i was so happy and then i woke up. (eve)

i was so happy and then i woke up

Les appels à l'aide, c'était pas son truc, à la belle Anglaise. Si un être sensible et vulnérable se cachait bel et bien derrière ses airs farouches et inaccessibles, elle était de loin la dernière à vouloir les montrer. On aurait pu penser que son côté autodestructeur était une sorte cri au secours, mais ce n'était pas le cas. C'était tout simplement une facette d'elle, irrévocable, qui par moments, prenait toute la place. Soit par simple hasard, sa psyché s'y retrouvant confrontée sans raison apparente, soit parce que les événements la faisaient accourir vers le connu. Aussi malsain que cela puisse paraître, les comportements toxiques d'Effy avaient quelque chose de rassurant, comme un lieu réconfortant dans lequel elle pouvait se réfugier. C'était ça que représentait actuellement ses nuits obscures et ses jours embrumés. Une échappatoire. Une façon de gérer sa peine, son anxiété. Et dans ces moments, elle comptait bon nombre de personnes de son entourage qui l'aidaient à se complaire dans ses vices les plus tordus. C'étaient les personnes vers qui elle se tournait le plus facilement, sachant qu'ils accueilleraient sa noirceur à bras ouverts, sans questionnements ni jugements. Des compagnons ténébreux qui ne la pousseraient pas vers l'absolution. Il y avait néanmoins une exception, que la jeune fille n'avait pas contacté tout de suite, mais qu'elle avait besoin de voir, comme un papillon de nuit assoiffé de lumière. Eve était une délicate balance entre l'acceptation totale de ce qu'était Effy, et un chemin rassurant vers des contrées plus tempérées, moins corrosives. Après deux nuits à avoir à peine dormi et deux jours à n'avoir rien avalé, si ce n'est la fumée de plusieurs joints, la brune s'était rendue au salon de thé de son amie. I need you. I'm sorry. étaient les simples mots qu'elle lui avait envoyé par message, sans plus de précisions. Parce qu'il n'y avait pas besoin d'explication, entre elles deux. Eve était une âme jumelle inversée. Un lien indéfectible composé de deux aimants, dont les côtés opposés s'attiraient irréfutablement. L'ambiance du Tea'rese contrastait radicalement avec l'aura que dégageait la belle brune. De la chaleur duveteuse, du thé et de la douceur en pâtisserie, versus la mine blafarde et le regard vitreux d'Effy, qui ne se souciait pas de masquer ses cernes et son air hagard. Un océan de calme face aux tempêtes noires. Sans rien dire, le regard baissé et happé par un autre monde, invisible aux yeux des autres êtres qui l'entouraient, elle s'assit à une table dans un coin, près de la fenêtre. Attendant que la pétillante blonde la rejoigne, sans même prendre la peine de dire un mot. Prostrée, éreintée, alors que son système n'était plus alimenté d'aucun poison.

Ça faisait plusieurs jours voir quelques semaines qu’Eve n’avait pas eu de nouvelles d’Effy. C’était habituel, mais à chaque fois la pâtissière avait cette angoisse. Celle de ne jamais revoir sa meilleure amie. Le monde dans lequel se perdait Effy était inconnu pour Eve. Cette noirceur et ces ténèbres n’avaient jamais atteint la blonde qui se perdait dans un monde plus coloré et plus doux. Mais elle s’inquiétait et pourtant elle s’empêchait d’envoyer un message à Effy, persuadée que l’absence de réponse de l’anglaise ne ferait qu’accroitre son angoisse. Alors elle continuait sa vie au son des sonneries des fours et des odeurs de sucre. Elle se faisait doucement à l’arrivée de Julian en tant que pâtissier. Il avait souvent de chouettes idées et le mélange de sa culture et celle d’Eve rendait des pâtisseries plus originales les unes que les autres. Parfois elle le virait de sa cuisine pour retrouver cet espace qu’elle ailait tant, mettant le beau Julian au service. Aujourd’hui, il était en cuisine et Eve se penchait sur le service. C’était aussi un côté du métier qu’elle adorait. Rencontrer les gens et leur apporter un peu de joie comblait Eve de bonheur, c’était pourtant si simple comme moment. Les habitués revenaient régulièrement et Eve se montrait toujours enthousiaste pour les conseiller au mieux. C’était ce sms un peu plus tôt qui plongeait la blonde dans un sentiment paradoxale. Effy était vivante, elle avait eu des nouvelles. Sauf que le message était un appel au secours de sa meilleur ami. Quelques mots avaient suffi pour plonger Eve dans cette angoisse. Elle la vit entrer Effy, perdue dans ses tête, des cernes coulant sur son beau visage. Dans ces moments-là, Eve avait mal pour elle et se sentait faible, ne sachant pas comment faire pour aider son amie. Evidemment qu’elle aimerait que l’anglaise sorte de ces démons, mais elle ne voulait pas avoir ce rôle là. Il lui fallait une amie qui ne jugeait pas, une amie qui serait là pour le meilleur et le pire. Les épaules voûtées, Effy s’installait dans un coin du salon de thé, à l’abris des regard, perdue dans ce monde si coloré. « Est-ce que tu peux prendre mes tables ? » Demandait Eve à sa collègue. Elle ne lui laissait pas vraiment le choix. Le tea’Rese était important pour la pâtissière mais pas autant que sa meilleure amie, sa sœur jumelle. L’eau chaude fumante suivait Eve qui déposait sur la table de l’anglaise un thé à la bergamote fumante. Puis elle prit dans ses bras la brune, apportant le réconfort qu’elle pouvait avant de s’asseoir en face d’elle. « Tu veux manger quoi ? » Eve n’acceptera pas rien pour réponse, Effy avait besoin de manger quelque chose.

