Take a break before I go (feat. Hugo)

Avril 2021

La rage. C'est ainsi qu'on pourrait nommer l'aura de Sean en cet instant précis. Ses pensées fusaient, ses poings se serraient et se desserraient.. Heureusement qu'il avait encore un peu de temps avant de reprendre son avion..
Un sourire se blottit sur le coin de ses lèvres. Sarcastique, presque une grimace. Il avait marché sans but précis, et c'est finalement près de la rivière qui semblait aussi en colère que lui qu'il se réfugie, assis sur un rocher un peu en hauteur, les jambes pendant dans le vide. L'air vivifiant ambiant lui faisait du bien, et même s'il était visiblement troublé, il semblait beaucoup plus calme. Il était dans ses pensées les plus profondes quand il entendit le bruit de pas derrière lui. Il sursaute quand il se retourne, et se retrouve ébloui par le soleil, sans arriver à distinguer qui se tenait là

J'peux vous aider?

T’avais l’esprit ailleurs, Hugo. T’étais dans tes pensées, Sara était beaucoup trop suspecte dernièrement et peu à peu, tu réalisais ce que cela pouvait impliquer et tu ne voulais pas trop t’alarmer. T’avais décidé de venir à la rivière, l’eau t’apaisait. Elle avait un je-ne-sais-quoi. Tu voulais t’installer sur les rochers, mais visiblement quelqu’un était déjà là. T’étais un peu déçu… « Heum… Ouais, ça dérange si je m’installe? » T’allais pas faire un bruit, il allait presque ignorer que t’étais là. T’avais juste besoin d’espace, t’avais juste besoin de réfléchir, de laisser tes pensées suivre le cours de la rivière jusqu’à ce qu’elles disparaissent de ta tête. Tu n’en demandais pas plus. « J’vais être très relax. » Que tu promets allant jusqu’à t’avancer.

Sean observait l'inconnu avec plus d'insistance. Cela faisait longtemps qu'il ne s'était pas posé dans Bowen, trop occupé quand il venait à visiter les siens pour aller et venir dans cette petite ville paisible. Pourtant l'inconnu, ses airs, il lui disait quelque chose, sans trop savoir quoi. Il se pousse alors, se mettant à l'autre bout du rocher, mais pas trop loin non plus. Il n'avait pas envie d'assister à un geste malheureux si le type voulait jouer avec la gravité.

Non, ça me dérange pas. Je rumine en silence, normalement.

Il avait tenté une pointe d'humour, histoire que l'atmosphère ne soit pas trop présente. Il avait assez de soucis comme ça et ne voulait pas s'en créer d'autres. Sourire amical sur le visage, il appuie ses prochaines paroles avec un p'tit hochement de tête vers le jeune homme.

Dure journée, toi aussi?

Tu ne l’aurais pas reconnu même si t’avais pu et si t’avais prêté attention. En fait, ça aurait même pu être Sara que ton cerveau aurait eu une impasse flagrante. L’homme te disait que c’était ok, tu le remerciais d’un signe de tête et tu t’installais sur le rocher un peu plus loin en soupirant. « Rumine bruyamment si t’en as envie. » que tu lui dis avec un sourire, t’étais pas pour lui imposer ça. Après, toi aussi t’étais plutôt silencieux dans tes ruminations donc tu pouvais comprendre. Il te questionnait sur ta journée et tu poussais un profond soupir. « T’as pas idée, mec. » et tu ponctuais le tout d’un rire un peu sarcastique vu le contexte. « Puis toi aussi? » que tu demandes par politesse ou par désir de faire naître une conversation.

Take a break before I go feat. Sean K. & Hugo

Sean K. se met à jeter des petits cailloux dans la rivière en contre bas. Finalement, être accompagné dans ses idées un peu noires, même pas un inconnu avec ses propres problèmes, ça l'aidait à y voir un peu plus clair.

