si j'te connaissais pas encore, notre aventure vaudrait de l'or. (jolene)

si j'te connaissais pas encore, notre aventure vaudrait de l'or

Et hop, une retouche de dernière minute sur le costume de la danseuse burlesque. La récupération d'un tissu venant de celui du cracheur de feu. Un peu de rangement dans le bordel organisé qu'était son atelier de couture. Les notes de la musique du spectacle parvenaient doucement par la porte entrouverte, loin dans les coulisses. Aïnhoa s'était activée toute la soirée, car même si les costumes étaient finis bien avant le début du spectacle, le travail de la couturière n'était jamais terminé. Elle restait en stand-by, préparée aux habituels changements de dernière minute, aux petits accidents, aux derniers ajustements. Aider ceux qui devaient se changer très rapidement entre deux scènes. Réparer, observer, d'un œil méticuleux derrière les rideaux des coulisses. Si tout allait bien, si les artistes étaient à l'aise dans leur vêtement lors de leur performance. C'était ça, son boulot. Et bien qu'Aïnhoa ait d'autres passions, elle devait bien le dire : elle aimait ce métier. La force créatrice, l'imagination, l'art, elle qui modelait déjà les mots, elle aimait aussi modeler les tissus et draper des épaules comme elle drapait une foule de ses paroles. La musique, la mise en scène. Tout ça faisait partie d'un monde culturel et artistique auquel elle avait toujours adhéré. La Belgo-sénégalaise sortit de son antre, passant devant les autres portes, certaines pièces vides et d'autres animées par le doux brouhaha d'artistes mettant une dernière touche de maquillage, ou riant avec un collègue lorsqu'ils avaient fini leur spectacle pour la soirée. Elle passa derrière la scène, observant la fin du numéro de magie. Avec un hochement de tête satisfait et serein, Aïnhoa rejoignit la salle, ou quelques spectateurs étaient attablés. Il était temps de s'octroyer une petite pause. Le cabaret ne faisait pas salle pleine, mais la brune aimait encore bien cette ambiance plus posée, intimiste. Mila lui avait soufflé que dans la salle, il y aurait une tireuse de cartes. La jeune femme la repéra après un moment, sur une table un peu plus reculée, d'où un spectateur venait de se lever pour rejoindre sa propre table. À vrai dire, Aïnhoa n'était pas entièrement convaincue par ces choses-là, les diseuses de bonne aventure, les boules de cristal et l'astrologie. Oui, elle mettait ça un peu dans le même panier. Mais elle avait en revanche toujours été intriguée, quelque chose dans cette ambiance et cette culture méconnue l'attirait. Allez, pourquoi pas. La jeune maman alla chercher un verre d'eau pour se désaltérer, puis rejoignit la table où était disposé un tarot. « Bonsoir. Je peux, ou il faut attendre son tour ? » demanda-t-elle avec un sourire franc et bienveillant.

La stature de cette tireuse de cartes était impressionnante et un rien attirante, comme on se le représentait mentalement en pensant à ces femmes mystérieuses, un peu bohèmes, qui semblaient pouvoir voir à travers vous. Pourtant, son sourire réservé contrastait avec cette idée de sauvageonne envoûtante qu'Aïnhoa s'était toujours faite. Tout ceci n'était que représentations mentales et clichés, bien sûr, elle en était consciente. Ainsi s'assit-elle de bonne grâce en recevant l'autorisation de la brune, ses prunelles d'obsidienne pétillant à l'idée d'essayer ce truc nouveau. C'était pas franchement son dada, mais maintenant qu'elle y était, la curiosité prenait le pas sur son scepticisme. Après tout, l'expérience restait intéressante et ça ne lui coûtait rien. « Et bien... J'avoue que je n'y connais pas grand chose. Alors... Un tirage classique ? » répondit la métisse avec une moue hésitante. Elle n'avait pas pensé qu'elle devrait amener quelque chose de sa part pour cette lecture de cartes, pourtant ça semblait logique, maintenant qu'on le lui disait. « C'est censé me prédire mon avenir ? Non parce que je n'y connais vraiment rien, en fait. » reprit Aïnhoa en s'excusant presque, relevant le regard vers la jeune femme face à elle. C'était une ambiance un peu particulière, qui régnait autour de cette petite table à part, comme si tout à coup les spectacles du cabaret se déroulaient très loin d'elles, derrière un plexiglas. La couturière était entièrement concentrée sur ce jeu de cartes et sur le visage de celle qui allait les lui lire.

