Just like before (w/Manwë)

Manwë était mon ami depuis des années. Il venait d'un milieu très différent du mien, mais nous nous entendions à merveille. Nos emplois du temps ne nous permettaient plus de nous voir autant qu'avant, mais quand on le pouvait, on s'organisait toujours un petit truc. Et aujourd'hui nous devions passer l'après midi dans une arcade, comme au bon vieux temps. J'aimais la compétition et je me débrouillais plutôt bien aux jeux vidéos. J'avais donc toute mes chances - heureusement car j'étais un mauvais perdant -.

Je m'étais mis en route dans mon Range Rover et il ne m'avait pas fallut très longtemps avant d'arriver devant chez Man qui m'attendait déjà. Il monta en voiture et me serra la main en guise de salutation. Mets ta ceinture. Je ne lui laissais pas vraiment le choix. La sécurité était devenue une priorité après l'accident qui avait failli me couter la vie. Il me connaissait assez pour savoir que je ne démarrerais pas avant qu'il ne m'ai écouté. Je me suis entrainé à Sugar Rush, normalement cette fois je gagne.

Passer du temps avec les gens qui comptent pour lui, c'était quelque chose qu'il essayait de faire ces dernières semaines. Tel un condamné qui profite de ces derniers jours. Il y avait du vrai dans cette métaphore. Seulement, il le ne dira directement à personne, il n'agit pas pour inquiéter son entourage, mais pour essayer de laisser malgré tout un bon souvenir de lui. La vie l'a beaucoup marqué, mais forcé de constater qu'il y aura plus de monde à son enterrement qu'il ne l'aurait imaginé. Knox faisait incontestablement partie de ces personnes. Amis d'enfance, Knox connait bien plus de choses sur Manwë que la plupart des gens. Ils se sont connus quand petit il fuyait la maison, qu'il trouvait refuge chez son ami beaucoup plus riche certes, mais qui surtout l’acceptait tel qu’il est,  pour un repas, une nuit en sécurité, une pause dans la folie destructrice de son paternel. C'est difficile pour Manwë de savoir que Knox l'a connu faible, même parfois terrifié à l’idée de rentrer chez lui... Un jeune violent à l'école, canalisé parfois par cet ami. Répercuter sa douleur sur les autres c’était si simple, mais c'est grâce à Knox qu'il se contrôle assez malgré tout.

Il arrive à faire abstraction du passé, parce qu'ils n'en parlent jamais. La loi du silence. Parce qu'il pourrait juste éjecter Knox de sa vie s'il se servait de son enfance contre lui. Mais Knox, c'est un gars bien. Un type comme on en croise pas si souvent. Un véritable ami.

Le luthier patientait en bas de chez lui, adossé au mur de son immeuble en grillant une clope. Son regard observait les passants qui s'activaient dans leurs tâches de leur petit train-train quotidien. La société va mal, mais ce n'est pas lui qui allait changer le monde… Y’a un tas de choses qui lui trottent dans la tête, alors se changer les idées ne lui fera pas de mal.

Le Range Rover de son ami arrive à sa hauteur, il balance son mégot dans le caniveau avant d'ouvrir là portière du bolide. Sa main serre celle du brun " Ouais, bonjour à toi aussi tête de lard. " Qu'il répond à l'ordre de mettre sa ceinture. Il a toujours eut un problème avec l'autorité le Manwë, mais là il est plutôt docile. Il connaît très bien aussi la vie de Knox et ce qu'il a dû surmonter.

Une fois la ceinture bouclée, la voiture quitte le quartier résidentiel en direction des arcades. Il connaît que trop l'esprit compétiteur de son camarade. " On sait tous les deux que si tu joue contre moi, c'est parce que tu gagne toujours. " Y'a pas vraiment de challenge à jouer contre Manwë, les jeux il avait découvert ça avec Knox lorsqu'il était gamin. Il n'y avait pas grand-chose chez ses parents qui avait un goût d'enfance, Knox lui a appris beaucoup sur le fait de s'amuser sainement. [/b]" C'est quoi déjà comme jeu Stugart Crush ? " [/b]Cette question démontre en beauté la qualité de ses connaissances en jeux vidéos. Il adresse un sourire à son ami, il se déride enfin et ajoute en riant légèrement " Tu vas me mettre la misère à ce jeu, pas vrai ? " Pas de quartier.

