i'd give it all just to have your eternity (aelya)

La descente aux enfers. C’était dans les ténèbres que Niels avait trouvé sa place depuis des semaines, y errant seul, le cœur à l’envers, à la recherche d’un souffle dont on l’avait privé alors qu’il suffoquait six pieds sous terre. Son monde s’était écroulé à la minute où il avait su que la vie d’Aelya ne tenait plus qu’à un fil, que son corps inanimé avait été retrouvé, anesthésié par les substances qu’elle avait ingérées pour s’apaiser. Il avait crié ses maux, pleuré sa crainte, sa main cherchant sans cesse à réchauffer la sienne alors qu’il tentait à sa manière de la ramener à lui, de la ramener à la vie. Les jours défilaient et son regard s’éteignait, peu à peu, son éclat oublié dans le néant, parce-que Niels, il n’avait jamais su comment respirer sans elle, comme vivre autrement qu'à travers elle. Il ne savait que l'aimer. Et là, à son chevet qu’il ne quittait que pour retrouver les draps glacés de leur lit conjugal, il se rendait compte à quel point tout était dénué de sens sans la chaleur de son regard, sans la douceur de son étreinte, implorant le ciel de lui donner la chance de retrouver la beauté de son âme qu’il aimerait pour l’éternité. « Reviens-moi mon amour… J’suis en train de crever sans toi, j’y arriverai pas si t’es pas là… » Avait-il pris l’habitude de lui souffler à l’oreille avant de quitter sa chambre, rejoignant le cauchemar éveillé qu’était devenu son quotidien sans elle, tombant en ruines sous ses yeux ternis par son manque. Souvent il se demandait pourquoi eux, pourquoi elle, le cœur déchiqueté en lambeaux à chaque fois qu’il songeait au fait qu’il n’avait pas pu la sauver, lui qui aurait donné sa vie pour l’empêcher de se complaire dans les artifices crées par la drogue. Détruit par la souffrance qu’il s’infligeait, Niels, il ne trouvait rien d’autre à faire que de s’excuser, constamment, incapable de savoir si Aelya l’entendait, si elle le pardonnait, ses mains liées aux siennes pour la supplier de se battre encore, pour eux, pour ne jamais avoir à le laisser seul face à son propre sort.

Un rail de plus ou un rail de moins, y'avait plus rien qui faisait la différence dans le néant qui habitait la cage thoracique éclatée par toute cette appétence damnée. La rémission avait finalement eu un goût de défaite sur le coin de la bouche alors qu'elle était venue s'abreuver une fois de plus de ses excès qui trouaient un peu plus ses vertus lessivées. Elle s'était pourtant sentie plus forte, plus apaisée, la vision semblant trop claire pour être vraie, comme si l'orage s'était levé d'un seul coup, sans prévenir, ravageant toute cette sagesse trop friable pour ne pas la fuir. La lumière comme un mirage, c'était la réalité qui se délitait sous les yeux trop lourds pour ne pas se fermer, l'obscurité l'incitant à se plier, à s'écrouler sous le poids de sa carcasse qu'elle n'arrivait plus à porter.

Puis le noir.
Tout d'un coup les étoiles crièrent au désespoir.

Sommeil comateux où dansait le vide dans sa propre béance, Aelya, elle n'avait pas ouvert les yeux depuis plus de deux semaines, les câbles et les bruits incessants des machines tournant à plein régime pour la maintenir en vie alors que son esprit se vidait de tous ses souvenirs. Livide, elle n'était plus qu'une coquille où son âme s'emprisonnait, criant silencieusement pour qu'on puisse la délivrer de son être. Pourtant, dans cet univers lointain où elle n'était plus rien, elle sentait sa présence, cette chaleur réconfortante qui se tenait toujours à ses côtés même si sa main n'était plus à proximité pour être attrapée. Et c'est en suivant la douce aura chaleureuse qu'elle se laissa doucement happer vers la vie, ouvrant petit à petit les prunelles qui n'étaient plus habituées à la lumière, Aelya clignant doucement des paupières, bougeant doucement ses doigts sur le drap immaculé.

- Niels...

Qu'elle souffla de sa voix enrouée, fatiguée par ce combat acharné.

