#17 just say yes (pecho)

Il en existait de ces hommes qui ne semblaient plus vouloir approcher un autre homme dès qu’ils apprenaient que l’autre était gay ou bi. Je n’étais pas comme ça. Bien franchement j’avais du mal à comprendre, d’ailleurs, ce qui leur traversait l’esprit pour agir de cette façon-là. Je déclarai donc simplement  « Tu sais que c’est pas mon genre quand même. » Je me serais probablement lassé pas mal plus rapidement que ça des sous-entendus de Perry, si j’avais un problème avec son orientation sexuelle. Je ne m’en étais pas lassé du tout, en fait. Enfin, je ne les attendais pas avec impatience non plus … mais elles ne me dérangeaient pas. Ça faisait partie du personnage de Perry. Je ne le changerais pour rien au monde. Je soupirai un peu quand mon colocataire affirma être sans doute un gars jaloux. « J’dois l’être aussi, en fait. Sinon la relation de Freja avec Woody m’aurait pas dérangée à ce point. » En même temps, dans leur cas, je pense qu’à peu près n’importe qui aurait été jaloux. Mais de là à avoir lancé un ultimatum du genre c’est moi ou c’est lui ? Je m’en voulais, par moments. Puis je me rappelais qu’elle l’avait choisi lui, sans trop d’hésitation d’ailleurs, et je me disais que ça en disait long, ça aussi. Dans le cas de Tahlia, Pippa n’avait même pas de doute à avoir. Pour ce qui était de Freja, je pourrais davantage comprendre la jalousie, même si elle n’avait aucune raison de s’inquiéter là-dessus non plus. Elle le verrait rapidement d’ailleurs qu’il n’y avait plus rien entre la norvégienne et moi, lorsqu’elle viendrait à nos soirées, si Freja s’y trouvait également. Parlant de soirées, j’évoquai à Perry le fait qu’entre lui et sa fréquentation de bien plus long terme qu’à l’habitude, rien n’était encore très officiel aux yeux des autres. « Venant de toi ça en prend une, grande annonce, pour ce genre de nouvelle ! » Perry qui se case c’était un peu comme la fin d’une époque. « J’comprends que vous vouliez rester dans votre petite bulle pour un moment. Y’a rien de mal à ça. » Le rassurais-je, tout de même surpris de le savoir officiellement en couple avec quelqu’un, quand même ! Mais ça ne pressait pas de nous le présenter comme tel.

Perry ne doute pas que son meilleur ami ne soit aucunement homophobe, ou alors il le cache vraiment bien mais ça n’aurait absolument aucun sens. Surtout que Perry n’est pas du tout du genre à cacher sa sexualité aux autres, il ne se pose pas de questions lorsqu’il en parle. Il est bi et c’est comme ça, pas besoin d’en faire tout un fromage. C’est comme ça qu’il a fait toute sa vie. Il n’y a pas eu de grande annonce à ses parents, il l’a juste balancé lorsqu’ils ont évoqué ses relations amoureuses quand il était ado et ça a été la même chose à l’école. Son côté cool et sympa, de type plutôt populaire, lui a permis d’éviter la plupart des insultes ou d’être rejeté, le Texas n’étant pas franchement connu pour son ouverture à ce sujet. Forcément ça n’a pas toujours été simple mais il a su s’entourer avec le temps de personnes tolérantes pour qui sa sexualité n’était même pas un sujet, c’est le cas de Concho. « Ah bon ? Moi qui pensait que tu sortais manifester le dimanche avec des pancartes, un papa une maman, j’suis étonné ! » répondit-il pour l’embêter avant d’évoquer le sujet de la colocation et de la jalousie possible de Pippa, lui étant globalement un type plutôt jaloux même s’il n’a pas eu beaucoup l’occasion de l’expérimenter. « J’pense que c’est pas pareil non plus. A ta place j’pense que tout le monde aurait été jaloux. » Et il sait que Concho a eu raison de l’être au final même si finalement Freja n’est pas en couple avec Woody. De toute façon il n’y connaît rien au couple, il n’y a qu’à voir la manière dont il gère le sien, soit très mal. Il reste vague sur le sujet et s’il ne cache pas spécialement sa relation avec Jackson, étant allé au mariage de Livio avec lui et ne cachant pas spécialement leur relation sur les réseaux, il ne l’étale pas non plus auprès de ses amis. « Oh non, ça aurait été horrible ! J’préfère faire des annonces pour des trucs à la con, genre le fait que j’ai enfin retrouvé l’autre chaussette de ma paire. » Des choses qui n’ont clairement pas besoin de grandes annonces. « C’est surtout moi qui veut ça, parce que j’arrive à rien gérer, le moindre truc me fait paniquer comme si je m’engageais dans un truc à vie et que si jamais vous connaissez Jackson ça serait la fin de tout. Franchement moi qui pensais être un mec chill j’me rends compte qu’en fait j’me prends beaucoup trop la tête sur tout ça. »