Manwë et moi n'avions pas grandi dans le même milieu et pourtant je l'appréciais énormément. Il avait débarqué dans ma vie alors que nous étions deux gamins, j'avais mes problèmes, lui les siens et ensemble on avait appris à s'en sortir. Bon, mes soucis n'avaient rien à voir avec ceux qu'il connaissait. Sa famille dysfonctionnelle l'avait amené à beaucoup rester à la maison. J'avais adoré avoir un ami de mon âge avec moi, ne comprenant pas tous les tenants et aboutissants sur le moment. Une vraie amitié qui n'avait rien à voir avec de la charité comme avait pu le suggérer nombre de mes camarades de l'époque. Une amitié qui persistait malgré nos deux styles de vies très différents.

Il m'attendait adossé à son bâtiment et le regard qu'il avait sur le monde extérieur me fascinait toujours autant. Je ne le comprenais pas, mais j'étais enclin à entendre son point de vue. Il jeta son mégot avant de monter en voiture et de m'affubler d'un joyeux petit surnom. Bonjour à toi aussi. Lui répondis-je en souriant, content qu'il mette sa ceinture sans rechigner. Je n'aurais de toute façon pas démarrer sans qu'il ne la mette, j'avais bien trop peur de ce qu'il pouvait se passer. A chaque fois que je pensais à l'éventualité d'un accident, une douleur sourde résonnait dans mes jambes. C'était cette peur viscérale qui me faisait réfléchir à deux fois à re signer un contrat de pilote. J'avais peur de mourir. De laisser Pénélope seule... De nombreux facteurs étaient à prendre en considération.

Ce n'est pas vrai ! J'aimais les jeux vidéos et je me débrouillais plutôt bien. Manwë n'avait pas entièrement tort lorsqu'il disait que je jouait avec lui car j'étais certain de gagner, c'était le plus souvent le cas. Quand je perds je suis mauvais. Tu le sais. Je n'aime pas ça. C'était mon côté compétiteur - ou enfant gâté -.
Mais si ! C'est le jeu de course avec les voiturettes faites en bonbons et gâteaux. C'est toi qui l'a choisi la dernière fois parce que tu ne trouvais pas juste que l'on fasse un jeu de F1. Ce qui de mon avis n'avait aucun sens, car les simulateurs de F1 n'avait rien à voir avec les vrais monoplace. Je profitais d'un instant à l'arrêt au feu rouge pour le regarder par dessus la console centrale. La dernière fois les résultats étaient serrés. Tu as gagné quelques courses et je me souviens avoir tirer la gueule. Mes souvenirs restaient cependant très vagues, car cela remontait à plusieurs mois.

Je savais qu'amener Manwë aux arcades ce n'était pas le pari le plus sur, mais nous le faisions depuis gamins, ça nous rappelait des souvenirs. La légèreté du moment me permettait de m'évader un peu et de retrouver mon ami comme avant. Dans la simplicité pour partager un bon moment.

Je me garais sur le parking de l'arcade et après avoir récupéré ma casquette, je sortis pour le suivre. Il fallait prendre les jetons, trouver un truc à boire et à manger - même si la faim n'était pas encore présente -, tout ce que je faisais en arrivant était ritualisé. Comme avant mes courses. Je n'aimais pas que l'on me sorte de ma routine, alors lorsque je vis qu'un nouveau jeu remplaçait Sugar Rush, je perdis un peu mon sourire. Ils l'ont peut être juste déplacé. Tentais-je pour me rassurer. Tu as appelé avant de venir pour qu'ils l'enlèvent ? Tu sais que ce n'est pas drôle. C'est de la triche. Et en m'entendant, je réalisais que je parlais comme un enfant de 8 ans...