Ahah, merci, c'est cool. Ouais, totalement. La vie, cette garce, bordel, elle ne punit que ceux qui ne le méritent pas

Il clôture sa phrase par un lancer un peu plus fort, plus enragé. Il aimait le bruit que pouvait faire la pierre quand elle se brisait en des dizaines de morceaux contre la falaise avant de plonger dans l'eau. Et le bruit de la rivière, régulier, apaisant, sa respiration naturellement s'y calait

Et la tienne? J'veux pas te faire peur, mais t'es dans un sale état quand même, tu fais peur. T'es pas obligé de m'en parler, puis j'suis le pire des conseilleurs, mais l'oreille est pas loin.

Sean en donneurs de conseil, ça aurait été la meilleure des blagues, tiens. Ce serait plutôt le style de mecs à chercher sur google pour le moindre de ses problèmes. Mais bon, il savait que parfois, même le sourire d'un inconnu pouvait éclairer dans le noir. Au pire, le mec pouvait s'en foutre: le silence, c'est bien aussi. Au mieux, il évitera un geste malheureux,et Sean n'avait pas envie de passer ses dernières heures au commissariat.

Tu esquissais un petit sourire en le voyant jeter ses cailloux. « À qui le dis-tu. » Que tu lui dis. T’avais mérité quoi toi pour que Sara te trompe? Enfin, peut-être. C’était pas officiel, mais ça ne regardait pas très bien non plus… Tous les signes étaient là. Tu passes ta main dans tes cheveux que tu ébouriffes. L’homme à tes côtés disait que t’étais dans un sale état. Au lieu d’être offusqué, tu te mettais à rire. « Je… ahem… J’suis meilleur pour soigner les autres que de me soigner moi-même. » Que tu lui dis, songeur. C’était vrai, t’étais un meilleur médecin que patient. « J’crois que j’suis cocu. » Que tu dis finalement pour la première fois à voix haute. Tu sais pas trop si t’as envie de rire, de pleurer, de te fâcher… Tu ne t’autorisais que rarement à vivre pleinement tes émotions. À la place, tu prenais un caillou que tu jetais au loin de toutes tes forces. Pas de ricochet, juste une grosse roche qui coule. Un peu comme toi en ce moment. « T’es pas obligé de dire quoi que ce soit. » Que tu lui dis avant qu’il réponde. Ça faisait du bien d’élucider le mystère.

Take a break before I go feat. Sean K. & Hugo

Sean écoutait le jeune homme visiblement épuisé, et à l'annonce de son problème, il se tourne instinctivement vers lui. Il ne comprenait que trop bien. Il savait aussi que rien ne pouvait épancher cette déchirure, surtout quand celle ci n'était fondée que sur de l'incertitude.

"C'est toujours comme ça. C'est un peu: "faites ce que je dis... mais pas ce que je fais", hein?"

Son sourire en coin qui creusait une petite fossette sur sa joue témoignait de sa sincère sympathie envers ce qu'il pouvait vivre.

"J'ai vraiment aucun conseil à te donner, j'suis carrément au niveau 0 de l'amour, mais.. tiens, prends mon numéro. Si un jour t'as envie de te changer l'esprit, ou juste parler à quelqu'un qui n'y connaît rien, j'suis là!"

Sa carte de visite au bout des doigts en direction du jeune homme qu'il tendait avec soin, il avait tenté l'humour, son humour pourri à 2 dollars. Etre là pour les autres, pour oublier ses propres démons. C'était sûrement une piste à creuser pour Sean.

"Et moi, je suis là, à me plaindre sur mon triste sort alors que je ne suis même pas concerné. Ya des claques qui se perdent, en fait."

Il secouait la tête, soupirant doucement. Lui, au moins, avait la santé. Plus de cœur, donc pas de possibilité d'être malheureux comme les pierres. Il avait toute la vie devant lui sans obstacles. Alors clairement, il ne savait pas de quoi il devait se plaindre.

