he was a warrior with a fighter’s mind and she was a battle he lost every time (eflo)

he was a warrior with a fighter’s mind and she was a battle he lost every time

"Attention, risque de chute mortelle." En croisant le panneau, arrivée au sommet de la falaise, un mince sourire cynique passa sur le visage d'Effy. Elle préférait qu'elle le soit, mortelle, cette chute. Le contraire aurait été bien pire. Cet avertissement lui avait toujours arraché une moue tristement amusée, comme si ça pouvait lui faire peur. Nombre de fois, elle avait souhaité n'être jamais née. Aujourd'hui cependant, même si un panneau de danger du genre n'éveillait en elle aucune crainte improbable, elle était sur la pente ascendante. Elle avait passé beaucoup de temps avec Jolene, sa psychiatre. Tout n'était pas rose, tout ne se passait pas comme prévu, son moral était en dents de scie et ses décisions intérieures, erratiques. Mais la jeune fille ne baissait pas les bras, en tout cas pas aujourd'hui. Elle ne s'était jamais fait d'espoirs sur l'évolution de sa personne. La cure de désintoxication était une illusion qu'elle s'était créée avec la psychiatre qui la suivait depuis des années maintenant, et à qui elle adorait ne plus donner de nouvelles durant des mois. C'était sans doute sa signature, ça : s'évanouir dans la nature, détruisant tout sur sa route de sortie, au passage. Mais quoi qu'il en soit, les séances avaient repris sur une base plus régulière, avec Jolene. Et même si récemment, elle avait bien déchanté, Effy gardait un semblant de positif. Enfin, disons qu'elle était réaliste, mais moins nihiliste qu'à l'ordinaire. Elle avait bien travaillé, durant ces quelques semaines en désintox à côté de Bowen. Pas une goutte de poison dans son organisme, si ce n'était celui qui lui était prescrit par les médecins et qui était destiné à l'aider. Elle avait fait tout ce qu'on lui avait demandé, elle s'était recentrée sur soi, avait abordé frontalement ses peurs en séances, avait suivi le processus de sevrage, sociabilisé, pris l'air, suivi un horaire, bien mangé. Bref, un modèle. Et elle y avait cru, un moment, parce que ça avait marché. Et puis elle était sortie, aussi discrètement qu'elle était rentrée, sans le dire à personne, comme un chat qui se balade sur les toits la nuit. Elle avait tenu le rythme. Et puis elle s'était laissée aller à ses habitudes, comme elle le faisait toujours. L'appel de la musique, de la liberté, d'un monde parallèle. C'était toujours pareil. Mais l'Anglaise avait réussi à moins se blâmer, c'était ça la différence avec les autres fois. Elle était comme ça, point. Elle aurait toujours des périodes plus calmes, et des périodes terriblement sombres, et des périodes entre-deux. Le but, c'était de tenir le cap entre toutes ces voies et de ne pas se laisser noyer en cours de route. C'était pourquoi, en ce jour ordinaire, et pas tellement mauvais, Effy avait rejoint la vue spectaculaire et le vent frais de la falaise, son endroit de prédilection depuis qu'elle avait découvert l'Australie, des années auparavant. C'était l'endroit qui lui faisait du bien, toujours, peu importe comment elle se sentait. L'endroit qui savait apaiser son esprit, presque magiquement.

Une fois n’est pas coutume, tu avais attrapé ta guitare pour aller à la falaise. C’est là bas que tu te sentais bien, que ton esprit était vide et prêt à créer de nouvelles chansons. C’est pour ça que t’allais là bas. Le calme, la beauté de hauteurs de la ville et ça t’aidait à réfléchir à la musique seulement. Les dernières semaines avaient été mouvementées. Tu avais fais une sacré rechute d’alcool, et en même tu avais failli mettre fin à tes jours en restant coincé sur le rebord de ta fenêtre. T’avais aussi embrassé Charlie, ton ex petite amie. Et t’avais aussi réussi à foutre la merde dans son couple avec l’ex d’une de tes amies. En fait, t’avais foutu la merde partout à cause d’une bouteille de whisky que tu n’avais pas jeté après ta cure de désintoxication. Tu prenais ton skateboard, tu roulais avec la musique dans les oreilles pour te mettre dans l’ambiance avant de te poser avec ta guitare. Aussi, tu avais pris ton appareil photo argentine pour prendre des photos de la vue depuis la falaise. En filant comme le vent, tu étais rapidement arrivé à la falaise pour prendre du temps pour toi. Tu ne savais pas où tu étais dans ta vie, avec tes amies, avec tout en fait. Alors tu gravissais la montagne de la falaise avant de te retrouver sur le haut du plateau. Et c’est là que ta respiration se coupait. Elle était là, elle aussi. De vrais âmes-soeurs qui pensent les mêmes choses au même moment. « Effy ? » demandas-tu pour être certain. Elle était dos à toi, tu ne savais même pas si c’était elle. Mais bon, tu connaissais tellement son corps, ses cheveux et sa façon de se poser. T’avais oublié qu’elle aussi elle aimait venir ici pour décompresser. Tu enlevais tes écouteurs de tes oreilles, et tu savais pas si tu devais rester ou partir pour aller ailleurs. Ça faisait un moment que tu ne l’avais pas vu, tu ne savais même pas qu’elle était à Bowen.