Ceux qui ne les connaissent pas peuvent être surpris de voir ces deux hommes trainer ensembles, deux types que tout un monde sépare. Au-delà de l’argent, Man et Knox ont deux mode de vie complètement opposés et un caractère peu similaire. Manwë ne s’était jamais plain de sa vie, il n’avait jamais été à la rencontre de l’infirmière scolaire pour lui montrer les marques des coups reçus. Sa souffrance, il l’a toujours gardé en silence. Se contentant de répercuter la violence qu’il subissait sur ceux qui le cherchaient de trop. Ça ne durait jamais bien longtemps les moqueries à son égard, les cassages de gueules il connaissait bien. La menace d’être renvoyé ne lui faisait pas peur, même si cela aurait impliqué de perdre le peu d’amis qu’il pouvait avoir. Il s’était toujours pointé l’air de rien chez son pote Knox, ils l’invitaient forcément pour le repas, ils jouaient et comme il était tard il pouvait dormir sur place, au calme, en sécurité. Le plus triste, c’était que lorsqu’il rentrait chez ses parents, ils étaient presque déçus de le revoir. Son père parce qu’il ne l’aimait pas et sa mère, parce qu’elle aurait voulu qu’il aille vivre ailleurs, loin ce merdier qui régnait chez les Keynes-Druid.

Ils ne parlaient pas de leur problèmes lorsqu’ils étaient mômes, mais ils savaient être là l’un pour l’autre, pour se sortir de la solitude et des pensées ombrageuses. Bien sûr les potes de Knox comprenaient pas pourquoi il trainait avec Manwë, le rebelle qui fume des clopes à douze ans et qui était promis à une vie de criminel. Il s’en était pas si mal sorti, jusque là. Il se souvenait avoir donné des conseils en mécanique à Know à l’époque, révélant une forme d’intelligence que l’école n’a jamais descellé chez Manwë : celle de la débrouille. Oh que non, les réparations à la Manwë ne se trouvent dans aucun bouquin, un vrai McGyver. Manwë a des mains en or qui lui permettent de comprendre les mécanismes, de trouver un moyen de rafistoler. Il est assez logique, c’est de la roublardise parfois, mais ça fonctionne. C’étaient des souvenirs précieux et il doit admettre s’y connaitre vraiment bien en mécanique alors qu’il n’a pas le permis de conduire à cause de sa déficience visuelle.

“ Oh oui, je sais bien ! C’est pour ça que tu traine avec le loser du quartier, hm ? “ Il arque un sourcil l’air sérieux avant de rire, même s’il n’en pense pas moins. Manwë sait qu’il ne sera jamais un grand homme et il s’en fiche complètement, c’est ce qui en fait toute la beauté. “ Ah oui ce jeu là ! C’était plutôt cool de te voir perdre à un jeu pour fillettes contre un naze comme moi ! “ Voila qu’il en remettait une couche sur le mauvais perdant à sa gauche.

Si Man’ n’irait sans doute jamais aux arcades de son propre chef, surtout à quarante ans, il suivrait son pote là où il aurait envie d’aller. Il a bien su aller dans un bar de nudiste pour traiter avec un type louche, donc pourquoi pas des jeux pour enfants / ado ? Et puis il préfère ça que d’aller à des trucs sophistiqué, comme des mariages ou des cocktails ne bords de mer. Malgré ses airs grognons, il est plus dévoué en amitié qu’il ne veut bien l’admettre.

Une fois sur place, il laisse Knox payer les jetons. Contrairement à son ami, il n’a pas vraiment d’argent à mettre dedans, il préfère dépenser son fric en bâtons de nicotine. Ils ont toujours fonctionné comme ça, n’ayant pas les mêmes moyens… Ils savent tous les deux que ça ne représente rien dans le budget de Knox contrairement à Man’ qui n’a pas vraiment les finances pour sortir régulièrement. Il prend un verre de soda pour accompagner l’ancien pilote et ils se dirigent entre les machines, les nombreux voyants lui font mal aux yeux alors il garde ses lunettes de soleil encore un peu. Un sourire s’étire sur ses lèvres en voyant Knox chercher le jeu pour fillettes comme si sa vie en dépendait. Manwë ne pu s’empêcher de ricaner à sa remarque “ Ouais t’as raison, je suis le nouveau parrain des arcades, tu savais pas ça ? J’ai le contrôle sur toutes les salles des alentours, tu n'es pas près de revoir ton jeu préféré, see ? “ Son sarcasme, Knox y est heureusement habitué. “ Ils ont quand même remplacé ton jeu de voitures en bonbons par… Cadillacs and Dinosaurs ? C’est quoi le délire ? On poursuit des dinos à bord de Cadillac ? “ Il était loin du compte, mais ça aurait paraissait logique. “ Hm… C’est un jeu où il faut se mettre sur la gueule ? C’est sur que ça change de Sugar Crush… “

