Barbie at the beach → Fede Luciano

30°. Le thermomètre ne mentait pas, la journée s'annonçait encore très chaude. J'aimais ce climat tropical, le soleil, les pluies torrentielles, le vent brulant... C'était tout cela, et les gens du coin, qui faisaient de Bowen un endroit très agréable à vivre. La veille encore j'avais passé la journée à surfer entouré d'amis et en rentrant ma voisine m'avait déposé une boite de Milo - car je n'en avais plus -. Cette douceur de vivre m'inspirait, me permettait de profiter de la vie tout en créant de nouvelles pièces uniques pour ma collection.
Alors après une matinée intense à travailler dans mon atelier, je m'étais accordé un break. J'avais pris mon téléphone pour indiquer à Fede que j'arriverais un peu plus tôt au barbecue qu'il organisait en bord de plage. J'avais souvent tendance à tout plaquer pour ce genre de proposition, j'aimais bien trop les barbecues, la plage et mes amis. Combo gagnant. Abandonnant mes créations à mon four, j'avais attrapé un pack de bière et de quoi nourrir une armée, avant d'aller le rejoindre. Ce n'était pas bien loin et en arrivant je vis qu'il avait déjà tout installé sur un des barbecue public de la ville. « Hey mate. » Lui dis-je en le prenant amicalement dans mes bras pour une accolade fraternel.
Je ne me souvenais plus exactement depuis quand je connaissais Fede, mais lui et moi étions de bons amis. Les barbecues et les sorties en ville faisaient partis de ce que l'on aimait le plus faire ensemble. Il aimait aussi me taquiner sur mon corps vierge de tatouage, étant tatoueur il rêvait de pouvoir encrer ma peau. J'avais bien trop peur de ses aiguilles pour le laisser faire et je m'y refusais depuis de longs mois.

Il faisait chaud mais toi, ça ne te dérangeait pas tant que ça. Aujourd’hui, t’avais envoyé des messages à tes potes mais la plupart étaient entrain de bosser ou ils n’avaient pas envie d’affronter la chaleur de la plage. Le seul qui avait répondu présent, c’était Asher. Alors tu lui avais texté les détails et tu l’avais attendu. T’avais proposé à ton pote de se faire un petit barbecue sauvage sur la plage alors t’étais allé faire quelques courses avant. De quoi se nourrir mais aussi de quoi picoler un peu. De la bière bien fraiche par ces temps là ? C’était parfait ! Tu avais un peu d’avance, pour préparer les détails. Mais ton ami arrivait quand même assez rapidement sur la plage, au barbecue public que tu avais choisi. « Hey, bro ! » dis-tu en répondant à son accolade. Il posait ses affaires à côté des tiennes et tu ris quand tu vis sa poche de course. Vous aviez vraiment de quoi manger pour tout un régiment.  « On est deux ou t’as invité une armée en plus à manger avec nous ? » dis-tu en riant légèrement. Au moins, vous avez de quoi bien manger et bien boire. Ca faisait un bail que tu connaissais Asher, vous étiez bons amis. En général, si tu n’étais pas avec Perry, c’est avec lui que tu passais le clair de ton temps. « Alors, comment ça va ? » demandas-tu en posant une main sur l’épaule de ton ami. Puis tu commençais à préparer le barbecue, à faire le feu pour préparer la viande et les légumes que vous alliez manger.

