i'd rather die than have to live in a storm like before (tahlia & ciàran)

Juin 2021. De retour à Bowen pour quelques jours à peine, tu ressens toujours cette sensation étrange lorsque tu marches à travers ces rues et que tu revois ces maisons. Inconsciemment, tu évites de passer devant celle qui a été la tienne durant quelques années. Cette ville aura fait davantage de ravages sur toi que tu ne l'aurais jamais imaginé. Enfin, cette ville... Bowen n'est pas réellement responsable de la tempête émotionnelle qui s'est emparée de toi depuis de longs mois maintenant. Tu ne montres rien, comme à ton habitude, mais pour celui qui te connait réellement, il n'est pas difficile de déceler tes cernes et de voir cette étincelle éteinte dans tes yeux. Il n'y a que pour Gabriel que tu tiens le coup sinon tu serais déjà retombé dans de sales travers liés à la mafia. Si Aisling savait que tu étais là, elle se moquerait sans doute du grand Ciàran Adreani, en pleine peine de coeur. Tu n'aurais jamais imaginé pouvoir éprouver un tel sentiment mais il faut croire qu'en tombant amoureux de cette somptueuse australienne, elle est venue provoquer un énorme ras de marée dans ta vie et dans ton coeur. Coeur que tu ne pensais pas avoir, qui plus est. Enfin, façon de parler parce qu'évidemment que tu sais que tu possèdes un coeur comme tous les humains de ce monde. Bref, perdu dans tes pensées, tu mets un moment à réaliser que tu te trouves à proximité du dernier restaurant où vous êtes allés manger avec Tahlia. C'était avant sa fausse couche, quand tout semblait vous sourire et que vous filiez le parfait amour. Putain de conneries. Tu t'arrêtes un moment pour observer la bâtisse, éprouvant une certaine haine pour cet endroit qui a pourtant abrité de beaux moments avec la seule femme que tu aies jamais aimé. Et que tu aimeras jamais. Au moment de partir, en te retournant, tu tombes nez à nez avec celle que tu croyais être la femme de ta vie. Un sourire amer se dessine sur tes lèvres en prenant conscience qu'elle est de retour à Bowen quand toi, tu n'es quasiment plus capable d'y mettre les pieds. C'est pour cette raison, d'ailleurs, que tu règles les derniers soucis de paperasse afin de mettre un terme à ton travail ici et de partir une bonne fois pour toutes. « Quelle surprise. » Dis-tu, sans pouvoir cacher cette peine qui te serre le coeur à cet instant précis. Tu ne sais pas quoi lui dire, quoi faire, comment agir et être. Du temps est passé et pourtant, la peine de son départ est toujours aussi grande. « T'es de retour. » Constates-tu, détaché.

Elle était chez elle. Elle était entourée des gens qu'elle aimait plus que tout. Et pourtant, Tahlia errait, tentant de se raccrocher à ses repères qui lui suffisaient autrefois. Mais depuis sa fausse couche, depuis sa rupture avec Ciàran, il y avait ce vide qu'elle n'arrivait pas à combler. En revenant dans cette ville, elle avait espéré retrouver l'italien, revoir ses yeux si sombres, s'excuser auprès de lui et lui dire à quel point il était important pour elle. Mais elle avait trouvé la maison vide. Puis c'était son entrepôt qui s'était vidé peu à peu. Là-bas, on lui avait dit que Ciàran avait quitté Bowen et subitement, la cicatrice s'était rouverte de plus belle. Elle avait perdu ce petit bout qui venait de lui, mais elle avait aussi perdu une partie d'elle quand l'italien avait décidé de prendre cet avion qui l'amenait loin d'elle. C'était fini. Et c'était difficile à avaler.

