j'ai une comptine en tête, ça commence par "promenons-nous dans les bois" [alyss]

Fin d'après-midi, le soleil encore chaud sur sa peau, jouant à cache-cache entre les cieux boisés. La fraîcheur de la canopée qui s'entremêle, insistante, invitante. L'odeur, riche, de la terre, qui remonte, vient chatouiller son nez. Le vent qui siffle doucement à ses oreilles, embrasse les feuilles de son souffle chaud, les fait virevolter, lentement, presque délicatement. Elles viennent s'éteindre sous ses roues, frémissantes, joignant les gémissements des branches qui craquent sous le poids du fer, de la chair. Le fredonnement des oiseaux qui accompagne la complainte entêtante de la forêt, la fait tournoyer, vivre et mourir au rythme de leurs envies. Et Camille. Camille, une chanson au bout des lèvres, un sourire rêveur au visage, les yeux qui s'attachent à chaque détail, chaque couleur, chaque ombre.

Il avait très peu eu l'occasion de s'imprégner de la nature jusqu'ici, et depuis qu'il était à Bowen, il profitait de chaque opportunité qui lui était donnée pour découvrir un peu plus cette évidence qui lui avait été jusqu'ici niée. Aujourd'hui il s'était engagé à vélo dans la forêt de l'eastern district, désireux de goûter à la fraîcheur boisée qui lui avait été vantée. Il aurait dû se méfier de ses souhaits, ou peut-être faire plus attention à où il mettait les roues. Toujours est-il que son vœu fût exaucé, de manière assez littérale puisqu'il s'est ramassé en plein milieu de la forêt.

Goût de terre dans la bouche, le nez, la peau qui gratte. Grognement. Douleur. Douleur lancinante dans sa cheville gauche. Le cœur au bord des lèvres, elle tâte la peau déjà rougie. Soupire. Rien de cassé, sûrement foulé. Regards éperdus. Elle avait buté contre une branche plus tenace que les autres et avait basculé dans un petit ravin. Son vélo gisait un peu plus loin. En grimaçant, elle se traîna jusqu'au panier qui y trônait, ignorant sa cheville récalcitrante. Premier réflexe de survie, appeler les secours. Problème : la beauté de la forêt n'avait d'égale que son absence cruelle  de réseau téléphonique. Se résignant à rentrer à cloche-pied jusque chez elle, Camille s'accorda quelques secondes pour respirer et évaluer son état. Elle avait toujours de la terre sur le visage. Et les mains. Les bras. Un peu partout en fait. Des brindilles collées sur sa peau, emmêlées dans ses cheveux. Quelques égratignures si elle se fiait à la sensation de picotement, désormais familière, qui brûlait doucement ses joues et ses avant-bras.

Il passa une main dans ses cheveux. Dans quelques heures il en rirait sûrement. En attendant, il observait avec appréhension le chemin qu'il lui faudrait parcourir avant la tombée de la nuit.