don't be afraid to be ridiculous (libre)

Tu ne savais pas pourquoi tu avais accepté. C'était le jeu, tu connaissais le risque et pourtant tu l'avais accepté. Après tout, sans enjeu la vie pouvait être triste et toi qui t'étais plaint à ton ami de t'ennuyer, tu y repenserais à deux fois avant de te lancer la prochaine fois. Ce que tu n'avais pas anticipé quand tu avais accepté le deal c'est que du côté du jeune Keynes, il y avait quelque chose qui s'appelait la chance. Comme si la vie voulait se rattraper pour lui avoir infliger une maladie qui lui gâchait la vie. Mais bon, c'était comme ça que tu te retrouvais ici, en plein milieu du centre-ville, habillé d'un costume de hot-dog. Un costume où tu ne voyais rien de ce qu'il se passait à l'extérieur parce que les trous des yeux ne tombaient pas vraiment sur tes yeux à toi. Tu avais une petite table à côté de toi avec un plateau et des échantillons de hot-dog. Quitte à être ridicule, autant venir en aide à un petit commerçant en mettant en avant ses produits pour que les passants puissent y gouter et prendre une carte avec l'adresse. « Voulez-vous goûter à mon hot-dog ? » demandais-tu à la personne qui s'était approchée de toi. Tu espérais juste que ce n'était pas une jeune femme ou un enfant, parce que tu savais que cette phrase pouvait avoir une connotation douteuse et tu ne voulais pas avoir de problème, tu voulais juste finir ton pari au plus vite et rentrer chez toi pour penser à une vengeance. Elle serait terrible, ça c'est sûr mais il fallait qu'elle soit aussi honteuse pour lui que ce que tu vivais actuellement.

L'humeur légère, celle qu'on lui connaissait bien, la belle brune se promenait dans les rues pas encore trop animées de Bowen. Ses boucles brunes se mêlaient joyeusement à la petite brise de l'hiver qui s'installait en Australie, mais les températures étaient toujours très douces. Habillée d'une jupe patineuse et d'un crop top élégant, Charlie profitait simplement de cette petite balade en ville agrémentée d'un peu de lèche-vitrines, elle qui affectionnait beaucoup le shopping. Mais elle n'était pas sortie dans le centre dans un but précis, c'était juste une façon de profiter du soleil le temps de quelques heures dans une journée libre, avec elle-même. Si la brunette passait beaucoup, beaucoup de temps de sociabilité et qu'elle préférait remplir sa journée à craquer plutôt qu'être seule, elle savait quand même s'octroyer des pauses, rares mais régulières, où elle prenait quelques heures rien qu'avec son esprit à elle. Elle n'avait pas besoin de beaucoup, mais c'était relaxant de mettre les interactions sur pause le temps d'une heure ou deux, sans pour autant forcément s'enfermer dans sa chambre, ni s'adonner à une activité particulière. Ça lui permettait aussi de se repasser les bonnes nouvelles du moment en boucle dans sa tête et d'en sourire, simplement, avec gratitude. Comme le fait que Jules était enfin sorti de l'hôpital, par exemple. Sa balade volontairement vide d'interactions fut interrompue par un gros hot-dog sur pattes qui surgit dans son champ de vision, et une phrase d'accroche des plus... équivoques. Charlie se sentit presque agressée par cette intrusion brutale dans sa petite bulle de bonne humeur personnelle. « EUH, MAIS CA VA PAS ? C'EST DÉGUEULASSE ! » l'invectiva-t-elle avec des yeux ronds comme des billes, ramenant ses bras contre elle comme dans un geste de protection. En vrai, si elle n'avait pas été aussi surprise, ça l'aurait vraiment beaucoup fait rire. Mais se sentait victime d'une agression verbale et sexiste, elle eut surtout un mouvement de recul précipité, qui résulta d'ailleurs en une fin encore plus tragique. Dans son affolement, Charlie mit le pied sur un papier gras de hot-dog, probablement tombé du présentoir ou jeté par un inconscient. Elle dérapa en une sublime et ridicule glissade, se rattrapa dans l'urgence au hot-dog géant et pervers devant elle, pour quand même se planter à moitié sur le béton du trottoir.