La voix dans son dos, si proche et qui lui semblait si lointaine à la fois, la glaça sur place. Le souffle coupé, Effy resta de dos quelques secondes. Tout semblait s'être arrêté autour d'elle, si ce n'était le souffle du vent qui caressait ses mèches rebelles. La voix de Milo résonnait dans ses oreilles, en écho, et elle n'était même pas certaine qu'il soit vraiment là. Peut-être était-ce juste le fruit de son imagination. Elle avait peur de se retourner, peur de voir qu'en effet, il n'était pas vraiment là. Pourtant elle finit par tourner la tête, le corps et le cœur en feu. « Milo... » Sa voix était basse, douce, apeurée presque. Comme si elle craignait qu'il ne disparaisse cette fois parce qu'elle avait prononcé son nom. Rien qu'à croiser son regard noisette, son pouls s'emballait déjà. Elle n'avait plus croisé ces yeux depuis trop longtemps. Comme toujours, elle ne pouvait s'en prendre qu'à elle-même. L'Anglaise pivota vers le guitariste, sans avancer néanmoins. À nouveau, cette peur d'être dans une illusion. Pourtant il était bien là face à elle, avec son skate et sa guitare, tel qu'elle le connaissait. En chair et en os. Il avait pourtant des allures de fantôme devant elle, comme un souvenir lointain qui s'effaçait alors qu'elle voulait courir pour le rattraper. Mais elle restait bloquée sur place, pétrifiée. Il y avait tellement de choses à dire. Et rien à la fois. Comment en étaient-ils arrivés là ? Oui, à cause d'elle, c'était vrai. C'était ça la réponse. Elle qui fuyait, se perdait, abandonnait, tournait le dos. La jeune femme déglutit difficilement, incapable de choisir quelle attitude adopter. Milo n'avait jamais été loin de ses pensées, même si elle ne savait pas le montrer. Et elle supposait qu'elle n'était jamais trop loin des siennes non plus. Tous deux perdus dans des souvenirs qui prenaient une teinte douloureuse. « Je... Je suis revenue. » Vers toi. était la fin de la phrase qui se déroula uniquement dans sa tête. Sa voix tremblotante, peu affirmée, bien loin de la nonchalance et de l'aplomb implacable dont elle faisait d'habitude preuve. Ils s'étaient perdus de vue, au final, alors que ça semblait impossible au vu de tout ce qui avait évolué entre eux, il y avait maintenant bien des lunes. Mais c'était vrai, ce qu'elle disait. Elle était revenue, après un long parcours semé de doutes et d'embûches. Pas que tout était terminé et derrière elle aujourd'hui, loin de là. Mais elle avait parcouru du chemin. En retrait, sans faire de bruit, comme toujours. Par les réseaux, elle savait aussi qu'il s'était passé des choses dans la vie du musicien, même si elle n'avait pas les détails. Dans cet échange de regards incertains, toute l'étendue de leurs émotions se lisait, jusqu'à en être palpable.

Perdu dans tes pensées, tu grimpais le haut de la falaise pour trouver un peu de paix et de sérénité. Mais en montant au fur et à mesure, tu sentais que quelque chose allait se passait. Comme si dans tes tripes, tu sentais que tu n’allais pas passer ta fin d’après-midi à composer et à prendre des photos des hauts de Bowen. Et en effet, tes tripes avaient raison. Alors que tu grimpais les derniers centimètres de la falaise, tu tombais sur une belle silhouette au loin. Et cette silhouette, tu la reconnaissais entre mille parce que c’était les formes de la fille que tu aimais le plus sur cette Terre. Effy. Elle était là, devant toi. Enfin plutôt dos à toi. Et tu balançais son nom au loin, sans t’attendre à une réponse mais elle se figeait au son de ta voix. Lorsque ton prénom passait sa bouche, c’est comme si tu avais eu un frisson qui parcourait tout ton corps. Elle tardait à se tourner vers toi, comme pour rassembler son courage pour te faire face. Après tout, la dernière fois que vous aviez parlé tous les deux n’avait pas bien fini. Tu étais parti en larmes de chez elle. Tu t’avançais doucement, les yeux visant l’anglaise et tu posais ta guitare sur le sol avec ton sac. Debout sans rien dire, tu attendais qu’elle te parle, que quelque chose sorte de sa bouche pour briser la glace. Et les mots ne t’ont pas trop plu, parce que tu riais nerveusement à l’entente de ces derniers. « J’me demande combien de fois j’ai entendu cette phrase » soufflas-tu en levant les yeux au ciel. T’étais en colère, t’étais triste mais bizarrement, t’étais soulagé de la voir. Comme si tu étais entier de nouveau. Votre relation n’était pas des plus saines, mais tu savais que dans ta vie tu avais besoin d’Effy, c’était indéniable. Les semaines précédentes avaient été dures, t’avais même fait une rechute et ça elle ne le savait pas. Il y a du temps qui était passé depuis votre dernière rencontre, et tu savais pas si tu devais lui parler de cette soirée et surtout de ton baiser avec Charlie.

