here comes the sun (marcus)

Après les cours, Polly devait retrouver quelques amis au Elm Street pour boire un coup et discuter tranquillement. Elle ne va pas souvent dans ce bar, ni même dans beaucoup de bars en réalité. Elle préfère aller dans les différents salons de thé de la ville, bien plus tranquilles. Il lui arrive d’y travailler aussi même si elle préfère toujours la bibliothèque universitaire, adorant l’ambiance qui y règne, entourée de livres et de gens studieux. La jeune femme arrive en avance pour le rendez-vous, comme souvent. Elle est dans une période plus tranquille de son année alors elle revit par rapport à ses semaines d’examens où elle n’a presque vu personne et loupé bon nombre d’heures de sommeil pour travailler. Son sac sur le dos, elle arrive dans le bar, assez tranquille à cette heure là. Au lieu d’installer à une table, elle bifurque vers le bar, remarquant la personne se tenant derrière. Elle le connaît, c’est Marcus. Il est venu plusieurs fois donner des cours de soutien à l’université, elle-même en donnant, ils se sont croisés plusieurs fois. Même si elle est plutôt bavarde, la rousse est studieuse avant tout alors elle ne lui a pas vraiment posé de questions sur sa vie. Elle est partie du principe qu’il était sans doute professeur, assistant ou en tout cas qu’il travaillait à l’université. « Hey salut ! » dit-elle en souriant pour le saluer avant de s’asseoir sur l’un des sièges du comptoir. « Tu travailles ici ? » demanda-t-elle directement.

C’était quelque chose dont il ne parlait pas, ou très peu, pas parce qu’il le cachait, mais plus parce qu’il n’avait pas souvent l’occasion de l’évoquer. Mais Marcus avait toujours gardé un lien avec l’université, avec les sciences, en proposant des cours de soutien pour les étudiants, lorsqu’il avait du temps libre. Il faisait ça depuis quelques années, à la demande d’un de ses anciens professeurs qui avait eu besoin, à l’époque, de volontaires, il avait accepté, parce qu’après tout, pourquoi pas ?! Et aussi parce qu’il fallait l’avouer, avec son bar, il n’était pas tellement stimulé scientifiquement, ce qui lui manquait, parfois. Il rencontrait régulièrement des collègues, de jeunes professeurs, d’autres avec plus d’expérience, il commençait à faire parti des anciens d’ailleurs, ce qui n’allait pas aller en s’arrangeant. Il se souvenait de Polly, cette pétillante rousse asse volubile, elle le faisait sourire, lorsqu’il la croisait dans les couloirs ou dans la salle de professeurs, elle avait la fraîcheur de la jeunesse, avec un réel amour pour les sciences, mais ce petit grain de folie qui la rendait différente des autres parfois un peu austères et plus fermés. Il se reconnaissait un peu dans cette fille-là, même s’il était sûrement plus pausé, il avait quitté la physique pour faire ce qu’il aimait vraiment, mais les deux n’étaient pas totalement incompatibles. Ce soir il avait recouvert sa casquette de barman, l’ambiance était bonne en ce début de soirée, ce n’était pas encore l’heure d’affluence alors Marcus prenait le temps de discuter avec ses clients, de leur adresser deux mots, une petite attention, il aimait beaucoup cet aspect-là de son métier. Il remarqua facilement la jeune femme qui venait de s’installer au comptoir, avec son rouge à lèvres carmin et sa cascade de boucles, elle ne passait pas inaperçue. Il l’avait rarement vue ici, mais il était content de la voir. Le sourire qu’elle lui adressait était sincère mais il remarquait bien cette pointe de surprise alors qu’elle découvrait son « collègue » derrière un bar, torchon sur l’épaule, bien loin des formules scientifiques. Bonsoir Polly ! Il la laissa s’installer et sourit un peu plus alors qu’elle lui posait sa question sans préambule. Bienvenue chez moi ! Je t’offre, un verre, quel est ton poison ?! Il était amusé de cette situation, ils n’avaient jamais pris le temps de vraiment discuter tous les deux finalement.