Tu riais doucement à l’entendre. « J’suis médecin, j’ai dû inventer cet adage. » que tu lui dis avec un fin sourire. C’était bien le seul point positif à la situation actuelle. Et pour être honnête, tu ne te passerais plus de ta carrière. Tu l’aimais, elle te gardait en vie mieux que quiconque. L’homme poursuivait, il était plus bavard que toi à l’heure actuelle et c’était bien. Parce que t’avais pas besoin de parler, t’avais pas besoin de tout expliquer. T’avais pas besoin de t’entrer profondément cette dague émotionnelle droit dans le cœur. Il te refilait sa carte et tu regardais son nom, tu fronces les sourcils. « Tu m’dis quelque chose, toi. » T’appréciais quand même son geste. « Mais merci c’est gentil. J’te fais signe. » Tu jouais avec le carton, préoccupé. « Parle-moi de ton triste sort. » Que tu lui dis, un fin sourire aux lèvres. « J’t’ai parlé du mien… » que tu lui rappelles. Pour les claques, t’étais pas certain de bien saisir parce que t’étais pas trop pour la violence… Mais tu comprenais bien l’expression dans le contexte. « T’sais, t’as le droit de râler. T’as le droit de dire que c’est difficile. »

Sean hausse les épaules quand le jeune homme évoque une possible connaissance.

Yep, p'tet. Je ne vis plus à Bowen depuis quelques années mais j'ai vécu ici jusque ma dernière année de lycée.Ou bien, t'aime la mode et tu m'as déjà vu sur un poster..

Il glousse un peu, décidément, il ne peut s'empêcher d'être le ptit drôle de l'histoire. Il soupire un peu, il avait espéré passer son problème sous silence, mais son collègue de déboires avait raison: chacun son tour..

Médecin, hein? Ironie du sort, quand tu nous tiens..

Il secouait sa tête de droite à gauche, lentement, et prend un grande inspiration

et bien, j'fais ma vie de globe trotter, je reviens voir ma famille de temps en temps.. du coup, j'suis pas très au fait de ce qu'il peut se passer vraiment dans la vie de mon frère et de mes sœurs. Je fuis, parce que je suis un lâche, faut bien dire les choses

Il parle tout d'une traite, sans même prendre sa respiration. Son visage tourné à l'horizon, il parle sans vraiment s'arrêter, trop pressé finalement de déballer son sac.

Mais je crois que j'vais arrêter de fuir et affronter la réalité des choses. Et la réalité, c'est que mes p'tits problèmes ne sont rien en comparaison de ce que vit mon grand frère, actuellement. J'viens d'apprendre qu'il a la sclérose en plaques, et que les crises s'enchaînent et le font souffrir. Alors clairement, j'me sens comme un abruti, parce que j'avais rien vu, que l'on ne m'a rien dit, et que j'suis toujours entre deux avions sans me soucier de ce que vit ma famille.

Il avait ouvert la boîte de pandore, et seul le fait de reprendre son souffle lui avait permis d'arrêter de geindre. Il ne voulait pas se faire plaindre, alors, il ajoute

Maintenant que tu le dis, tu me dis quelque chose aussi. Tu t'appelles comment?

Il avait vécu ici jusqu’à sa dernière année de lycée, tu fronces les sourcils… Jusqu’à ce qu’il te parle de mode et tu pouffes de rire. « Je…heu… Je ne crois pas. » Que tu dis finalement. T’étais pas du genre à t’y connaître en mode, même Sara n’était pas tant une fashion victim si on parlait des affiches et de tout ça. T’avais pas l’œil. Tu l’écoutais patiemment. « J’crois pas que tu sois lâche. » Concluais-tu dans un premier temps. Un globe-trotteur, il le faisait pour lui. Pas parce qu’il était lâche. Sa priorité était de vivre sa vie en tant qu’homme et non pas de sa famille. Mais il poursuit… Sclérose en plaques, tu hoches la tête. Tu connais bien la maladie, tu connais bien tout ce qui est dégénératif. Tu comprenais maintenant un peu plus pourquoi il se sentait coupable. « Et si ta famille t’a épargné ça parce que tu méritais de vivre ta propre vie un peu partout à travers le globe? » Que tu lui demandais patiemment. T’étais pas le genre à plaindre les gens, t’étais plutôt du genre à tenter de trouver des solutions ou mieux encore, questionner pour mieux comprendre. « Hugo Patridge. » Que tu lui dis en tendant ta main pour serrer la sienne.

