something just like this (polly)

Me retrouver sur le campus de Bowen me faisait toujours bizarre, dans le bon sens du terme. Cela me ramenait inévitablement au temps où j’occupais moi-même les bancs de l’université. J’y avait passé autant de temps à faire la fête qu’à y étudier, mais cela figurait parmi mes meilleures années, juste après celles qui avaient suivi et que j’avais passées à voyager et à me sentir aussi libre que l’air. Aujourd’hui, je viens y chercher Polly qui doit passer son dernier partiel de l’année. Je patiente sur un banc, m’octroyant le loisir d’observer les étudiants autour de moi et de leur imaginer des caractères, des vies entières. Une déformation professionnelle sans doute. Au bout de quelques minutes, un groupe dense s’échappe du batiment en face de moi. Je me lève, tends la nuque avant d’apercevoir ma rouquine préférée. Je lève haut un bras pour lui indiquer ma position.
— Ma Popoooo ! je m’écris en arrivant vers elle pour la prendre dans mes bras. Alors ? T’as tout déchiré ?

@polly burnett

La semaine fut épuisante pour la jeune femme. Qui a eu l’idée de faire enchaîner quatorze examens sur une semaine à des étudiants bien assez stressés comme ça ? Et comme il est hors de question pour Polly de ne bosser qu’à moitié certaines matières, en privilégiant les matières aux coefficients les plus importants comme font une partie de ses camarades, elle a encore plus travaillé. Bien sûr elle ne s’y est pas mis à la dernière minute mais pour être bien au point il faut tout de même travailler un peu tout le temps, y compris entre les examens ou le soir. Mais là, c’est le dernier. Elle sent que son cerveau est un peu en compote mais elle sait que derrière un peu de répit se profile à l’horizon. Elle vérifie plusieurs fois que son algorithme tourne bien, qu’il y a bien les commentaires là où il faut et qu’elle répond bien à la consigne puis il est l’heure pour tout le monde se déposer son fichier et de partir. Comme elle sait que sa sœur l’attend, elle ne passe pas de temps à discuter avec ses camarades. Les discussions en sortie d’examens ont tendance à la stresser plus qu’à la détendre en général, puisque tout le monde compare ses résultats. Polly aperçoit sa sœur qui l’attend et l’appelle. « Pip’s ! » dit-elle avant de la rejoindre et la prendre dans ses bras. C’est toute la pression qui redescend d’un coup et elle sent l’émotion la gagner, la chute de stress la fait souvent pleurer. « On verra bien, j’ai les résultats dans deux semaines. » Elle préfère jamais trop s’avancer même si elle passe toujours tous ces examens avec des notes très honorables. « T’es vraiment trop mim’s d’être venue. » lui dit-elle avec un sourire en essuyant une larme.

Polly avait à coeur de réussir ses études, elle révisait avec acharnement et j’étais fière d’elle qu’elle soit si investie et si passionnée par ce qu’elle faisait. Je savais que ce jour d’examen était important pour elle et cela me semblait naturelle de venir la soutenir. De plus, j’avais cru comprendre qu’elle n’allait pas fort ces temps-ci et je ne pouvais supporter qu’elle ait des tracas. J’espérai bien lui remonter le moral.
— Je suis sûre que tu as tout donné, lui dis-je.
Je la prends par l’épaule puis emprunte le chemin qui mène à l’entrée du campus.
— Je t’amène déjeuner, t’as envie de quoi ? On a testé un petit restau pas très loin, avec Concho, où ils font des burgers à tomber par terre, si ça te tente.

Les examens sont toujours une grande source de stress pour Polly et quand ils sont terminés, tout redescend d’un coup et forcément elle se met à pleurer sans pouvoir trop le contrôler. Heureusement sa sœur est là, la rousse est bien contente qu’elle soit venue maintenant qu’elle n’a plus à penser à ses cours, elle a bien envie de se vider complètement la tête. Pour ça rien ne vaut une bonne conversation avec sa grande sœur. Celle-ci lui propose d’aller manger dans un restaurant de burger, restaurant qu’elle a pu tester avec Concho, son nouveau copain et le sujet préféré de Polly depuis le séjour à Chamonix. « Oui ça me va carrément ! » répond-elle en souriant, marchant vers l’entrée du campus, sa sœur à côté d’elle. « Alors quoi de neuf avec Concho ? »

Il n’y avait aucun stress qui ne puisse, selon moi, être chassé par une après-midi entre soeurs et celle-ci avait de meilleurs chance d’arriver à bout d’une anxiété passagère lorsqu’elle débutait par un repas digne de ce nom, ce pourquoi je proposais à ma petite soeur de m’accompagner pour un burger, dans ce petit restau que Concho et moi avions découvert il y a peu. Ravie de voir que ma petite soeur était partante, je m’engage avec elle sur le chemin pour quitter le campus. Sa question sur Concho me fait sourire. Depuis que je suis ado, je l’entends me dire que Concho est le petit ami idéal pour moi, et aujourd’hui, je dois reconnaitre qu’elle avait raison depuis tout ce temps.
— C’est…doux, d’être avec quelqu’un qui me connait autant, et en même temps, j’ai l’impression de découvrir tous un tas de nouvelles facettes de lui, c’est fou !

