The Kiwi disaster → Kara Robbins

J'avais encore du mal à reparler du jour ou Kara m'avait envoyé un message pour me dire qu'elle s'était fait tirer dessus. Je me souvenais de l'angoisse oppressante que j'avais ressenti, des 180km/h sur mon compteur pour aller la rejoindre à l'hôpital, des messages de plus en plus pressants que je lui avais envoyé... Je l'avais retrouvé complètement shootée par les médicaments, bien prise en charge, mais blessée. Puis j'avais du l'abandonner pour aller récupérer Cali chez Romy. Les premiers jours avec la petite avait été compliqué, elle réclamait sa mère et n'avait pas réussi à beaucoup dormir. Je m'étais retrouvé impuissant, incapable de lui apporter le réconfort dont elle avait besoin. Malgré nos visites à Kara, elle n'allait pas bien, alors j'avais sauté de joie en apprenant que ma brunette pouvait sortir de l'hôpital. Nous avions été la chercher et j'avais gardé mes quartiers sur son canapé. Ça devait faire deux bonnes semaines que l'on vivait sous le même toit, tout se passait pour le mieux, Kara allait mieux et Cali aussi. Je restais pour aider, pour ne pas les laisser seules... Parce que je n'avais plus envie de partir.

Ce matin là, en ouvrant les yeux, j'entendis du bruit dans la cuisine. Réalisant que j'avais du louper mon réveil, je me redressais sur le canapé en panique. Le temps que mes yeux s'adaptent à la lumière ambiante, je vis que les deux femmes étaient déjà en cuisine. Un peu mal à l'aise d'être présent, mais de ne pas avoir aider la brunette avec sa fille, je me fis discret en allant vers elles. En plus je ne portais qu'un boxer et un tee shirt car il avait fait une chaleur à crever durant la nuit, alors il n'y avait pas beaucoup de place pour l'imagination... Je ne leur servais plus à rien, je le sentais, j'allais bientôt devoir retourner chez moi et reprendre le boulot. Je n'en avais aucunement envie.

« Hey... Qu'est ce que vous préparez de bon ? »

Tu ne savais pas trop ce qui s’était passé ce jour-là. En fait, tu t’en souviens. Tu te souviens de Love, de ce qui s’était passé jusqu’au moment où tu t’étais évanouie. Puis, arrivée à l’hôpital… T’étais sur les médicaments, un peu délirante. Romy était allée s’occuper de ta fille, la proximité avait facilité les choses. Toi, t’avais besoin d’Asher à ce moment précis. T’avais presque perdu la vie d’une certaine façon, et tu voulais l’avoir à tes côtés. T’avais passé quelques jours à l’hôpital, tu avais reçu quelques visites aussi. Ça t’avait fait du bien de voir des gens. Les fleurs aussi t’avaient fait du bien. Tu avais bien récupéré à l’hôpital et on estimait que le retour à la maison allait bien se faire puisque pour eux, tu étais accompagnée. Asher était omni présent et ça aidait à la situation. Ça faisait un bon deux semaines que tu récupérais. Tu dormais beaucoup, tu espérais que ton corps se soigne de par lui-même. Tu avais des rendez-vous médicaux fréquents, mais tu vivais avec, somme toute.

Ce matin-là, tu t’étais réveillée en premier. Ce n’était pas arrivé depuis belle lurette maintenant. Ça t’avait fait du bien de te réveiller avec le soleil. Tu ne cognais plus des clous, t’étais en pleine forme. Comme si miraculeusement, après deux semaines, tout s’était placé. Tu étais allée chercher Cali dans sa chambre et tu lui avais promis des fruits pour déjeuner avec ses céréales préférées. Tu t’affairais donc en cuisine en lui coupant des ananas, des fraises, des pêches et t’avais décidé qu’aujourd’hui était le grand jour : ta fille allait essayer le kiwi! Tu t’empiffrais toi-même de kiwis. C’était si bon, si frais. Asher arrivait à ce moment précis. « Hey! » Que tu lui dis avec une voix claire. Tu remarques son membre bien présent. « Bon matin. » Que tu lui dis avec un sourire en coin, clairement amusée par la situation. « Des céréales et des fruits. Cali va essayer le kiwi aujourd’hui! » Que tu t’exclames joyeusement. « T’en fais pas, j’t’ai fait un bol avant sans kiwi. » Tu lui adresses un clin d’œil. Tu connais ton meilleur ami mieux que personne. « Est-ce que t’aurais envie de faire des pancakes? » Que tu lui demandes, gourmande à souhait.

