Two can keep a secret if one of them is dead ı Hunter

Olivia est entrée dans ma vie quand je n’avais que dix ans… J’avoue qu’au début, j’ai eu peur de m’attacher à une femme que mon père amenait à la maison. Cette stabilité que la plupart des gens avaient, moi je ne l’ai jamais eu, je n’ai jamais vraiment connu ce que pouvaient être des bras d’une mère aimante et qui ne voulait que mon bien. Ma mère est morte quand j’avais à peine un an et ce que je sais, c’est qu’elle était malade durant cette année. Un bout, j’ai même cru que mon père pouvait m’en vouloir parce que c’est après ma naissance qu’elle est tombée malade. Puis, ensuite il y a eu quelques personnes qui sont entrées dans nos vies pour en ressortir, la mère d’Elliott est celle dont je garde le plus de souvenir, j’étais un peu plus âgé et j’avais même essayé de m’ouvrir un peu à elle, de lui faire confiance.. Mais, visiblement je n’aurais pas dû puisqu’elle est partie en nous laissant un petit frère. J’ai mis du temps à accepter Olivia, pas qu’elle soit méchante ou quoi que ce soit, juste que je ne voulais pas m’attacher de nouveau à quelqu’un qui allait encore nous abandonner. Non, moi je ne voulais plus rien de tout ça. J’en avais assez et je devais me protéger et j’ai fait ce que j’ai toujours fait. Je me suis isolé parce que dans ma bulle, dans ce coin personne ne pouvait me faire du mal.

Celle-ci, n’est pas repartie, elle n’a pas non plus essayer de me brusquer, respectant mon silence, mon espace… Elle a fait en sorte que je sache qu’elle était là si j’en avais besoin… Encore aujourd’hui, je suis timide et je ne me laisse pas approcher par n’importe qui, je ne laisse pas grand monde avoir accès à mon coeur. Aujourd’hui pourtant, je vais prendre un café avec elle. La dernière fois que j’étais sensé la voir c’était la fois où je devais ramener la tante Edna, l’insupportable, chez mon père et que je suis parti avec Cléo. Je n’ai pas osé remettre les pieds chez mon paternel, de peur de m’en prendre les reproches par mon père. Mais je ne risquais rien d' aller prendre un café avec Olivia non ? Elle ne fait pas aussi peur que mon père…

Quand j’arrive, je vois que ma belle-mère est déjà installée à une table avec une boisson. Je me prends un brown sugar oat americano. Puis, boisson chaude en main, je me dirige vers la table. Je lui fais un sourire, content qu’elle ne se lève pas pour me serrer dans ses bras, pas que j’aime pas, mais je ne suis pas à l’aise avec ce genre de démonstration d’affection dans les lieux publics. “Ça fait un moment oui… Je pense que papa doit être furieux que j’ai pas ramener la tante Edna la dernière fois… Du coup, je pense que c’est mieux si je me fais plus discret. ” Je fais un petit sourire avant de prendre une gorgée de ma boisson. Je hausse les épaules… “J’ai terminé les travaux communautaires… en fait… Je n’ai plus à en faire puisqu’on a payé ma caution… C’est un poids en moins déjà ! ” Oh oui, ça commençait à être lourd, mais au moins Elliott n’avait pas eu à se taper ça, c’est pour ça que j’ai fermé ma gueule là-dessus.

Je crois qu’il était un peu tard pour moi quand elle est arrivée dans ma vie. Si j’avais été plus jeune ou que j’aurais eu l’âge d’Elliott, peut-être qu’elle aurait eu moins de mal à créer un lien avec moi. Peut-être que je n’aurais pas été gâché. J’ai toujours eu du mal à accorder ma confiance et ce n’est pas parce que je ne l’apprécie pas, au contraire, je l’aime beaucoup. Juste qu’il y a certains moments où je ne suis pas capable de m’ouvrir à elle. J’ai mon jardin secret et il y a des choses que je ne pourrais jamais lui dire.

Mais, ça fait un moment que je ne l’ai pas vu et je suis content de la rejoindre. De pouvoir parler avec quelqu’un presque librement, peut-être aussi qui sera capable de me faire comprendre ce qui se passe avec moi, comment cette fille, cette inconnue, réussi à faire de moi ce qu’elle veut sans que je sois capable de lui offrir une résistance.

Une fois assis avec ma boisson chaude on parle bien évidemment de mon absence à l’aéroport. Je baisse la tête, elle a quand même deviné qu’il y avait une raison externe à tout ça. « Je dirais plutôt quelqu’un que quelque chose… » je ne parle jamais vraiment beaucoup, elle doit en avoir l’habitude depuis les années quand même, 22 ans… Je parle aussi du paiement inattendu de ma caution. « Oui je sais qui c’est… En fait, c’est à cause de cette personne aussi que je n’ai pas ramené Edna… C’est une fille que j’ai vu quelque fois… en vrai je l’ai connu à l’aéroport et elle m’a pris pour un employé… » J’arrive toujours pas à comprendre comment elle a fait pour me faire perdre la tête. Je prends une gorgée de mon breuvage, mais je me brûle la langue. « Cleo… elle s’appelle Cleo et elle vient d’arriver à Bowen, elle vient d’Espagne et elle est ici pour un échange d’après ce que j’ai compris. » Je lève la tête vers elle et plonge mon regard de glace dans le sien. « Elle est complètement différente de Mary. » Mon ex-copine avec qui j’ai passé plusieurs années.