Il regarde la main tendue du jeune quelques secondes, puis la serre avec un petit sourire. Son impression de le connaître ou de l'avoir déjà vu était toujours présente, mais il décidait de passer outre

Sean K. Rutkowski, enchanté de faire ta connaissance, Hugo.

Il hochait enfin la tête. Hugo n'avait pas tort, ses parents aimait savoir ses enfants heureux dans leur chemin de vie, tous quelque peu globe trotter comme si c'était inscrit dans leurs gènes.

Ton point de vue est intéressant. Je n'avais pas vu les choses sous cet angle... J'suis parti vivre mon rêve, et peut être qu'après tout, si maintenant je suis revenu, ce n'est pas que pour mon frère. Peut être que cette partie de ma vie est juste... révolue, et qu'il me fallait une bonne raison pour rester à Bowen maintenant..

Il se mettait presque à réfléchir tout haut, quand son attention revient sur son interlocuteur.

Parfois, il faut savoir confronter la réalité des choses. Et si t'es vraiment cocu, qu'est ce que tu comptes faire?

Tu passais par-dessus le fait que vous vous connaissiez peut-être. Peut-être que c’était mieux comme ça d’un côté? Si jamais il était quelqu’un que tu n’appréciais pas ou qu’il avait fait du mal à quelqu’un que tu aimais, par exemple? Il valait mieux pardonner et vivre le cœur léger. L’homme semblait aller dans le sens de ton point de vue et tu esquissais un sourire. Avec son explication, tu hochais la tête, compréhensif. « C’est possible que t’aies eu besoin d’une raison pour revenir. Mais si t’as envie de repartir, tu peux aussi le faire. Personne ne t’en empêche, Sean. » Puis tu affichais une mine d’illumination et tu le pointais soudainement. « T’es sortie avec Evelyne, une de mes bonnes amies y’a un moment déjà, j’crois, non? » Que tu lui demandes alors que tu crois finalement savoir d’où tu le connais.

Il te donnait un conseil sage : confronter la réalité. Tu frissonnais juste à entendre le mot confrontation. T’étais pas doué pour confronter, t’évitais ça au mieux et tu prenais souvent des tords qui ne t’appartenaient pas – ou que très peu pour éviter les disputes. T’étais comme ça, Hugo. Le mot cocu te levait le cœur et tu haussais les épaules. « Est-ce que ça se pardonne des infidélités? » Que tu demandes, un peu confus. Après tout, tu n’avais jamais été cocu auparavant et tu ne savais pas ce que ça allait changer chez toi. Est-ce que tout le monde allait voir que tu l’étais? Est-ce que ça allait être écrit dans ton front? Peut-être. Rien n’était moins sûr.

Il pouvait faire tout ce qu’il voulait, toi t’avais un pied d’attache, t’avais une relation (qui allait mal, mais une relation quand même), t’avais ta famille, ton boulot, tes études… T’avais une hypothèque avant même de partir et tu n’avais pas de maison. Tu te retrouvais cloué au sol alors que t’aurais préféré t’échapper à ce moment précis. Toutefois, tu ne voulais pas te sauver. T’étais pas comme ça. Tu voulais juste être libre. Tu l’écoutes parler d’Evelyne, de son cœur brisé. Tu l’entends parler de poupée vaudou et tu ris doucement. Tu secoues la tête négativement. « J’crois pas qu’elle croit au vaudou. Elle va bien. » Que tu lui dis doucement. « Elle est mariée et elle attend son premier enfant. » Que tu déclares avec un petit sourire, tu pouvais donc le pardonner, Sean. Il n’avait jamais vécu de grandes histoires d’amour selon ses dires. T’étais attentif. Il disait que tu pardonnais déjà Sara avant même d’avoir la réponse et tu te demandais au fond de toi, s’il n’avait pas un peu raison. Tu passes ta main dans tes cheveux. « J’ai peur d’avoir les réponses, j’crois. » Que tu admets, comme un trouillard. Parce que c’était ce que t’étais, Hugo : un grand trouillard de la vie. Tu l’aimais ton confort, tu l’aimais ce voile du quotidien dans lequel tu te mettais.