Manwë et moi ne pouvions pas être plus différents et pourtant il faisait parti de mon cercle d'amis depuis très longtemps. Son côté bad boy ne m'avait jamais arrêté. Je lui proposais souvent des sorties qui ne lui correspondait pas du tout pour le sortir de sa zone de confort, mais aussi parce que nous n'aimions pas les mêmes choses. Les arcades devaient être un mini enfer pour lui, du bruit et des gamins. Bref un combo gagnant. Mais il était là avec moi.
Je nous avais pris des jetons pour pouvoir jouer, mais dès le début je sentis le traquenard. Il n'y avait plus la machine de Sugar Rush. Une vague de mécontentement s'empara de moi - c'était totalement du à mon éducation d'enfant privilégié -. C'est totalement ton style de me faire chier. Je l'accusais, forcément, il aimait me torturer. C'était un de nos moyens de communications. Un peu dégouté, je regardais autour de moi, mais le jeu qui remplaçait Sugar Rush ne me tentait pas du tout. Beaucoup trop violent pour moi. Je vais me contenter d'aller attraper des peluches à la con. Ça serait toujours ça de pris pour Pénélope. Il y avait des tas de machines à grappins avec différents prix à gagner. J'allais pour les peluches qui plairaient à Pento, mais je laissais choisir Manwë celles qu'il voulait tenter.

Ce n'était pas aussi simple que ça en avait l'air et pour réussir à attraper une peluche, il me fallut plusieurs essais. T'as réussi à attraper quelque chose ? Faut avoir du cul pour y arriver j'ai l'impression. Dis-je en tenant une micro peluche licorne ridicule. Je me souvins d'un endroit que j'avais visité au Japon, un endroit avec des centaines - si ce n'était pas des milliers - de jeux ou il fallait juste tourner une manivelle pour récupérer un lot. L'expérience avait été bien plus fun qu'aujourd'hui. Pento avait adoré recevoir toutes les conneries que je récupérais.

Il n’y a pas pour grand monde sur cette terre pour lesquelles il ferait l’effort de sortir de sa caverne, surtout pour se rendre dans ce genre d’endroit. Encore, sortir dans un bar, se saouler la tronche pour oublier ne lui est pas vraiment étranger, mais les arcades, c’est vraiment réservé à son pote Knox. Comme lorsqu’ils étaient gamins, Man’ n’avait jamais eu une pièce pour mettre dans ces machines bruyantes et trop lumineuses. On pourrait le penser opportuniste en ayant eut que quelques amis qui avaient plutôt les moyens, il faut dire que comparer à sa situation, n’importe quelle famille moyenne lui paraissait fortuné à l’époque. De ses yeux d’enfants, il avait longuement pensé que les autres avaient tout et que lui n’avait rien. Il y avait une part de vérité malgré tout…

“ Certes… “ Répondit-il amusé à l’accusation d’avoir l’art de faire chier son pote. “ Je suis plutôt doué pour ça, ce serait dommage de gâcher un tel talent, hm ? “ On peut dire qu’il excelle dans l’art d’être un emmerdeur grognon et à l’occasion violent. Une violence qu’il n’exerce pas envers ses amis, il n’en a pas encore qui soient masochistes et réclament ses coups de poings. Manwë n’est pas bien gros, mais il a la rapidité et la précision d’un combattant de rue. Il ne recule devant aucun adversaire, même plus grand que lui. Ça lui est arrivé mainte fois de finir à l’hopital, mais il a toujours pris ça à la rigolade, parce que de toutes manières, les coups, il connait ça depuis gamin.

Man’ ne pu contenir un rire lorsque le compétiteur opte pour aller attraper des peluches, ok il a une môme, dont ils ne parlent quasiment jamais. Manwë n’est pas branché marmot, pour lui construire un jour une famille n’est pas pensable. Les conversations sur les enfants sont souvent courtes, parce qu’il n’a pas d’avis sur la manière dont ça s’éduque réellement, et il préfère se taire plutôt que de lui demander pourquoi il ne lui met pas une torgnole pour régler le problème. Parce qu’il n’a connu que ce modèle et même s’il sait que ce n’est pas normal, c’est tout ce qu’il connait de l’éducation. Manwë le regarde échouer plusieurs fois, il imagine que ça l’aide à passer ses nerfs ou qu’importe… “ Il faut croire que t’as du cul alors… Qu’est-ce que c’est ce que ce machin ? Un cheval ? “ Trop petit, trop brillant, la lumière déforme les contours dans les yeux abimés du luthier qui continue de faire mine de rien, comme si sa vue ne déclinait pas progressivement. Il n’a aucun plan pour l’après, lorsqu’il aura perdu la vue. Il se contente d’essayer d’accomplir son plan concernant son père, il aura le temps pour la suite, s’il survit.