En général, j'essayais de me lever avant les filles pour avoir le temps de préparer le petit déjeuner et les affaires de Cali, je faisais un peu de ménage et je m'assurais que tout était prêt pour les rendez vous médicaux de Kara. Ce matin, je ne savais pas ce qui m'était arrivé, j'avais dormi et en ouvrant les yeux, elles étaient déjà à l’œuvre. Je n'avais plus qu'à les rejoindre.

Kara ne manqua pas de me déshabiller des yeux et un peu mal à l'aise, je tirais sur mon tee shirt pour me cacher. Après la nuit que l'on avait passé ensemble, elle savait l'effet qu'elle avait sur moi, pourtant elle continuait à me charmer. C'était une torture que j'avais de plus en plus de mal à gérer. Bien décidé à lui accorder le temps qu'elle m'avait demandé, je me rapprochais de Cali pour voir ce qu'elle avait à manger devant elle. Des céréales et une coupelle de fruits déjà bien remplie. Ça avait l'air super bon et je ne pus m'empêcher de chopper quelques morceaux de fruits et de les lancer en l'air pour les rattraper avec ma bouche, vite suivi d'un faux mouvement de kung fu comme dans le film que l'on avait regardé la veille, Kung fu panda. J'étais un Po, juste un peu mieux gaulé. En tout cas, vu l'éclat de rire que j'avais déclenché chez la petite, mon petit sketch lui avait beaucoup plu. Je vins la couvrir de bisous et son rire reparti de plus belle. Cali était la fille que j'aurais aimé avoir avec Kara, elle était la joie de vivre à l'état pur, son sourire et ses mimiques me comblaient de bonheur... Je l'aimais tellement que ça faisait parfois mal de me dire que je n'étais pas son père, et que celui ci l'avait abandonné comme ça.

« Tu sais, c'est peut être aussi un bon jour pour moi d'essayer le kiwi. J'ai jamais gouté et ce n'est pas parce que les trois quarts de ma famille y est allergique que je le serais aussi. Je vais peut être être le chanceux qui peut en manger. Le survivor des Mellow. » Dis-je en contournant le comptoir pour récupérer la coupelle de fruit qu'elle m'avait préparé.  « Merci. » Je remarquais à cet instant là que Kara portait un de mes boxers. Ces derniers disparaissaient mystérieusement depuis que je vivais ici - je m'étais dit que c'était parce que je ne les rangeais pas bien, mais apparemment quelqu'un me les volait... L'élastique noir dépassait de son bas de pyjama et je me tâtais à aller lui faire remarquer quand elle me demanda de faire des pancakes. « Tu es affamée ou quoi ? On va encore avoir de quoi nourrir une armée. » Mais je ne pouvais pas lui refuser des pancakes. Je ne pouvais rien lui refuser. Alors je me mis à préparer la pâte à pancake et même si sa cuisine était de taille correcte, je n'arrêtais pas de passer à côté d'elle. Je finis par mettre le bol devant elle pour venir mélanger en étant collé contre son dos. Je jouais avec le feu.  « Je sais que tu aimes mes vêtements, mais je pense qu'on est d'accord tous les deux sur ce point... Tu es bien plus sexy avec de la dentelle. » Murmurais-je à son oreille, la mettant ainsi au courant que j'avais remarqué le vol de boxer.

Il était toujours réveillé avant toi. Il faisait le petit déjeuner, Cali était souvent habillée et toi, tu ronflais encore. Encore heureux que tes rendez-vous étaient lors de l’après-midi tant tu dormais! Contrairement à ce que tu pensais, depuis que vous aviez couché ensemble, vous vous dévoriez des yeux. Toi la première. Ton cœur battait si vite en sa présence, c’était presque inhumain. L’homme semblait gêné alors que toi, tu souriais simplement. Tu riais doucement à voir Asher attraper des fruits avec sa bouche. Tu secouais la tête en te disant qu’il serait toujours un grand gamin.

Tu hoches la tête positivement. « Le survivor! » Que tu renchéris avec un sourire. « On a des médicaments pour les allergies si jamais. » Que tu lui glisses avec un clin d’œil. Pour Cali, tu doutais fortement qu’elle réagisse si ce n’était qu’en gloussant. C’était si bon, le kiwi. « Oui, je suis affamée! » Que tu lui glissais avec des yeux de petit chien. « Je t’en priiiie, des pancakes! » Que je lui demande avec un sourire. Il se mettait à l’ouvrage, ce qui t’arrachait un sourire. Il se collait contre toi et tu souriais malgré toi. Tu l’écoutais et tu frissonnais en entendant sa voix. « On est d’accord, mais tes sous-vêtements sont plus confortables. » Tu portais ses sous-vêtements depuis quelques temps. Ça simplifiait, t’avais l’impression d’être en short. Tu te retournais vers lui, tu attrapais sa nuque avec tes mains comme pour l’enlacer sans le faire. « Admets que j’suis sexy peu importe ce que je porte… » Et tu t’approches de son oreille. « Ou pas. » T’allais t’amuser un peu avec Asher. T’avais une étincelle d’amusement dans les yeux. Tu te retournes vers Cali qui est toute rouge. « Cali!!!! » Que tu t’exclames les yeux ronds, tu accours vers elle. Tu la faisais cracher les morceaux de kiwi, tu y croyais pas.