En entrant dans le bar elle ne s’attendait pas à croiser Marcus prêt à servir des bières aux clients. Elle aurait été moins surprise si elle avait pris le temps de discuter avec lui les fois où ils se sont croisés. Mais même si Polly est du genre plutôt bavarde, lorsqu’il s’agit des cours elle est sérieuse et studieuse, peut-être même un peu trop parfois. Elle aime aider les autres, c’est pour ça qu’elle participe aux cours de soutien et à tout un tas d’activités. Mais au final de Marcus elle connaît surtout son nom et ses compétences scientifiques, pas vraiment plus. Il lui confirme simplement qu’il bosse bien au bar et qu’il en est même le propriétaire visiblement, comme quoi le monde est plein de surprises. « Je vais prendre un verre de limonade, c’est plutôt léger comme poison. » dit-elle en souriant. Elle n’est pas trop du genre à boire beaucoup, elle prendra peut-être un verre alcoolisé dans la soirée, lorsque ses amis seront arrivés, mais en attendant une limonade sera très bien. « Du coup le bar est à toi ? » demande-t-elle, curieuse. « En vrai je pensais que tu bossais à l’université...mais ça explique pourquoi je te croisais pas tant que ça en fait. » Elle le voyait surtout les jours des cours de soutien mais en dehors de ça, elle ne l’a jamais croisé au détour d’un couloir. Il faut dire qu’elle n’a jamais non plus spécialement cherché à le croiser ou à le connaître. Il lui aurait suffit de chercher son nom dans la base de données de l’université pour se rendre compte qu’il ne travaille pas là, mais elle n’en a jamais eu l’idée.

Il fallait avouer que le Marcus qu'on rencontrait à l'université était bien différent de celui qui officiait derrière son bar. Lorsqu'il donnait des cours il était concentré, il avait souvent l'air songeur et absorbé totalement centré sur sa tâche, il voulait bien faire, tout simplement. Il ne donnait peut-être pas très envie qu'on l'aborde d'ailleurs, ce n'était pas forcément le lieu où le moment où faire un brin de conversation. Alors qu'ici, au Elm, il semblait beaucoup plus détendu, pas moins concerné par son job, mais celui-là semblait tellement naturel, il prenait des commandes avec le sourire sans jamais oublier d'avoir un petit mot sympa, une attention, il tendait l'oreille à toutes les conversations et en manquait rien des remarques ou des demandes. Tout se faisait dans la bonne humeur même lorsque c'était le rush et il s'en félicitait, parce que son bar il s'y sentait bien, chez lui et il aurait horreur d'être tendu en étant chez lui. Et ce soir sa bonne humeur n'allait pas être entachée puisque la jolie Polly venait de pousser sa porte, c'était une bonne surprise. On ne vient pas ici pour une limonade généralement ! Mais il parait que le sucre c'est la pire des addictions, alors c'est un poison comme un autre finalement. Il attrapa un verre dans lequel il mit des glaçons et décapsula une bouteille de limonade fraîche avant de poser le tout devant la jeune femme. Oui, le bar est à moi, depuis près de dix ans maintenant. Il pourrait avoir beaucoup de choses à raconter sur ce sujet, mais il n'était pas certain qu'elle soit aussi curieuse que ça. Il sourit en coin. J'aurais pu, j'aurais dû, même, être professeur, en plus de chercheur. Mais j'ai tout plaqué du jour au lendemain, ma thèse et les espoirs du vieil Arnold, pour racheter ce vieux bout de bois. Il caressait son comptoir avec tendresse. Le professeur Arnold avait hurlé le jour où Marcus lui avait appris qu'il quittait tout, il l'avait traité de fou, d'idiot, de petit con prétentieux même. Pourtant c'était lui qui était venu le chercher, après quelques temps, pour qu'il aide les étudiants. Et toi, comment ça se passe le data ? Le codage et tout le monde de l'informatique ce n'était pas le domaine de Marcus, mais il savait qu'il y avait de l'avenir dans cette branche-là.