Fede avait déjà allumé le barbecue à mon arrivée et il ne manqua pas de se foutre de moi en voyant tout ce que j'avais ramené à manger. Je n'étais pas très doué pour cuisiner, mais je prévoyais toujours large au niveau des provisions. Il valait mieux avoir trop que pas assez. J'étais quelqu'un de généreux. « Juste toi et moi, mais on ne sait jamais qui peut passer par là. » Bowen n'était pas une très grande ville et les habitants se connaissaient plutôt bien entre eux, alors il n'était pas rare qu'un petit barbecue se transforme rapidement en grand rassemblement convivial. Il y avait peu de chance pour que ça arrive aujourd'hui, car nous étions en pleine semaine, mais quand même.
Mon bro qui avait mis à cuire les premiers steaks, se tourna vers moi pour me demander comment j'allais. La réponse à cette question était mitigée, mais je décidais de ne lui parler que du côté positif de ce qui m'arrivait en ce moment. « Plutôt bien. J'ai été contacté par un grand restaurant à Sydney pour faire une ébauche pour leur nouvelle vaisselle. » C'était le restaurant de l'Opéra de Sydney, pas moins, j'étais ultra fier, même si j'étais conscient que mon talent n'aurait jamais été révélé au grand jour sans l'aide des réseaux sociaux. Je me tenais donc de rajouter que la situation avec Kara n'avançait pas, que nous n'avions plus eu aucune vraies conversations depuis des semaines. Presque deux décennies à avoir un crush sur elle et maintenant qu'elle essayait de venir vers moi je la repoussais. Ou était la logique la dedans ? Mais c'était mon problème. Je n'allais pas emmerder Fede avec mes problèmes de cœur.
« Et toi ? Qu'est ce qui t'arrives de beau depuis la dernière fois ? » Dis-je en attrapant deux bières. Je lui en donnais une avant de décapsuler la mienne et de la porter à mes lèvres. Le liquide frais me fit un bien fou immédiatement. « J'aurais du rapporter la bière artisanale de la dernière fois. Elle était meilleure. »

Asher avait emmené tout un tas de bouffe et de bière, en plus de ce que tu avais pris. Au moins, vous ne manquerez de rien tous les deux, c’était certain. « On aurait du faire une pancarte pour les gens autour » dis-tu en riant légèrement. Mais il avait raison, quelqu’un pourrait très bien passer par là pour casser la croute avec vous. Et puis vous aviez pas mal d’amis, alors surement que l’un d’entre eux viendrait vous voir. Tu posais les premières pièces de viande sur la grille du barbecue, et ce petit bruit de crépitement te faisait sourire. Tu savais que ça annonçait une bonne journée entre potes. Tu demandais ensuite au blond ce qu’il se passait dans sa vie récemment, pour prendre de ses nouvelles parce que ça faisait longtemps que tu n’en avais pas eu. « Oh, c’est top ça ! » dis-tu alors qu’il t’expliquait avoir été contacté par un restaurant de Sydney pour faire sa vaisselle. « Un jour on devrait faire un truc ensemble. J’veux dire, le tatouage c’est du dessin, j’pourrai peut-être faire de dessins sur tes créations » dis-tu en lui faisant un clin d’oeil. Ca pourrait être sympa de bosser avec ton pote là dessus, toi qui veut vraiment te spécialiser dans le monde du tatouage et du dessin. Ça te changerai que de tatouer la peau des gens, c’était un défi à relever. Puis il te retournait la question, pour savoir ce qui avait changé dans ta vie ces derniers temps. « Bah écoute, j’ai emménagé avec ma copine » dis-tu avec un grand sourire aux lèvres, pensant à Leticia. C’était une grande étape pour toi, et tu étais très heureux en ce moment. Si tu pouvais mettre ta vie sur pause pour qu’elle s’arrête et profiter de l’instant, tu ferais ça maintenant. « C’est vrai qu’elle était très bonne, mais celle là fais très bien l’affaire » dis-tu en souriant, prenant une gorgée de ta bière à ton tour.

Ces derniers temps, j'étais partagé entre bonheur et désespoir. Ma carrière décollait et chaque jour j'avais de nouvelles propositions hyper intéressantes, mais lorsque je rentrais chez moi j'étais seul. Je ressassais ce qu'il se passait avec Kara - ou plutôt ce qu'il ne se passait pas -. Elle était dans ma vie depuis plus de 20 ans, il y avait toujours une petite attirance entre nous et pourtant jamais rien ne s'était jamais produit. Elle s'était mariée, avait eu une fille, et maintenant qu'elle était divorcée, que j'avais enfin une chance, je ne faisais rien. Tout le monde autour de moi se mettait en couple, faisait des bébés, et même Fede emménageait avec sa moitié. J'étais en retard sur le plus important... Mais ça ne m'empêcha pas de féliciter mon ami sur cette avancée exceptionnelle. J'étais content pour lui, vraiment, Leticia avait l'air d'être quelqu'un de bien.