Je ris en levant les yeux au ciel, ça n'avait rien de drôle cette image mais c'était justement un rire d'exaspération en pensant aux gens qui manifestaient réellement pour ça. Le même genre de personne à manifester contre l'avortement et pour les fusils. Je généralisais mais globalement c'était ça. Tout le contraire de moi, en gros, c'est pourquoi Perry et moi on savait très bien que ce portrait-là de ma personne était une grosse blague. « J'ose espérer qu'on m'aurait tiré des cailloux avec un lance-pierre et que je ne serais pas ici pour en témoigner. » Bon, user de la violence pour lutter contre l'opinion des autres ce n'était pas vraiment le genre de réaction que je désirais apprendre à mes enfants, mais rien qu'entre nous deux, je pouvais bien me permettre.  Tout comme je pouvais me permettre de parler librement de jalousie, je savais que Perry n'irait rien répéter que ce soit à Freja ou à Pippa. De toute façon si mon meilleur ami prenait le temps de m'en parler en privé c'était justement pour que ça reste entre nous. « Right ? Merci !! » Lançais-je, soulagé d'entendre Perry me dire qu'à ma place, coincé entre Woody Rutkowski et Freja, tout le monde aurait été jaloux. Leur relation ça n'avait rien de platonique, même encore aujourd'hui. Enfin, ça faisait un sacré moment que je ne les avais pas croisés ensemble, heureusement. Mais je me doutais que rien n'avait changé.  On parla ensuite de la relation de Perry avec Jackson, qui avait quand même sacrément évoluée depuis l'année dernière, mais qui n'était pas totalement au grand jour non plus. « T'sais c'est pas parce que t'es en couple que tout d'un coup t'es obligé de rester avec lui pour toujours. Regarde-moi : j'ai enchaîné les relations de couple officielles mais ça m'a  pas empêché d'me retrouver tout seul plein de fois. »  Rupture avec Ally, avec Zelda, avec Freja, maintenant j'osais espérer que ça irait bien avec Pippa. « Pis, j'le connais déjà, Jackson. On s'est croisés en caleçons plusieurs matins. On est intimes, quoi. » Plaisantais-je, pour rassurer Perry.  

Peut-être que si Perry ne leur avait jamais parlé de sa bisexualité, ses parents auraient pu aller manifester contre les droits lgbt qui ne sont pas vraiment très populaires au Texas où l’idée d’une famille chrétienne avec un père, une mère et des enfants reste encore très encrée, comme tout un tas de choses dans cet état et aux États-Unis de manière générale. Heureusement, s’ils n’encourageaient pas vraiment leur fils à avoir des histoires homosexuelles, ils ne l’ont pas rejeté pour autant lorsqu’il a arrêté de masquer ses attirances, soit presque aussitôt que quelqu’un a évoqué le mot petite copine et qu’il a évoqué l’idée que ça puisse également être un petit copain. « Oh tu sais moi j’suis plus faites l’amour pas la guerre, so…. » répondit-il en souriant même s’il n’est jamais allé rouler des pelles à des manifestants homophobes. Il a bien dû draguer quelques hommes pas franchement à l’aise avec l’idée de voir deux hommes s’embrasser mais il préfère globalement éviter les personnes aussi fermées et conservatrices. Et il sait bien que ses colocataires et amis ne font pas partis de cette catégorie. Pour ce qui est de celle des personnes jalouses par contre, lui en fait totalement parti même s’il n’a pas eu beaucoup l’occasion de se rendre compte de sa jalousie. En tout cas il pouvait bien imaginer celle qu’avait pu ressentir Concho par rapport à la relation de Freja avec Woody. S’il est ami avec les deux et qu’il n’a jamais trop envie de prendre parti, Perry aurait bien préféré que ses deux colocataires restent ensemble et que Woody n’existe pas donc forcément, il n’est pas vraiment un grand fan. Cependant il adore Pippa et est bien content que son meilleur ami ait trouvé quelqu’un avec qui il semble d’épanouir. Lui aussi s’épanouit, plus discrètement, avec Jackson qui apporte son lot de nouveauté à son quotidien. Concho le rassura sur le fait que ce n’est pas parce qu’il est en couple que cela durera forcément jusqu’à sa mort et qu’il n’a pas de raison de se prendre autant la tête sur ça. « Ouais je sais mais tu vois moi j’ai pas eu des p’tites copines depuis le bac-à-sable comme toi tu vois donc je gère bien la partie au lit, ça y’a aucun soucis mais bon le reste, j’pense que j’suis à peu près au même niveau qu’un type de quinze ans quoi. » Lui toujours si à l’aise avec les autres, il se sent un peu con quand il s’agit d’être un petit-copain attentif et ouvert sur ses sentiments, ce qu’il n’arrive définitivement pas à faire. « J’vous surveille attention ! » répondit-il avec un air faussement mauvais.