Peu à peu, le goût de la vie s’estompait, ne lui laissant qu’une amertume qui continuait de faire tanguer son espoir jour après jour. Il avait peur en réalité, peur de ne jamais la retrouver, peur d’affronter toute une vie sans celle pour qui il respirait. Parce-que Niels, il savait parfaitement ce que ça impliquerait puisqu’il n’avait jamais été question de fouler un monde dans lequel son âme-sœur n’errait plus. Il rejetait catégoriquement l’idée de soigner ses plaies sans elle, prêt à s’administrer lui-même le coup de lame qui lui ôterait la vie. Parce-qu'il ne l'avait jamais caché : si leur destin était voué aux ténèbres, alors il la rejoindrait. C’était ce à quoi ses pensées rimaient quand il posait son regard sur son corps sans vie, maintenu à flot par une panoplie de machines qui l’aidaient à s’accrocher au monde qui l'entourait, celui qui l’attendait. Et lui, il l’attendait. Trimballant sa carcasse sans vie, Niels, il ne trouvait du réconfort que lorsque sa main était liée à la sienne, qu’il lui rappelait qu’ils avaient encore trop d’histoires à écrire ensemble, que l’encre de sa plume resterait asséchée tant qu’elle ne lui reviendrait pas. Il ne comptait plus les heures qu’il avait passées à la regarder, à la supplier de ne pas abandonner, son cœur appelant silencieusement le sien à le rejoindre pour les revoir battre à l’unisson. Et soudainement, alors qu’il était recroquevillé sur sa chaise, tenant fermement la main de son amour entre les siennes, un son le tira de son désespoir. Un son, le sien, celui de sa voix, le poussant à relever la tête pour s’apercevoir qu’elle s’était réveillée. « Bébé…? » Lâcha-t-il dans un souffle de surprise, peinant encore à concevoir qu’elle venait de prononcer la syllabe de son prénom pour la première fois depuis deux semaines. « Mon amour, c’est moi… T’es réveillée Aelya, t’es là, j’suis là… » Murmura-t-il, tentant de canaliser son soulagement et l’intensité de son émotion pour ne pas brusquer ses sens encore fragiles, Niels se redressant pour prévenir le personnel médical du réveil de sa femme. « Ça va aller bébé, j’te promets que tout ira bien… » Ajouta-t-il, portant sa main à ses lèvres pour y déposer un baiser, attendant que les médecins ne débarquent dans sa chambre. « Madame Björk, heureux de vous voir ouvrir les yeux. Savez-vous où vous êtes ? » Demanda l’homme en blouse blanche pendant qu’une femme vérifiait ses constantes vitales.

Elle avait plongé trop près du fond, là où la lumière se faisait oublier, là où les ténèbres se faisaient Reines dans leur empire érigé entre leurs vagues glacées qui lessivaient l'espoir qu'elle puisse un jour renaître, inspirer l'air qui lui manquait. Comme si un boulet s'enroulait autour de sa cheville, Aelya, elle arrivait plus à remonter, ses bras s'épuisant à battre l'eau qui l'engloutissait, se noyant peu à peu dans les jours, son teint qui se figeait dans la caresse mortifère de l'éternel. Les pensées en charpie devant la toxine dopaminergique qui abolissait ses souvenirs, elle voyait le visage de l'amour de sa vie s'effondrer, son seul prénom qu'elle réussissait à peine à épeler dans ses songes qui l'effaçaient.  Et c'était comme ça qu'elle ouvrit les yeux, bougeant doucement les doigts qui s'armaient douloureusement dans un poing alors que la lumière l'aveuglait en l'agressant de par son intensité. Cela faisait trop longtemps qu'elle n'avait connu que l'obscurité, et les pupilles avaient encore du mal à se faire à la réalité qui la recouvrait peu à peu dans ce lit d'hôpital où ses bras s'étaient laissés enchainés aux innombrables perfusions qui la maintenaient en vie. Elle fronça les sourcils devant celui qui semblait la reconnaître et l'aimer, elle qui ne comprenait pas qui il était ni où elle se trouvait, son esprit se bloquant face à ses souvenirs auxquels elle n'avait plus accès. Elle restait muette, incapable d'aligner un mot, une phrase, tant elle se perdait dans ce moment qui lui donnait soudainement le vertige. Son baiser sur sa main lui fit l'effet d'une brûlure qu'elle contempla après coup, comme si la marque d'affection invisible sur sa chair lui raviverait la mémoire qu'elle n'avait plus. Elle perdit même le sens de son prénom dans la chute dans l'eau noire de l'oubli, inapte à faire corps avec son propre corps qu'elle détaillait comme un étranger.

Aelya Björk. Elle comprit que c'était son prénom et son nom bien qu'ils n'avaient aucune signification à ses yeux, elle qui ne savait pas ce qu'elle devait prétendre pour ne pas qu'on l'enferme plus longtemps dans cette prison blanche.

- J'imagine, dans un hôpital ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Je... Je me souviens de rien...

Elle porta ses yeux le visage qui devait lui sembler familier, mais sur ses beaux traits ne résidaient que l'impuissance à se rappeler.