Si elle ne s’attendait pas à croiser Marcus derrière le bar, Polly était contente de le voir et de pouvoir discuter avec lui, au risque que lui en ait marre. C’est ce qui arrive parfois avec certaines personnes. Comme elle est plutôt du genre bavarde, à pas s’arrêter, ça peut vite agacer, surtout les gens pressés qui n’ont pas franchement prévus de passer quinze minutes à parler avec elle alors qu’ils lui avaient seulement dit bonjour. Mais la jeune femme essaie de s’améliorer sur ce point et de réussir à comprendre quand les gens ont plutôt envie de fuir la discussion que de la poursuivre. Marcus ne peut pas vraiment fuir puisqu’il est dans son bar mais il peut tout à fait lui faire comprendre qu’il a d’autres choses à faire que de discuter avec elle, mais ce n’est pas le cas pour l’instant. « Je suis pas trop alcool, surtout seule Mais si je prends un truc sans sucre et sans alcool, ça sera de l’eau globalement et c’est un peu nul d’aller dans un bar pour prendre de l’eau, déjà que de la limonade c’est limite visiblement. » répond-elle en riant. En général elle va plutôt dans des petits salons de thé que dans des bars mais elle n’a pas vraiment choisi le lieu du rendez-vous. De toute façon quand elle est avec des gens, ce genre d’endroit lui convient plutôt bien. Le jeune homme lui explique qu’il aurait dû devenir professeur, faire une thèse mais qu’il a tout lâché pour racheter le Elm Street. « Oh je vois ! Le principal c’est de faire ce qu’on aime. J’imagine que si t’es toujours derrière le bar aujourd’hui c’est que c’était pas une si mauvaise décision au final. » lui dit-elle. Il semble plutôt heureux, enfin il n’a pas eu honte d’être derrière le bar en la voyant débarquer, c’est donc qu’il ne doit pas si mal s’y plaire, c’est que se dit Polly. « Moi ça va plutôt bien, c’est pas facile mais je m’en sors. Mais bon je suis pas prête d’avoir finie, je veux pousser jusqu’à la thèse. Mais qui sait je vais peut-être finir derrière un bar moi aussi. » Il y a peu de chances pour que ça arrive, une librairie serait plus probable étant donné qu’elle y travaille déjà à côté de ses études.

Il ne lui faisait pas peur, à Marcus, le flot de paroles de Polly, il l'avait déjà entendue discuter dans les salles de professeurs, il fallait avouer qu'elle avait du débit, mais elle était toujours joyeuse, toujours souriante et ça semblait plaisant, de discuter avec elle. De toute façon derrière son bar il aurait toujours à faire, mais il était capable de suivre une conversation même décousue, même en ayant plusieurs choses en tête, il avait appris, avec le temps. Ouais, le verre d'eau, c'est nul ! Il rit en la regardant, amusé. Mais figure-toi que j'ai une très bonne limonade locale, bio. Généralement elle est servie aux enfants, mais tu m'en diras des nouvelles ! Si elle ne prenait pas d'alcool ce n'était pas bien grave, il en fallait bien plus pour entacher la bonne humeur de l'australien. La curiosité de la jeune femme la poussa le questionner sur le bar, ce n'était pas du tout un problème pour lui de parler de son passé et du fait qu'il ait arrêté ses brillantes études pour finir ici, il en était même fier. Le gros avantage pour Marcus, étant qu'il n'avait aucune famille à décevoir à l'époque, personne qui lui dise qu'il faisait une connerie monumentale, aucun parent pour le déshériter. Il se souvenait de la fierté de sa grand-mère quand elle avait su combien ses professeurs croyaient en lui, elle était heureuse qu'il fasse de grandes études, qu'il ait "une situation convenable", mais elle avait quitté ce monde avant qui ne change de vie. Et puis il restait persuadé que la seule chose que voulait cette femme si aimante, c'était que son petit-fils soit heureux, même s'il devenait barman. Soit ça, soit parce que je me suis tellement endetté que je n'ai pas le choix ! Il sourit à nouveau, il était d'humeur taquine. Mais effectivement, c'est plutôt que je me plais bien derrière mon bar. Il se souvenait encore combien il s'ennuyait seul dans son labo quand il faisait ses recherches, jamais il n'avait regretté son choix de changement de vie. Tu avais l'air passionnée, le peu de fois que je t'ai entendu parler de tes études ... alors fais ta thèse, c'est une aventure de cinglé, mais ça en vaut la peine. Il lui révélait qu'il l'avait déjà observée, dans les couloirs, une fois il avait même décroché une fois du cours de soutient qu'il donnait, juste pour l'écouter, elle ne le savait pas, mais c'était presque sexy de l'entendre parler de ce qu'elle aimait.