Leur histoire et la torture qui allait avec semblaient ne pas avoir de fin. Ils se retrouvaient toujours, à croire que l'univers était déterminé à ce que cette danse se poursuive. Mais à quel prix ? Ils semblaient toujours faire un pas en avant pour deux pas en arrière. Se retrouver pour toujours s'éloigner. Effy avait eu vent du rapprochement entre Charlie et le Français. Ça semblait être quelque chose qui avait fait beaucoup de bruit dans la petite ville de Bowen, où les relations s'intercroisaient plus que le réseau de métro, avec son lot de conséquences. C'était drôle quand même, les émotions humaines. C'était pas tellement ce baiser ou peu importe ce qui s'était passé qui dérangeait Eff'. Elle ne pouvait même pas en vouloir à Milo pour ça, au stade où ils en étaient, il n'y avait pas de question de fidélité ou de quoi que ce soit. Non, ce qui la brûlait dans ses entrailles, c'était de savoir que Milo s'était tourné vers quelqu'un d'autre, quelqu'un qui savait être là pour lui. Quelqu'un qui pouvait lui donner ce dont il avait besoin. Et il avait eu bien raison de le faire. L'Anglaise s'était toujours demandé pourquoi il ne l'avait pas fait plus tôt, pourquoi c'était elle, bouteille de poison et bombe à retardement, qu'il voulait. Elle, qui aurait tant voulu pouvoir leur permettre une histoire de bonheur, mais qui n'était pas faite pour ça. Et à la fois, son cœur se fendait un peu plus en imaginant une vie sans Milo à ses côtés, sans sa proximité, son regard, son écoute et son odeur. Rien que là, tout de suite, elle avait envie de se réfugier dans son étreinte rassurante et de sentir tout l'amour qu'il pouvait donner perfuser à travers sa peau. Mais elle n'en avait pas le droit. La réponse du garçon l'indiquait clairement. Cynique, les paroles avaient claqué. Effy ne répondit rien, son regard toujours ancré dans celui du brun. C'était mérité. Et elle avait passé le stade des excuses, ça ne servait plus à rien. « Il paraît que tu as trouvé quelqu'un de bien. » souffla Effy, l'expression impassible. Il n'y avait aucun reproche dans son ton, même une pointe de joie touché de mélancolie. La jolie brune ne cillait pas, sondant le regard de son ami de toujours. Finalement, elle baissa les yeux. « I tried, you know. I really did. » reprit-elle, sa voix feutrée au bord de se briser. Elle avait essayé, pour elle, pour lui, pour eux. La désintox. Trouver le moyen d'avoir une vie normale. Pas d'alcool, pas de drogues, pas de démons, pas de médicaments, pas de crises d'angoisse, pas de sorties, pas d'insomnies. Ça marchait, parfois. Jamais totalement. Et ô, comme elle aurait voulu que ça marche. Avoir un cerveau câblé correctement et des réactions saines.

Cet instant était fiché dans le temps, tu savais qu’une discussion allait s’engendrer après vos échanges de regard mais tu n’en avais pas envie. La vision de sa silhouette, son odeur, ses yeux bleu si hypnotisants. Malheureusement, il était temps de parler pour vous deux. Tu avais fais une connerie pendant son absence, et tu savais même pas pourquoi elle était absente. Quelle avait été la raison de son départ cette fois ? Cette question brûlait tes lèvres mais pour l’instant tu n’avais que l’envie de la contempler. Tout ce silence se brisait quand elle disait qu’elle était revenue en ville. Ça t’avait écorché un rire nerveux et cynique. Elle l’avait bien compris mais elle n’avait pas relevé. Mais pourtant, ce n’est pas ça qui te faisait réfléchir plus sérieusement, mais c’était la question qui suivait. Elle te félicitait pour avoir trouvé quelqu’un. Mais tu ne comprenais pas trop. Tu penchais la tête, cherchant la réponse dans ses yeux avant de poser la question. « Bonne compagnie ? De quoi tu parles ? » demandas-tu simplement à l’anglaise, arquant un sourcil. Si seulement elle savait ce qu’il s’était passé. Peut-être que tu viendra à lui dire dans la conversation mais pas pour tout de suite. Charlie t’avait sauvé d’une tentative de suicide et d’une rechute d’alcool, tu avais posé tes lèvres sur les siennes sans trop t’en rendre compte. Et puis en plus, Charlie était ton ex, lorsque tu étais arrivé à Bowen tu étais sortie avec la française. Elle semblait heureuse avec son petit ami, alors tu ne voulais pas interférer ça, même si tu l’avais un peu fait en ébruitant cette histoire de baiser. Tu la voyais baisser les yeux et s’excuser. Tu soufflais, t’approchant un peu plus près d’elle. « T’as essayé la cure ? » demandas-tu en sourcillant. C’était donc ça la raison de son absence ? Ça te touchait de voir qu’elle avait essayé, qu’elle te le confiait. T’avais peut-être besoin de ça, après tout. De l’entendre de sa voix.

