This is me and my liquor store blues + Thomas

Eclair était en grande forme aujourd'hui, le cheval avait galopé dans les grandes étendues sauvages qui bordaient le centre équestre, trop heureux de pouvoir se défouler. Marcus avait tenu parole et, depuis cette soirée où il avait promis de penser un peu plus à lui, il s'accordait une visite à son équidé favori une fois par semaine. Il fallait avouer que ça lui faisait un bien fou, de s'occuper de l'animal, de le monter, de s'aérer l'esprit, loin de son vieux bar qui lui prenait quasiment tout son temps. Parfois il croisait Thomas, mais pas toujours, le propriétaire du haras avait d'autres choses à faire que d'attendre son ami et les visites d'O'Brian n'étaient pas régulière en terme d'horaire. Il admettait volontiers qu'il ne venait pas vraiment pour lui non plus, quand il le voyait c'était un plus, mais il avait trouvé, en ses visites hebdomadaires, une forme de thérapie, d'échappatoire. Lui qui parlait peu de ses soucis, c'était sa façon à lui d'échapper à la pression. Ce jour là il était venu tard, la journée au bar avait été un peu merdique, son humeur tout autant, c'était clairement un jour sans. Normalement le centre était fermé mais on l'avait laissé entrer parce qu'il était un ami du patron. Et aussi le seul à savoir tenir tête à Eclair. Marcus était dans le box du cheval à le brosser après avoir ramassé tout le matériel quand il entendit des pas sur le sol. Il se sentait un peu mieux, apaisé, après sa balade. Il allait rentrer chez lui, se commander à manger et s'affaler sur son canapé, ça paraissait être une bonne idée. Il sorti du box pour voir qui s'avançait et fut presque surpris de trouver Thomas. Rankin le magnifique ! Tu me fais l'honneur de ta présence ? J'allais rentrer. Il salua son ami d'un sourire engageant.

Tu avais passé des sales moments ces derniers jours. Depuis ton accident, tu étais enfermé chez toi à te morfondre devant la télé. Heureusement que Romy était là pour te remonter le moral. Et heureusement que tu avais des amis en or qui allaient s’occuper de ton haras. Aujourd’hui, tu avais demandé à un de tes potes de t’emmener au haras. T’en avais marre de ne pas voir tes bêtes et tu avais besoin de voir d’autres visages. Même si ceux de ton ex-femme et de ton fils suffisaient largement. Mais tu n’avais pas envie d’être un fardeau et faire quelques trucs de toi-même. Après que Mateo t’ait emmené ici, il était reparti en voiture et tu étais arrivé à ton bureau assez lentement mais tu y étais arrivé ! Après avoir fait quelques papiers, tu étais sorti et tu étais sur le perron de l’accueil, à attendre que le temps passe surement. Un de tes employés était venu te dire qu’un de tes amis était venu ce matin. Alors tu demandais qui c’était mais le jeune homme ne le connaissait pas. Il te disait juste qu’il était parti voir Éclair. Tu savais alors que c’était Marcus qui était venu ce matin. Tes béquilles en main, tu avais pris le chemin vers le box. Et tu t’étais assis sur le rebord d’une barrière en face de ce dernier. « On m’a dit qu’un vieux monsieur était venu ce matin pour monter Eclair, j’ai tout de suite pensé à toi » dis-tu avant de rire. Non ce n’était pas du tout ce qu’on t’avait dit mais tu voulais le faire marcher. « Tu as choisi le jour où j’ai décidé de prendre l’air, ce plâtre en avait marre d’être à l’intérieur » dis-tu avec un rire. Tu ne te levais pas, mais tu saluais ton ami de loin. Il n’allait pas t’en vouloir, tu étais un peu handicapé pour le coup. Même si tu faisais tout pour ne pas l’être.

