Face of contusions ft Ruby Rosebury-Stawski

Assis sur une bordure de protection en béton, j’attend sagement Ruby dans le parking sous-sol de l’hôpital. Nous sommes loin des horaires de changement d’équipe et j’ai peu de chance de croiser un collègue. Ce n’est pas que ça me gêne tout ce qu’on raconte sur moi, mais j’ai l’impression que ce qui arrive à l’hôpital parvient parfois jusqu’aux oreilles de mon ex. Elle en remet toujours une couche devant l’avocate quand je demande au moins un weekend test chez moi. Je sais que chez moi, ce n’est pas l’idéal. C’est petit, y a mes vieux qui squattent et qui puent, mais j’lui laisserai ma chambre à Keely. J’suis bien capable de dormir sur un canapé et puis mes parents sont pas éternels… J’ai beau dire ça, ils s’accrochent à la vie comme des moules à leur rocher ! J’leur souhaite pas la mort, mais je me dis qu’avant de perdre encore plus de dignité, c’est peut-être pas plus mal de partir ?

C’est sûr qu’ils vont flipper quand ils vont me voir arriver comme ça ! Pas par inquiétude pour mon triste sort, mais ils vont certainement me prendre pour un bandit qui veut les agresser, ça sent encore les coups de canne de mon père ! Comme si j’avais pas assez pris dans la gueule ! En tout cas, j’me suis fais un super pote, superman en personne, Carter de prénom. Le type n’a pas hésité à me défendre, un vrai ninja !
C’est sûr qu’on sera amis pour toujours après une aventure pareille !

Heureusement j’ai une autre amie ici pour m’aider, Ruby la future gynécologue ! J’ai beau adorer les petites minettes, les marguerites, les foufounes, les poupious, les guiguites, les fentounettes ou peu importe leur nom-; je crois qu’en faire mon métier ça finirait par me lasser, voir… Me dégouter ! Parait qu’il y a des champignons peu catholique qui transforment des nénuphars en plats de lasagne, j’ai pas envie de voir ça. J’en ai déjà pas mal vu à mon niveau… Je me souviendrai toujours de la fois, coincés dans l’ascenseur avec Ruby et une femme sur le point d’accoucher, Ruby les yeux pleins de désespoir m’a demandé de l’aider. Le seigneur Dieu Otis des ascenseurs a dû nous entendre puisque les portes se sont ouvertes avant les festivités, mais je ne suis pas près d’oublier ce début de carnage de chéchette auquel j’ai assisté. Alors oui, la future spécialiste des tartes aux poils est mon amie, elle m’engueule souvent, me fait la morale, mais qui aime bien châtie bien !

Elle vient à mon secours la belle Ruby, la plus belle des collègues ! Ça prend du temps, mais je crois que j’lui en demande beaucoup. J’lui ai demandé de ne pas m’engueuler, mais j’parie qu’elle va pas tenir quand elle va voir l’état de mon arcade et les hématome qui poussent toujours sur mon visage et sur mon corps - même si ceux là, elle les verra pas. Quand la porte s’ouvre, mes yeux hazel cherchent sa silhouette en restant un peu discret au cas où ça ne serait pas elle. C’est pas vraiment ma spécialité la discrétion. “ J’suis là ! “ Lui disais-je assez fort pour l’orienter, j’aurais pu me lever, mais j’ai tellement mal partout, j’ai peur de me casser la gueule, j’veux pas finir dans un lit d’hôpital… J’ai déjà dû négocier avec superman pour qu’il ne me conduise pas aux urgences. J’rêbe de pioncer, vraiment… Mais avec cette plaie qui saigne j’suis pas tranquille, j’suis insouciant mais pas suicidaire !  “ T’as promis d’pas gueuler… “ Que j’me defend à peine elle arrive en face de moi, j’lui souris, parce que y’a pas de quoi tirer la tronche quand même ! “ J’suis tombé. “ J’tombe souvent, sauf que là, on m’a aidé à tomber en quelques sorte. J’ai pas envie qu’elle pense que j’ai des problèmes même si j’suis bien obligé de lui demander de l’aide. “ C’est vrai que tu vas partir de l’hôpital et t’installer en ville ? “ Putain elle va me manquer si elle fait ça…