Depuis qu’elle connaît Concho et qu’il est ami avec sa sœur, Polly les imagine ensemble et les ships tel un couple de série. Elle a été leur fan numéro un quitte à les saouler avec ses sous-entendus et à toujours vouloir traîner avec eux parce qu’elle les trouvait si cool. Forcément depuis que son rêve de voir sa sœur avec lui est devenu réalité, la jeune femme n’arrête pas d’évoquer le sujet avec Pippa, voulant tout savoir de leur histoire. A défaut d’elle-même avoir le cœur qui vacille pour quelqu’un, elle peut au moins se réconforter avec l’histoire de sa sœur. « Vous êtes si mignons ! Je suis tellement contente qu’il te rende heureuse. » dit-elle en souriant. « J’ai l’œil pour savoir avec qui tu irais bien. » Et elle ne manquera pas de lui rappeler que depuis le premier jour elle sait qu’ils sont fait l’un pour l’autre. Et également qu’elle n’a jamais apprécié Liam même si elle était tout de même contente pour Pippa qui semblait heureuse avec lui, même si elle se rend compte que ça n’a rien à voir avec ce qu’elle vit depuis qu’elle est avec Concho. Elle le voit Polly, sa sœur semble bien plus heureuse même si ce n’est que le début de leur histoire, d’amour, parce que l’amitié ça fait bien longtemps qu’ils l’ont.

Tout est si simple avec Concho, tout est fluide et doux. Il sait qui je suis, il connait mes failles autant que mes forces, il me pousse vers le haut. Polly, c’est vrai, depuis l’enfance n’arrête pas de nous imaginer ensemble. Ados, ça nous faisait rire parce qu’on imaginait pas finir en couple, ou du moins, on ne s’était jamais arrêter sur la question à l’époque, aujourd’hui pourtant, Concho m’apparaissait comme une évidence, et je me sentais si bien avec lui que c’en était parfois déstabilisant.
— Ahah…oui, c’est vrai. On peut dire que tu avais vu juste sur ce coup là.
J’attrapa ma petite soeur par le bras et la conduit à pied jusqu’au restaurant de burger dont je lui ai parlé un peu plus tôt. On entre, puis la serveuse nous indique une table de deux. Je prends place en face de Polly, avant d’attraper le menu.
— Fais-toi plaisir, c’est moi qui offre. On doit bien fêter dignement la fin de tes partiels non ?

Polly préfère ignorer toutes les fois où elle a pu se planter en ce qui concerne l’amour et les gens qui l’entourent. Si elle arrive tout de même bien à savoir quel duo pourrait fonctionner, elle n’a pas raison à chaque fois, l’amour est bien plus complexe que ça. Elle-même n’a pas encore trouvée la personne avec qui partager sa vie pendant un moment. Elle est jeune, elle a le temps, c’est certain mais aucune de ses histoires n’a duré suffisamment longtemps pour que quelque chose de vraiment sérieux s’installe. Heureusement, si les ruptures sont toujours douloureuses, elle ne regarde ses histoires passées qu’avec nostalgie et bienveillance, sans regrets, les fins n’ayant jamais été si catastrophiques que ça. « Et j’espère continuer à voir juste. » répondit-elle en souriant. Elle a bien envie d’avoir Concho comme beau-frère. Elle le connaît déjà, elle l’aime bien et elle ne doute pas que ce soit un gars bien. Pippa entraîne sa sœur vers le fameux restaurant avant qu’elles ne s’installent à une table. « Merci. J’ai trop faim alors oui on peut fêter ça dignement. » dit-elle en riant avant d’attraper un menu pour se décider. « Je suis complètement vidée, je vais rentrer lancer Harry Potter et m’endormir devant sous la couette je sens. »