Marcus était le genre d'homme à faire passer les autres avant lui, leurs préoccupations, leurs ennuies, il les écoutait, il les épaulait. Et ses emmerdes à lui, ça n'avait que peu d'importance. On disait que, pour ce trait de caractère là, il était un parfait barman, toujours à l'écoute. Mais ces derniers temps il fallait bien avouer qu'il était ailleurs, dans ses pensées à lui, dans son monde, un peu loin de la réalité. Il pensait à sa femme, qui ne serait bientôt plus son épouse, mais qu'il aimait pourtant terriblement. Il pensait à cette autre, qui avait tout bouleversé, d'un regard, d'un sourire, lui qui n'avait pourtant, jusque là, pas été sensible aux charmes des autres femmes. Il pensait beaucoup et était souvent à côté de la plaque, donc. Il avait par exemple un peu oublié de prendre des nouvelles de Thomas et il avait su assez tard pour son accident. Evidemment depuis il s'était inquiété pour lui, mais sur le coup il s'en était voulu. Il ne venait pas pour lui, au haras, il savait que son ami était pas mal chez lui depuis sa chute, mais il espérait toujours, au cas où, de le croiser un jour, après une balade. Et finalement il était bien tombé ce soir, même si ses employés avaient dit à Marcus que Rankin ne serait pas là, c'était bien lui qui pointait le bout de son nez et de l'autre côté de la barrière. Appuyé dans une position qui semblait peu agréable, il le regardait avec un sourire aux lèvres. Un vieux monsieur, qui dit ça ?! Je suis dans la force de l'âge. Et puis quand je te vois, là, c'est à se demander qui est le plus vieux des deux ! Il s'approcha de Thomas et grimaça. On pourrait peut-être s'installer dans ton bureau, ou sur une chaise dans la cours, tu seras mieux qu'ici. Il ne voulait pas infantiliser son ami mais il fallait avouer qu'il n'avait pas l'air bien en point.

Les visites au haras avaient été rares ces derniers temps. Depuis ton accident, tu n’avais pas trop pu y aller et ça te manquait terriblement. Maintenant que tu n’avais plus ton plâtre, tu étais un peu plus libre de bouger même si c’était toujours délicat avec les béquilles. Mateo t’avait déposé aujourd’hui, parce que tu tournais en rond dans ta grande maison. Romy et Arthur étaient parti à Chamonix et tu n’avais pas envie de rester seul. Quand tu étais arrivé au haras, un de tes employés t’avait dit qu’un de tes amis était venu monter un cheval. Et au nom de ce cheval, tu devinais tout de suite qu’il s’agissait de Marcus. Alors tu allais au plus vite que tu pouvais devant le box pour retrouver ton ami. Tu lui faisais une petite blague qu’il te renvoyait en pleine figure. « Outch, mon égo » dis-tu en posant ta main sur ton torse, mimant un air dramatique. Puis tu riais légèrement avant de reprendre. « On a cas aller sur la terrasse » proposas-tu à ton ami. Tu te levais de ta petite barrière où tu étais assis et vous preniez le chemin vers la terrasse de ton bureau. Tu voyais que Marcus faisait des efforts, et qu’il te suivait à ton rythme pour ne pas que tu ailles trop vite. Une fois arrivé sur la terrasse, tu t’assis sur une des chaises présente en invitant le patron du Elm à s’assoir à son tour en face de toi. Tu posais tes béquilles par terre et tu te sentais déjà mieux en étant assis. « J’suis content que tu sois venu, Marcus ! T’as fais une bonne balade avec Eclair ? » demandas-tu à ton ami. Vous aviez fait un pacte récemment, de prendre soin de soi un peu. C’était ta résolution de la nouvelle année. Penser à soi avant de penser aux autres. Mais ça devenait toujours compliqué. Tu étais vraiment content de voir qu’il avait prit du temps pour lui.