Aujourd'hui, et alors que Thaïs était avec Carter, Tahlia avait décidé de prendre l'air, ne pouvant rester chez elle sans rien faire. Elle tournait en rond et se laissait aller à ses pensées désagréables, ce qu'elle ne cautionnait plus. L'esprit ailleurs, elle laissa ses pas la porter, sans avoir de direction précise. Mais en relevant ses yeux verts vers un bâtiment connu, vers ce restaurant qui avait connu leurs rires, leurs sourires charmeurs, leurs regards pétillants, elle sentit son coeur se serrer. Et le coup de grâce tomba quand elle vit une silhouette encore plus reconnaissable devant lui. Ciàran. Quand il se retourna vers elle, elle fut marquée par son regard cerné, par l'absence de son éternel rictus sur le bout des lèvres, par ses yeux si sombres qui avaient perdu toute leur lueur. C'était deux fantômes d'eux-mêmes qui se retrouvaient aujourd'hui. Elle avança jusqu'à lui, se pinçant les lèvres en entendant ses mots, en voyant cet air détaché qu'il imposait, tel une barrière entre eux. "Ce n'était pas prévu." commença-t-elle à dire, déviant son regard un instant. D'habitude, elle était frontale, Tahlia. Encore plus avec lui. Mais à cet instant, elle craignait tellement de voir la haine, la colère dans ses yeux qu'elle fuyait son regard. Elle croisa les bras contre elle dans une position de repli avant de le regarder de nouveau. "Et toi, tu es parti." souffla-t-elle, tentant de maîtriser sa voix qui ne demandait qu'à trembler. "Pourquoi ?" En partant de Bowen, elle avait cru bien faire. Elle avait préféré l'aimer de loin plutôt que de l'aimer bancale. Maintenant qu'il était parti, elle se rendait compte qu'elle avait fait une erreur. Elle avait tout perdu. Elle l'avait mérité.

Être chez toi, tu ne sais plus vraiment ce que c'est aujourd'hui. Le seul endroit où tu te sens à ta place, c'est auprès de ton fils. Mais le reste du temps, tu erres, toi aussi, sans savoir où aller. Tu as longtemps pensé que Bowen était ta maison mais finalement, lorsque la femme que tu aimais est partie, cette ville n'avait plus du tout la même saveur. Tout te ramenait à Tahlia, à votre histoire, à vous. C'était bien trop douloureux de rester. Et dans ta ville natale, en Italie, tu as l'impression d'être un parfait étranger. Peut-être est-il temps de trouver un autre pied-à-terre, totalement neutre, pour recommencer une toute nouvelle vie ? Malheureusement pour toi, la vie et le Destin ne semblent pas de cet avis alors qu'ils ramènent sur ta route l'un des fantômes de ton passé. Enfin passé, c'est un bien grand mot quand on sait que la jeune femme s'insinue dans tous tes rêves et dans la plupart de tes pensées quotidiennes. Tu n'as quasiment aucun moment de répit, te rappelant sans cesse de la douleur que ça a été de la perdre et de perdre votre bébé. « Non, j'ai bien compris que tu n'avais plus l'intention de vivre à Bowen. » Dis-tu plus froidement que tu ne le voudrais. C'est plus fort que toi, tu lui en veux pour son départ. Pour n'avoir laissé aucune chance à votre couple, à votre histoire. Et à toi. Parce que quelque part, en partant, ça signifiait, aussi, que Tahlia ne croyait pas en toi et en ta force de caractère pour l'aider à se relever. Alors tu es parti puisque tu n'avais plus aucune envie de rester ni aucun intérêt. Ton entreprise peut totalement continuer partout ailleurs, dans le monde entier, mais toi, tu ne pouvais pas continuer à vivre ici. « Pourquoi ? » Demandes-tu avec ton éternel rictus au coin des lèvres. Pourquoi ?! Sérieusement ? Tu ne comprends pas comment elle peut te poser cette question alors que la réponse semble tellement logique. « Parce que tu es partie. Tu m'as laissé. » Expliques-tu, les sourcils froncés et les mains dans les poches. Tu tentes de rester détaché mais c'est compliqué quand la rancoeur émane de tout ton corps et que, pourtant, ton coeur bat encore la chamade pour cette brune. Elle t'a envoûté, complètement, et tu n'es pas prêt de l'oublier. Tu le sais, tu le sens. Pourtant, il le faut. « Tu ne m'as laissé aucune chance. » Ni à votre couple mais c'est surtout le fait qu'elle n'ait pas cru en toi qui t'atteint le plus. C'est douloureux et tu ne peux pas t'empêcher de te demander sans cesse, pourquoi ?