Je buvais ma bière, attendant tranquillement que les steaks que faisaient griller Fede soient prêts. L'odeur qui s'échappait du barbecue était à tomber par terre, j'avais hâte de pouvoir y gouter. Pour patienter, je nous ouvris un paquet de chips et je m'assis à même le sol sous un arbre.  « Tu sais ce que tu as dit tout à l'heure à propos de collaborer... Je pense que c'est une super idée. Tu devrais passer à l'atelier dans la semaine. » Je ne dessinais que très rarement sur mes poteries, je préférais un style plus brut et naturel. Il y a quelques jours de ça j'avais fait des lapins sur un set pour Lia, mais il m'avait fallut des heures pour arriver à un résultat qui me plaisait. Ce n'était pas mon point fort. « Si ça se concrétise, je te laisserai me tatouer. »

Il n’y avait pas de meilleurs moments que de se retrouver avec un très bon pote et puis surtout de la bonne bouffe. Alors que ta copine faisait le tour des recherches d’emplois, tu t’étais évadé avec ton pote Asher le temps d’un repas pour que vous puissiez passer un petit moment ensemble. Tu lui avais avoué que tu avais emménagé avec ta petite amie, et ton ami te félicita. C’était un peu des félicitations amères, parce que tu savais qu’il avait toujours des petits problèmes avec l’amour. Et avec une femme en particulier. Mais tu ne voulais pas lui poser la question, parce qu’il n’avait peut-être pas envie de t’en parler. C’était à lui de te dire ce qu’il avait sur le coeur, pas à toi de fouiner dans sa vie sentimentale. Alors que tu continuais de faire bien griller vos steaks et vos légumes sur la grille du barbecue, ton ami était à côté, sous un arbre pour se cacher de la chaleur avec un paquet de chips. « J’suis beaucoup trop partant ! Ça serai trop un challenge pour moi de dessiner sur tes poteries ! » avouas-tu avec enthousiasme. Tu dessinais rarement autre que sur papier ou sur la peau des gens. Avoir cette opportunité, c’était vraiment chouette. Et puis tu pouvais bosser avec un ami en plus. « Parfait, je passerais alors ! » dis-tu avec un grand sourire. Les steaks étaient enfin bien cuits et tu les mettais tous les deux dans deux assiettes, une pour chacun avec quelques légumes. Les braises se consommeraient toutes seules avec le temps. Vous vous asseyiez sur la table de pique-nique à côté du barbecue, et tu prenais quelques gorgées de bières. Ca faisait vraiment du bien. « Te tatouer ? Genre tu me laisserais dessiner sur ta peau, mon pote ? » dis-tu en le charriant légèrement. Tu avais déjà essayé de le faire passer sous tes aiguilles mais ça n’avait jamais vraiment marché, il n’avait jamais voulu.