Toute la ville était partie en France. C’était à peine exagéré, Marcus le ressentait dans la fréquentation de son bar. Sa clientèle était en grande partie composée d’habitués, de locaux qui venaient passer du bon temps à son comptoir. Et ils étaient partis, pour la plupart, se geler les fesses à l’autre bout du monde. Ce n’était pas le mieux pour la planète, soit dit en passant. Mais peut-être qu’il pensait de cette façon parce qu’il était un peu jaloux, au fond. Lui qui ne sortait quasiment jamais de son bar, il lui avait dédié sa vie, il n’avait jamais voyagé, pour être honnête, il n’avait même pas de passeport. Il ne prenait jamais de vacances, il fusionnait avec son morceau de vieux bois, c’était la simple vérité. Mais cette vie il l’avait choisi, il adorait le Elm, depuis toujours, il s’y sentait bien, il ne ressentait pas le besoin de voir ailleurs. Pourtant, ces derniers jours, il aurait presque eu envie de mettre les voiles, lui aussi. Peut-être à cause de cette femme qui l’avait chamboulé, Emily, elle était repartie sans un au revoir et ça l’ébranlait plus qu’il ne voulait l’admettre, d’où son humeur maussade. Que veux-tu mon ami, tu te fais vieux, tu as quoi ? Deux mois de plus que moi ? A un certain moment, ça compte ! Il souriait, charriant Thomas sur son âge, alors qu’en vrai il paraissait bien plus jeune que lui habituellement. Il était heureux de le revoir, c’était une vraie surprise, la cerise sur le gâteau, ce qui allait définitivement lui redonner le sourire, Rankin ne le savait pas, mais il avait exactement besoin de ça en ce moment. Ils se dirigèrent sur la terrasse, Marcus accompagnait son ami, sans se presser, pour respecter son handicap, il n’avait vraiment pas l’air bien en point, malgré l’absence du plâtre, on voyait bien qu’il y avait du chemin à faire avant qu’il puisse remarcher correctement. J’ai tenu ma promesse ! J’essaye de venir régulièrement. Oui, on s’est bien défoulé je crois. Ce cheval est une vraie tête de mule, mais on arrive à s’accorder ! C’était la même à chaque fois, le début de la balade était houleux entre le cavalier et sa monture, mais ils finissaient par trouver leur rythme et c’était toujours un plaisir, que le cheval semblait vraiment partager. Et toi, comme tu vas ? C’était, aux yeux du barman, le plus important, la santé de Thomas. Evidemment il lorgnait sur sa jambe, c'était sa préoccupation principale.

Il y avait beaucoup moins de monde à Bowen en ce moment. L’échange à Chamonix avait bien marché, c’était un fort succès. Romy et Arthur étaient là-bas et ils te manquaient énormément tous les deux. Tu avais fais le choix de rester à Bowen car tu ne voulais pas laisser ton haras mais aussi à cause de ta foutue jambe qui venait tout juste de sortir de son plâtre. Alors c’était plus raisonnable. Mateo t’avait déposé aujourd’hui, et tu ne t’y attendais pas mais tu trouvais ton ami Marcus qui était venu monter ce matin. C’était un plaisir de croiser ton ami ici, tu étais content qu’il ait pris du temps pour venir monter le fameux cheval indomptable. « C’est pas beaucoup deux mois quand même… » dis-tu avec un léger rire à ton ami. Non, tu ne te faisais pas vieux, enfin tu ne le pensais pas. C’était un gros sujet pour toi, la vieillesse. Tu avais peur de ça, et arriver proche de la quarantaine ça te minait énormément. Mais ça devait bien arriver un jour, non ? Tu marchais tant bien que mal à côté de ton ami mais c’était un peu difficile encore. Heureusement pour toi, il était sympa à marcher à ton allure. Vous vous retrouviez rapidement sur la terrasse de ton bureau et tu te posais sur ta chaise. « Ça me fait plaisir que tu prennes le temps » dis-tu avec un sourire. Le jeune homme respectait sa part du marché, celle dont vous aviez parlé la dernière fois. « Qui se ressemble, s’assemble » dis-tu en le taquinant un peu. Mais vous étiez habitué à être comme ça tous les deux. Tu allongeais ta jambe endommagée sur une chaise et ça te soulageait un peu. La douleur allait et venait le long de cette dernière. « Depuis que j’ai plus mon plâtre je me sens plus libre » commenças-tu par dire à ton ami. « La rééducation est pénible et surtout très longue mais bon, je fais de mon mieux. Parce que j’ai hâte de pouvoir remonter à cheval ou de jouer au foot avec mon fils » dis-tu avec un sourie en coin. C’était ça qui te manquait, que tu ne pouvais rien faire avec ton fils. Ni l’emmener au sport, ni passer du temps avec lui sauf si c’était sur le canapé à regarder un film.