Les gens passaient, certains t'adressaient la parole et tu étais ravi de faire ton boulot et sûrement que d'autres passaient sans rien dire, se servant peut-être plusieurs fois. Si ça se trouve, ton étale était vide et personne n'osait te le dire. Une voix offusquée parvenait à tes oreilles, une personne trouvant ça dégoutant. Ton esprit candide ne fit pas rapidement le lien, parce que tu étais loin d'être un pervers. « Y a rien de tendancieux, c'est un hot-dog j'y peux rien moi, je ne fais que mon travail.. » argumentais-tu auprès de ce qui semblait être une jeune femme. Vu que le costume était trop grand pour toi, c'était assez difficile à dire. Tu ne pouvais pas te fier à ce que voyais tes yeux vu que tu ne voyais rien. Et puis d'un autre côté, c'était aussi compliqué parce que de nos jours, une femme pouvait ne plus être une femme, il y avait tout une histoire de pronom dans laquelle tu te sentais parfois perdu. Tu avais encore de la chance parce qu'à l'école primaire, tu étais épargné par ces histoires mais peut-être que dans dix ans, tu devrais faire attention avec les enfants et ces histoires de genre. « Pas la peine de vous jeter sur moi ! » Tu ne voyais pas ce qu'il se passait, peut-être même qu'on te jetait quelque chose dessus, mais tu avais vraiment l'impression d'avoir senti une main s'accrocher à ton déguisement, et de sentir du poids vers le bas. « Tout va bien ? » demandais-tu à l'attention de la personne qui se trouvait accrochée à toi. Tu aurais bien voulu enlever le haut de ton costume pour jeter un coup d'oeil mais tu avais besoin de tes deux mains et actuellement tu n'en avais qu'une de disponible, l'autre étant tenue par l'inconnue.

Aouch, c'était dur la vie quand on était maladroite. Mais qui donc glissait sur un bête bout de papier dans la rue ? Si des petits accidents du genre arrivaient fréquemment dans la vie de Charlie, heureusement elle était beaucoup plus concentrée et moins étourdie au travail, là où elle parvenait à contenir ses grands gestes et son naturel surplus d'énergie. Avec un scalpel entre les mains, valait mieux être calme et précise au millimètre près, pas s'agiter et crier à tout bout de champ comme c'était son style hors de l'hôpital. Charlie se releva rapidement, lâchant le hot-dog, encore plus énervée dans la confusion de ce malheureux enchaînement d'événements, évitant de regarder autour d'elle s'il y avait beaucoup de passants. Son amour-propre souffrait un peu et elle avait certainement les joues touchées du feu de la honte, alors elle faisait genre de rien, préférant reprendre son altercation avec l'homme-hot-dog. « Ton travail c'est de harceler les femmes dans la rue avec tes questions perverses ? » répliqua la brunette en cherchant du regard les yeux de son interlocuteur, parce que c'était quand même étrange de causer à un hot-dog géant dénué d'expression. « Oui, ça va. » menti-t-elle, de mauvaise humeur, alors que sa jambe s'était un peu écorchée sur le béton gris. Mais c'était pas la priorité du moment. « Bon euh... En vrai, ils ont l'air bons, ces hot-dogs. » marmonna Charlie sans trop assumer qu'au final, ils avaient effectivement l'air bien appétissants, malgré qu'elle vienne de traiter leur promoteur d'obsédé des fesses. Mais Charlie, en grande amoureuse de nourriture – surtout celle bien grasse et malsaine – ne pouvait résister aux effluves qui lui chatouillaient les narines. Elle en goûterait bien un, quand même. Ou est-ce que c'était vraiment du foutage de gueule ?

Luna avait passé la nuit en boîte avec quelques un(e) de ses collègues du Wojna's, puis cette nuit s'était prolongée jusqu'à la matinée. Elle ne faisait pas ça tout le temps et heureusement, elle serait parfaitement incapable de suivre le rythme, en plus de s'occuper de son père tous les jours, mais ces quelques nuits de débauche qui lui permettaient de décompresser et de se changer les idées, elle ne les regrettait pas. Lunettes de soleil sur le nez, la blonde déambulait dans les rues du centre-ville de Bowen, regardant sa montre en grimaçant. Elle n'avait que quelques petites heures pour se reposer avant de devoir reprendre le travail mais pour le moment, elle était à la recherche de quelque chose à manger, elle mourait de faim. Elle n'était pas tout à fait sobre mais elle réussissait bien à le dissimuler, enfin, c'était ce qu'elle se disait et surtout ce qu'elle espérait. Elle fronça les sourcils en voyant au loin un hot dog géant. Elle eut d'abord envie de rire, puis elle cligna des yeux pour vérifier si ce n'était pas le reste d'effluves d'alcool qui lui jouaient des tours. Non, il y avait bien quelqu'un déguisé en hot dog, qui justement faisait goûter des hots dogs aux passants. Elle étouffa un rire avant de s'approcher, ça tombait bien, puisque de toute façon elle aurait pu avaler tout et n'importe quoi tellement elle avait faim. Elle assista en direct à la chute de la jeune femme brune qui se trouvait face au hot dog. Elle semblait énervée, autant par sa chute que par la présence de la personne dissimulée sous le déguisement. « Bonjour, tout va bien ici ? » Elle scruta la brune qu'elle avait d'ailleurs déjà vu quelque part mais sans pouvoir se souvenir. En même temps, elle n'avait pas dormi alors c'était compliqué. Malgré son agacement, elle n'avait finalement pas l'air en danger. « Je peux ? » demanda-t-elle en n'attendant pas la permission, elle attrapa un hot dog sur l'étal ainsi que la carte avec l'adresse du commerçant. « Merci et bonne journée. » Elle leur fit un signe de main et reprit tranquillement son chemin en croquant dans le hot dog avec hâte.

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