Depuis que j'avais couché avec Kara, quelque chose avait changé entre nous. Elle semblait plus ouverte à mon désir, elle me laissait la dévorer des yeux et n'hésitait jamais à me provoquer gentiment. Notre dynamique était différente, nous étions plus proche d'un couple, sans pour autant l'être, mais ça nous allait bien. Nous ne nous posions pas trop de questions, car notre relation avait enfin avancé, sans pour autant dépasser ce stade que nous ne voulions pas encore. Alors flirter avec elle en faisant des pancakes faisait parti de notre nouveau normal, parler de ses sous vêtement alors qu'elle avait ses bras autour de mon cou l'était également. J'avais chaud et il m'était difficile de réfléchir clairement, mais j'étais heureux. « J'ai une préférence pour quand tu n'en portes pas. » Avouais-je en ayant des flashs de notre nuit de folie. Elle était toujours aussi sexy à mes yeux, habillée ou non... « Je vais donc me faire un plaisir de récupérer mon boxer tout à l'heure. » Je n'en avais plus, et je n'allais pas mettre ses sous vêtements à elle.

Kara finit par se tourner vers sa fille et je fis de même, c'est à ce moment là que nous avons réalisé que quelque chose n'allait pas avec elle. Elle était toute rouge et ses yeux commençaient à gonfler. C'était le kiwi... En moins d'une seconde nous étions à ses côtés. La brunette lui faisait cracher les morceaux de kiwis et j'essayais d'écarter toute trace du fruit du périmètre autour d'elle. Le contact du kiwi sur ma peau me brula instantanément, mais je passais à travers car Cali était celle qui avait besoin d'aide. Elle faisait une grave réaction allergique et j'avais l'impression de revoir ma petite sœur au même âge. « On devrait appeler les secours. Elle est en train de gonfler. » Ma sœur avait failli y passer à l'époque et je ne voulais pas d'un scénario catastrophe pour la petite fille. Alors sans attendre l'approbation de la brunette, j'appelais les secours en leur expliquant la situation, essayant tant bien que mal de ne pas paniquer complètement. Cali était toute rouge, les yeux enflés, la respiration de plus en plus sifflante. Les minutes paraissaient interminables. Mes mains étaient à peu près comme son visage, je commençais à avoir des cloques, mais je ne ressentais aucune douleur, j'étais dans un stress intense - un peu comme quand j'avais été à l'hôpital pour retrouver Kara il y a quelques semaines de ça -. « Cali, faut que tu restes avec nous bébé. » Lui dis-je en la voyant de plus en plus faible.

Quelque chose avait changé entre vous. Tu lui avais refusé une relation, parce que tu n’étais pas prête. Parce que tu voulais éliminer chaque parcelle de Myles dans ta tête et dans ton cœur. Sans éliminer Cali, parce qu’elle était de lui, après tout… En attendant, Asher et moi, on se dévorait des yeux. On se tentait mutuellement et c’était difficile de ne pas céder. Tu voulais être certaine d’être avec lui pour les bonnes raisons et pas qu’il ne s’agisse d’un rebound. Tu ne supporterais pas de perdre ton meilleur ami. Alors que t’étais pendue à son cou, tu esquissais un petit sourire. Tu te penchais vers son oreille en lui susurrant : « Qui sait, peut-être que j’te laisserai le récupérer toi-même. » Tu lui adressais un clin d’œil accompagné d’un sourire coquin. Il avait été le meilleur coup de ta vie, tu étais prête à retenter l’expérience. Enfin, d’une certaine façon…