Marcus n'avait pas peur de vieillir, il était vrai qu'il voyait la quarantaine arriver doucement mais ça ne lui faisait rien. Il était conscient qu'on allait tous vers le même chemin, c'était bien la seule chose sur laquelle tous les humains étaient égaux, n'être que de passage. Alors il découvrait des cheveux blancs de temps en temps et parfois ses muscles étaient plus raides au réveil. Mais ça ne l'effrayait pas. Il savait que ce n'était pas la même chose pour Thomas, alors il le taquinait un peu sur le sujet, mais sans insister, il respectait les craintes de son ami. Mais non, c'est rien même ! En effet, il avait tenu sa part du marché, il venait régulièrement rendre visite au cheval, au début il avait dû se forcer un peu, mais plus les semaines passaient plus ça devenait une habitude qui lui faisait du bien, c'était son moment à lui où il ne pensait pas à son bar, à sa compta, à ses stocks. Il se vidait la tête et c'était plaisant. Tu veux dire que moi aussi j'ai un caractère de merde ? J'ai bien fait de venir tiens ! Il riait, pas blessé du tout par la réflexion de Rankin, c'était même plutôt affectueux de sa part. Marcus ne s'était jamais rien cassé alors il était incapable de se mettre à la place de son ami, mais il se doutait que c'était une épreuve. Il grimaça en l'écoutant parler. Arthur doit être impatient aussi, mais il faut que tu prennes le temps de bien te soigner, même si c'est long et pénible. Si ça lui arrivait, O'Brian serait comme un lion en cage, insupportable, il n'en doutait pas une seconde. Ils restèrent quelques secondes silencieuses à profiter de l'air frais. Comment va Romy ? L'air de rien c'était une façon pour le barman de savoir si Thomas aussi avait respecté sa parole.

L’approche de la quarantaine te faisait drôlement peur. Et ton ami le savait bien, c’est bien pour ça qu’il te taquinait là-dessus. Mais en réalité, ce n’était pas que ton âge qui te faisait peur, c’était surtout celui de ton fils. Ton fils grandissait tellement vite que tu avais l’impression que le temps passait à une vitesse folle. Tu riais avec le barman quand vous finissiez vos taquineries sur l’âge. Marcus était venu profiter d’un peu de temps pour monter à cheval, et ça te faisait très plaisir de voir ça. Mais tu en pouvais pas t’empêcher de le taquiner encore un peu. « Oui, tu en as un, mon ami ! Tout comme moi, d’ailleurs » dis-tu en riant légèrement. Vous parliez ensuite de ta rééducation, après ton accident de cheval. Tu avais très hâte de te remettre mais tu prenais chaque chose en son temps. « Oh oui, j’y vais doucement, j’ai pas envie que ça dure encore plus longtemps » dis-tu avec un sourire à Marcus. « Arthur est tout aussi impatient que moi, j’ai l’impression » ajoutas-tu avec un léger rire. Tu ne faisais plus grand chose avec ton fils parce que tu ne pouvais plus, tout simplement. Mais tu prenais ton mal en patience, tu allais chez le kiné et tu faisais des exercices tout comme il fallait pour te remettre assez vite. « Romy va bien » dis-tu avec un sourire en coin. « Elle part à Chamonix avec Arthur, mais on va passer Noël ensemble, donc j’suis content pour eux, même si je ne passe pas le nouvel an avec eux » dis-tu avec un léger sourire avant de reprendre. « Et on a décidé de partir en vacances ensembles, elle et moi » ajoutas-tu avec un sourire en coin à ton ami. Tu avais aussi respecté ta part du marché.