Fede allait emménager avec sa copine et j'étais sincèrement heureux pour lui. Cette dernière était également une amie à moi et elle était géniale, une fille vraiment gentille, honnête, avec qui j'avais vécu des moments inoubliables. Je les adorais tous les deux... Mais n'ayant pas la même chance qu'eux, j'invitais mon ami à parler d'une possible collaboration professionnelle. Je souhaitais qu'il vienne poser ses dessins sur mes poteries et ce n'était pas une mince affaire. J'étais très proche de mon travail, je ne laissais pas grand monde s'approcher de mes créations. Si je le proposais aussi spontanément au grand brun, c'était parce que je lui faisais confiance. « Je pourrais te donner quelques pièces pour que tu t'entraines sur la matière. »
Il nous avait servi et nous étions à présent installés sur la table de pic nique non loin. Tout était calme autour de nous, alors son étonnement/excitation lorsque je lui dit qu'il pourrait peut être me tatouer fit retourner quelques têtes. J'en rigolais, il se moquait de moi gentiment et je ne pouvais pas lui en vouloir, je me refusais à ses aiguilles depuis toujours. J'en avais une peur bleue.  Cependant j'étais à un tournant de ma vie ou j'allais devoir surmonter mes peurs, alors pourquoi pas commencer par celle là. « Oui je te laisserai faire, mais un tout petit truc. » Dis-je en le voyant très enthousiaste. « On avisera trait après trait, ok ? » Le client chiant... C'était moi. C'était la peur qui me bloquait et je me demandais depuis quand mes peurs avaient pris le dessus. Pourquoi ne pouvais-je pas les dépasser comme tout le monde, allait essayer et voir par moi même le résultat. Je passais peut être à côté de beaucoup de choses sans même m'en rendre compte. « Fin non, une promesse et une promesse, donc je te laisserais finir ce que tu as commencé. » J'avais les mains moites rien que d'en parler, c'était pathétique et pourtant très vrai. Je me serais fait tatouer bien plus tôt si je n'avais pas eu peur, je trouvais ça chouette sur le corps des autres. « A quel âge tu as fait ton premier ? » Demandais-je curieux.

C’était une bonne idée que de travailler main dans la main avec ton ami, Asher. Lui aussi, il était artiste, comme toi. Et entre artiste, il faut se serrer les coudes. Et l’idée de la collaboration lui plaisait bien. Toi aussi d’ailleurs, parce que ça te sortait de ta zone de confort. « Carrément, j’ai trop hâte d’essayer » dis-tu tout content. C’était pas la même texture qu’une feuille de papier ou de la peau mais c’était un défi à réaliser. Dans la semaine qui suit, tu passera à l’atelier de ton ami pour récupérer quelques pièces. Enfin, vous vous asseyiez pour manger après avoir cuit les steaks sur la grille du barbecue. Puis vous parliez tatouages. Tu rêvais de tatouer ton pote depuis des années mais il n’avait jamais voulu. Même au début quand tu avais besoin de peau pour t’entrainer. Ton enthousiasme était un peu trop fort, parce que plusieurs personnes s’étaient retournées. « Hé chochotte ! Si j’te tatoue c’est pas un carré de 1cm par 1cm » dis-tu en riant légèrement. Tu savais que ça lui faisait peur. Après tout, la douleur d’un tatouage fait peur à beaucoup de gens, la première fois. Après, on ne sent plus rien et on connait cette douleur qui ne change pas. Tu pris quelques bouchées de ta viande avant qu’il te dise qu’une promesse c’était sacré. « J’suis content d’entendre ça. Promis, j’te laisserai choisir le motif » dis-tu en tapant amicalement le dos de ton ami. Il te demandait ensuite quand tu avais fait ton premier tatouage. « Je crois que c’était avant que je parte d’Italie, avant mes études d’arts, à 18 ans. Mais c’était un pote qui essayait et il est pas fameux, j’l’ai fais recouvrir » dis-tu en riant légèrement. Une petite erreur de jeunesse, mais symbolique quand même.

Je proposais à Fede de mettre sa touche sur mes poteries, mais également sur mon corps malgré ma peur bleue des aiguilles.  C'était une idée folle qui me trainait dans la tête depuis quelques temps, car j'aimais beaucoup les réalisations de mon ami. Il était temps pour moi de me dépasser, de sortir de ma zone de confort. Puis, j'avais toujours trouvé très beau les tatouages en général, en avoir un allait me plaire... Après la phase où j'allais souffrir. « Un petit carré bien fait, ça peut être très beau. » Répondis-je à sa taquinerie bien qu'il n'ai pas tort. « Je réfléchirais à un motif et je te laisserai faire ta magie pour me l'imprimer sur la peau. » Elle était loin l'époque ou les décalcomanies suffisaient à être cool - si ce temps avait vraiment existé - . Je dégustais ce que nous avait préparé le jeune homme tout en écoutant les aventures de ce dernier. Il me faisait rire, il semblait être si détendu sur sa façon d'aborder la vie. Je l'enviais un peu. « C'est dommage, je ne pourrais pas voir ce chef d’œuvre. » J'aurais pourtant voulu voir ça... Me rassurer sur ce qui m'attendait.