Ça aurait été bien, oui, de pouvoir rester dans le silence pour l'éternité, simplement à se regarder. À se sentir respirer, à se toucher des yeux et puis des mains. Mais c'était plus difficile que ça, la vie. Effy esquissa un sourire amusé, même si teinté de cette douce mélancolie un peu cynique qui la caractérisait dans ces situations. « Ce n'est pas parce que je suis pas là que je ne sais pas ce qu'il se passe. » rétorqua-t-elle. Sa voix était toujours dénuée de reproche ou de jugement, à nouveau, elle comprenait que Milo ait eu besoin de quelqu'un qui soit là pour lui. Qui ne l'abandonne pas. En revanche, si Effy connaissait les potins de Bowen parce que quand il s'agissait de bisous et de coucheries, les nouvelles allaient vite, elle n'avait aucune idée du fait que Milo avait fait une rechute. Ni l'extension de toute cette noirceur dont il avait replongé, au moins pour un instant. « I'm not mad. » ajouta la jeune Anglaise pour compléter ses paroles, maintenant que le photographe avait dû bien saisir de quoi elle parlait. Elle n'avait entendu que des rumeurs mais connaissait suffisamment la race humaine pour savoir analyser ce qui était vrai. Même si elle ne connaissait pas les détails. Charlie et Milo étaient des noms qui étaient parvenus à ses oreilles. Sans doute parce qu'elle avait l'ouïe fine. La conversation se refocalisa sur Effy, quand elle annonça qu'elle avait réellement essayé. Elle n'avait pas besoin de s'expliquer plus que ça, le garçon avait compris. Et il devait sûrement savoir la volonté que ça lui avait demandé. Elle releva la tête, son regard d'un incroyable bleu iceberg retrouvant ceux du Français. Il s'était rapproché, et rien que ce geste, qui pouvait sembler banal, la réchauffa de l'intérieur. Elle hocha la tête en silence, la gorge nouée, alors que son regard était ancré dans le sien. Bien sûr, qu'elle avait essayé. Elle était têtue et incroyablement pessimiste, totalement cynique sur la vie, mais pour lui, elle aurait tenté n'importe quoi. Même avec quinze lunes de retard. Ce qui lui brûlait le cœur comme de l'acide, c'était que comme prévu, elle n'y était pas parvenue. « Pendant cinq semaines. »

Tu ne savais pas à quoi elle faisait allusion lorsqu’elle parlait de bonne compagnie. Jusqu’à ce que ça te vienne à l’esprit. Tu avais posté pas mal de photos et de story en compagnie de Charlie, ces derniers temps. Mais parce qu’elle t’avait sauvé la vie de ta rechute et de ta tentative de suicide. Ça, l’anglaise en face de toi ne le savait pas. Elle n’était pas en colère, et toi, ça te faisait rire. « Pourquoi tu le serais ? » dis-tu ironiquement à la jeune femme, levant tes yeux vers le ciel. Tu posais ton étui à guitare après t’être un peu approché d’elle, t’asseyant sur le rocher qui surplombait la falaise. D’un regard insistant, tu observais l’étendu de la ville en pensant à ces instants avec Charlie, ce qu’il s’était passé cet horrible soir de juin. « J’ai fais une rechute, j’ai failli m’tuer et elle m’est venue en aide, c’est tout » balanças-tu simplement, sans faire de vague. Après tout, elle finirait par le savoir. Et puis, comme ça elle saurait que tu n’étais pas un exemple de sobriété non plus. T’avais certes combattu tes vieux démons il y a deux ans mais tu y avais succombé il y a quelques semaines. « Tu te rends compte ? J’étais arrivé à 695 jours de sobriété, tout envolé dans un moment de solitude. Pouf ! » ajoutas-tu avec un léger rire sarcastique. T’en avais assez pleuré, il fallait maintenant en rire. Enfin c’était un rire amer qui te restait dans la gorge. Tu entendais ensuite qu’elle te confirmait avoir essayé la cure. Tu levais tes yeux vers elle lorsqu’elle t’avoua avoir tenu cinq semaines. « C’est déjà ça » dis-tu en haussant les épaules. Tu prenais un air détaché mais tu étais quand même content qu’elle ait essayé de par elle-même cette solution à sa destruction. Dans votre dernier échange, tu lui avais demandé de te dire quand elle serait prête à te laisser l’aimer, peut-être avait-elle fait ça pour ça ? Ou pour tout autre chose, pour elle-même simplement et c’était nettement plus probable.