Le temps s’était figé, comme un trop long cauchemar duquel il ne parvenait pas à s’échapper, comme une réalité qu’il voulait à tout prix oublier pour ne plus penser au fait qu’Aelya était encore inconsciente, sombrant dans un monde qui l’éloignait du sien. Il était terrassé à l’idée de ne plus la voir revenir, craignant que les médecins ne lui annoncent une mauvaise nouvelle à chaque fois qu’il passait le seuil de sa chambre, les yeux larmoyants dés qu’il l’apercevait endormie, reliée à tous ces fils qui la maintenaient en vie. Niels, il avait arrêté de vivre, mettant tout entre parenthèses pour consacrer l’entièreté de ses journées à la femme de sa vie, désirant être présent à chaque instant. Même si elle ne le voyait pas, même si elle ne l’entendait pas, il était là. Prêt à voir les années s’écouler si c’était le seul moyen de la voir à nouveau ouvrir les yeux, lui qui n’avait de toute façon plus aucune raison d’exister si ce n’était pas dans ses bras. Il se mourrait à petit feu dans le silence de cette chambre où était emprisonnée l’âme d’Aelya, dans ce corps qui avait subi les frasques d’une addiction qu’ils n’avaient pas su enrayer et qui avait fini par l’emporter. Pourtant, il refusait de la laisser s’évader, sa main s’accrochant à la sienne comme s’il tentait de la guider vers lui, vers l’amour qu’il éprouvait pour elle et qui n’aurait aucune fin. Comme un miracle venu de nul part, il avait senti son cœur faire un bond à l’entente de son murmure, celui qu’il avait espéré entendre depuis des semaines, priant chaque soir un dieu auquel il ne croyait même pas dans le seul but de ramener son amour à la vie. Il accrocha son regard, peinant à rester calme face à cet afflux d’émotions qui le traversait, ses lèvres s’affairant à réchauffer sa main alors qu’il attendait l’arrivée du personnel médical qui débarqua quelques instants plus tard. Il fronça les sourcils en entendant les mots de sa femme, comprenant que ses souvenirs étaient brouillés, Niels serrant sa main en imaginant que son réveil la rendait confuse. « C’est normal mon amour… T’es restée dans le coma plusieurs semaines, je t’expliquerai tout ça calmement, l’important c’est que tu sois réveillée. » Murmura-t-il, n’ayant aucune envie de l’accabler maintenant en évoquant cette overdose qui avait failli lui ôter la vie. Ses yeux scrutaient son visage qui lui avait horriblement manqué, glissant sur ses lèvres avant de retrouver ses prunelles, cherchant cette lueur amoureuse dont il ne cesserait jamais de se nourrir. Et pourtant, pour la première fois depuis leur rencontre, il ne discernait aucune émotion dans le creux de son regard, comme si tout à coup, il n’était devenu qu’une silhouette parmi tant d’autres. Un parfait inconnu. « Aelya… Tu sais qui je suis, hein ? » Lâcha-t-il, la crainte faisant vaciller sa voix sans même qu’il ne puisse la contrôler, son regard suspendu à ses lèvres comme si sa vie en dépendait.

Elle avait dans l'âme un pieu qui la retenait, qui ouvrait une plaie béante d'où suintait la suie des ténèbres, celle qui peu à peu déteignait ses cellules de vie pour les inscrire dans l'enfer du vide. Les pensées tourbillonnaient dans l'écho perdu des limbes qui clouaient encore ses yeux fermés sur ses regrets, ceux qui disparaissaient au fur et à mesure que son cerveau cloisonnait les souvenirs toxiques. Elle perdait son identité qui se morcelait, s'en allant vers les tréfonds d'un sourire arraché par les vices.

Et comme ça, d'un coup, elle ouvrit les paupières lorsque l'obscurité avait ouvert ses bras pour la laisser s'échapper, baissant sa garde pour permettre à la vie de la rattraper. Elle ne le savait pas encore, mais elle avait laissé son âme derrière elle, oubliant ce voile qui la laissait complètement démunie face à la réalité qui lui semblait étrangère, éveillant en elle un torrent d'angoisse qui viendrait noyer son espoir. Trouvant le regard de celui qui semblait la connaître plus que bien, elle ne perçut aucune familiarité face à son ton qui se voulait pourtant chaleureux et rassurant devant la lueur perplexe qui habillait son regard. Elle comprit assez rapidement l'environnement où elle se trouvait, mais elle était malheureusement incapable de situer les traits de ce visage qui la surnommait amoureusement, trop amoureusement pour sa mémoire défaillante qui criait famine de ses souvenirs envolés comme de la poussière balayée par la tempête.

- Je... Non... Je sais pas qui vous êtes... Avoua-t-elle, comprenant parfaitement à quel point sa réponse faisait l'effet d'un couperet vu l'appréhension qu'elle pouvait lire dans ses yeux. Je m'appelle Aelya, c'est bien ça ? Demanda-t-elle en regardant tour à tour Niels et le médecin qui se tenait à ses côtés. Est-ce qu'on peut m'expliquer pourquoi j'étais dans le coma, je comprends rien... Je sais pas ce que j'fais ici, ni qui je suis, j'veux juste sortir là, commença-t-elle à s'agiter, ses bras tremblant tentant d'arracher les perfusions.

Souvent alors qu’il la regardait, il se prenait à penser à toutes ces fois où la vie leur avait tourné le dos, jouant avec leur destin sans savoir qu’ils avaient assez de ressources pour s’en sortir, eux qui s’étaient promis de toujours se retrouver, même jusqu’aux enfers. Parce-que Niels sans Aelya, c’était un monde qui ne tournait pas rond, sans le moindre sens, sans viabilité, et lui, il savait parfaitement qu’il ne voulait pas d’une vie sans elle. Tous les jours, sa main se logeait dans le creux de la sienne, cherchant à lui rappeler tout ce qu’ils avaient à vivre ensemble, tous ces projets qu’ils avaient toujours eu envie d’accomplir tous les deux et qui ne verraient le jour que si elle lui revenait. Et tous les jours, il voyait peu à peu la flamme de son espoir s’essouffler, jusqu’à ce qu’il n’entende le son de sa voix briser le silence, le mouvement de sa main lui faisant comprendre que la vie lui avait donné une nouvelle chance. Et sans même savoir que l’identité d’Aelya s’était envolée dans des souvenirs enfouis, Niels expia son soulagement, tentant de rassurer sa femme en prenant sa main entre les siennes, lui rappelant qu’il ne la quitterait jamais. Puis, une seconde de trop brisa son bonheur, celle qui lui avait confirmé l’inimaginable, une seconde qui le ramena bien trop violemment à la réalité. « Quoi ? Comment ça…? Putain pourquoi elle me reconnaît pas ?! » Lâcha-t-il en tournant la tête vers le docteur qui constata son amnésie, Niels retrouvant le regard d’Aelya lorsqu’elle reprit la parole. « Oui mon amour, t’es Aelya, Aelya Björk… » Souffla-t-il, comme un cri de son désespoir alors qu’il comprenait que sa femme avait tout oublié, jusqu’à sa propre existence. « Mme Björk, je suis votre docteur. Vous avez été admise pour une overdose et vous êtes restée dans le coma pendant plus de deux semaines. La perte de mémoire et la confusion sont des symptômes fréquents après un traumatisme comme celui que vous avez subi. Il vous faudra un temps de réadaptation et de rééducation avant d'espérer retrouver vos souvenirs. » Ajouta l’homme en blanc avant que Niels ne repère l’agitation de son amour, ses mains venant s’emparer des siennes alors qu’il capta son regard. « S’il-te-plaît Aelya… Tu vas te faire mal, faut que tu nous fasses confiance… » Murmura-t-il, les mains tremblantes, tentant de masquer sa peine et son incompréhension, lui qui avait encore une fois l’impression que le ciel venait de s'abattre sur lui.