« Ma question va peut être te paraitre complètement con, mais deux mois après une séparation, c'est trop tôt pour recommencer quelque chose, non ? » Cette question me taraudait. Forcément Kara revenait toujours au centre de mes conversations, j'étais obsédé par la brunette. Je n'avais jamais été avec quelqu'un plus de quelques mois parce que je l'attendais toujours elle. Je la voulais depuis toujours, mais le timing n'y était jamais. « Kara. Elle... C'est comme un steak, elle s’est bonifiée avec le temps, mais maintenant elle n'est plus dans ma gamme de tarif. » Ce n'était pas du tout la bonne analogie, mais en même temps j'étais incapable de décrire les choses autrement. Elle était intouchable, je n'étais pas du tout dans sa ligue.

« Arrête, chochotte ! » dis-tu en riant légèrement avant de prendre une énième gorgée de ta bière. Tu savais que ça allait être compliqué de lui faire une grosse pièce de tatouage mais tu allais essayer. Tu ne voulais pas forcer, mais tu savais qu’au fond de lui, il avait envie de sauter le pas. « Tant que tu me demandes pas d’écrire le nom d’une de tes conquêtes sur toi » dis-tu en lui faisant un clin d’oeil. C’est dans ton éthique de tatoueur, de refuser de tatouer des prénoms sur le corps des gens. Vous continuiez tous les deux à manger, l’odeur du barbecue était bien présente et ça faisait du bien. De la bonne bouffe et un bon pote, que demander de plus ? « Franchement, c’était vraiment pas un chef d’oeuvre. Une simple étoile un peu mal foutue avec des branches plus grandes et d’autre plus petites » dis-tu en riant. Non, ton premier tatouage n’était pas vraiment une réussite, et tu le savais. C’est d’ailleurs pour ça que tu l’avais recouvert, et toi même en plus vu qu’il était sur ta cuisse. La question qui suivait de la part de ton ami te faisait tiquer. Il avait vraiment besoin de parler de ses problèmes sentimentaux. Et tu étais là pour le faire. « Ca dépend de la personne et de tes sentiments pour elle » dis-tu en haussant les épaules. Tu savais que c’était délicat comme sujet et tu n’étais pas le meilleur des conseillers là dessus, parce que tu n’avais jamais vraiment eu ou donné de bons conseils. La comparaison de Kara et du steak te faisait sourire. « Oh, je vois » dis-tu en posant tes couverts sur la table, après avoir fini ton assiette. « Tu sais, man, t’es un bon steak toi aussi, doute pas de ça ! » dis-tu en lui faisant un sourire.