Marcus avait un caractère de merde, il ne le cachait pas. Il passait généralement pour un homme doux qui ne faisait pas d’histoire. Ça c’était la façade, parce que quand on le connaissait bien on savait qu’il se mettait facilement en colère, ça passait vite, mais il ne valait mieux pas être là quand il enrageait, il avait une patience toute relative et ça, Leo en avait souvent fait les frais, lorsqu’il trouvait qu’elle passait trop de temps à nettoyer une table alors qu’un groupe venait d’arriver pour s’installer. Il râlait beaucoup, en règle générale, sur tout. Mais ça faisait partie de son charme, quoi qu’avec le temps il avait fini par se dire qu’il était sûrement mieux en vieux garçon qu’avec un femme qui devrait le supporter. Il roula des yeux, en même temps il avait tendu le bâton pour se faire battre, il grommela pour la forme, mais en vérité il avait des amis en or et Thomas était indéniablement l’un d’entre eux. Ça, j’te le fais pas dire, vieux !  C’était facile, mais Rankin le méritait. Le cavalier était sage, surement bien plus que lui ne le serait s’il avait vécu ce qui lui arrivait, devoir ronger son frein, vivre une convalescence, la douleur, la rééducation… Marcus n’avait jamais eu à subir tout ça, il avait la chance de ne jamais s’être vraiment blessé, peut-être aussi parce qu’il n’était pas vraiment une tête brûlée, mais heureusement, parce que s’il avait eu à en passer par là, il aurait été un horrible malade, il aurait brûlé les étapes. Tu vois, c’est quand tu parles comme ça qu’on voit que tu as la sagesse d’un homme de deux mois de plus que moi. Il se moquait un peu, encore, pour que ça passe mieux, parce qu’il pouvait lire dans l’expression de son visage figé que Thomas en bavait encore et qu’il n’avait pas terminé de souffrir à cause de cette maudite chute. Bientôt vous pourriez courir un marathon ensemble. En attendant il peut toujours te battre à la console… Marcus changea doucement de sujet, toujours en s’inquiétant pour son ami, mais plus pour l’état de ses amours. Pourtant il n’avait peut-être plus à s’en faire, son expression changea, son visage se radoucit. Noël ensemble, rien que ça ! C’est un sacré changement dis-moi. Il le laissa terminé et ne put cacher son sourire en l’écoutant. Je suis content pour toi. Pour vous. Vous le méritez. Depuis le temps que ça dure. Il savait qu’ils auraient pu se réconcilier depuis bien plus longtemps, mais les choses importantes prenaient du temps à se faire. Vous partez où ? Lui qui ne partait jamais en vacances, autant rêver à travers la vie des autres.

La perche avait bien été récupérer par Marcus qui t’avait renvoyé le « compliment » à la tronche. Tu l’avais bien mérité. C’est pas pour rien que vous vous entendiez bien et que vous étiez de bons amis avec le propriétaire du Elm Street. Il n’y avait jamais de balle perdue entre vous, c’était toujours de bonne guerre. Tu le savais, il le savait. C’était le fondement de votre amitié, peut-être. Tu lui tirai la langue tel un enfant, du haut de tes 36 ans. T’avais réussi à te radoucir avec le temps et surtout avec les différentes épreuves de la vie que tu avais enduré : ton divorce, ta chute de cheval, l’arrêt de ta carrière à la télévision. Mais tu étais toujours au fond ce petit garçon turbulent qui aimait faire tout et n’importe quoi. « Tu racontes n’importe quoi » dis-tu dans un rire, en écho aux paroles de ton ami. Il avait toujours le mot pour faire rire, ce Marcus. Une fois posé sur les chaises à l’accueil du haras, tu soulageais ta jambe sur une autre chaise pour l’avoir un peu surélevé et te sentir un peu mieux. Tu confiais alors à ton ami que ne plus jouer au foot avec ton fils te manquait un peu, même si tu pouvais vaquer à d’autres occupations en attendant de guérir. « Un marathon, j’irai pas jusque là. Mes poumons de fumeur ne tiendront jamais » dis-tu avec un léger rire. D’ailleurs, tu sortais ton paquet de cigarette de ta poche de jean et tu en insérais une entre tes lèvres avant de jeter doucement le paquet sur la table. Tu l’allumais et tu soufflais une bouffée dans l’air. « Pour les jeux vidéos, faut que j’m’entraine encore. J’arrive toujours pas à le battre, à croire qu’il passe sa vie là-dessus » dis-tu avec un léger rire. « Il passe clairement sa vie dessus » ajoutas-tu rapidement avec un autre rire. En même temps, la maison n’est pas loin de l’arcade, il aime beaucoup les jeux vidéos et dès qu’il ne sort pas pour faire du sport, c’est ça qu’il fait. Comme tout adolescent de son âge, on va pas se le cacher. « Ouaip ! On a passé un cap je crois » dis-tu avec un sourire. Tu étais tellement heureux de passer les fêtes avec Romy comme une famille réunie à nouveau. « Merci mon pote » dis-tu avec un sourire en coin. « On part en République Dominicaine, je lui fais la surprise » ajoutas-tu en inspirant sur ta cigarette. Ce voyage était super important pour toi, pour vous et votre relation.