Le satané kiwi. Tu grognais malgré toi et tu te rapprochais d’elle en tentant de la faire cracher voir vomir ce qu’elle venait d’avaler. L’enfant était déjà en train de pleurer. « On appelle les secours! » Dis-tu sans t’effectuer… T’étais scandalisée de voir ta fille ainsi. Tu paniquais. T’étais jamais très douée dans ce genre de situation. Tu allais chercher de la glace dans le congélateur pour tenter de faire disparaitre le rouge, sans grand succès. « Attends, j’ai un truc pour les allergies! » Que tu dis en paniquant. Tu cours dans la salle de bain, tu fous le bordel dans la pharmacie en le cherchant. Tu avais acheté ce truc en te disant que tu en aurais jamais besoin, mais il semblerait que si… « Où est-ce qu’il est. » dis-tu en angoissant puis en le trouvant finalement. Tu l’attrapes en regardant la date d’expiration. Tout est bon. Tu attrapes une seringue de plastique pour lui administrer le médicament rapidement en attendant les prochaines instructions des urgences. « Cali, bébé, maman est là. » que tu souffles, paniquée. T’espérais qu’elle dégonfle, qu’elle respire un peu mieux et surtout que sa teinte rouge lui passe. « On doit aller aux urgences? » Que tu demandes à Asher puis tu remarques sa main. « Ash… Ta main. » Que tu souffles. Tu repars à la quête d’une serviette que tu remplis d’eau froide pour la mettre sur sa main. « Oh Asher, j’suis tellement désolée. » Que tu lui dis, tremblante, les larmes te montant aux yeux. T’avais été stupide de vouloir que ta fille mange du kiwi… Encore plus qu’Asher y touche. Tu regardes Cali en attendant les prochaines indications en caressant sa tête trop chaude. « On va aux urgences. » Que tu souffles finalement, sûre de toi. Tu attrapes les clés de ton ami, tu prends Cali dans tes bras, tu tires Asher vers toi. Quelques instants plus tard, t’embarques dans la voiture d’Asher en te rappelant l’importance de t’acheter une nouvelle voiture. Tu mets Cali sur Ash qui est du côté passager. Tant pis pour les amendes salées, t’allais gérer ça plus tard. Le pied sur l’accélérateur, tu allais les sortir tous les deux de ce satané pétrin.

C'était la panique totale, car Cali faisait une réaction allergique sévère au kiwi. Bien qu'en stress, Kara avait trouvé un médicament destiné aux allergies, mais je n'y croyais pas trop. Elle avait besoin d'un épipen et rapidement. Alors d'un commun accord nous décidions de ne pas attendre les secours et de partir aux urgences par nous même. C'était surement une très mauvaise idée, mais l'angoisse de perdre la petite nous guidait. Nous étions incapable de réfléchir posément et aucune de nos décisions n'étaient rationnelles. Mais heureusement pour nous, avant même que la voiture ai pu sortir de l'allée, une ambulance se garait devant chez Kara. Je n'attendis pas qu'elle arrête la voiture pour bondir hors de celle ci et de foncer vers les secouristes qui sortaient déjà de leur véhicule. Ils me la prirent des bras pour la poser sur le brancard en me posant tout un tas de questions auxquelles je n'avais pas les réponses. « Je ne sais pas, je ne suis pas le papa. » Répondis-je défait. Kara mettait un peu plus de temps à nous rejoindre avec sa blessure à la jambe et je partis la chercher, l'aidant à boitiller pour rejoindre sa fille. « C'est une allergie au kiwi. » Cali semblait respirer un peu mieux, mais son état m'inquiétait toujours. J'avais envie de la rejoindre et de lui dire des mots rassurants, mais à trois à l'arrière de l'ambulance la place manquait déjà. Les portes se refermèrent et ils partirent en trombe vers l'hôpital le plus proche. Pendant quelques secondes je restais vidé avant de me reprendre et d'aller prendre la voiture pour les suivre. Mes mains sur le volant me rappelèrent que moi aussi j'en avais pris pour mon grade. Je n'étais pas un survivor comme on en plaisantait un peu plus tôt. La douleur était lancinante, mais ça ne m'empêchait pas de rouler à toute allure dans les rues de Bowen. Seulement en arrivant il n'y avait aucune trace de Cali ou de Kara, alors sans aucune rancune je me dirigeais vers l'accueil prêt à raconter le plus gros mensonge de l'univers. « Ma fille a été emmené ici, elle a fait une réaction allergique. Je veux la voir ! » C'était peut être le ton désespéré dans ma voix ou les quelques larmes dans mes yeux qui firent craquer la femme à l’accueil, et la minute suivante je retrouvais mes deux femmes. « Comment va-t-elle ? » Dis-je en posant un bisou sur le front de la petite qui dormait à présent.