Le début de la journée avait été plutôt tranquille pour Ruby. Entre consultations, prise de note et rédaction de sa thèse de fin d’étude, tout s’était enchaîné rapidement. Dans quelques jours, tout serait enfin terminé pour Ruby et elle pourrait enfin mettre un point final sur tant d’année d’étude. Dans quelques semaines, son salaire augmentera. Ruby ne se plaignait jamais, estimant avoir une vie très satisfaisante et privilégiée. Luke ne manquait de rien, même s’il était parfois difficile de trouver les ressources pour lui offrir un petit cadeau de temps en temps. Les parents de Ruby l’aidaient beaucoup, gardant l’enfant les soirs de garde. Luke adorait ses grands-parents et surtout la majestueuse piscine qu’ils avaient. Il pouvait passer la journée dedans sans s’ennuyer. Parfois, il fallait l’obliger à sortir, ses doigts étaient tellement fripés qu’elle l’appelait la petite grenouille sur pattes. Ce soir, elle pouvait aller le chercher à l’école et Ruby avait prévu une petite balade sur la plage avec son fils avant de s’arrêter acheter une pizza. C’était une belle journée. Puis il avait fallu que Malo lui envoie un sms. Souvent elle le trouvait bête Malo. Bête mais attendrissant. Elle ne comptait même plus les nombres de fois où elle l’avait engueulé. Cette fois-ci dans l’ascenseur, elle avait vraiment cru qu’elle allait l’étriper. Il était presque en train de vomir, disant dans la boîte métallique à quel point il avait mal. Ruby l’avait menacé de vraiment lui faire mal s’il ne ramenait pas ses fesses de suites à côté de lui. Heureusement, les portes de l’ascenseur s’étaient ouvertes et il avait fui loin de cette femme enceinte sur le point d’accoucher. Mais elle ne pouvait pas s’empêcher de s’inquiéter pour lui. Toujours avec cet air d’enfant perdu, Malo était naïf, un peu craintif et surtout très maladroit ou adroit pour se mettre dans des situations compliquées. La jeune femme ne pouvait pas délibérément le laisser se débrouiller seul, il en était incapable. Il avait parlé de sang, d’arcade ouverte. Mais à quel point ? Et qu’est-ce qu’il avait bien pu avoir encore fait cet imbécile ?

Elle quittait son bureau, demandant à sa collègue de l’appeler en cas de très grande urgence. Discrètement, elle s’aventurait dans un endroit très bondé de l’hôpital. A cet endroit, personne ne voyait ce que firent les autres. Trop absorbés par leur propre problème, personne ne remarquait la jeune gynécologue récupérer plusieurs bandages. Puis elle se rendait sur le lieu de rendez-vous, dans le sous-sol de l’hôpital. Elle entendit la voix de Malo et Ruby se précipitait. Ce n’était pas aussi pire que ce qu’elle avait pu imaginer, mais il saignait beaucoup et il y avait plusieurs ecchymoses sur son visage. Elle allait lui dire quelque chose, lui gueuler dessus, mais Malo la coupait. Oui elle avait promis. « Arrête de me prendre pour une idiote. Je sais que tu n’es pas tombée ! » Disait-elle tout simplement. Les blessures ne correspondaient pas à une chute, mais elle ne dit pas un mot de plus. Elle s’occupait d’abord de la blessure à l’arcade. C’était un peu profond, ça mériterait un ou deux points de suture. « Il faut qu’on monte pour te soigner correctement ! » Elle ne lui laissera pas le choix, il devait passer quelques examens. La question de l’ambulancier la décontenança un peu. « Pas encore ! Je vais travailler en ville et rester encore un peu là également. » Pour l’instant, Ruby n’arrivait pas à choisir.

Ses yeux se sont baissés lorsqu’elle lui reproche de la prendre pour une idiote, c’est vrai que c’est insultant pour elle. C’est pas une andouille comme lui la Ruby, alors prétendre s’être fait ça tout seul, c’était même pas crédible. Seulement, il n’a pas vraiment envie de lui dire qu’il a des problèmes d’argent. Il a toujours tout pris à la rigolade le brancardier, c’est pas lui qui cède à la panique, qui sème l’inquiétude. Il n’aime pas que les gens se fassent du soucis pour lui, la vie, c'est assez compliqué comme ça… Pas la peine d’en remettre une couche, au contraire. Sourire, être heureux, c’est tellement plus intéressant. Lui, il préfère, même si ces fois c’est inévitable c’est vrai. Malo c’est un véritable rayon de soleil, il tape sur les nerfs, mais sa bonne humeur est toujours là, malgré les reproches que l’on peut lui faire, il ne démoralise jamais. C’est sa force et aussi ce qui le rend supportable malgré ses défauts. Il est con, mais il est gentil ; c’est comme ça qu’on le définit.

“ Désolé… “ Désolé de mentir, de lui faire perdre du temps aussi. Même s’il doit avouer bien aimer qu’elle prenne soin de lui. Qui n’aimerait pas ça ? Elle est vraiment belle Ruby, il faudrait être un crétin -ou un certain magicien - pour lui dire non. “ Ah… “ Sa joie prit un coup au verdict de la brune. Il allait devoir affronter le regard de tout l’hôpital et franchement ça l’embête, pourtant il devrait avoir l’habitude. Il soupire légèrement avant de forcer un sourire en se levant pour la suivre et changer complètement de sujet de conversation.

“ En tout cas, ça va me manquer de moins te voir trainer par ici… C’est vrai… J’étais là le premier jour et t’es arrivé et… Et j’t’ai donné la mauvaise direction, mais le cœur y était… “ Il eut un petit sourire taquin, même si franchement il ne le fait pas exprès, il est vraiment nul comme brancardier, en fait… Il serait nul dans n’importe quel job, à part clown peut-être. Et encore, il serait capable de provoquer une catastrophe de plus ! “ Et… Merci de m’aider. “ Qu’il ajoute un peu penaud en entrant dans l’ascenseur, il aimerait croire que personne ne le reconnaitra, mais il n’est pas du genre à passer inaperçu. D’habitude, il assume ses conneries, mais il est pas habitué à emmener ses problèmes à l’hôpital, non, ses soucis il les laisse dans son vestiaire avant de prendre son service.