Tout s'était envolé, l'espoir s'était balayé, entravé dans les filets damnés de l'oubli qui lui avait conféré du répit au seul coût de ses souvenirs. C'était comme si le pacte de sa vie s'était construit autour de la perte de son identité, elle qui n'était pas vraiment revenue elle-même, laissant des frasques brisées tout au long du chemin qui l'avait menée jusqu'à la lumière, loin de cette obscurité qui avait bien failli l'achever, l'envelopper dans un éternel où ils auraient été séparés. Et pourtant, quand elle avait ouvert les yeux, elle avait compris qu'ils l'étaient, qu'un mur opaque les privait de leur relation, ramenant l'esprit de celui qui semblait être l'homme de sa vie au bord de cette réalité devant laquelle son espoir s'était jeté, écrasé sous le poids de son mutisme qui ne savait pas le rassurer.

Elle était perdue, laissée sur le bas côté de son être qui lui était étranger, incapable de s'approprier ce qui était pour à elle, ce qu'elle possédait malgré le fait qu'elle semblait se rejeter. Son coeur s'activa lorsque Niels paniqua, comprenant qu'il n'y avait plus rien entre eux bien que lui gardait en son corps toutes les traces de leur lien. Elle avait l'impression d'être hors d'elle-même, le regard stressé à la simple idée de voir celui qu'elle devait aimer et le médecin se confronter devant ses yeux, comme si elle n'était pas là, comme si elle n'était plus là. Et malheureusement en un sens, c'était le cas.

- Quoi ? Une overdose ? Pourquoi j'aurais fait ça ? Depuis quand je consomme de la drogue ? Paniqua-t-elle, incapable de se souvenir de ses anciens démons, sa mémoire remontant à la période où elle était sortie de prison.

Elle n'y croyait pas, peinant à se reconnaître dans le tableau dépeint par le médecin qui ne la mettait pas à son avantage, elle qui pourtant, avait les ténèbres dans le myocarde depuis le départ. Elle tentait d'arracher ses fils qu'elle voyait comme des barbelés, tirant sur sa peau, la douleur la faisant grimacer avant que les mains de Niels ne vienne dans son champ de vision, elle qui constata son alliance.

- Comment j'peux faire confiance alors que j'me connais même plus ?? On est mariés ?? J'étais pourtant persuadée que c'était pas pour moi ?? Lança-t-elle en écarquillant les yeux, profondément bouleversée par la masse d'informations qui lui arrivaient comme un coup de poing en plein visage. J'en peux plus, j'veux rentrer chez moi, j'habite dans un appart' à Bowen, ramenez-moi là-bas... Lâcha-t-elle, désespérée, ayant juste envie de retrouver sa tranquillité, ce passé qui n'existait plus.

Sa vie s’était arrêtée en même temps que la sienne, le temps comme suspendu au gré des respirations artificielles de sa femme, parce-qu’il n’attendait que le moment où elle ouvrirait les yeux, où leurs souffles se retrouveraient. Son quotidien ne se résumait qu’à ça, qu’à cette flamme d’espoir qui vacillait devant ses yeux à chaque fois que les médecins se prononçaient sur son état, Niels perdant patience face à cette attente insoutenable qui le privait d’oxygène. C’était à cette même attente à laquelle il fit face lorsque son amour se réveilla, que ses yeux croisèrent les siens dans une confusion qu’il n’avait jamais discernée dans ses prunelles auparavant. Jusqu’à maintenant, à cet instant où son souffle se coupa, où son myocarde se serra alors qu’Aelya affirmait qu’elle n’avait aucun souvenir d’eux. Il chercha désespérément des réponses dans les yeux du médecin, refusant de croire qu’il l’avait encore perdue, que son réveil n’était que la continuité du cauchemar qu’il vivait depuis des semaines. « Je… Aelya, s’il-te-plaît… Panique pas… » Lâcha-t-il, désarmé face à ses propres démons qui tournoyaient autour de lui et de celle qu’il aimait à en crever, elle qui n’avait pourtant pas la moindre idée de l’histoire qu’ils avaient vécue ensemble. Il suffoquait face à cette situation qu’il peinait à gérer, incapable d’imaginer ce que pouvait ressentir Aelya, lui qui tenta de l’empêcher de se faire du mal en maîtrisant ses mains. Les paroles de sa femme étaient semblables à des coups de poignard qu’il était incapable d’arrêter, confirmant mot après mot cet enfer dans lequel ils s’enlisaient peu à peu, sans la moindre issue pour les sauver. « Oui… On est mariés. On s’aime… C’était pas pour nous avant qu’on se rencontre, on a jamais cru à tout ça toi et moi. Mais on s’est trouvés… » Souffla-t-il alors que l’hémorragie s’aggravait, ne lui laissant aucun répit, Niels qui souffrait de voir Aelya dans un tel état d’égarement. « S’il-vous-plaît, laissez-nous deux minutes. Juste ça. » Ajouta-t-il en s’adressant aux médecins, conscient que leur présence n’arrangeait en rien l’angoisse de son amour. « Aelya, regarde-moi… T’as pas pu tout oublier, dis-moi que c’est un cauchemar… Dis-moi que tu te rappelles de nous, de tout ce qu’on a vécu et de tout ce qu’on s’est promis… Je t'en prie... » Lâcha-t-il, ses mains toujours au contact des siennes, dans un élan désespéré de lui faire raviver ses souvenirs alors qu’il sortit son portable pour faire défiler des photos sous ses yeux, abattu par ce silence et cette absence de réaction qui l’achevaient encore un peu plus.