« Je suis désolé. »

T’avais peut-être ralenti le processus, mais tu ne voulais pas courir de risques. Ta fille, c’est ce que tu as de plus précieux dans tout l’univers. Asher tendait Cali aux ambulanciers et tu t’apaisais. Tu rejoignais la tribu quelques instants plus tard en boîtant, t’étais toi-même mal en point… Tu tentais de répondre aux questions rapidement. Tu embarquais dans l’ambulance avec difficulté, auprès de ta fille et des professionnels. L’ambulance vous donnait priorité, l’âge de Cali aidait également. Tu tentais d’aller rapidement, mais tu te faisais mal. T’étais persuadée que ta plaie s’était réouverte, mais ce n’était pas toi qui importait en ce moment : c’était ta fille. Les professionnels lui administraient de l’épinéphrine puis le bon médicament et ta fille avait été très excitée pendant un moment, l’adrénaline sans doute. T’étais plus calme en découvrant qu’elle vivait et qu’elle respirait mieux et qu’elle parlait. Elle s’était toutefois assoupie après un moment, brûlée par ce qu’elle venait de vivre. Finalement, tu t’installais sur la chaise inconfortable de l’hôpital en réalisant que toi aussi, t’avais saigné pas mal. Ça se voyait au travers du pansement et même de ton pyjama. « Eh merde. » Que tu te dis plus pour toi que pour quiconque.

Asher apparaissait à la porte et t’avais jamais été aussi contente de le voir. Tu te précipitais à son cou et tu l’étreignais. Tu l’embrassais sur la bouche sans te rendre compte de ton geste et tu te décalais pour le laisser aller voir Cali. « Elle va bien. Il lui ont administré de l’épinéphrine avec un autre truc dont j’me souviens plus le nom. Elle a eu un moment d’adrénaline puis elle s’est assoupie doucement, dans mes bras. » Tu te relâches doucement, tu passes ta main dans tes cheveux. Tu réalises que t’as l’air de rien, t’as un pyjama tâché de sang, un bandage qui ne tient plus trop la route et tes médicaments ne font sans doute plus effet puisque t’as mal. « Ta main, Ash. » Que tu souffles en la retournant vers toi. « Il faut qu’un médecin ou une infirmière te soigne. »

Tu boîtes vers la porte en cherchant une infirmière qui t’aperçoit finalement. Elle entre dans la chambre et tu pointes la main d’Asher. « Il a fait une réaction allergique, lui aussi… » Lui aussi. Elle aussi. Voilà, ça te frappait maintenant. T’avais la bouche grande ouverte, ta main se rapprochait de ta bouche. « Oh mon Dieu. » Ça s’était passé une fois. Une seule fois. Asher et toi aviez couché ensemble il y a de cela quelques années, bien avant vos récentes folies… Et si… Non, c’était impossible… Et si… Non. Et si… c’était possible? Tu mets ça sur le compte de ta jambe. « Si vous avez la chance, j’ai un peu de douleur à la cuisse. » que tu dis. Tu réalisais que tu perdais pas mal de sang à ton tour et tu te sentais un peu étourdie. Tu t’assoyais pour mieux te ressaisir. Bordel. Trop de trucs à la fois.

La journée avait pris un faux départ. Cali, la prunelle de mes yeux, avait fait une réaction allergique au kiwi et avait du être transporté en urgence à l'hôpital. Je n'avais pas été assez rapide pour la suivre et j'arrivais après la bataille dans le box où elle avait été installé. Kara me sauta dessus pour m'embrasser - et à n'importe quel autre moment j'aurais été un homme comblé -, mais mon regard n'arrivait pas à quitter la petite fille. Elle était encore un peu rouge, sa respiration semblait plus calme... Elle était apaisée. Je pouvais enfin respirer, rassuré de voir que ça allait aller.

« Kara, c'est rien, laisse tomber. » Lui dis-je alors qu'elle voulait que je me fasse voir par un soignant. Ce que j'avais pouvais attendre, j'étais encore capable de gérer la douleur et l'inconfort. Mais elle y tenait et elle alpagua une infirmière qui passait par là, et c'est à cet instant que je vis le sang sur son pantalon. Je réalisais alors que sa blessure s'était probablement ré ouverte. « Vient t'assoir. » Je ne lui laissais pas le choix, et après lui avoir retiré son bas de pyjama, je la faisais s'assoir pour qu'on l'examine. Un point semblait avoir sauté et le pansement ne tenait plus, ce que l'infirmière réussit assez rapidement à régler, mais Kara continuait de répéter "oh mon dieu" en boucle, le regard perdu dans le vide. Je n'avais pas la moindre idée de pourquoi elle était dans cet état de choc. J'étais en effet bien loin de penser à ce qu'elle pensait... Car pour moi notre première fois remontait à quelques semaines, pas années. Je ne me souvenais tout bonnement pas de la première fois où j'avais fait l'amour à Kara. « Qu'est ce qu'il y a my love ? » Inconsciemment nous étions plus proche l'un de l'autre, nous avions besoin de cette tendresse pour supporter le stress. « Ça arrive d'être allergique comme ça. On le saura pour la prochaine fois, on va faire attention. Ca va aller, je te le promets. »

Nous étions une famille de blessés.