Manwë était un chieur professionnel. Depuis que l'on était gamin, il aimait m'emmerder et me pousser à bout, sauf que moi ça me faisait rire. Il avait tenté de provoquer d'autres gars dans notre classe à l'époque, et ça ne s'était pas aussi bien fini pour lui. Mais même avec sa frêle carrure, une bonne bagarre ne l'effrayait pas, il aimait cogner et probablement aussi un peu se faire cogner. Il était un gars pas comme les autres et c'était en parti la raison pour laquelle je l'appréciais tant. Ça et le fait qu'il me suivait dans mes conneries, même si celles ci ne lui plaisaient pas, comme aujourd'hui cette escapade à l'arcade.

J'avais abandonné l'idée de retrouver Sugar Rush, alors on s'était tourné vers les machines à grappins. Un vague souvenir de vacances au Japon m'avait aidé à gagner une licorne à paillette, ce qu'il ne manqua pas de remarquer. Une licorne. Lui dis-je remarquant alors qu'il voyait encore moins que la dernière fois que nous étions sortis. Je ne lui en parlais pas, ça devait venir de lui, mais au fond de moi ça m'inquiétais. Il faisait un boulot ou ses yeux étaient nécessaires.  Je comprenais sa situation, car j'avais aussi perdu mon job de pilote à cause d'une blessure. Shh ! J'ai une petite fille. Arrête de me juger comme ça. Pénélope faisait partie intégrante de ma vie depuis deux ans, mais Manwë ne l'avait jamais rencontré. Je ne pensais pas que les deux là s'entendraient bien, lui trop direct, elle trop impressionnable.
Je remis une pièce dans une machine et cette fois je gagnais une peluche de plus d'un mètre, un stitch géant. Pénélope allait me faire une syncope en voyant ça. C'était peut être même un peu trop pour elle. Tu le veux ? Demandais-je taquin. Je savais que j'allais me prendre un vent d'enfer, mais je m'en foutais. Je voulais juste l'emmerder, comme il le faisait si bien avec moi. J'étais en veine, car dans la foulée je gagnais deux petites peluches en forme d'arc en ciel. Je devrais jouer dans la machine où il y a de l'argent. Plaisantais-je. Je n'en avais pas besoin, mais je semblais être sur une bonne lancée.

Manwê a du mal à imaginer ce grand gamin comme un père, même s’il ne peut s’empêcher de se dire que ça doit être formidable, d’avoir un père qui sache s’amuser, qui sourit, rit, est heureux… Il n’a jamais connu ça, alors oui, il a du mal à imaginer Knox comme père, parce qu’il ne lui semble pas assez autoritaire, pas assez violent. Il n’est pas vraiment à la page, au fait, que l’on ne lève pas la main sur un enfant dans cette société moderne, du moins, en principe. Man’ ne comprend pas la joie de son ami qui attrape des licornes, parce qu’il n’a jamais vu quelqu’un trépigner à l’idée de lui offrir quelques chose à lui… Pire… Il n’a jamais ressenti ça à l’idée d’offrir quelque chose à quelqu’un.

Il ne connait pas la fille de Knox. Il comprend qu’il veuille la tenir loin de lui, il a l’habitude de ce comportement à son égard, ça ne l’affecte pas. On se résigne à tout. “ J’espère pour toi que c’est n’est pas une chance de cocu. “ Bien qu’il ne sache pas plus si son ami est avec quelqu’un. Ils n’ont pas eut beaucoup l’occasion de s’amuser. Il tend la main pour attraper la peluche d’un monstre étrange, oui, Man ne connait pas Stitch.