Polly est un vrai rayon de soleil, elle l’a toujours été. Certain dirons que je ne suis pas objective était donné qu’elle est ma soeur et que je l’aime d’un amour incommensurable, mais je leur répondrais de regarder ma rousse préférée et de constater par eux-même la lumière si douce qui se dégage d’elle. Je sais qu’elle trouverait, elle aussi, une âme, aussi belle et aussi pure pour partager sa vie, ou même un morceau de celle-ci. Cela viendra, j’en suis convaincue.
Ma petite soeur et moi nous installons à une table du restaurant que j’ai envie de lui faire découvrir, et Polly décrète aussitôt qu’elle meurt de fin. Je ricane gentiment.
— Le burger que j’ai gouté était super bon, Concho a pris le double, il a eu du mal à finir, c’est super copieux.
Elle m’expose son programme de l’après-midi et je ne suis pas étonné. Ca ressemble à du Polly tout craché !
— T’as bien mérité un moment cocooning oui, moi je dois bosser sur mon roman, sinon je vais pas réussir à tenir ma deadline.

Sur la carte il y a divers burgers parmi lesquelles Polly devra faire un choix même si elle a envie d’un peu tous les goûter, surtout si sa sœur lui assure qu’ils sont très bons. Elle fait confiance à Pippa, sans doute plus qu’à n’importe qui, avec son autre sœur également. Elle sait qu’elle peut compter sur elle et si chacune à son jardin secret, il n’est pas rare qu’elles se fassent des confidences, comme lorsque Pippa était en pleine hésitation par rapport à ses sentiments pour Concho et que sa petite-sœur l’a orienté, forcément vers le jeune homme puisqu’elle les ship depuis qu’elle est enfant. « Je vais en prendre un simple alors, ou alors un double et je prends le reste pour plus tard... » réfléchit-elle à voix haute. Elle aura probablement la flemme de se cuisiner quoi que ce soit alors il vaut peut-être mieux avoir du stock quand la faim viendra à nouveau. « C’est quand déjà la deadline ? T’as encore beaucoup à faire ? » demanda la jeune femme, intéressée et toujours première lectrice des romans de sa sœur.

Ce petit restaurant est tout cosy, on s’y sent bien, en tout cas, j’aime l’ambiance qui s’en dégage. S’ajoute à cela - et c’est loin d’être négligeable - une cuisine au top. On y mange bien, notamment les burgers qui nous ont laissé, à Concho et moi, un bon souvenir. Je les conseille à ma petite soeur qui se met aussitôt à hésiter entre le simple ou le double. Cela m’amuse.
— Tu fais comme tu veux, c’est pour moi, je précise en ricanant. Fais toi plaisir.
La conversation dévie sur mon roman et notamment ma deadline qui approche à grand pas. Je me serre un verre d’eau et en bois une gorgée avant de répondre.
— Je dois le rendre pour la fin du mois, ça devrait le faire, même si ça implique des journées de travail intense jusque là. Et toi alors ? Qu’as-tu prévu de faire de ton temps libre ?

Revenir à des questionnements aussi simples que choisir entre un burger simple et un double, fait du bien à Polly après cette semaine d’examen intense où elle a dû travailler sur des sujets bien plus complexes. « Bon je vais prendre le double alors et je mangerais le reste ce soir. » Elle s’imagine déjà avec un burger et un thé glacé en train de regarder une série dans son lit avant de s’endormir beaucoup trop tôt, son corps lui faisant comprendre qu’il a tenu jusqu’à la fin des examens mais qu’à présent il aimerait se reposer. Pour Pippa aussi la période est plutôt intense avec le rendu de son dernier manuscrit. « Oui, tu connais maintenant. » répond-elle en souriant, sa sœur n’étant pas à l’écriture de son premier roman. « Je vais sûrement faire un peu plus d’heures à la librairie, lire, regarder des séries, je sais pas trop encore. Je pense que je vais quand même un peu travailler aussi. » Les études ne sont jamais très loin pour Polly, même en vacances.

Je hoche la tête, puis referme la carte pour la poser juste à côté de mon assiette.
— Très bon choix, je valide en riant, je vais faire comme toi et prendre un double aussi. Pourquoi se refuser un plaisir si simple ?
La serveuse vient prendre notre commande et nous laisse Polly et moi continuer notre conversation. Ma deadline arrive à grand pas, mais elle ne m’inquiète pas trop, comme le souligne ma petite soeur, je commence à avoir l’habitude maintenant, et je me sais parfaitement capable de produire le nombre de caractères qu’il me manque pour terminer mon livre, dans le délai qui m’est imparti. On dévie alors sur le programme de vacances de Polly. Lecture, série, révision. Voilà qui lui ressemble assez. Je souris à ma petite soeur avec tendresse, je la reconnais bien là.
— C’est ça quand on est passionnés, le travail n’en ai pas vraiment, je lui dis avec un clin d’oeil.