Une réaction allergique au kiwi, ce qu’Asher avait fait lui aussi… Ça ne laissait plus beaucoup de place à l’imagination dans ta tête. Tu te souviens d’une fois, d’une seule fois où vous vous étiez cédés l’un à l’autre. Enfin, moyennement, parce que tu t’étais promis de l’oublier. Parce que tu avais trompé ton mari, cette fois-là. T’avais voulu l’oublier, parce que t’étais tombée enceinte peu de temps après, de ce que tu croyais être Myles le père. Il était tellement un père indigne que tu aurais préféré que ce soit d’Asher à ce moment précis. Mais aujourd’hui, ton souhait se réalisait peut-être… Cali était-elle la fille biologique d’Asher? Tu angoissais à cette simple idée. Ton meilleur ami allait sans doute t’en vouloir… Et Cali, elle? Est-ce qu’elle t’en voudrait pour le reste de vos vies respectives?

Tu avais déballé tout ce que tu savais puis t’avais vu sa main. Lui, il avait vu ton sang, encore. Il t’imposait d’aller t’asseoir. Il t’aidait à retirer ton bas de pyjama et toi t’étais en transe en réalisant tout ce que ça impliquait que Cali soit la fille d’Asher. Tu te souvenais de ces moments où vous étiez allongés dans ton lit et que vous caressiez ton énorme ventre dans l’attente de la prunelle de tes yeux. On te questionnait et tu revenais dans le moment présent. Tu le regardais. « Je… Je suis tracassée. » que tu lui dis finalement. Il tente de te rassurer, comme il a toujours fait. Tu hoches la tête simplement. « Merci. » Que tu lui souffles doucement alors que l’infirmière s’affaire à te refaire tes points. Tu ne la regardes pas, tu te concentres sur Asher. Tu regardes ses yeux bleus et tu t’y perds. Cali a les yeux bleus, elle aussi. Myles avait les yeux bruns. Tu te mordillais la lèvre, un peu par douleur, mais aussi par tracas. T’allais devoir mener ta petite enquête. « C’est toi qui avait raison, elle est allergique. » Que tu souffles en passant une main dans tes cheveux. Tu te retournais vers l’infirmière. « Mais vous ne l’oublierez pas lui non plus, hein? » que tu l’implorais. T’avais besoin qu’Asher aille aussi bien que Cali. C’était essentiel pour toi. T’avais besoin de lui, plus que t’avais besoin de toi-même. Peut-être que cette fusion que vous aviez était comme ça à cause de toutes les situations que vous aviez vécu ensemble. L’infirmière terminait avec toi et elle se tournait vers Asher. « Je vais aller à la salle de bain… » que tu dis en pointant le couloir. « Oui, je vais faire attention à mes points. » que tu jures avec la main dans les airs.

Tu t’échappais de la chambre avec ton sac à main. Tu interceptais un docteur en lui demandant un test d’ADN. Un peu hésitant, il allait t’en chercher un que tu mettais dans ton sac en le remerciant. T’avais encore le temps de le faire aujourd’hui. Tu retournais à la chambre avec un sourire et t’allais bientôt découvrir si ce que tu croyais était vrai ou non. Peut-être que tu te faisais des illusions. « Tu t’en sors? » Que tu demandes à ton homme qui semble bien tranquille.

Cali dormait toujours suite à son choc anaphylactique. Elle allait être très fatiguée, le médecin avait parlé de l'hospitaliser au moins une journée pour de la surveillance. Elle me paraissait vraiment fragile, elle n'était pas comme d'habitude. Je ne reconnaissais pas la petite boule d'énergie que j'emmenais surfer depuis qu'elle savait tenir debout. Puis il y avait Kara et sa blessure qui s'était ré-ouverte... C'était un peu trop pour moi, alors je m'oubliais. La brunette était prise en charge par une infirmière très compétente, mais malgré ça elle ne semblait pas aller bien. Elle était pensive et je me sentais inutile. Je n'arrivais pas à la réconforter et ça ne m'arrivait jamais. J'étais impuissant.