Marcus avait toujours été bien entouré, il fallait l’admettre, il avait toujours eu beaucoup d’amis. C’était le gars facile qui ne peinait pas à s’intégrer et puis en ayant toujours vécu à Bowen il avait longtemps eu la même bande de potes, les gamins qui avaient grandi ensemble, qui s’étaient suivi dans les cours de sport, à l’école, … Cette bande-là n’était plus, depuis quelques années déjà, le temps avait fait son œuvre, le passage à l’âge adulte, les différents choix professionnels, les petites copines, les déménagements, les gamins, les divorces. … la vie quoi ! O’Brian n’était pas amer, il s’était lui-même coupé de ses derniers potes d’enfance quand Penelope était partie, c’était plus facile de vivre seul avec sa peine plutôt que d’avoir ces fameux copains compatissants mais qui n’y comprenaient rien. Ca ne l’avait pas empêché de se faire d’autres amis, tout au long de sa vie, des rencontres, des opportunités. Il aimait se dire que chaque époque, chaque étape, amenait son lot de connaissance, parfois de passage, parfois elles restaient plus longtemps. Thomas était clairement une bonne surprise que le destin avait mis sur son chemin, lui, l’acteur déchu, la célébrité qui avait tout plaqué pour venir reconquérir l’amour de sa vie au fin fond de l’Australie, c’était une sacrée histoire. Sur le papier ils n’avaient pourtant rien pour être amis, néanmoins ça avait fonctionné. Parce que Rankin n’était pas l’un de ces acteurs imbus de lui-même qui ne voit que par sa carrière et ça faisait toute la différence. Alors oui, ils se tiraient souvent la bourre, mais toujours pour mieux en rire. Ce jour-là, particulièrement, après avoir découvert les traits tirés de son ami, Marcus était fier d’arriver à l’amuser avec ses conneries, peut-être que ça apaisait un peu ses maux. Il secoua la tête quand le cavalier parla de ses poumons de fumeur, lui n’était pas vraiment meilleur. T’as raison, donc autant les empoisonner encore plus ! Il le houspillait gentiment mais au fond il crevait d’envie de tirer sur une clope lui aussi. Il était en train d’arrêter, ça faisait des années qu’il arrêtait d’ailleurs… pour mieux reprendre, parce qu’il était incapable de se passer de cette saloperie. Il se souvenait très bien de sa première clope, en prépa d’ingénieur, la pression était terrible, même pour un géni comme lui, les profs constamment sur le dos et surtout cette certitude, au fond de lui, qui le minait, celle qu’il n’était pas fait pour les sciences, cette question qui revenait sans cesse, qu’est-ce que je fous là ? Il avait fini par craquer un soir, une première cigarette, il avait craché ses poumons, mais ça avait fini par devenir une habitude et il était devenu accro. Il s’était un peu calmé après avoir rencontré Penelope, puis repris de plus belle lorsqu’elle l’avait quitté, engrenage à la con. Finalement il savait bien que jamais il n’arriverait à arrêter, mais il n’était pas prêt à l’admettre. Il pouffa de rire face à la réflexion presque naïve de Thomas et ne pu s’empêcher de répliquer en même temps que lui, quasiment mot pour mot la même chose : C’est sûr qu’il passe sa vie dessus. Et ils partirent dans un nouvel éclat de rire. Ils n’étaient pas dupes, ni l’un ni l’autre, Arthur avait beau être un bon gamin, il restait un ado comme les autres. N’y tenant plus il se leva et récupéra le paquet de clopes que Thomas avait jeté sur la table, il en sortit une cigarette et le briquet puis se rassit en tirant presque avec soulagement sur le filtre. Arthur le prend bien, pour vous deux ? Parce qu’il était évident, s’ils parlaient de Noël, que leur fils serait de la partie. Wow, la surprise, tu sors le grand jeu. Elle ne se doute de rien ? Je vais éviter de la croiser d’ici les prochaines semaines, ça m’évitera de faire une boulette. Ce n’était pas son genre de vendre la mèche, mais on ne sait jamais, il s’en voudrait trop.