Ce que lui répondait la belle brune faisait sens, jusque-là, Aïnhoa arrivait à suivre. L'avenir qui changeait en fonction de ses choix de vie, ça paraissait évident, la métisse n'était pas partisane de cette croyance en un avenir tout tracé et totalement indépendant des individus, imperméable aux décisions des enveloppes charnelles. Elle hocha donc la tête pour signifier qu'elle avait bien compris les précisions de la tireuse de cartes. Ça paraissait à la fois un peu tiré par les cheveux, et à la fois logique. Ça ne donnait aucune vision concrète à Aino de ce à quoi elle pouvait s'attendre, mais ce n'était pas important. Après tout, c'était bien par curiosité qu'elle était assise là, désireuse d'ouvrir son esprit aux cartes. Et à la femme face à elle. « D'accord... Bon, et bien je vais partir sur le full option, hein. » sourit Aïnhoa, qui n'avait absolument aucune question précise en tête. Elle venait tout juste d'entrapercevoir comment cette expérience fonctionnait, elle n'était pas du tout préparée à ce genre d'activité. Alors autant partir sur le tirage complet et voir ce qui allait en advenir. Elle ressentait une pointe d'excitation devant ce qui l'attendait et ce que la jeune femme allait lui révéler. Cette dernière semblait quant à elle, posée et figure de concentration. Elle choisit donc quatre cartes, en prenant son temps, réfléchissant à si elle les prenait de façon super classique comme la plupart des gens, en laissant des espaces réguliers entre. Se questionnant sur comment un geste aussi aléatoire pouvait déterminer son présent, ses futurs. Alors qu'elle, elle était bêtement en train de réfléchir à si ça faisait original de prendre quatre cartes côte à côte, si beaucoup de clients faisaient ça, s'il y en avait qui réfléchissaient autant qu'elle ou pas du tout, si toutes ces cartes face cachée étaient déjà positionnées dans un ordre dicté par l'univers, qui savait exactement où guider les mains de la couturière.

Plein de questions sur ces cartes tournaient dans la tête d'Aino, dont le regard passait tour à tour de la belle brune face à elle, aux cartes choisies. Face à elle, elle semblait parfaitement savoir ce qu'elle faisait, la cartomancienne, alors que la métisse quant à elle était de plus en plus curieuse, même impatiente, des mots qui allaient sortir de sa bouche. Pour le coup, toute trace de scepticisme avait disparu de son esprit. Elle tentait de décrypter les expressions de son interlocutrice, de lire quelque chose dans un haussement de sourcils, son regard retournant alors vérifier le dessin de la carte étudiée. Comment pouvait-elle possiblement trouver des informations là-dedans, avec pour seuls indicateurs quatre cartes, et le visage tacheté de la costumière. « Ah, merci. » sourit malicieusement Aïnhoa, contente de savoir qu'elle était une bonne personne, même si ce premier constat l'amusait un peu. Elle ne devait pas souvent dire le contraire, la cartomancienne. « Oui, je suis couturière, ici. Et j'écris du slam, aussi. » confirma-t-elle, souriant en croisant le regard profond de la brune face à elle, avant de s'efforcer de se taire. C'est qu'on ne lui avait pas demandé de raconter sa vie, non plus. Elle ne voulait pas déranger la jeune femme dans sa lecture. « Des opportunités... ? » répéta Aino, sur le ton de la réflexion, toujours curieuse. Avant de réaliser que ça pouvait être tout ou n'importe quoi, n'importe quand. C'était pas très précis, comme révélation, il devait y avoir des tonnes de gens qui entendaient cette même phrase. Mais après tout, Aïnhoa était totalement novice dans le domaine du tarot et avait une vision encore un peu étriquée de cet art. Elle ne savait pas si elle devait s'y attendre ou être déçue de ne pas entendre quelque chose de plus exceptionnel. « Je ne suis pas une froussarde, non. » répondit-elle néanmoins, l'air un brin orgueilleux, avec ce même sourire amusé et un peu complice. Bon, si elle la croyait sur parole – ou plutôt sur parole des cartes -, c'était une nouvelle un peu excitante, non ? Bien qu'elle n'ait aucune idée de comment l'interpréter, ou même de si elle y croyait vraiment.