“ Tu te dis pas que ça va lui faire peur ce machin ? “ Le brun regarde la peluche d’un air un peu sceptique, ses yeux verts se plissent à cause des lumières, il a beau essayer de se concentrer ou cligner des yeux pour apaiser la douleur et rendre moins floues les choses autour de lui. “ J’ai jamais mis les pieds au casino, si un jour j’ai de l’argent à perdre là-dedans, je te ferais signe. “ Sauf que là, Manwë ne s’adressait pas à son ami, mais une statue de stormtrooper à échelle humaine. Lorsqu’il s’en rend compte, il lâche un léger rire avant de se tourner vers Knox et lui jeter la peluche “ T’avais prévu de me cramer les yeux en m’emmenant ici ou quoi ? T’as fais changer tous les vieux néons crasseux pour gagner à ton jeu pour gonzesse, mais pas de bol, il a disparu, see. “ L’humour, la dérision, encore et toujours.

Je ne me serais jamais intéressé à ces peluches s'il n'y avait pas eu Pénélope dans ma vie. La petite fille m'avait forcé à élargir mon horizon, je me retrouvais à regarder des Disney et à connaitre toutes les princesses existantes sur la planète. Avoir une petite fille, c'était quelque chose... Mais je l'aimais tellement que je lui pardonnais facilement cette torture, j'en venais même à apprécier certains de ces dessins animés. Elle allait être contente en voyant les nouveautés que j'allais lui ramener.

Manwë s'était planté devant une statue géante de Stormtrooper pour parler. Il ne voyait clairement plus rien alors je le pris par le bras pour le sortir de l'arcade. T'es con ou quoi ? Tu pouvais pas le dire avant. Je savais qu'il avait mal aux yeux, mais d'habitude ça ne me semblait pas aussi gênant pour lui. Nous n'avions pas eu le même début dans la vie et clairement, il avait appris à ne pas se plaindre, à accepter les problèmes. Je n'aurais pas pu en faire de même. T'as été voir un ophtalmo récemment ? Serait peut être temps de faire quelque chose, non ? L'engueulais-je en le guidant vers la voiture. On avait l'air malin avec nos peluches et notre démarche saccadée.

Il se contente de grogner le Manwë quand Knox lui reproche de n’avoir rien dit plus tôt, pourquoi est-ce qu’il n’a rien dit ? Parce qu’il n’a pas envie de s’entendre dire qu’il doit voir un médecin. Exactement ce qui arriva quelques secondes plus tard alors qu’ils sortent, chargés de peluches qu’il aide maladroitement à charger sur les sièges arrière. “ Tu sais bien que j’suis allé voir un tas de spécialistes, ils ne peuvent rien faire pour moi. “ Il en a assez bavé comme ça, il n’a aucune envie de se faire triturer les globes oculaires pour aucun résultat. Man’ se frotte les yeux avant de replacer ses lunettes de soleil devant ceux-ci en soupirant “ Je le sais depuis toujours, qu’un jour je ne verrais plus. “ Même si ce jour lui fait franchement peur, il n’a aucune idée de savoir comment il va s’en sortir seul dans ces conditions, parce qu’il ne veut pas d’aide… “ J’ai pas l’intention de passer le temps qu’il me reste à voir, dans un lit d’hopital. “ Il espère qu’ils ne vont pas débattre trop longtemps à ce sujet, définitivement, il n’aime pas parler de ses faiblesses.

“ On va boire un verre ? C’est pas un coup de Chouchen qui va me rendre la vue… “ Peut-être même bien tout le contraire, il sourit, amusé. “ Mais c’est toujours bienvenu un remontant, hm ? “ Ils ont trainé à l’arcade l’ambiance tamisé d’un pub, c’est toujours plus vivable pour Man’ qui pourra toujours défier Knox sur un baby ou un billard, si cette douleur s’apaise enfin. Il a bien des larmes artificielles en collyre dans ses poches pour le soulager, mais il attendra d’être seul pour les mettre.

Et y en a pas un qui est capable de faire quelque chose pour ton inconfort ? Je me gardais de l'emmerder plus à ce sujet, car je savais qu'il n'aimait pas quand je le pressais de trop. Mais merde, ça me dépassait qu'aucun médecin n'ai réussi à l'aider pour lui éviter de douiller autant. Lorsque je m'étais pété les jambes, une des premières choses que l'on avait cherché à maitriser était la douleur.