Marcus était véritablement l’un de tes meilleurs amis à Bowen. Cette amitié, aussi inattendue soit-elle, étais bénéfique pour toi et pour ton bien-être dans cette ville. Tu avais mis du temps à t’y intégrer, à faire ton nid et à te refaire des amis. Gabriella était bien la seule personne que tu connaissais quand tu as débarqué ici et tu étais un peu un paria après ce que tu avais fais à Romy. Heureusement, des gens comme O’Brian t’avaient accueilli à bras ouverts. Tu avais pris ton paquet de cigarette que tu avais jeté sur la table après en avoir pris une à l’intérieur de ce dit paquet. Tu la mettais entre tes lèvres avant de l’allumer et de prendre une grande inspiration dessus. « Exactement ! Faut que j’alimente mes poumons nazes » dis-tu avec un rire. Tu avais laissé le paquet sur la table pour voir s’il ton ami décidait d’en prendre une ou non. Tu savais qu’avec lui l’envie de fumer allait et venait et qu’il se tenait à essayer d’arrêter mais tu en étais incapable, de ton côté. La cigarette c’est ce qui t’avait aidé pendant des années. Le stress de devenir parents, celui des premiers castings, ou bien plus tard des gros évènements et puis finalement ton divorce et la fin de ton couple avec Romy. Maintenant, tout allait à peu près bien dans ta vie, mais ça ne t’empêcher pas d’arrêter la nicotine. C’était un vrai poison, ça détruisait la santé mais ça ne t’empêchait pas de continuer à en consommer, malheureusement. Un jour, tu arriverai à quitter cette addiction. Arthur serait surement la personne qui arriverai à te faire arrêter la cigarette, même s’il avait déjà essayé et que tu n’y étais pas arrivé. T’avais juste besoin de ça pour l’instant, ça passera quand ça te fera vraiment du mal. Un éclat de rire venait se mêler au tien quand tu confirmais à Marcus que ton fils passait son temps sur les jeux vidéos, il était d’ailleurs d’accord avec ça. En même temps, du haut de ses 16 ans, c’était normal qu’il passe son temps sur les jeux vidéos. Mais c’était aussi un mordu de sport et ça te faisait plaisir à voir. « Il est pas au courant » dis-tu en regardant ton ami s’allumer une clope de ton paquet. « Enfin… il se doute de quelque chose mais il est pas officiellement au courant que sa mère et moi on se refréquente de nouveau » soufflas-tu avec un léger rire. Il était pas idiot le gamin, il avait bien remarqué que quelque chose se tramait chez les Rankin. Mais vous n’aviez rien d’officiel à annoncer tout de suite, Arthur sera le premier au courant quand il le faudra. « Elle sait qu’on part quelque part, mais elle ne sait juste pas où » dis-tu avec un sourire. « On fait ce voyage pour voir si… si ça peut remarcher entre nous, tu vois ? » ajoutas-tu en prenant une bouffée de ta cigarette.