J’ai l’impression que plusieurs choses dans ma vie sont en train de changer. Que le Hunter que j’ai toujours été se doit de changer un peu et d'évoluer ! Pas que ma vie ne me plaise pas ou quelque chose comme ça, mais j’ai l’impression de stagner depuis tellement longtemps. Je suis toujours le même et je n’évolue pas, je ne rencontre personne et je passe la plupart de mon temps enfermé chez moi. Depuis que Mary est partie, rien n’a changé dans ma routine et puis, je dois dire que c’est un peu triste. Gertrude est un bon chat, mais ça ne reste qu’un chat et j’aimerais pouvoir un jour développer une certaine complicité avec quelqu’un de sexe féminin ! Mon père malgré ses nombreuses déceptions a quand même fini par trouver quelqu’un qui lui plait ! La preuve, Olivia est avec lui depuis 22 ans et si mon père est capable d’avoir quelqu’un dans sa vie pourquoi pas moi ?

Je ne peux m’empêcher de lire la surprise sur le visage de ma belle-mère, même pour elle, ça doit lui faire étrange que j’ai rencontré quelqu’un ! Je vois qu’elle est contente pour moi et je la remercie d’un sourire timide. C’est surprenant ce qui a pu se produire depuis que Cleo est arrivée dans ma vie et je hoche la tête pour acquiescer. Elle est vraiment gentille. « Elle m’a dit avoir eu un coup de cœur pour moi… Je t’avoue que je trouve ça étrange quand même… mais elle l’a fait et maintenant je n’ai plus besoin de faire de travaux ! » C’est un soulagement en soi, je ne me sentais pas à ma place parmi les autres personnes avec qui je travaillais. N’étant pas de leur monde, je n’arrivais pas à faire ma place. Je sens mes joues devenir rouges de gêne, oui elle me plait, elle me fait quelque chose en dedans et je n’arrive pas à lui dire non ou même à lui résister, ce qu’elle me demande, je le fais sans poser trop de questions. « J’ai du mal à croire que je pourrais lui plaire tellement elle est tellement… Tellement belle en vrai que ça fait peur. J’ai l’impression de ne pas mériter une fille comme elle, je ne suis pas assez… assez… je sais pas comment dire mais je n’ai pas l’impression que je pourrais lui suffire en vrai ! » Je me sens en confiance avec elle, mais je ne sais pas si elle peut me comprendre. Olivia est quelqu’un qui aime la vie et qui semble réussir ce qu’elle entreprend. Puis je suis tellement timide que je n’ose pas foncer dans le tas et prendre ma place. J’ai toujours l’impression que d'autres la mérite plus que moi. « Ça me fait un peu peur en vrai ! »

Parfois je me dis que j’aurais aimé naître en étant une toute autre personne. Parfois et plus souvent qu’autrement, j’aurais aimé avoir la chance d’avoir une mère qui m’aime et qui s’occupe de moi. Mon grand frère n’a pas le même problème de confiance en lui, pourtant il était assez jeune lui aussi lorsqu’il a perdu sa mère. Mais lui, il a eu la chance de la connaître. Parfois j’aimerais être quelqu’un d’autre pour ne plus avoir peur de ce que les autres vont penser. Je change, je le sens, mais j’ai encore peur du jugement d’autrui, j’aimerais pouvoir arrêter de m’en faire a cause de ses regards. J’aimerais pouvoir être confiant et croire en moi, mais ce n’est pas le cas et si je tente de faire quelque chose qui sort de mon chemin habituel, j’ai l’impression d’être un imposteur, tout comme quand je suis avec Cleo, je me dis que c’est impossible qu’elle ait eu un coup de cœur pour moi, qu’elle puisse me trouver intéressant, moi, Hunter Collins, le petit gars coincé…

Olivia me pose une question et je baisse les yeux, pourquoi ça me fait étrange ? C’est simple non, toutes les choses excitantes arrivent aux autres en temps normal, ma vie n’a jamais été palpitante et j’ai souvent préféré m’effacer, quand on est pas en avant-plan, on souffre moins. C’est l’impression que j’ai, mais là encore c’est un mensonge parce que j’en souffre au fond. Si je suis honnête, ça me fait mal d’être toujours seul, d’être celui à qui on ne pense jamais… est-ce possible qu’elle pense à moi en cet instant précis ? Je soupire fortement. « Manque d’habitude.. probablement, la seule fille que j’ai vraiment eu c’est Mary et c’est parce qu’elle est venue d’elle même vers moi. Je comprends rien, rien de rien aux filles ça en est désespérant! C’était inattendu et incompréhensible, je ne sais même pas ce qu’elle m’a fait ! Et c’est encore pire en sachant qu’elle a payé cette caution. Même mon père n’a pas voulu m’aider avec ça ! » mon père, cet homme… Comme si j’avais quelque chose à voir avec ce trafic de stupéfiants, moi… jamais de la vie, c’est pour sauver le cul de Elliott que j’ai fait ça ! Pour lui éviter qu'il paye pour avoir aider un pote.

Je rumine légèrement avant de lever les yeux vers elle et j’écoute ce qu’elle me dit, je le comprends aussi, je ne suis pas idiot non plus malgré mon air de crapet soleil hors de l’eau. Je secoue la tête… « Vraiment ? Je crois que je suis surtout réaliste. Je suis une bonne personne, mais j’ai l’impression que dans la vraie vie être gentil ne sert pas tout le temps. Je ne sais pas. J’arrive pas à voir ce que j’aurais de plus que les autres ? Quand est-ce que les gentils gagnent vraiment ? Je ne sais pas Olivia… je ne sais vraiment pas si j’ai vraiment beaucoup à offrir ! » Je me rabaisse à tord… j’en doute !