Etrangère à elle-même, c'était dans les ténèbres qu'elle disparaissait, le trou noir de sa mémoire avalant tout sur son passage pour ne laisser que des cendres de son âme. Elle aurait aimé s'accrocher à sa main, pour rattraper les morceaux lessivées de son identité un à un, mais le voile du coma l'empêchait d'agir, de se couvrir de vie alors que la mort planait au-dessus de sa cage thoracique. Lorsqu'elle avait ouvert les yeux, la violence de la réalité l'avait frappée comme un pieu planté au milieu de la toile étoilée qui ne brillait plus dans son plexus creusé par le vide abyssal de ses souvenirs. Elle ne comprenait ni qui elle était, ni qui ils étaient, surtout l'homme qui semblait partager sa vie, la connaître mieux que n'importe qui. L'angoisse montait dans sa gorge enserrée par l'ignorance, incapable de se calmer quand elle voyait tous ces câbles qui entravaient sa liberté, qui martyrisait un peu plus ses pensées. Arrêtée dans sa course par ses mains, elle ne pût que constater son alliance qui imprimait encore plus de cortisol dans ses plaies acidifiées par le stress. A ses mots, elle se sentit déposséder des siens, peinant à comprendre comment elle avait pu en arriver à s'attacher spirituellement à quelqu'un quand les seules images qu'elle avait en tête résidait en une profonde solitude qu'elle s'était toujours affairée à affamer dans les histoires sans lendemain. Elle suivit du regard le personnel soignant qui fût congédier de la chambre, sentant l'oxygène lui manquer alors que pleins de questions venaient déchirer sa patience en lambeaux.

- Je... Souffla-t-elle, peinant à lui dire la vérité alors que son regard suivait les photos d'eux sur son portable, inapte à reconnaître son propre reflet qui pourtant était vrai. Je suis désolée mais... Ca m'évoque rien... Finit-elle par ajouter, culpabilisant amèrement de pas pouvoir le satisfaire alors que son regard baignait dans l'obscurité. Je me souviens juste d'être sortie de prison, d'avoir un appartement, après ça c'est le néant... Avoua-t-elle, ayant du mal à déglutir. Peut-être que ça reviendra, j'aurais aimé pouvoir vous dire, enfin, te dire que je me souviens de tout mais j'arrive pas... Lâcha-t-elle avant de découvrir une photo d'eux avec un chien au milieu. Tu as un chien, enfin, on a un chien ? Demanda-t-elle, ayant l'impression de faire face à la vie d'une inconnue, à un monde parallèle dont elle n'avait aucune connaissance.