J'haussai les sourcils lorsque Perry parla de mes copines depuis le bac à sable. Ouais, bon, on y reviendra. J'avais peut-être récemment enchaîné les petites amies mais c'était justement parce qu'avant ça, ça avait été ultra platonique, ma vie amoureuse. Durant toute mon enfance et mon adolescence à Bowen, je m'étais fait friendzoné par toutes les filles qui m'intéressaient - et celles qui ne m'intéressaient pas aussi. J'étais le meilleur ami, le bon gars, le p'tit joufflu bien mignon et drôle mais qu'on ne s'imagine pas inviter à la danse du vendredi soir. Pourtant, elles auraient dû voir les movesque je pouvais faire ! Ce n'était pas pour rien que j'étais devenu passionné de danse. Tout ça pour dire que je comprenais le point que Perry voulait démontrer, mais que son exemple n'était pas le meilleur. « Y'a plein de gars de quinze ans qui sont encore avec la même fille lorsqu'ils ont trente ans. Arrête de te trouver des excuses et grow up. » Lui dis-je avec un peu moins de tact, mais en même temps, il fallait bien que je lui dise les vraies choses en tant que meilleur ami. Personne ne demandait à Perry d'être le grand romantique attentionné qui dit je t'aime à tout bout de champ. Et si son Jackson le lui demandait c'était parce qu'il ne connaissait pas bien Perry. En amour, on ne pouvait demander à l'autre de changer, je l'avais bien compris dans les dernières années et maintenant je l'appliquais avec Pippa. Pour le meilleur comme pour le pire. Et si à un moment on frappait un mur parce qu'on n'avait pas la même vision, sans doute serait-ce le mieux qu'on se sépare. Sinon, il y en aurait un qui souffrirait. Bref, je ris quand Perry me menaça par rapport à Jackson, puisque je venais de mentionner que je l'avais souvent vu en caleçon, ce qui nous rendait intimes, en quelque sorte. « T'en fais pas, il est très en forme ton copain, mais ça m'allume pas. » Je posai une main sur l'accoudoir du canapé. « Bon, du coup, j'te reviens pour Freja et on officialisera ça, p't'être, dans les prochains jours ? » Demandais-je, avec quand même une certain fébrilité à l'idée que la norvégienne revienne habiter avec nous.

Oui clairement Perry se cherche des excuses. Si le couple ne l’a jamais intéressé jusqu’à il y a peu, il a bien du mal à admettre tous les bouleversements qui se produisent en lui et tout ce que le fait d’aimer quelqu’un implique. Depuis son premier râteau pris par Felicia quand il était à l’école au Texas, qui lui a bien remis les idées en place et permis d’être un type bien moins insupportable que durant son enfance, il n’a jamais plus trop eu envie de tenter sa chance. Il s’est toujours bien senti en temps que célibataire, souhaitant le meilleur aux autres dans leur vie de couple, les trouvant mignons à deux mais vivant bien mieux sa vie seul, entouré de ses amis et de sa famille, qu’en couple. Enfin jusqu’à ce que Jackson entre dans sa vie et que sans s’en rendre compte il commence peu à peu à changer d’avis sur la question. L’âge n’y est sans doute pas pour rien, avec ses trois enfants à présent, il ressent un peu plus le besoin de se poser même s’il se questionne encore beaucoup sur ce point. « Ouais...j’suis p’t’être au niveau d’un gars de douze ans alors. » dit-il en riant avant d’ajouter « J’pensais juste que ça me viendrait plus naturellement tu vois ? Que ça serait un peu magique mais bon j’me rends compte que tout fonctionne pas toujours comme par magie. » Même si sa vie n’a pas toujours été simple et qu’il essaie de penser le moins possible des moments difficiles, des choses qui peuvent le tracasser, Perry a eu aussi de la chance dans son malheur et les choses roulent bien pour lui depuis un moment maintenant. Il s’est donc dit qu’il en serait de même dans sa première vraie histoire d’amour mais ce n’est pas vraiment le cas, il s’en rend compte petit à petit, tout n’est pas si rose même s’il est pas mal dans le dénis par rapport à ça. « Heureusement ! Ça serait la trahison ultime ! » La possibilité qu’il se passe quelque chose entre les deux est tellement infime, qu’il ne sait même pas comment il réagirait tellement ça lui paraît improbable. « Oui prend ton temps pour réfléchir t’inquiète. J’suis méga hype à l’idée qu’elle revienne vivre avec nous mais si ça se fait pas c’est pas grave, j’bouderai juste un peu, tu me feras des pâtes et tout sera oublié. » dit-il en souriant. Il n’est pas si difficile à vivre Perry, c’est au moins ça.

fin