À la question rhétorique du musicien, qui se voulant sans doute volontairement piquante, elle ne répondit rien. Elle ne comptait pas rentrer dans ce jeu de reproches prononcés à mi-voix. Effy le suivit du regard, le cœur battant alors qu’il s’était rapproché, l’observant alors que son regard se perdait sur la ville australienne. Elle lui laissait de l’espace de parole, avec le sentiment que quelque chose allait suive, sans savoir pourquoi. Mais elle se fiait à son instinct, comme toujours, et Milo reprit effectivement la parole, avec une annonce à laquelle elle n’était pas préparée. Oui, elle avait eu vent de Charlie et Milo, mais d’aucun autre détail. La belle brune baissa les yeux, sourcils froncés, pensive. Les mots du garçon l’avait percutée de plein fouet, comme un train lancé à toute vitesse. C’était lourd à entendre, difficile à apprivoiser, comme information, et Effy prit le temps de processer la chose. Que pouvait-elle bien répondre à ça ? Elle se démenait déjà pour ne pas laisser sa propre culpabilité la submerger, car ce n’était pas elle le sujet, dans cette histoire. « J’imagine que je lui dois beaucoup de reconnaissance, en plus de ça. » souffla-t-elle dans un murmure, ses iris bleus toujours dans le vague. Elle éloignait autant que possible l’idée d’un monde sans Milo. Ça lui faisait froid dans le dos, et le principal était que ça n’était pas arrivé. Elle ne se le serait jamais pardonné, sans aucun doute. Se serait blâmée et torturée à chaque heure de sa vie, aurait tenté d’y échapper par tous les moyens possibles et surtout les plus toxiques. Mais ça n’était pas arrivé. C’était la pensée sur laquelle elle se focalisait. Le Français était devant elle, et bien qu’elle ne puisse affirmer qu’il allait bien, il était là, dans le même monde qu’elle. Même si elle avait été la première à fuir cette relation, l’idée que Milo était quelque part sur cette Terre, bien en vie et idéalement heureux, la rassurait. Comme une constante qui était là en arrière-plan, qui paraissait insignifiante alors que pourtant, si elle avait dû disparaître, ça aurait été la fin de tout. « Pouf. » répéta la brunette, dans un murmure amorti. Elle était bien placée pour savoir ce que ça faisait, même si elle n’avait jamais tenu aussi longtemps. « Tu penses que c’est de ta faute ? » demanda Effy, avec une honnêteté implacable, relevant ses iris vers ceux du brun. Quand il parlait de solitude, elle ne pouvait évidemment s’empêcher de penser à sa part à elle de responsabilité là-dedans. Mais elle n’avait pas envie de se donner une telle importance non plus dans la vie du garçon. Pas après ce qu’elle avait souvent raté, pas après avoir laissé des vides autour de lui, même si la seule chose qu’elle avait essayé de faire, c’était le protéger. À la réponse du photographe, quand elle parla de ses efforts, elle haussa les épaules à son tour. Oui, si on voulait. Ça avait aussi partiellement convaincu Effy dans ce qu’elle savait déjà : elle ne sortirait jamais totalement de ces choses-là. Ça faisait partie de qui elle était. En revanche, elle avait aussi travaillé d’autres sujets, dans le même temps, et était revenue plus positive par rapport à certaines choses. Le combat n’était jamais entièrement gagné, avec elle, mais il fallait sans doute se satisfaire de petites victoires.