« Je disais ça en rigolant, je ne le pensais pas. Comment j'aurais pu imaginer qu'elle le serait vraiment ? » Je m'en voulais d'avoir plaisanté avec ce genre de chose. Ce n'était pas un sujet marrant. Ma sœur avait failli en mourir et par conséquence je n'avais pas eu le droit d'y gouter de toute ma vie... et apparemment ça avait été une sage décision vu ma réaction du jour. J'aurais aimé avoir le pouvoir de revenir en arrière et de lui retirer son bol des mains. Je n'avais pas cette capacité et j'allais devoir vivre avec ça toute ma vie. « Fais attention. » Dis-je à ma brunette lorsqu'elle se leva. J'avais déjà du mal à accepter qu'elles soient toutes les deux mal en point, ce n'était pas pour qu'elle aggrave sa blessure. L'infirmière s'occupa ensuite de mes mains, elle me connaissait grâce aux réseaux sociaux et elle tentait de me rassurer sur l'avenir de mes mains. Si elle savait que je n'en avais absolument rien à faire de mes mains, c'était le cadet de mes soucis. Elle finit par me laisser avec quelques pansements sur les mains, et je me remis au chevet de Cali. Je n'étais pas du genre à prier, mais j'en avais fort envie à cet instant là. La prunelle de mes yeux était dans un lit d'hôpital, son corps frêle semblait minuscule dans ce contexte.
« Bébé, va falloir se réveiller rapidement. Tu nous as fait sacrément peur. Je sais que tu m'aimes beaucoup, mais de là à me copier pour mon allergie au kiwi... J'aurais préféré que tu me demandes de t'apprendre à fabriquer des jouets avec mes outils. J'aurais aimé que tu sois ma fille plutôt que la fille de ce crétin... » Je posais ma tête sur le lit à côté de sa main et je fermais à mon tour les yeux. Un petit break pour un homme meurtri. Je commençais tout juste à retrouver une respiration posée quand Kara revint. « Pas vraiment. » Répondis-je honnêtement en levant vers elle un regard triste. J'étais à deux doigts de m'effondrer, mais je tentais d'être fort pour elles. « Tu as appelé son père ? » Demandais-je en sachant qu'il avait plus sa place que moi ici.

Une journée sans ta fille, ça te semblait comme la fin du monde, mais tu savais qu’elle était entre de bonnes mains, des mains compétentes. T’avais pas envie de rentrer toute seule à la maison, tu ne te sentais pas bien avec cette idée. Tu venais tout juste d’avoir les nouvelles et tu affichais une mine triste. « Tu veux bien rentrer avec moi? » que tu demandais à Asher. T’avais besoin de lui plus que jamais. Le contexte avec ta fille t’attristait profondément.

Tu l’écoutais mentionner que c’était quelque chose qu’il disait à la légère. Pourtant, tout prenait son sens maintenant. T’étais triste. Il te disait de faire attention lorsque tu te levais pour mettre un terme à tes soupçons. L’homme te disait qu’il n’allait pas très bien. Tu attrapais sa main que tu caressais du bout des doigts. « Tu veux qu’on rentre tous les deux? » Que tu lui demandes. Après tout, Cali était sans doute assoupie pour de nombreuses heures. À sa question, tu étais prise de court. Tu n’avais même pas pensé à Myles… « Je… heu… » Tu passais ta main dans tes cheveux parce que tu comptais pas vraiment l’appeler… Surtout si tu pensais qu’Asher était potentiellement le père de ta fille, ça ne faisait plus de sens de l’appeler. « Je l’ai appelé et j’suis tombée sur la boîte vocale. » Comme d’habitude, avais-tu failli ajouter. Il ne répondait jamais au téléphone lorsque c’était toi. La seule chose était que tu ne lui avais pas téléphoné. Ça t’attristait toute cette histoire. « On va chercher des trucs pour Cali, on revient ici et on repart ensuite? » Que tu suggères à Asher bien gentiment. « On pourrait commander du thaï? » Que tu lui demandes en essayant toi-même de penser à autres choses.

La réalité était en train de nous tomber dessus, l'effroi de ce qui aurait pu arriver à Cali si les secours n'avaient pas été aussi rapide. Je gardais le cap, du moins j'essayais, pour que Kara puisse laisser ses émotions de maman s'évacuer. Elle avait vu son bébé à deux doigts de mourir alors il devait y en avoir beaucoup. Je devais juste être là pour elle, une épaule forte sur laquelle elle pouvait se reposer. Mais c'était compliqué, car Calista était beaucoup plus que la fille de ma meilleure amie, je l'aimais tellement que parfois c'était un peu comme si elle était mienne. Ce qui n'était pas le cas, elle avait un papa, qui semblait-il avait été prévenu, mais qui ne semblait pas pressé de venir rejoindre sa progéniture à l'hôpital. Je n'aurais jamais du la laisser épouser Myles, encore moins faire un enfant avec lui, j'aurais du avoir le courage de lui dire que je ne sentais pas ce type dès le début. Je l'avais laissé tomber sur ce coup là, et je regrettais énormément.