Marcus n’était pas vraiment du genre à donner des leçons, il avait ses propres défauts, ses manies, ses addictions bien à lui, tout ce qu’il détestait qu’on lui reproche. Il se souvenait que sa grand-mère avait tout fait pour le faire arrêter de fumer à l’époque, elle avait d’ailleurs crié au scandale lorsqu’elle avait compris qu’il avait commencé. Seulement c’était peine perdue, il était aussi doux, tendre avec elle, que têtu, un peu comme elle d’ailleurs. Il avait beaucoup de peine et de nostalgie lorsqu’il pensait à elle, cette femme si forte, elle lui avait donné tout l’amour qui lui manquait, cachant son désespoir d’avoir perdu sa fille en héritant d’un petit fils. Ils avaient le même caractère tous les deux, les mêmes yeux bleu clair, les mêmes fêlures, alors leur relation pouvait être parfois explosive, mais ils étaient incapables de s’en vouloir bien longtemps. Elle lui manquait tous les jours, mais pour ça, elle n’était plus sur son dos pour lui faire la morale lorsqu’il s’allumait une clope. De toute façon il s’était dit qu’il arrêtait, alors il ne comptait pas lorgner sur le paquet que Thomas avait négligemment délaissé sur la table, comme pour le narguer. D’ailleurs sa volonté vacilla rapidement, il se détestait déjà d’avoir si peu de détermination lorsqu’il s’agissait de la nicotine, mais il fallait bien l’admettre, c’était une drogue comme une autre, il y était accro, un peu comme pour l’alcool, mais ça c’était une autre histoire, pour une autre fois. Il fit comme si de rien n’était alors qu’il remarquait bien le regard appuyé de son ami qui se gardait bien de faire tout commentaire. Ils continuaient leur discussion, naturellement. Tu veux me faire croire qu’il sait que vous passez Noël tous les trois et que tout est parfaitement normal, sans qu’il pose de questions ? Ce gamin est un ovni. Ou bien il vous a totalement grillé depuis longtemps. En vérité il n’en savait rien, les adolescents avaient bien d’autres préoccupations que leurs parents et Arthur ne se confiait que rarement à Marcus, jamais sur ce genre de sujet en tout cas. Thomas le romantique, O’Brian le reconnaissait bien là, organiser un voyage surprise pour sa belle. Quelque part il l’enviait, il avait droit à son happy end avec celle qu’il aimait, c’était tellement logique, tellement beau, il était heureux pour son ami. Mais s’il faisait le parallèle avec lui, sa femme était revenue elle aussi, sauf qu’ils parlaient de divorce et non pas de lune de miel actuellement. Et ça le minait. Oui je vois bien. Même si on sait tous que ça va remarcher, tous sauf vous deux, visiblement ! Profitez-en les amis, vous avez une chance folle de retomber amoureux une deuxième fois. Il était sincèrement content pour le couple.

Assis sur la terrasse de l’accueil du haras, tu te confiais un peu plus à ton ami. En même temps, il comprenait ta position. Romy et toi vous étiez en plein changement dans vos vies. Et puis, qui sait, peut-être qu’il pourrait te donner des conseils ? Tu avais allumé une cigarette, balançant le paquet sur la table comme si c’était un appel à ton ami de s’en allumer une. Tu affichais un sourire lorsqu’il en prenait une dans ce dernier, crachant ta fumée de tabac dans les airs. « Non, je pense qu’il se pose des questions mais qu’il n’ose pas nous en parler » dis-tu avec un léger rire. Arthur n’était pas né de la dernière pluie, il savait très bien que quelque chose était entrain de se tramer entre ses deux parents et qu’il allait y avoir du changement dans vos vies. « Il se doute bien qu’il se passe quelque chose, il m’a sous-entendu qu’il voulait que je vienne avec eux à Chamonix pour qu’on continue les vacances en famille » dis-tu avec un sourire en coin. Même si tu aurai beaucoup aimé y aller, tu ne pouvais pas puisque tu ne tenais toujours pas sur tes deux jambes et tu savais que ces vacances allaient lui faire du bien. Il serait avec ses cousins, sa famille et surtout sa mère. Ton ami était sincère avec toi en te disant qu’il croyait en votre couple et ça te faisait plaisir à voir. Tu lui adressais un sourire bienveillant avant de lui répondre. « J’espère que t’as raison, j’ai vraiment envie que ça remarche entre nous… » répondis-tu simplement. Puis tu reprenais une bouffée sur ta cigarette avant de reprendre. « Et toi alors ? T’as des choses à me raconter aussi ? » demandas-tu à ton ami avec un sourire en coin. Peut-être par rapport à sa femme ? Tu ne savais pas vraiment où ils en étaient tous les deux.