L'idée d'avoir des dizaines d'aiguilles dans ma peau me faisait terriblement peur, mais j'avais assez confiance en Fede pour le laisser me tatouer. Je plaisantais en surjouant ma peur, même si au fond de moi je savais  que s'il me proposait un design qui me plaisait vraiment, j'étais prêt à ravaler mes chochoterie et à le laisser exprimer son art sur ma peau. « La liste serait plus courte que tu ne le penses. » Lui répondis-je en riant. Je n'avais jamais été très bon quand il s'agissait de garder une femme à mes côtés, je m'attachais plus facilement à mes bêtes à poils. Ça aurait été mentir que de dire que ça ne me manquait pas un peu, mais avec le travail et la construction de ma maison, j'avais un peu perdu de vue ce détail de ma vie. C'était le retour de Kara dans le monde du célibat qui avait ravivé cette flamme en moi. « Y a toujours eu un truc entre elle et moi. » Ma façon de la comparer à un steak ne sembla pas perturber mon ami qui posa son assiette avant d'utiliser la même analogie pour me décrire. C'était agréable de pouvoir en discuter avec quelqu'un qui me répondait sincèrement sans pour autant essayer de m'influencer. Si j'étais un bon steak comme il me le disait, j'avais tout à gagner en tentant ma chance avec Kara... Je devais juste me lancer. Exactement la même rengaine que depuis notre adolescence. Ce n'était pas gagné. Tout comme pour les tatouages, c'était ma peur qui semblait me contrôler. « C'est bien la première fois que je réfléchis autant pour une fille. Surtout pour Kara. Je la connais depuis le lycée, ça devrait être simple, non ? » Et en même temps si nous avions eu besoin d'autant de temps pour réaliser que notre relation était plus que ce que nous pensions, il était surement normal de se poser beaucoup de question. « Je vais faire les choses dans l'ordre. Tu vas me tatouer et si je survis je lui parlerai de ce que je ressens. » Dis-je en rigolant pour détendre la situation.  

Ça te faisait rire de voir ton ami si paniqué à l’idée de se faire tatouer. Parce qu’avec son apparence de grand mec baraqué, on dirait pas que ce type à peur de quelque chose. Et tu lui affirmais que tu ne ferai pas la liste de ses conquêtes sur le bras. « Genre ? Asher Mellow le tombeur de ses dames. J’croyais que t’avais un sacré palmarès moi » dis-tu en riant avec ton ami. Ça t’étonnait un peu de savoir qu’il n’avait pas tant eu de relations que ça. Il a un sacré physique, c’est un beau garçon on va pas se le cacher. Mais il est un peu comme toi, il attends de se réserver pour être avec la bonne personne. Comme tu as fais avec Leticia. Et en parlant de conquête, ton ami te parlait de la fille qu'il avait toujours aimé, enfin c’est ce que tu penses. Quand il parlait d’elle comme un steak, la référence te faisait doucement rire mais tu comprenais. C’était plus facile d’y mettre les mots ainsi. « Tu la connais depuis longtemps ? » demandas-tu au blond. Après tout, vous vous connaissiez certes depuis un bail tous les deux, mais peut-être que Kara était proche de ton ami depuis bien plus longtemps. C’était fort probable. Il t’expliquait alors qu’il la connaissait depuis le lycée. « Justement tu la connais depuis le lycée, alors ça veut dire que tu la connais très bien voir même trop bien. C’est ça qui fait que c’est compliqué » dis-tu en mimant une grimace. Dans tous les cas, l’amour c’est jamais facile. Sinon ça se saurait, teh ! Tu ris à la phrase de ton ami avant de lui répondre. « J’te tatouerais pas son nom non plus, hein » dis-tu toujours en riant.

Le regard taquin de Fede finit par m'atteindre et je lâchais un petit rire lorsqu'il me dit qu'il pensait que j'avais eu plus de conquêtes que ça. Je n'étais pas aussi doué avec les femmes que tout le monde semblait le penser, j'étais gauche et le plus souvent inadapté. Il y avait aussi le fait que je n'avais jamais été capable de m'investir entièrement dans une relation. « Mon palmarès est assez limité. » Lui répondis-je. Il n'y avait qu'une femme que je voulais... Je me réservais. J'avais tendance à vite devenir le bon pote lorsque je tentais une relation avec une femme, car je n'avais pas naturellement cette fibre romantique. « Je pensais que c'était une force de la connaitre aussi bien... Je crois que ce qu'il me fait le plus peur, c'est d'imaginer si ça ne se passe pas bien entre elle et moi. » Partir à l'aventure, faire des conneries, ça oui j'étais capable de le faire, mais pour s'attacher émotionnellement c'était beaucoup plus compliqué.