Quand elle se souvenait des derniers mois, elle avait l'impression que tout était irréel. La douleur terrible ressentie le matin, les médecins autour d'elle qui lui disaient qu'il n'y avait plus rien à faire pour le bébé, le choc, la froideur envers son entourage, envers Ciàran. La dispute. Des mots difficiles lancés sous le coup de la tristesse. Puis les valises faites à la va-vite, sans vraiment réfléchir, avec la simple envie de partir loin, très loin pour ne pas affronter les regards. Puis il y avait eu le réveil, ce moment durant lequel Tahlia s'était rendue compte de ce qu'elle avait fait. C'était à ce moment-là que les regrets étaient arrivés, qu'elle s'était pris un revers, que son cœur s'était brisé en mille morceaux. Et là, face à Ciàran, il s'effritait encore plus. Sa froideur était pire que tout. Elle aurait préféré qu'il lui hurle dessus, qu'il l'ignore. Voir son regard empreint de déception, c'était la pire punition. « Ce n'est pas ça... » Elle avait voulu revenir à Bowen, mais les heures s'étaient transformés en jours, puis en semaines et en mois. Elle s'était dégonflée. En revanche, elle n'aurait pas pensé que Ciàran serait parti, lui aussi. Enfin, si, elle s'en était doutée. Mais elle avait préféré ne pas penser à cette éventualité, pour ne pas remuer le couteau dans la plaie. Elle était partie pour ne pas le faire souffrir davantage. Savoir qu'il était parti lui aussi aurait renvoyé cet échec dans sa figure. Elle avait fait tout cela pour rien. Elle avait tout gâché. Toute seule. Et Ciàran n'hésita pas à mettre le doigt sur ce qui faisait mal. Parce que tu es partie. Tu m'as laissé. Elle resta muette, sachant pertinemment qu'elle n'était pas en droit de répondre quoique ce soit. Elle était la seule fautive dans l'histoire. Pourtant, en entendant sa dernière phrase, elle secoua la tête. « Non. C'est à moi que je n'ai laissé aucune chance. » Elle releva ses yeux verts vers lui, les larmes au bord des yeux. « J'ai eu peur... Peur que tu m'en veuilles. C'est stupide, je sais, mais ça me collait à la peau. J'ai eu honte d'avoir été incapable de te donner cet enfant qui te rendait si heureux. » Elle déglutit difficilement. C'était la première fois qu'elle évoquait aussi clairement ce qu'elle avait sur le cœur. Ce n'était qu'avec lui qu'elle pouvait le faire. « Ce n'était pas un manque de confiance envers toi, loin de là. Mais j'avais peur de ne plus être suffisamment solide, de ne pas réussir à passer au-dessus de cette épreuve, de plus être celle que tu aimais. Sur le coup, j'ai cru que partir, c'était te redonner une chance d'être heureux, ailleurs. » Elle s'arrêta un instant, resserrant ses bras autour d'elle, réprimant ces frissons qui s'emparaient d'elle à chaque vague d'émotions qui la traversait. « J'ai regretté. Dès l'instant où j'ai mis le pied dans l'autre ville, j'ai regretté. » Tahlia l'avait toujours dit : la pire ennemie qu'elle avait, c'était elle-même. Et aujourd'hui, cette pire ennemie lui avait retiré ce qu'elle avait de plus précieux : Ciàran, Gabriel, leur bébé, leur vie de famille, leur amour...