C’était avec sarcasme que tu t’étais avancé vers l’anglaise. Déposant ta guitare sur le sol, prenant place sur le rocher devant toi, tu lui expliquais que tu avais foiré dans ton traitement contre ta toxicomanie et ton alcoolisme. En effet, il y a quelques mois tu avais fais une rechute dans ta sobriété. Et ce n’était pas grâce à l’aide d’Effy que tu t’en étais sorti, elle avait même cru que ta sauveuse d’un soir était un moyen de distraction pendant qu’elle avait disparu. Mais non, Charlie était bien plus que ça. Même si vous aviez échangé un baiser tous les deux, tu la considérais comme une amie, une vraie, une fille qui reste près de toi et qui prend soin de toi quand ça va pas. Ce n’était pas le cas de celle que tu avais à tes côtés. Mais c’était plus fort que toi, tu étais amoureux. « En effet » dis-tu simplement avec un rire sarcastique. Si tu étais encore en vie, si tu n’avais pas sauté du haut de ton appartement, c’était grâce à elle et ton appel de détresse. Tu n’avais pas quitté l’horizon de la ville des yeux, tu te sentais apaisé et ça te faisait mal de regarder la brune dans les yeux. La dernière fois que tu lui avais parlé, ça ne s’était pas forcément bien passé enfin du moins pas bien terminé. Tu lui racontais à quel point tu te sentais con d’avoir perdu tout ce temps à être sobre, enfin plutôt à avoir coupé ta guérison. C’était ça le pire pour toi. 695. Ce chiffre tu ne l’oubliera jamais. Lorsqu’elle te demandait si tu pensais que c’était ta faute, tu riais nerveusement. « Oui, c’est ma faute. J’ai ouvert le bouchon de la bouteille de whisky et j’l’ai mise à la bouche » dis-tu en finalement regardant vers Effy, plongeant tes yeux dans ceux bleus profonds de l’anglaise. « J’étais seul, j’étais perdu et j’avais envie d’en finir » dis-tu en prenant un air plus sérieux. Tes yeux se posaient de nouveau sur l’horizon que tu ne quitterai pas cette fois. Tu ne voulais pas lui dire que tu avais souffert de son absence, parce que tu ne voulais pas l’incriminer mais c’était vrai. Ce n’était pas la seule raison, mais c’en faisait parti. Et te l’admettre à toi-même, bordel que ça faisait mal au coeur.

Eff' sentait bien toute la rancœur qui émanait de son ami, de celui qui avait toujours été son confident et son soutien. Elle recevait ce ressentiment en pleine figure, sans broncher, parce qu'elle savait bien qu'elle le méritait. Parce qu'elle pouvait imaginer que les choses avaient été dures pour Milo, et que même si tout n'était pas de sa faute à elle, elle n'avait en tout cas pas arrangé les choses. Elle pensait le protéger d'elle-même, mais au final, elle l'avait juste abandonné. Trop effrayée par ces émotions, ces attachements dangereux. Ces addictions. Le photographe tourna enfin le visage vers elle, une expression ironique sur ses traits quand il répondit à sa question. L'Anglaise ne répondit pas tout de suite, sondant son regard. Elle pouvait y trouver, en y regardant de plus près, la peine et la déception qui s'y cachait. Peut-être même un peu de honte. Et ça lui faisait mal, de voir Milo se blâmer ainsi, développer ce cynisme sur sa vie, que la brunette connaissait très bien, pour voir son existence exactement de la même façon. Sauf que Milo, il avait accompli tant de choses, lui. Il s'était relevé tant de fois, avec tant de grâce. « C'est une maladie, c'est pas toi, tu sais. Tu t'es battu contre elle pour ne pas ouvrir le bouchon durant 695 jours. Ça, c'est toi. » souffla la jeune fille sur un ton posé et doux. Mais ferme. C'était ça le pire, quand on se battait contre ses démons tous les jours de sa vie. C'était porter le poids de cette culpabilité dès qu'on baissait les bras un seul jour, dès qu'on perdait une seule bataille, dans la guerre d'une vie entière. Effy tiqua quand le garçon précisa son état d'esprit, ce fameux soir de dérapage. Ses traits se voilèrent de tristesse, même si elle comprenait. Elle savait qu'elle avait blessé Milo, mais parfois, elle ne réalisait pas bien l'ampleur des conséquences de son absence. « I'm sorry. I really am, Milo. » répondit Eff' après une pause, dans un chuchotement à peine audible dans ce vent. Mais ses mots transpiraient les regrets et la sincérité. « Tout ce que je voulais, c'était te protéger. Je pensais sincèrement faire ce qu'il y avait de mieux pour toi, pour nous deux. » Elle savait bien que ce n'était pas une justification, mais c'était tout simplement vrai. Effy pouvait avoir l'air égoïste de l'extérieur, mais dans le fond, c'était tout le contraire. Elle voulait juste épargner la toxicité de son existence aux autres. Elle avait vraiment été persuadée que cette règle s'appliquait à Milo aussi.

