doute la seule fois où ça lui portait préjudice. Elle resta quelques minutes silencieuse, à le regarder sans trop savoir quelle émotion passait dans son regard. Elle ressentait à la fois de la gêne et de la colère. Sa vie avait tellement changé depuis la dernière fois qu'ils s'étaient vus, depuis qu'elle lui avait balancé sa bague de fiançailles en pleine tronche et qu'elle l'avait largué, humiliée par son adultère. Elle était maintenant heureuse, amoureuse, accompagnée d'un homme qui, certes, l'avait fait galérer par moment avant de se poser avec elle. Avait-elle réellement besoin que son ex-fiancé réapparaisse dans sa vie ? « C'est pas mal moins prestigieux que la place au journal de New York que tu m'avais déniché, mais ça fait l'affaire », lâchait-elle en haussant les épaules. Il l'avait convaincu de partir avec elle, il lui avait livré de belles paroles en lui promettant une place de choix dans un journal qui faisait rêver. Et il le lui avait finalement offert. Ça et une nouvelle trahison. « Je ne fais pas que ça, hein, interviewer des citoyens de la ville pour le journal local », fit-elle, comme s'il fallait se justifier. « J'ai repris ma rubrique de voyage. » Et c'était bien ce qu'elle aimait le plus faire. Non pas écrire des articles sur les évènements de la ville et les gens qui faisaient quelque chose qui sortait de l'ordinaire, comme publier un livre. Et alors qu'il était prêt à poursuivre l'entrevue comme elle devait se passer dès le départ, la brune secoua la tête. « On est pas obligé de faire ça », fit-elle en soupirant. « J'peux dire à ma collègue que j'ai un empêchement et prendre un autre rendez-vous avec elle pour toi... Vraiment, on n’est pas obligé de se faire ça. »