« Je vais retourner lui chercher des affaires, reste avec elle. Elle aura besoin de toi en se réveillant. Puis on verra si on peut rester avec elle cette nuit, s'ils veulent bien... » Je ne connaissais pas les protocoles dans les services, mais j'imaginais mal qu'ils autorisent deux personnes à rester la nuit. « Je reviens bientôt. » Murmurais-je à l'oreille de Kara en la prenant dans mes bras pour lui donner toute ma force. J'embrassais Cali sur le front avant de partir effectuer toutes mes missions. Récupérer des affaires pour la petite et surtout lui ramener son doudou. Faire disparaitre tous les kiwis de chez Kara, nettoyer et ranger. Récupérer un repas thaï. Il me fallut un peu plus d'une heure avant de retrouver Kara devant les portes d'un service de pédiatrie où je n'avais pas le droit d'entrer. « Elle est réveillée ? Tu vas pouvoir rester avec elle cette nuit ? Je lui ai pris son doudou, mais je ne savais pas si elle voulait sa veilleuse alors je l'ai prise aussi. » Il y avait une tension dans ma voie qui indiquait que j'étais inquiet, fort pour Kara, mais pas invincible. « Tu lui diras que tonton Asher l'aime fort. Mais que plus jamais elle doit lui faire une peur pareille. »

Tu aurais pu perdre ta fille, elle aurait pu avoir de graves séquelles, t’étais perturbée par tout ça. Tu t’installais dans la chaise en te recroquevillant sur toi-même. T’avais la position d’un bébé dans le ventre de sa mère. C’était dans ce genre de moment que ta propre mère te manquait plus que tu n’osais l’admettre. T’avais la gorge nouée. Asher proposait de retourner chercher ses affaires, tu hochais la tête. Tu le laissais t’enlacer et tu lâchais prise dans ses bras. T’avais été t’installer dans la chaise une nouvelle fois. Asher réaparaissait ce qui te semblait être une éternité plus tard. Tu secouais la tête négativement. « L’infirmière pense qu’elle va dormir toute la nuit avec ce qu’ils lui ont donné. » Tu te mordillais la lèvre en te demandant si c’était plus sage de rester avec ta fille. Tu te levais de ta chaise et tu allais mettre la couverture sur ta progéniture avec sa peluche. Tu mettais la veilleuse dans le mur pour l’allumer. T’étais morte d’inquiétude. Tu hochais la tête à ce qu’il disait, sans vraiment le réaliser. Tu frottais ton visage fatigué. L’infirmière entrait dans la chambre en s’étonnant de vous voir encore là. Elle vous recommandait fortement d’aller dormir à la maison dans vos deux états respectifs, qu’ils s’occuperaient bien d’elle et qu’ils vous appelleraient à la première heure demain. Tu hochais la tête. Toi aussi t’avais une sacrée médication à prendre… « J’crois qu’on serait mieux de rentrer tous les deux. » Tu regardes Asher, le regard priant qu’il t’accompagne. « J’ai pas envie de rentrer dans une maison vide. » T’avais pas non plus envie de partir, mais la douleur recommençait à se faire sentir de ton côté. Tu allais embrasser le front de Cali pour ensuite le caresser doucement. « On sera là demain, à ton réveil. » Que tu promettais à ta fille. Tu caressais ses cheveux. « On se retrouve demain, promis. »

J'avais été chercher quelques affaires pour Cali et en revenant dans sa chambre j'avais retrouvé Kara en position fœtale sur un fauteuil. Elle était mal en point, alors quand une infirmière nous conseilla de rentrer, je ne fis pas de résistance. J'avais envie de rester avec la petite, mais la brunette avait besoin d'aller se reposer. Cali allait dormir pour le reste de la journée et pour la nuit, nous ne lui servirions à rien ici. « On va rentrer ensemble. » Lui dis-je en réponse à sa demande. Ca ne ressemblait pas à Kara de se montrer aussi vulnérable, c'était une femme forte, mais dès lors que l'on touchait à sa fille, elle devenait fragile. Je la regarda dire bonne nuit à sa princesse et j'en fis de même juste après, chuchotant quelques mots tendre à la petite avant de m'éloigner d'elle à contre cœur.
Dans le couloir du service, j'avais glissé ma main dans celle de Kara et je ne l'avais plus lâché. Je la tenais fort, partageant silencieusement mes émotions et ma force. Je ne la regardais pas, je savais que nous ressentions la même chose, une détresse immense de devoir laisser Cali à l'hôpital, à tel point que nos douleurs respectives se mettaient en arrière plan.

« Je voulais pas lui transmettre ça. » Murmurais-je. Je disais ça comme si j'avais pu lui donner cette allergie juste par le toucher ou une volonté. Je m'en voulais de partager ça avec elle. En fait j'en voulais au monde entier.