Même sur un sujet aussi banal qu’un verre d’eau, Polly est capable de blablater pendant plusieurs minutes. Heureusement Marcus semble avoir la patience pour l’écouter ou bien fait-il seulement semblant ? Elle a toujours du mal à voir quand les gens font semblant de l’écouter, surtout qu’elle peut globalement faire la conversation seule. « Va pour la limonade alors ! Tant pis si je passe pour un enfant, ça serait pas la première fois de toute façon. Je passe souvent dans les rayons enfants des magasins pour m’acheter des accessoires. Ils sont beaucoup plus mignons et colorés que ceux des adultes. » Et pour la rousse, il est hors de question de vivre sa vie sans couleurs et sans paillettes. Elle s’habille toujours avec des robes très colorées, à motifs, avec des barrettes dans les cheveux en forme de fruits, de licornes ou d’arc-en-ciel. En la voyant arriver, on peut déjà savoir à quoi s’attendre. Pas franchement subtile, elle n’hésite pas à mettre les deux pieds dans le plat en questionnant Marcus sur son bar, ce qui ne semble pas le déranger. Il semble bien se plaire à tenir le bar même si en le voyant à l’université elle avait aussi l’impression qu’il se plaisait là-bas. « Oui je préfère me dire que c’est parce que ça te plaît plutôt que parce que tu n’as pas le choix. Passer à l’université ça te plaît aussi ? » ose-t-elle lui demander. Temps qu’elle est là, elle a envie d’en apprendre un peu plus sur lui. Il finira peut-être par fuir dans la réserve pour échapper à ses questions indiscrètes et à son flot presque continu de paroles. La jeune femme lui parle d’ailleurs de ses études et de son envie d’aller jusqu’à la thèse, soit encore de nombreuses années et encore plus de difficultés mais Marcus l’encourage. « Oh merci c’est gentil ! Oui j’aime vraiment ça mais je sais pas si ma famille et mes amis sont prêts à me supporter encore plus si je fais une thèse. » Elle stresse déjà pendant les examens et finit souvent en larmes dans les bras de sa sœur alors elle n’imagine pas pendant la rédaction de sa thèse. « J’ai encore un an pour réfléchir et me décider donc ça va. Pourquoi t’as lâché toi ? Parce que tu t’es découvert une passion pour remplir des bières au bar étudiant de l’université ? » demande-t-elle en riant, encore une fois abordant un sujet potentiellement intime sans trop y penser.

Le barman était habitué à ce qu'on le questionne, tout le monde n'était pas au courant de ses études scientifiques, mais ceux qui savaient étaient généralement curieux. Il y avait de quoi, comment un homme qui était promis à un grand avenir, qui avait largement les capacité nécessaires pour faire une brillante carrière, avait-il pu tout plaquer pour finir barman ? On reléguait généralement ce genre de job à ceux qui n'étaient pas capables de faire des études, ou les éclopés de la vie qui échouaient derrière un comptoir. Pourtant, aussi étrange que ça puisse paraitre, on pouvait très bien choisir ce genre de vie et l'aimer sincèrement. Pour Marcus l'argent n'avait que peu d'importance, certes il aurait largement bien mieux gagné sa vie en étant physicien, mais à quoi bon, si c'était pour ne pas se plaire dans son métier. Il n'avait pas besoin de beaucoup, il n'avait aucune famille à laquelle subvenir, il était capable de payer ses factures, sa salariée et même de se dégager un salaire convenable à présent, quoi demander de mieux ? Il déposait la bouteille de limonade décapsulée et un verre vide avec des glaçons devant Polly avant de répondre à sa question. Oui, j'aime ça ! Je ne déteste pas les science, bien au contraire, mais entre en faire mon métier ou les considérer comme un loisir, je préfère de loin le loisir. Ca fait travailler mon vieux cerveau, ça entretient ma forme ! Il rit en l'écoutant, elle devait être intarissable lorsqu'elle parlait de ses études à sa famille. Il était vrai que c'était un sujet compliqué qui pouvait vite devenir devenir barbant pour ceux qui n'y connaissaient rien. Il se souvenait de sa grand-mère qui s'endormait dans sa soupe lorsqu'elle tentait vainement de s'intéresser à ses études, à l'époque. C'est parce qu'ils ne savent pas encore qu'ils ont l'avenir de la science dans leur entourage. Ils ne connaissent pas leur chance si c'est le cas ! Marcus était toujours prêt à encourager les jeunes, il le faisait lorsqu'il donnait des cours, surtout lorsqu'il voyait le potentiel chez quelqu'un. Un an... tout pouvait basculer si vite, il se souvenait encore combien il était convaincu qu'il allait terminer sa thèse, il était quasiment certain d'intégrer l'entreprise pour un contrat indéterminé juste après, son avenir était tellement tracé, sans aucune surprise. Et pourtant. En un an il peut s'en passer des choses ! Evidemment il pensait au départ soudain de Penelope, il ne souhaitait pas le même destin à Polly. Il sourit alors qu'elle s'esclaffait. C'est presque ça. J'ai toujours vécu face à ce bar, il m'a toujours fasciné. J'y ai décroché un job étudiant, je m'y sentais bien, même si je savais que ça ne durerait que le temps de mes études. Et un jour ma femme m'a quitté, alors j'ai tout lâché pour me réfugier ici. Ce bar ça avait été son radeau de fortune durant la tempête que Penny avait provoqué. C'était tragique comme histoire, mais au fond, elle lui avait permis de devenir l'homme qu'il voulait vraiment être. Comme un mal pour un bien.

