Samba de Janeiro (Givio)

Livio qui lisait en Gigi comme un livre ouvert, pris rapidement la décision de l'éloigner de la maison. Seuls dans la voiture, l'italienne tremblait de rage. Comment la production avait pu lui faire ça? Ne se rendait-elle pas compte qu'il y avait des cicatrices qui ne se refermeront pas ? Petite fille, oui, elle avait espéré, ne serait-ce qu'un peu, de tendresse. Mais les jours, les mois, les années même, passèrent, et sa mère ne vint à aucune des rencontres organisées par l'aide sociale à l'enfance. L'enfant qu'elle était a donc dû se construire seule, au milieu d'autres enfants déchirés / traumatisés. Foyers, villages d'enfants, familles d'accueil, ce n'est qu'une fois majeure que Gigi se reprit en main. Le monde de la télé-réalité lui avait ouvert les portes de l'indépendance et ce fut qu'une fois qu'elle était médiatisée que sa mère reprit contact avec elle, non pas pour nouer des liens dans un premier temps, mais pour lui réclamer de l'argent. C'était pour ces raisons que Gigi, encore blessée, était furieuse.

La douceur dans la voix de Livio l'apaisait. Alors les mains sur son visage, elle éclata en sanglot. Peut-être qu'elle aurait réussi à se calmer si Ferrucio, le producteur, n'avait pas essayé de contacter Livio. Gigi se détacha de ses mains et ses traits de colère réapparaissait aussitôt. AH NON! Dis-lui que je l'emmerde, si il ne veut pas que je me casse, il a intérêt à me payer le double du contrat ET de couper cette scène sinon je lui fous un procès au cul! gronda Gigi qui, le visage dévastée de ses larmes, leva ses deux majeurs en direction du téléphone, comme si l'agent pouvait voir son geste.

Livio avait vu Gigi dans toutes ses émotions. Joyeuse, énervée, triste, provocatrice. L'italienne ne faisait jamais dans la demi-mesure. Mais là, quand elle fondit en larmes, qu'elle abaissait ses barrières face à lui, l'italien sentit son cœur se serrer. Il détestait la voir ainsi, si vulnérable. Il détestait l'idée que la production ait pu l'atteindre de la sorte, en jouant sur des traumatismes d'enfance pour faire le buzz à la télé. C'était inhumain. Et c'était tout ce qu'il détestait dans la télé-réalité. Il détestait ce voyeurisme. Un voyeurisme auquel il avait pourtant participé, les années précédentes, au profit de chèques avec quelques zéros. Il avait changé, Livio. Il aspirait désormais à davantage de sérénité. Il savait que c'était la dernière émission et tout le confortait dans cette idée-là. Sans doute cela allait-il être aussi la dernière émission de Gigi. C'était la goutte de trop. Ferrucio était allé beaucoup trop loin. Ferrucio qui, visiblement, n'avait pas compris la leçon puisqu'il essaya de les contacter par téléphone. Evidemment, Giulia sortit de ses gonds, allant jusqu'à sortir ses deux majeurs bien mérités mais qui firent sourire Livio. Qu'est-ce qu'il aimait quand elle se transformait en tornade. « Attends, je vais lui passer le message. » Il décrocha et mit le haut parleur. La voix de Ferrucio se fit entendre, leur demandant où ils étaient passés, s'il pouvait parler à Gigi. Sa voix était toute mielleuse, comme s'il savait qu'il était à deux doigts de perdre ses poules aux œufs d'or. « Oui, elle est à côté. Et non, elle ne veut pas te parler, Ferrucio. » dit Livio, avec assurance. « Ah si, elle voulait te dire quelque chose ! » Il jeta un œil à Giulia, sourire en coin, avant de reporter son attention sur la route. « Tu peux me répéter ce que je dois lui dire, Gigi ?! Ah oui, je m'en souviens. Elle m 'a dit qu'elle t'emmerdait. Et au vu de la situation, je pense que tu n'es pas en droit de répondre quoique ce soit. » Son ton s'était fait plus sec sur la fin de la phrase. « Ne nous attends pas. On rentrera demain. » Et il raccrocha, coupant la parole à Ferrucio qui avait commencé à répliquer. Cela ne valait pas la peine de l'écouter. Livio posa son téléphone et jeta un nouveau regard. « Allez, sèche tes larmes. Il n'en vaut pas la peine. Elle n'en vaut pas la peine. » Sa voix était empreinte de douceur. « On va te changer les idées. » conclut-il, prenant la direction du centre de Rio où ils tenteront de rattraper cette journée qui avait si mal commencé.

Fin