« Je ne t'aurais jamais demandé ça. » Un prénom en tatouage n'était jamais une bonne idée. « J'imaginais plus quelque chose en rapport avec la poterie. » Après tout, c'était ma passion, mon gagne pain, j'aimais travailler cette terre de mes mains.

Ma première bière finit, mon assiette également, je me levais pour remettre quelques pièces de viande à cuire. Les barbecues avaient toujours eu un effet réconfortant pour moi, surement parce que j'en faisais beaucoup avec ma famille quand j'étais plus jeune. La famille, les amis, pour moi c'était un peu pareil. « C'est cool de se voir comme ça. C'est tranquille. T'as eu une bonne idée. » Je n'avais plus le nez dans le boulot, j'avais pu un peu parler de ce qui me tracassait et je me sentais à présent beaucoup plus détendu. J'étais libéré d'un poids.

Tu taquinais un peu ton ami, parce que tu voyais qu’il n’était pas à l’aise quand tu parlais de ses conquêtes et ça te faisait rire. Il n’avait pas un grand palmarès et il t’en faisait part un peu sur le ton de la confession, comme si tu ne devais rien dire par la suite. Et Kara revenait dans la conversation. Tu étais partisan d’une relation entre ces deux là, parce que tu les aimais beaucoup tous les deux. « Tu peux pas savoir tant que t’as pas essayé, fratello » dis-tu avec ton petit accent italien. T’étais le pire conseiller en question de relation sentimentale mais t’essayais d’aider ton ami comme tu le pouvais. « Team Kara/ Asher » dis-tu en tapant l’épaule de ton ami avec un léger rire. Par contre, tu lui avouais que jamais tu ne lui tatouerai le prénom de la jeune femme sur le bras. Quelle erreur de faire ça. Tu avais refusé de faire ça à ta petite amie il y a quelques semaines. Conviction de tatoueur. « J’espère » dis-tu avant de rire et de porter la bière à tes lèvres. « C’est une super idée ça, si t’as des idées hésites pas à m’envoyer un message » répondis-tu en faisant un clin d’oeil à ton ami. Le blond se levait pour mettre d’autres pièces de viande à cuire. Vous étiez vraiment deux estomacs sur pattes tous les deux. « J’avais besoin d’un break. Entre le boulot au bar et le tatouage, je sais plus où donner de la tête » dis-tu en confession à ton ami. Tu voulais arrêter le bar pour te consacrer à cent pour-cent dans le tatouage mais il fallait encore du temps, tu venais juste de t’installer avec ta petite amie et tu avais besoin d’argent pour le loyer.

L'idée de me faire tatouer se faisait sa petite place dans ma tête. Fede s'assurait que je ne voulais pas le prénom de Kara sur ma peau, mais je n'avais aucun mal à le rassurer sur ce fait. Je voulais un tatouage en rapport avec mon premier amour, la poterie. C'était un peu compliqué à poser sur la peau en étant esthétique, mais j'étais certain qu'avec nos deux esprits créatifs nous allions trouver quelque chose de sympa. Nous n'avions pas la pression du temps et ce tatouage allait être parfait.

Je m'étais levé pour remettre quelques morceaux de viandes sur le barbecue, remerciant mon ami pour cette pause, quand il m'avoua en avoir grandement besoin lui aussi. Je voulais bien le croire, il enchainait les services au bar et les tatouages... A sa place je n'aurais pas tenu le choc. « Tu penses pouvoir arrêter le bar bientôt ? » Demandais-je en sachant où l'intérêt de celui ci se plaçait principalement. Il était doué pour encrer la peau des gens, c'était un talent qu'il ne pouvait pas gâcher en ne l'utilisant pas. Mais je comprenais également qu'il y avait des contraintes économique, j'y étais passé quand j'étais plus jeune et que je débutais dans l'artisanat.

« Si tu as besoin d'un coup de main un jour, tu n'hésites pas. Je m'en sors pas trop mal pour le bricolage. » Lui proposais-je en pensant à un futur salon de tatouage.