Trop naïvement, il avait cru à ce renouveau, à cette nouvelle chance que leur accordait la vie, convaincu qu’ils avaient une nouvelle fois déjoué le destin par la force de leur lien. Et pourtant, la réalité le frappa de plein fouet quand il comprit que son visage ne lui revenait pas, à la femme de sa vie, comme si l’ensemble de ses souvenirs s’était envolé pendant ce coma qui l’avait tenue trop longtemps clouée à ce lit. Il tentait de ne pas paniquer, mais l’angoisse était tellement forte, tellement violente qu’il ne parvenait plus à la dissimuler, conscient que le traumatisme serait d’autant plus important pour Aelya, elle qui avait perdu la notion de sa propre identité. Le cœur à l’arrêt, il attendait impatiemment un signe que tout n’était pas perdu, qu’il y avait encore un espoir, aussi minime soit-il, qu’Aelya ne se souvienne de lui. C’était ce qu’il avait tenté de chercher désespérément en s’accrochant à sa main et en faisant défiler des photos sous ses yeux, comme pour stimuler cette mémoire qui n’était plus. Il ferma les paupières à l’entente de ses mots, lâchant son portable sur le lit en prenant conscience de la réalité, discernant dans sa voix une hésitation mêlée à une culpabilité qu’il aurait aimé chasser d’un revers de la main, l’anéantissant un peu plus. « C-c’est pas grave… » Souffla-t-il, lui qui savait pourtant qu’il ne pensait pas un seul instant ce qu’il disait, parce-que sa vie était en train de se déliter sous ses yeux impuissants et pourtant, il n’avait aucune envie de l’accabler elle, celle pour qui il donnerait sa vie sans la moindre hésitation. « C’est bien arrivé, oui. Et il y a eu… un certain temps qui s’est écoulé après ta sortie de prison. » Leur rencontre, ce coup de foudre, les hauts, les bas, les pleurs et les cris de joie. Une grossesse violemment interrompue, des ruptures, un mariage et encore toute une liste d’évènements qu’il n’était pas encore prêt à lui dévoiler. Il sortit de ses pensées en l’entendant culpabiliser, Niels cillant à chacune de ses hésitations, celles qui lui rappelaient qu’il n’était plus qu’un inconnu. « J’aurais aimé aussi… Mais j’imagine que ça prendra son temps. J’suis désolé que ça te tombe dessus aussi, j’suis désolé que ça t’arrive à toi et… à nous. » Ajouta-t-il, baissant les yeux vers cette photo sur laquelle elle s’était arrêtée, Niels hochant silencieusement la tête à sa demande. « Oui… Il s'appelle Hank, c’est toi qui me l’as offert. » Souffla-t-il, trouvant d’autres photos de ces moments partagés avec leur fidèle compagnon, la laissant s’imprégner de ces souvenirs capturés. « Je sais pas exactement quand est-ce que tu pourras sortir, mais j’vais être là pour toi, sache que tu seras pas seule, jamais. T’as peut-être aucun souvenir de moi mais j’vais tout faire pour que tu retrouves tes repères. » Ajouta-t-il en ne lâchant pas son regard, désirant être son phare dans la tempête qui avait décimé sa vie, parce-qu’il lui avait toujours promis, que l’abandon ne serait jamais permis, parce-que ça restait eux contre le reste du monde.

Elle ne savait pas ce qu'elle fichait là, l'âme en errance devant les palpitations d'un coeur étranger à son propre sang, Aelya qui se rejetait, réprimant ce corps dont les cellules se décomposaient dans les souvenirs qu'elle n'avait guère. Elle reconnaissait pourtant ce pour quoi elle avait pu dans une autre vie, craqué pour ce bel homme qui semblait si attentionné, si attachant avec elle, à se couper en quatre pour qu'elle puisse se sentir un peu mieux dans cette peau qu'elle voulait arracher, embraser pour se retrouver. Devant son regard qui cherchait le sien, elle avait l'impression d'être la faucheuse avec son couperet fait de mots, trop rasoirs pour elle-même qui culpabilisait à la seule idée d'expier cette vérité qu'elle subissait également. Elle s'en voulait, se détestant de faire du mal à cet homme qui semblait mériter tout sauf ça, sans qu'elle ne puisse rien y faire, elle qui s'acculait dans sa propre impuissance teintée de cette amnésie qui la condamnait. Elle savait que c'était grave. Grave qu'elle ne puisse pas redevenir instantanément la personne qu'elle avait quitté de force, grave parce qu'il était marié à elle sans qu'elle ne puisse se résoudre à accepter également cette situation qui lui semblait être hors du temps.

- Comment j'en suis arrivée à faire une overdose alors que j'suis pas droguée de base ? Demanda-t-elle, se perdant dans cette foule d'informations, elle qui savait son penchant pour l'excès sans pour autant aller dans la chronicité. J'suis désolée pour toi, surtout, et en tout cas je vais faire mon possible pour retrouver ma mémoire, si en tout cas des solutions existent... Soupira-t-elle, n'ayant aucune idée de la démarche, doutant même qu'il puisse en avoir une en sachant à quel point le cerveau était un territoire complexe même pour les scientifiques les plus aguerris. Il est très beau... J'ai l'impression qu'on en a vécu des choses vu le nombre de photos... Et j'ai l'air heureuse dessus... Admit-elle dans un sourire triste, tentant de ressasser ce qui ne siégeait plus dans sa mémoire, elle qui n'avait jamais désiré avoir un chien puisque c'était une responsabilité qu'elle ne pouvait pas s'accorder, peinant à comprendre comment elle avait pu changer à ce point, comment finalement l'amour l'avait changé. J'vais essayer de me battre même si j'suis hyper fatiguée là... Je crois que j'ai besoin de repos... Ajouta-t-elle, lui signifiant son envie de faire le vide après toutes ces émotions ressenties comme un tsunami. Et si... J'retrouve jamais ma mémoire ? J'me sens comme un imposteur dans mon propre corps... Avoua-t-elle, démunie, son regard fixant le plafond alors que sa tête reposait sur l'oreiller.