Manwë nous avait fait rejoindre un pub et après avoir payé la première tournée, nous nous étions retrouvé devant un babyfoot. Quand j'étais gamin, j'en avais un dans ma salle de jeu et on y passait de bons moments. C'était le moment d'être à nouveau des gamins innocents. Ou presque. Plutôt pas du tout vu les hommes que nous étions devenus.  Je bois trop depuis que je ne pilote plus. Dis-je en prenant une gorgée de ma bière. Je l'avais réalisé quelques mois après avoir pris mon poste de team principal au sein de mon écurie, mais ça ne m'avait pas arrêté. Et avant d'avoir envie de piloter à nouveau, je m'étais laissé aller jusqu'à avoir un petit ventre peu raisonnable. Pénélope aimait bien tapoter sur mon gras comme si c'était un tambour.

Tu veux prendre les bleus ou les rouges ? Je récupérais une balle et en attendant sa réponse je la lançais d'une main à l'autre.

“ Pas vraiment… “ Et puis, il n’en a pas les moyens, il se passera de la préciser. Qui plus est, Manwë a passé beaucoup de temps dans les hôpitaux à essayer de trouver un remède à sa pathologie, en vain. Il estime avoir assez donné. “ Mais ça va, je m’adapte. “

Ils arrivent dans un pub, se sont servir leur première tournée et c’est avec une pointe d’inquiétude que le luthier pose son regard sur son ami. Passerait-il à côté d’un problème d’alcoolisme chez son interlocuteur ? L’alcoolisme, il a connu ça toute son enfance avec une mère ivrogne. Jamais elle n’avait évoqué la possibilité d’avoir des problèmes de boisson. “ Alors, on se contentera d’un seul verre, ok ?  “ Man aimait l’alcool, i devait sans doute cela à sa défunte mère, mais il savait se raisonner la plupart du temps. Quand ce n’était pas le cas, il se retrouvait malheureusement dans des situations impossibles.

Le luthier éclate de rire à la question concernant la couleur qu’il souhaitait choisir pour jouer, il aimait assez l’autodérision, il savait fort bien que le quarantenaire ne distinguait pas les couleurs. “ Je vais de ce côté. “ Prenant les rouges sans trop savoir. Ici, il faisait assez sombre pour que sa vue s’ajuste “ Et ne t’imagine pas que je vais te laisser gagner. “ Le soccer n’est pas sa grande passion, mais il faut bien donner un peu de fil à retordre au compétiteur qui lui fait face ! Ça lui fera du bien de se défouler, le luthier en est persuadé. La balle est mise en jeu et les petits bonhommes se mettent en action avec une dextérité assez poussées des deux côtés, mais il fallait un peu de temps pour Man’ et reprendre la main, il encaissa le premier tir dans les cages. “ Ok, c’était le point pour te faire plaisir, mais les choses sérieuses commencent. “ Provoquer inutilement, c’est ce qu’il fait toujours avec Knox, parce qu’il sait que ça ne l’intéresse pas de jouer sans enjeu, quoi de plus important que l’ego remis en jeu ? De con côté, Man’ vivait un rare moment d’amusement sain et sincère, c’était du win-win et le temps s’envolerai ainsi.

Pas trop à ce point là. Le rassurais-je. Je commence juste à avoir un dad body, avec le ventre et tout ce qui va avec. Vu le passé de Manwë, j'aurais du préciser dès le début, car malgré ses airs il avait un petit côté protecteur. C'était un bon ami, qui je le savais ne me laisserait jamais tomber dans ce genre de travers, ou un quelconque autre travers d'ailleurs.

Il avait choisi son côté et la partie avait débutée.Nous y mettions du notre pour faire en sorte que se soit un vrai combat pour la victoire. J'adorais gagner et il le savait, alors son objectif était souvent de me faire perdre pour m’emmerder. C'était bon enfant et j'adorais passer des moments comme celui ci avec lui.  Je mis le premier but et je célébrais avec une gorgée de bière avant que le match ne reprenne. Il y mettait du sien et avait une puissance dans les mains grâce à son boulot de luthier. Je luttais, je rigolais, je m'amusais comme ça faisait longtemps que ça ne m'était plus arrivé.
Qu'est ce qui t'arrive, d'habitude tu n'es pas aussi fort ? Le taquinais-je en tentant de balancer la balle au fond du goal sans succès. Je bataillais et à un moment je me rendis même compte que je tirais légèrement la langue tellement j'étais concentré. Exactement comme lorsque j'étais gamin. Pento faisait ça aussi.