Quelque part Polly comprend ce que Marcus peut ressentir en ne voulant pas faire des sciences son métier. Elle, c’est un peu l’inverse, elle a envie d’en faire son métier mais que sa passion pour les livres reste une passion. Elle aime son job étudiant à la librairie, conseiller des gens, discuter, être entourée de livres mais elle a envie de plus que ça. Elle a envie de pouvoir créer des choses utiles aux autres et que son travail ait un impact. Elle n’aspire pas à devenir une pointure du domaine, n’ayant pas suffisamment confiance en elle pour penser qu’elle puisse y parvenir, mais elle aimerait pouvoir changer un peu les choses à son échelle. Elle aimerait que les algorithmes ne soient plus aussi discriminants et que les intelligences artificielles ne soient pas aussi vicieuses que les humains, qu’elle juge les gens peu importe leurs origines, leur couleur de peau, leur genre, leur orientation sexuelle. Quand elle voit des articles passer parlant d’une ia qui discrimine certaines populations ou qui devient raciste en quelques heures, comme le bot de microsoft qui, de gentil compte twitter, est rapidement devenu un compte extrémiste. Si aujourd’hui ces problèmes sont davantage pris en compte par les créateurs, elle sait que des améliorations sont possibles et qu’elle peut essayer de mettre sa pierre à l’édifice. « Tu sais, y’a pas beaucoup de gens qui considèrent les sciences comme un loisir. Et c’est bien dommage ! Mais t’es pas vieux, ton cerveau a encore plein d’années devant lui avant que tu deviennes un petit papy qui fait des mots croisés. » lui dit-elle en souriant pour le rassurer un peu. Elle aime bien le fait qu’il soit aussi passionné et que même s’il n’en a pas fait son métier, il ne lâche pas les sciences pour autant. Polly a toujours adoré ça, elle était toujours très attentive en cours, à lever la main dès qu’il fallait répondre à une question, telle une petite Hermione Granger. Mais ce n’est pas la majorité des enfants et être la petite intello de la classe l’a complètement exclu des autres qui n’hésitaient pas à se moquer d’elle à cause de ses cheveux, de son poids ou de ses bonnes notes, comme si tout ça était une mauvaise chose. La jeune femme confia ses doutes à Marcus qui les balaya en un instant. « C’est trop gentil. Mais je ne pense pas que mon nom marque l’histoire. » ria-t-elle avant de boire une gorgée de sa limonade. Elle sait que sa famille la soutiendra, parce qu’ils ont été toujours là pour elle et que peu importe la voie qu’elle pouvait choisir, ils l’ont encouragée. « Oh...c’est mieux de se réfugier derrière le bar que devant au moins. » Elle relativisait toujours Polly. « L’important c’est que tu ne regrettes pas, peu importe ce qui t’a emmené ici. »