C’était une douleur qu’il n’aurait jamais imaginé ressentir tant elle était intense, le prenant aux tripes, le faisant plonger dans des profondeurs abyssales, là où chaque respiration devenait laborieuse. Et il s’accrochait à ce minuscule espoir de voir Aelya lui revenir, de voir son âme et son corps redevenir une seule et même entité, priant pour que la vie ne les réunisse à nouveau. Pour l’instant, il comprenait que seul le néant habillait ses iris, lui qui souffrait de la voir aussi égarée, conscient qu’elle souffrait certainement bien plus que lui dans cette histoire où il n’y avait aucun gagnant. Pourtant, il s’évertuait à la rassurer, à lui faire comprendre qu’elle n’était pas seule, que lui, il était là et qu’il le serait jusqu’à la fin. Chaque question ancrait cette réalité encore trop dure à accepter pour Niels, lui qui espérait à chaque minute que le cauchemar n’en finisse, qu’il puisse retrouver Aelya comme il l’avait espéré, goûter à ses lèvres comme il l’avait rêvé. « Je… Tu travailles en tant que modèle dans une grande agence, tu t’es faite une renommée et un cercle qui a pas toujours une très très bonne influence. Le milieu dans lequel tu travailles, c’est pas le milieu le plus sain… Et on avait fait en sorte que tu arrêtes tout ça mais… ça s’est pas passé comme prévu… » Ajouta-t-il, peinant à expier cette vérité qui les avait menés jusqu’aux enfers, lui qui avait voulu croire que son amour avait guéri de cette addiction, qu’il n’y avait plus aucune raison de s’inquiéter. C’était ce à quoi il s'était accroché avant de retrouver son corps inanimé dans leur lit, le visage blême, sans vie, laissant la sienne en suspens. « J’en sais pas plus, on verra ce que les médecins prévoient et on fera notre possible. » Répondit-il, tentant de rester positif bien qu’il s’aventurait sur un terrain inconnu où il avançait à l’aveugle, où sa main cherchait désespérément celle d’Aelya. « J’me suis mis à vivre tout court depuis qu’on se connaît… Et ça va faire un petit moment oui… » Sourit-il tristement, peinant à parler d’eux sans se remémorer les étapes de leur histoire, Niels jetant un coup d’œil à son alliance qu’il n’avait jamais daigné quitter alors qu’Aelya faisait défiler les photos et les souvenirs de leur vie commune. « Oui, t’en fais pas, j’vais te laisser te reposer. » Hocha-t-il la tête, conscient qu’il ne l’aiderait sûrement pas en forçant sa mémoire à le resituer bien que l’idée de la laisser seule le détruisait, lui qui avait imaginé d’une toute autre manière leurs retrouvailles. Il cilla à ses mots qu’il redoutait tout autant, conscient à quel point l’avenir était devenu incertain à présent. « Hey… Je peux pas imaginer à quel point ça doit être déroutant pour toi mais tu devrais pas te mettre autant de pression. Chaque chose en son temps, t’es pas seule, t’as une tonne d’amis et tu m’as moi. Et s’il faut, on prendra le temps de se redécouvrir… » Dit-il, attirant son regard vers le sien en prenant une nouvelle fois sa main, la serrant dans la sienne pour la rassurer. « Je reviendrai te voir demain, essaye de te reposer et si jamais il y a quoique ce soit, tu peux m’appeler. A n’importe quelle heure. » Conclut-il, retenant son envie de lui délivrer de l’affection avant de franchir la porte, l'âme en peine, le cœur en vrac.

« Voilà, c’est chez nous. » Jamais il n’aurait imaginé lui représenter son lieu de vie, l’antre de leur amour, là où ils avaient décidé d’écrire leur histoire. L’hôpital l’avait informé que son amour était prête à sortir, son état physique ne nécessitant plus de soins quotidiens bien qu’ils veillaient toujours sur son suivi psychologique. « Est-ce que ça va…? » Souffla-t-il en posant son sac, constatant avec une pointe au cœur cette hésitation dans chacun de ses pas, elle qui semblait errer dans un monde inconnu, sans le moindre repère, jusqu’à ce que Hank ne vienne dévaler la pièce pour venir à la rencontre d’Aelya qu’il n’avait pas vu depuis le début de son hospitalisation « Hank, doucement… »

Elle peinait à se reconnaître dans les déclarations de Niels, elle qui n'avait pourtant jamais été attirée par les strass et les lumières, préférant errer dans l'ombre là où elle avait toujours résidé. Elle hocha la tête, plongée dans ses questionnements dont les réponses affluaient, la désarçonnant à mesure qu'elle comprenait que trop d'eau avait coulé sous les ponts, qu'un raz-de-marée avait tout dévasté dans ses songes. Cette affection qu'il lui donnait la rendait mal à l'aise, parce qu'elle n'était pas capable de lui rendre, Aelya qui avait l'impression qu'ils étaient tous les deux à milles kilomètres de chacune de leur réalité, percutant pourtant ensemble le mur de leurs émois déchirés. Elle se sentait coupable de l'irréparable, elle qui n'y pouvait rien mais qui se donnait l'impression de ne pas faire d'effort pour l'aider à lui donner de l'espoir. Elle espérait intimement que cela irait mieux, sans vraiment pouvoir arriver à se projeter dans cette relation matrimoniale qui la laissait perplexe. Parce que dans ses souvenirs, elle était seulement mariée à la liberté, trop angoissée à l'idée d'abandonner son coeur serré entre les mains d'une autre personne. Elle le croyait, elle savait qu'il disait vrai, et quelque part elle aurait préféré qu'il mente juste pour se rassurer sur cette personne qui lui était de plus en plus étrangère à mesure qu'il lui parlait d'elle. Sur ses mots, elle le laissa partir, regardant sa main qui était venue toucher la sienne comme s'ils se connaissaient depuis toujours alors qu'elle ne se représentait qu'un inconnu à la beauté irréelle et au timbre de miel. Elle ferma les yeux suite à cette avalanche d'émotions et trouva le repos nécessaire pour remettre en ordre ses pensées, en priant intérieurement le ciel de lui rendre ses ailes.