T’étais en colère. Mais pas forcément contre l’anglaise, quoi qu’un peu, mais surtout contre toi. C’était toi qui avait brisé ton voeu de sobriété ce jour là, c’était ta faute si tu avais arrêté ton processus de guérison. Pas la sienne. Tu avais pris la bouteille, ce soir-là, et tu avais laisser le liquide t’enivrer jusqu’à la dernière goutte. Un poison. Le pire poison qu’il puisse exister pour toi. La façon dont elle venait te parler te surprenait. « Mais qui êtes-vous et qu’avez vous fait à Elizabeth Shepperfield ? » demandas-tu avec un petit rire nerveux. Mais elle avait raison. C’était la maladie qui avait fait ça, ta maladie. Beaucoup de gens pensent que c’est seulement un vice, mais pour des gens comme vous, c’est une putain de maladie. « T’as surement raison » dis-tu simplement en reprenant ton sérieux. Elle avait raison mais tu ne voulais pas te l’avouer, c’est surement ça. Tu lui avouais que tu avais été seul ce soir-là, que tu te sentais délaissé et inutile. Alors c’est pour ça que tu avais décider d’en finir, de mettre fin à tes jours sur le rebord de cette fenêtre. Sans Charlie, tu aurai surement atterri une dizaine de mètres plus bas, gisant sur le sol. Mais non, tu avais réussi à ne pas sauter et à laisser une chance à la vie, une autre. Elle s’excusait, Effy. Et tu soupirai. Non pas de mécontentement mais de soulagement. Elle avait compris que sans elle, tu étais perdu. Enfin, tu espérais que c’est ce qu’elle avait compris. « J’espère que maintenant tu as compris que j’ai besoin de toi, que j’vais pas bien sans toi » dis-tu avec un léger rictus sur tes lèvres. Ce sourire était sincère, vraiment. « I missed you » dis-tu à ton tour dans un murmure que tu pensais inaudible. Tu sortais de ta poche un paquet de cigarette, un vice que tu as gardé, le seul. Et tu en allumais une, en laissant la fumée t’envahir les poumons.

Un petit rire secoua sa poitrine pour suivre celui du garçon, alors qu’il parvenait à faire passer un peu d’humour dans cette conversation dont chaque tournant pouvait être synonyme d’accident. Effy avait l’air calme et sereine, mais c’était faux. Elle avait le cœur battant, même si son visage restait lisse de toute émotion forte. Retrouver Milo, l’avoir face à elle et entendre sa voix, lui procurait un sentiment indescriptible. Le soulagement, la joie, l’appréhension aussi un peu, parce que c’était comme si elle avait perdu l’habitude. Et pourtant ils étaient toujours les mêmes, quelque part, ce lien indéfectible était toujours là, avec cette sensation qu’ils se comprenaient depuis toujours et se connaissaient par cœur. L’Anglaise avait l’impression d’avoir retrouvé une part d’elle-même, au détour d’un chemin hasardeux. « J’ai compris. » assura-t-elle, avec une conviction dans la voix qui dépassait tout ce qu’elle avait pu dire jusque-là. Il lui avait fallu des mois pour comprendre, apparemment. Et elle était désolée, tellement désolée envers son ami de toujours, d’avoir mis autant de temps. C’était quelque chose qu’elle ne pourrait jamais rattraper. Mais ça avait sans doute été un chemin nécessaire pour elle. Et une fois de plus, elle se détestait du fait que ses propres peurs fassent des dégâts collatéraux. « Je suis là. Je m’enfuis nulle part. » Elle ne voulait pas ajouter une promesse là-dessus, mais on la sentait dans son ton, dans son regard et dans tout son être. Doucement, comme une plume, elle s’était rapprochée du Français, et avec ses paroles vinrent un geste. Elle glissa ses doigts fins le long du bras du musicien, jusqu’à sa main. Elle n’avait plus connu le contact de sa peau depuis des lustres, et fut saisie de ce qui ressemblait à un électrochoc. Mais un qui faisait du bien. Son regard azur planté dans celui de Milo, Effy arborait un léger sourire en coin, très léger, mais bien là. Ce sourire indéchiffrable et envoûtant qui était le sien. Aujourd’hui, il avait un goût d’excuses, et de promesses. Elle ne pouvait défaire son regard du sien. « Je pense que… » Elle fit une courte pause, ne sachant pas trop comment amener les mots qui allaient suivre. Elle avait peur qu’ils sonnent comme un reproche, alors que ce n’était ni son intention ni même le fond de sa pensée. « Je pense que je me suis persuadée que si tu avais réellement besoin de moi, tu serais venu me chercher. Que tu m’aurais suivi à travers les galaxies s’il le fallait. Et comme ça n’a pas été le cas, ça m’a confirmé que tu étais mieux sans moi. » finit-elle par dire d’une voix claire, clignant des yeux pour rassembler ses pensées avant de les poser à nouveau sur Milo. Elle savait que c’était irrationnel, comme théorie, mais elle reconnaissait tout autant que quelque part, c’est ce qui s’était joué dans sa tête, cette conviction au creux du ventre même si on sait qu’elle est stupide.