Les facilités d’O’Brian étaient telles qu’il pouvait aisément considérer les sciences comme un loisir, c’était un jeu pour lui que de résoudre des problèmes, élaborer des formules chimiques, ou faire des expériences dont lui seul avec le secret. Lorsqu’il était gamin il avait transformé sa chambre un véritable labo, à cette époque on ne pouvait pas douter de sa passion, il avait besoin de faire travailler son cerveau toujours en ébullition. Aujourd’hui il était évident qu’il n’avait plus le temps pour ça, il était pris par des activités bien plus terre à terre, bien plus classiques. Mais il n’était pas contre débattre de théories sur le cosmos, ou bien discuter des notions de temps et de relativité qui pouvaient le faire parler durant des heures. Il lisait encore régulièrement des articles sur ce sujet ou un autre, dans les journaux scientifiques auxquels il était encore abonné. On constatait d’ailleurs que la Terre tournait de plus en plus vite, c’était un sujet passionnant sur lequel il aurait apprécié de se pencher s’il avait encore le temps et les outils pour, au lieu de ça, il en parlait avec ses clients qui connaissaient son passé de rat de labo et ça partait en grandes discussions en enchainant les verres. Il parait que les mots croisés sont bons pour s’entretenir et pour ça il n’est jamais trop tôt ! Mais pour l’instant j’ai pas le temps d’en faire de toute façon. Il jonglait plus souvent avec les chiffres de sa compta plutôt qu’avec les grilles de mots à compléter. Marcus avait un peu râlé, pour la forme, le jour où le vieux professeur Arnold lui avait demandé de revenir à l’université, mais en réalité il avait été flatté par sa proposition, voir même, il n’attendait que ça, un prétexte pour ne pas totalement perdre le contact avec sa vie de physicien. Ces cours qu’il donnait de temps en temps, c’était ce qui manquait pour qu’il soit totalement équilibré. Ça et sa femme, mais là on était sur un autre sujet. On ne sait jamais, peut-être qu’un jour tu feras quelque chose de grand. Et quand bien-même, ça ne t’empêcherait pas de t’éclater dans ton métier, c’est largement suffisant. C’était ce qui lui manquait, à Marc, de s’éclater, il aimait ses études, il aimait le challenge intellectuel, mais il ne s’amusait pas, derrière son bureau. Alors qu’ici il se sentait à sa place, il adorait son bar. Il afficha un sourire énigmatique, si elle savait qu’il buvait trop, peut-être qu’elle ne dirait pas ça. Il n’était pas devant le comptoir, non, mais ça ne l’empêchait pas d’abuser de la boisson, seulement c’était plus discret ainsi. Oui, tu as raison. Il n’ajouta rien, c’était inutile. Je suis content que tu aies poussé la porte du Elm ce soir, c’est bien de te voir en dehors de l’université. Les gens savaient qu'il était difficile de le trouver ailleurs qu'ici, quand on voulait lui parler c'était plus simple de s'accouder au comptoir, il y passait quasiment toute sa vie.

A l’université, ils n’ont pas eu beaucoup l’occasion de discuter, se concentrant surtout sur le tutorat, Polly étant une élève sérieuse qui ne se laisse pas facilement distraire malgré son côté bavard, relativement absent lorsqu’il s’agit d’étudier. Malgré tout elle ne doute pas qu’elle pourrait discuter de plein de sujets avec Marcus. Il lui semble très intéressant et passionné par les sciences, comme elle. Certes il n’est peut-être pas autant à fond sur l’informatique qu’elle peut l’être mais elle est sûre qu’ils pourraient trouver pas mal d’autres sujets scientifiques. Il pourrait lui apprendre des choses et elle aussi, en retour. Et son côté ancien scientifique qui a tout lâché pour aller tenir un bar, ça l’intrigue pas mal et la jeune femme est plutôt curieuse, un peu trop même puisqu’elle a tendance à poser des questions sans trop s’imaginer dans quoi elle met les pieds. « J’en ferai quand j’aurais plus à me prendre la tête sur des algorithmes. Je pense que corriger du code ça doit bien entretenir le cerveau aussi. » répond-elle en riant. Passer en revu tout un code parce qu’il y a une erreur pour au final se rendre compte au bout de plusieurs heures qu’il y a une majuscule là où il ne faut pas ou qu’il manque seulement un caractère pour que tout fonctionne. C’est plutôt frustrant mais exécuter le code et voir que tout fonctionne comme prévu, c’est extrêmement satisfaisant. L’informatique est fait de frustrations et de joie, Polly l’a bien compris. L’étudiante qui manque toujours un peu de confiance en ses capacités est rassurée par Marcus. Peu importe le chemin qu’elle suit et la renommée qu’elle pourrait en tirer, le plus important est d’aimer ce qu’on fait. « Oui j’espère que je vais bien aimer. » Parce que c’est aussi ça qui la stresse, de ne pas aimer son métier au final. Elle avait plein d’options devant elle, elle n’a pas forcément choisi la plus évidente mais elle était perdue, trop de choix lui plaisaient et il fallait bien faire un choix. Quand la jeune femme évoqua le fait de ne pas se réfugier dans l’alcool pour oublier ses problèmes, elle ne pensait pas parler d’un sujet si vrai et elle risque bien d’ignorer cette part de Marcus pour le moment. « Oui moi aussi je suis contente d’être tombée sur toi. Je viendrais plus souvent ! Si tu acceptes une étudiante qui squatte une table mais ne boit que de la limonade. » répondit-elle en souriant avant de boire une nouvelle gorgée de sa boisson. « Et si jamais je veux te voir, je saurais où te trouver facilement. »