T'as pas faim ? J'ai faim. Je vais nous commander un truc à manger.

Manwë fit mine d’analyser le physique de son ami quand celui-ci affirme prendre du poids, il n’avait pas vraiment remarqué pour tout dire. Man’ était toujours aussi sec avec une certaine musculature, celle de gamin des rues qui mange pas à sa fin et qui a développé des muscles fins par la force des choses. “ Hm ça va encore pour le moment. “ Il plaisantait, son ami était très bien, beaucoup mieux que lui-même. Mais il n’était pas très doué pour faire des compliments, il l’était bien plus pour plaisanter.

Ils jouaient ensemble à une activité à laquelle Man’ était beaucoup plus habille, bien qu’il avait un peu de mal par moment à suivre la balle sans éprouver une certaine forme de vertige. Il avait appris à gérer cette sensation de vertiges lorsque ses yeux faisaient des siennes, il compensait comme il le pouvait, sans quoi il passerait sa vie à tomber au sol.

“ Si je ne suis pas aussi fort d’habitude, ça veut dire que t’es plus nul que d’ordinaire ? “ Provoquait le luthier uniquement pour pousser Knox à jouer davantage, il savait que c’était sain et qu’il en avait besoin. Les rires de son ami le renvoyaient à l’enfance, aux moments de joie qu’il a pu vivre grace à ses amis, sa véritable famille. Il ne pu se retenir de rire lui même en remarquant le faciès de Knox avec la langue tirée. “ Ouais prend ce que tu veux. “ Il était toujours gêné de profiter de l’argent de ses proches, pourtant, personne ne lui en avait jamais fais le reproche. “ J’vais nous choisir une table pour se poser un peu, comme deux vieux. “ Il encaisse un but au passage, il râle un peu, pour la forme avant d’aller s’installer.

Une fois rejoins par Knox avec les victuailles, il le remercie avant de lui demander “ Quand on était gamins, tu voulais faire plein de choses quand tu serais adultes… “ Contrairement à Man’ qui ne s’était absolument jamais projeté plus loin qu’au bout de sa semaine. “ Tu trouves que t’as réussis tout ce que tu voulais ? Ou t’as encore des projets plein la tête ? “ Il avait toujours été fasciné par cette ambition, chose qu’il n’avait strictement pas et pourtant, il était rendu bien plus loin qu’il ne l’aurai jamais songé.

Je m'excitais comme un abruti sur le babyfoot, essayant de ne pas laisser gagner mon ami. Mais après avoir encaissé un nouveau but, j'avais proposé de manger un morceau. J'avais faim, je n'aimais pas perdre, il était donc temps de passer à autre chose.
Manwë nous avait trouvé une table et j'étais revenu avec un plateau plein de malbouffe. Rien ne m'aurait préparé aux questions que mon ami se mit à me poser. Je n'étais pas du genre à avoir ce genre de questionnements, tout simplement parce que cela m'angoissait. J'ai l'impression d'avoir pris un bon départ et d'avoir été arrêté net dans ma lancée. Mon accident avait mis un terme à ma carrière de pilote et même si je travaillais toujours dans le monde de la F1, ce n'était plus pareil. Et mis à part les sports auto, je ne sais pas dans quoi je pourrais me réorienter. Je n'ai toujours que rêver de ça. Et si professionnellement ce n'était pas fou, je ne parlais même pas de ma vie personnelle. C'était une totale catastrophe, et même si j'avais Pénélope, j'étais loin d'avoir la vie dont j'avais rêvé quand j'étais plus jeune. Sous mes airs d'homme souriant, il y avait pas mal de souffrances. Je préfère ne pas trop y penser. Avouais-je en prenant quelques frites avec une tonne de ketchup.
Bon, j'avais une au pair qui devait arriver bientôt et peut être que ça me permettrait d'avoir un peu plus de temps à moi. Le temps c'était l'essence même de ce qui allait me permettre de me retrouver. Du moins c'était ce que j'imaginais. Du temps pour se trouver de nouveaux hobbies, du temps pour rencontrer de nouvelles personnes, du temps pour découvrir dans quel domaine je pouvais être bon... Il y avait du boulot, à tel point que je perdais dans mes pensées au beau milieu de ce bar.

Heureusement que j'ai Pento. C'est le fil conducteur de ma vie aujourd'hui.