Une petite brise de bonne humeur passait entre vous. Le rire d’Effy te faisait sourire et surtout il te faisait plaisir. T’avais l’impression que tu n’avais pas entendu son rire depuis des années. Ton regard s’était posé sur elle pendant un instant. Et son sourire sur son visage te rendait heureux. Ses yeux iceberg dans les tiens, tu te sentais bien. Comme si vous aviez retrouvé votre complicité d’antan, quand vous faisiez les quatre cent coups ensemble. Ton regard se perdait de nouveau sur la ville qui était surplombé par cette falaise où vous vous trouviez. Tu lui avouais alors que tu avais besoin d’elle, que tu avais besoin qu’elle soit là pour toi et que tu te sentes bien. Elle comprenait, c’est ce qu’elle te disait. Elle te promettait aussi de s’enfuir nul part maintenant. « Vraiment ? » demandas-tu à la jeune femme. L’anglaise t’avait déjà dit qu’elle ne partait nul part, alors tu avais peur quand elle te confiait ne plus s’enfuir. Rapidement mais aussi doucement, elle s’était installé à côté de toi. Et dans un moment de blanc, elle venait passer sa main le long de ton bras pour entrelacer ses doigts dans les tiens. T’avais l’impression que ça faisait des années que vous n’aviez pas eu un contact comme ça, un contact chaleureux. Tu lui expliquais alors que tu avais besoin d’elle dans ta vie pour te sentir mieux. Et que tu était la meilleure version de toi-même quand elle était dans les parages. Même sa noirceur ne te faisait pas peur, tu avais juste besoin d’elle, de sa présence. Elle te confiait qu’elle pensait que tu la suivrai à travers le monde si tu avais besoin d’elle mais tu ne pouvais pas la suivre si tu savais pas où elle était. « Effy, comment tu veux que je te suive si je ne sais pas où tu vas ? » demandas-tu simplement. Cette phrase allait dans les deux sens, elle voulait dire que tu ne savais pas où elle se trouvait géographiquement mais aussi où elle était dans sa tête. « J’aurai toujours besoin de toi » soufflas-tu dans un moment de silence. Tu serrais ses doigts un peu plus contre les tiens, comme pour te rassurer qu’elle était bien là avec toi.

Effy pouvait percevoir le doute dans la voix du garçon, et elle ne pouvait lui en vouloir. Elle était versatile, insaisissable, pas fiable. On ne savait jamais de quoi son lendemain serait fait avec Effy. C'était sans doute ce qu'il y avait de si attirant chez elle, comme les poissons des abysses qui attirent leur proie avec une lanterne bioluminescente, jolie lumière dorée empoisonnée. Elle n'était pas un bon plan, elle n'était pas le bon chemin. Et elle avait trop essayé de laisser Milo tracer son chemin à lui, loin du sien. Elle avait voulu qu'il s'éloigne en ligne droite de ses virages vicieux et sinueux. Mais la réalité était là, en face à face : ils avaient besoin loin de l'autre. Tenter de le sauver d'elle-même n'avait fait que pire que bien, et elle s'était mutilé le cœur à la tâche. Alors il ne lui restait plus qu'une option : baisser les armes, cesser d'avoir peur d'empoisonner celui qui la faisait vibrer, et lui faire confiance. Et enfin, pouvoir s'abandonner dans sa chaleur rassurante. Elle ne serait jamais parfaite. Elle ne serait jamais sereine et fiable, équilibrée et stable. Mais Milo l'avait toujours prise comme ça, pour tout ce qu'elle était. Et s'il avait peur qu'elle ne devienne encore cette brume insaisissable, elle lui assurait aujourd'hui que brume ou pas, elle serait toujours avec lui. Autour de lui. « Vraiment. » assura-t-elle, appuyant chaque lettre, son regard transperçant celui du musicien. Et leurs mains se rejoignant enfin, avait le goût d'un soulagement d'un million d'années. S'il n'avait pas peur de sa noirceur, alors elle n'avait plus à craindre quoi que ce soit. C'était d'elle-même qu'elle avait toujours eu peur, et il n'y avait plus de raison. Pas avec tous ces mots que le jeune homme lui avait maintes fois répétées, et qu'elle acceptait enfin d'entendre, ou plutôt d'écouter, réellement. À sa théorie irrationnelle mais tellement pertinente au niveau émotionnel, Milo répondit par une phrase tout aussi sensée, à laquelle Effy ne pouvait pas répondre. Parce qu'il avait entièrement raison. Elle baissa les yeux, clignant quelques fois des paupières, serrant la main de son ami de toujours. Elle hocha doucement la tête. Elle n'avait jamais su où elle allait. Nulle part et partout à la fois. Comme un fantôme à mi-chemin entre deux mondes. Coincé et pas à sa place. Avec Milo, elle se sentait à sa place. Quand elle s'y autorisait. C'était tout ce qui comptait. « I missed you too. So damn much. »