Marcus n'avait jamais été trop calé en informatique. Ca ne l'intéressait pas plus que ça, tout simplement. Il trouvait que c'était trop immatériel, trop impersonnel finalement. Lui il avait besoin de toucher, de voir des changements concrets, visibles. Il était bien conscient que la physique et l'informatique allaient presque de paire aujourd'hui, du moins l'informatique s'était mis au service de la physique, mais il n'avait pas trop envie de se pencher dessus. De toute façon ce n'était plus vraiment important aujourd'hui. Je pense oui, ton cerveau est à l'abri des détériorations avant un moment ! Qu'il plaisanta avec elle dans une bonne humeur très plaisante. C'était toujours risqué de se lancer dans des études aussi longues, surtout quand on poussait jusqu'au doctorat, on avait de quoi se poser des questions sur son avenir, sur l'engagement que l'on mettait dedans et, par conséquent, sur la suite de sa carrière, conditionnée par ce choix. Mais Polly semblait parfaitement à l'aise dans ce qu'elle faisait alors pour Marcus il n'y avait pas de doute, elle devait continuer. Au moins tu vises le plus haut. Ca te laissera peut-être le maximum de possibilités. Il était conscient que ça pouvait faire peur, ces jeunes surdiplômés qui sortaient d'écoles, mais lui il voyait ça plutôt comme un atout. Il lui sourit, c'était vrai qu'elle détonnait un peu dans son bar, elle, toute pimpante, pleine de couleurs et de joie de vivre, qui buvait sa limonade pourtant si sage, dans cette clientèle, majoritairement masculine à cette heure de la journée, avec, pour quasi la totalité, une pinte de bière à la main. Mais ce n'était pas le genre de chose qui le dérangeait, Marcus, il aimait la singularité, il aimait ce qui n'était pas dans la norme. Alors peut-être que si Poly revenait régulièrement elle découvrirait le Marcus qui abusait un peu de la boisson, lui qui offrait régulièrement un verre à ses clients et qui en profitait pour trinquer avec eux, elle comprendrait peut-être qu'il y avait un fond de mélancolie dans son sourire énigmatique, mais ça faisait partie du jeu. Tout le monde est accepté ici ! Et ce sera toujours un plaisir de te recevoir. Son sourire s'élargit d'avantage. Entre ici et à l'université, tu finiras même par en avoir marre de me voir !

Il n’y a pas de doute sur le fait que Polly fasse travailler son cerveau, un peu trop même. Il y a bien des moments où sa concentration se perd car il est impossible de rester concentré à 100 % l’ensemble des cours, mais elle est studieuse et sérieuse. Elle travaille beaucoup pour obtenir les meilleures notes possibles et essayer de se prouver à elle-même, et aux autres aussi, qu’elle a sa place dans cette promo, qu’elle n’est pas là par hasard et qu’elle aussi, elle peut réussir. La jeune femme s’est toujours plus ou moins dit ça, elle a toujours eu cette part d’elle-même qui ne croit absolument pas qu’elle soit douée et intelligente mais seulement qu’elle a eu de la chance, une sorte de syndrome de l’imposteur en d’autres termes. « J’espère ! » Elle n’a certainement pas envie que son cerveau la lâche, personne en a envie. Mais elle n’est absolument pas manuelle, étant davantage douée pour résoudre des problèmes ou conseiller des livres que pour bricoler quelque chose ou jouer de la musique. Marcus la rassurait, si elle arrive au bout de son doctorat, ce qui n’est pas le cas d’une partie de ceux qui se lancent dans l’aventure, elle n’aura pas l’obligation d’être chercheuse, elle aura peut-être même davantage de possibilités. Et Polly aime les études alors les faire durer trois ans de plus pour le plaisir, ça ne lui fait pas si peur, elle a seulement peur d’échouer, de ne pas être à la hauteur. Il lui reste encore un peu de temps pour réfléchir à la suite de son parcours même si les réflexions sur son avenir sont relativement présentes dans son esprit dès qu’elle a une minute de pause. Elle était contente d’avoir pu tomber sur le barman, aussi inattendu soit cette rencontre et il ne semblait pas mécontent non plus. Même si elle détonne un peu avec le décor ambiant, Polly ne se formalise pas forcément d’être différente, elle a eu trop l’habitude d’être exclue par le passé pour vraiment s’en faire. « Non, en général c’est les gens qui en ont marre de moi en premier. J’en ai pas facilement marre des autres mais tu peux quand même essayer de relever le défi si tu veux ! » répondit-elle en riant avant de boire une gorgée de son verre.