Ils n'étaient rien et pourtant ils étaient tout.

Elle avait accepté de rentrer chez eux malgré la douleur de ne pas revoir ses souvenirs revenir, tentant de faire des efforts pour recouvrer cette mémoire qui lui faisait défaut. C'était ce que les médecins lui avaient préconisé, de remettre les pieds dans un univers qui de base, lui était familier. Elle prit ses affaires avant de les poser sur le sol de l'entrée, son regard traçant les courbes de la villa qui était immense, son coeur palpitant devant l'abondance de ce matériel qu'elle n'aurait jamais cru s'offrir un jour. Parce qu'elle faisait partie de la pauvreté, des cendres de la société, et que sous le marbre imposant, elle comprenait qu'elle avait rayonné jusqu'à s'éclairer comme la Voie Lactée.

- J'ai volé personne pour nous payer ça ?

Qu'elle demanda, la phrase prêtant à sourire quand la perplexité s'affirmait pourtant sur son visage sérieux. Elle hocha la tête aux mots de Niels, incapable de lui décrire ce qu'elle ressentait quand tout la surprenait, t’altérait, admettant encore plus de questions dans son esprit. Le chien vint se jeter sur elle comme par habitude, et elle eut un mouvement de recul devant l'énergie et l'affection de l'animal.

- Ca va aller, il doit surement avoir l'habitude de m'accueillir comme ça j'imagine... Ajouta-t-elle avant de caresser Hank, se rappelant qu'elle adorait de toute façon les animaux. C'est très... Bizarre. Y'a toujours rien qui me revient... Tu me fais visiter ? Demanda-t-elle, peu assurée par l'endroit qui lui semblait trop beau pour elle.

Il s’était imprégné de son rôle sans sourciller, s’accrochant à cette promesse qu’il lui avait faite, lui qui avait pourtant remis en doute son envie de le voir débarquer tous les jours à son chevet. Lui qui n'était finalement plus qu'un inconnu. Tous les jours, c’était avec cette boule au ventre qu’il entrait dans sa chambre, avançant avec ce mince espoir de retrouver son amour et son identité qui s’était envolée en cours de route. Sa peine gagnant du terrain, c’était surtout ses fêlures qui s’approfondissaient un peu plus chaque jour lorsqu’il remarquait que ses prunelles ne brillaient plus lorsqu’elle les posait sur lui, comme si l’alchimie n’existait plus, comme si leur lien se déliait peu à peu. Et chaque soir quand il passait le seuil de leur porte pour noyer son chagrin dans leur lit qui respirait encore son parfum, il persuadait son esprit de rêver d’elle, une nuit de plus, pour ressentir encore une fois la douceur de ses baisers, celle de son toucher qui lui manquait à en crever. Le jour de son retour était arrivé et plus que jamais Niels ressentait cette peur l’accabler, celle de voir la femme qu’il aimait en absence totale de repères, errant au milieu de ces murs qui n’avaient aucun sens sans elle. Ils arrivèrent ensemble dans la demeure, Niels laissant entrer en première pour s’imprégner de ces lieux où leurs souvenirs suintaient à chaque recoin, lui qui aurait donné sa vie pour qu’elle puisse se remémorer ne serait-ce qu'un seul de leur moment. « Non t'en fais pas, t’es juste hyper douée dans ce que tu fais, et comme tu le vois, ça paye. » Répondit-il aussi sérieusement qu’elle, une pointe de nostalgie parvenant jusqu’à son coeur alors qu’il songeait à son parcours, celui qui l’avait menée jusqu’à son apogée. Il releva la tête pour la contempler, ramené à la réalité par Hank qui débarqua en furie pour saluer Aelya, Niels tentant de canaliser son énergie et son excitation palpables. « C’est une petite tempête dans son genre ouais, il aime nous faire comprendre qu’on lui a manqué. » Ajouta-t-il, incapable de retenir un sourire étirer ses lèvres quand il capta les tendres caresses d’Aelya, au plus grand plaisir de Hank. Ses mots vinrent rompre abruptement cet instant affectueux, lui faisant hocher la tête pour maintenir son attitude rassurante montée de toutes pièces. « J’imagine que c’est normal… Ça se fera probablement pas en un claquement de doigt. » Souffla-t-il, acquiesçant à sa demande alors qu’il prit les devants pour déambuler dans les pièces. « Not-… Le salon, et la vue qui est plutôt incroyable. T’as beau être d’ici, tu passes pas mal de temps à contempler l’océan. On le fait tous les deux. » Ajouta-t-il, peinant à savoir s’il devait insister encore sur tout ce temps qu’ils avaient eu pour habitude de passer ensemble, eux qui n’avaient jamais supporté une quelconque distance entre eux. « La cuisine… Pas l’endroit où tu passes le plus de temps dans la maison, je t’avoue. » Dit-il, sur un ton plus léger en lui faisant découvrir cette cuisine ouverte gigantesque qui avait déjà subi les frasques de leur passion, Niels sentant son coeur battre plus fort à mesure qu’ils se rapprochaient de leur chambre, se donnant silencieusement du courage pour y entrer, restant en retrait pour la laisser découvrir ce cocon qu’il peinait à partager sans elle.