Dans toute sa vie il y avait bien une chose qui n'avait pas sourit à Marcus, c'était les relations amoureuses. Non pas qu'il ne plaisait pas, ça n'avait jamais été trop un problème, mais il n'était pas du genre à être trop volage, il n'avait pas besoin d'une fille dans son lit tous les soirs, ni même d'être forcément accompagné. La solitude ne l'avait jamais trop dérangé, au moins en étant seul il ne risquait pas d'être déçu. Mais lorsqu'il avait rencontré Penelope il avait su, comme quelque chose de viscéral, qu'elle serait importante dans sa vie. Seulement il n'avait pris la mesure de cet amour et de son impact qu'au moment où elle l'avait quitté, brutalement. A peu près tout ce qu'il touchait lui réussissait, mais visiblement pas l'amour, peut-être que ce n'était pas pour lui et qu'il était destiné à être ce barman solitaire toute sa vie. En soi, pourquoi pas, il y avait pire comme destin. Il s'était fait à l'idée. Quand il regardait Polly, cette gamine solaire, brillante, belle comme un cœur, elle n'avait pas à douter d'elle, il en était certain. Ne me mets pas au défi, je suis barman, la patience c'est mon quotidien ! Il s'en moquait bien qu'elle détonne dans l'ambiance de son bar un peu sombre, presque austère, elle, pétillante et pleine de couleurs, elle apportait un peu de soleil et ce n'était pas mal. Alors, il est bon ce jus de pomme ? Généralement il n'y avait que les enfants qui le commandaient, lui-même ne l'avait jamais goûté, alors autant avoir un avis plus objectif que celui d'un gamin.

Il y a bien certaines personnes que Polly a du mal à supporter mais elle n'est pas la seule. Il s'agit principalement de ceux qui estiment qu'on ne peut plus rien dire, qui disent des choses juste pour rire même si ça n'a rien de drôle. Si la jeune femme est bien trop polie et bienveillante pour dire le fond de sa pensée à ces personnes, elle fait de son mieux pour les éviter. En dehors de ces personnes, elle n'est pas bien difficile. Elle a des affinités plus fortes avec certaines personnes, comme tout le monde mais elle arrive assez facilement à supporter les gens. Le contraire n'est pas toujours si simple. Durant son enfance elle a été rejetée à l'école, harcelée par moments par les autres enfants qui n'aimaient pas qu'elle soit différente avec ses cheveux roux et bouclés et sa taille pas aussi fine que la plupart des autres enfants. Les choses se sont améliorées quand elle est rentrée au lycée et qu'elle a eu des amis mais certaines personnes n'hésitaient pas à lui dire que son blabla les saoulait plus qu'autre chose. Heureusement certaines personnes aiment aussi l'entendre parler de tout et de rien avec bonne humeur. « J'imagine ! J'espère de pas être la cliente la plus insupportable. » Dit-elle en riant. Des jeunes femmes habillées tout en couleurs et qui ont tendance à trop parler, ça ne doit pas être ce qu'il voit le plus au quotidien dans son bar. « Oui il est bon. Après c'est un jus de pomme. » Admit-elle mais ce n'est pas pour les boissons qu'elle est venue là mais pour rejoindre des amis qui ont décidé de choisir ce bar pour se retrouver. « Mais je veux pas t’accaparer non plus. » Même si le bar n'est pas bondé, elle ne veut pas l'obliger à discuter avec elle tout ça parce que ses amis ne sont pas encore arrivés.

hj : tu veux qu'on arrête là ?