En se montrant comme ça, dans toute la splendeur de ses ténèbres, Effy savait très bien qu'elle ne ferait qu'inquiéter Eve. Mais à ce stade, elle n'avait même plus la force de culpabiliser. Ni de l'épargner. Et de toute façon, sa meilleure amie n'avait jamais souhaité qu'elle l'épargne, ni n'en avait eu besoin. Comme une colombe annonciatrice de jours meilleurs, elle savait se frayer un chemin habile entre les filets sombres et les tirs périlleux des âmes les plus abîmées. C'était sans doute pour ça qu'elles étaient toujours amies. Alors la belle brune avait envoyé un message, un cri dans le vide, en sachant qu'on l'entendrait de l'autre côté. Que son éclair de vulnérabilité, furtif et insaisissable pour tous, serait à portée de sa meilleure copine, de son ange protecteur. Ses ailes de lumière vinrent d'ailleurs l'éclairer, en rien affaibli par la noirceur impénétrable d'Effy, pour lui apporter une tasse de thé déjà prête. La jeune fille fixa un instant la tasse, comme sans la voir, avant de relever ses yeux hagards, malgré leur bleu éclatant, dans ceux de sa meilleure amie. Esquisser un sourire, même imperceptible, était trop lui demandé. Elle tenta néanmoins de composer des traits signifiant sa gratitude pour sa présence. Eve lui demanda rapidement ce qu'elle voulait manger. Là, elle parvint à fendre un très léger sourire amusé, touché d'ironie. Elle admirait la façon dont la blonde ne la connaissait que trop bien. Elle ne lui avait pas demandé si elle avait faim, parce qu'elle connaissait la réponse, et indiquait par cette question du quoi qu'elle ne tolérerait pas de refus. Effectivement, Eff' n'avait aucune envie d'ingérer quelque chose, mais elle ne s'essaya même pas à l'opposition. « Un cookie. » souffla-t-elle, la voix enrouée, choisissant une pâtisserie au hasard, mais la plus simple et plus petite possible. Elle finit en revanche par se saisir de la tasse de thé fumante, qu'elle tritura un instant, jouant avec le rebord, avant de la porter à ses lèvres pour en boire une gorgée miraculeusement rassérénante. Elle reposa la tasse, sans faire de bruit. « Merci. » murmura-t-elle faiblement à l'attention de son amie, ses iris d'un océan infini se plongeant dans ceux de la belle blonde.

Elles étaient si différentes Eve et Effy, et pourtant il y avait cette connexion inexplicable. Il n’avait pas eu besoin de mot pour qu’Eve comprenne que la brune était dans un état second, les cernes maquillant son doux visage et le regard perdu. Cette vision lui faisait mal au cœur à Eve, comme si elle pouvait ressentir la peine et la douleur de sa meilleure amie. Il n’était pas question de faire culpabiliser l’anglaise sur les derniers agissements. C’était un appel à l’aide. La jolie blonde laissait son collègue prendre le relais de la gestion du Tea’Rese. Elle rejoignait Effy avec deux tasses de thé fumantes. Une pour Effy et une pour elle. Les deux amies pouvaient converser sans mot. Les regard suffisaient à se faire comprendre. L’état physique d’Effy suffisait pour alerter Eve sur la faible alimentation qu’avait dû avoir son amie ses deniers jours. Elle prendrais un cookie alors. Elle revint quelques secondes après avec le biscuit, le moins sucré. Ce n’était pas une idée de refiler à Effy une trop grosse dose du sucre. Elle avait surtout besoin de s’hydrater avec autre chose que de l’alcool et de manger un petit bout. Leurs yeux se croisèrent et aucune ne lâchait le lien. Elle lui offrit un léger sourire Eve, un signe de soutien et une certitude que jamais elle ne laisserait son amie. Peu importe la situation et l’état d’Effy, Eve sera là pour elle. « Qu’est-ce qui t’est arrivé ? » Demandait-elle avec une douceur. Elle était libre Effy de répondre ou non à la question, Eve ne s’en offusquerait pas si elle recevait une absence de réponse.

Elle savait, Eve. Elle aurait pu le repérer à cinquante mètres sur son visage, en un clignement de paupières, que la brune était à nouveau rendue à l'état de néant, avec ses airs d'accidentée de la route. Elle savait tout ce dans quoi elle pouvait, et avait sûrement, replongé. Mais Effy savait qu'elle n'énoncerait pas le moindre jugement. Aussi différentes soient-elles, l'absence de jugement et l'affection viscérale qu'elles se portaient étaient la fondation de leur relation, et c'était la raison pour laquelle la jeune Anglaise se sentait toujours d'aller vers elle. Sa lumière, ni aveuglante ni moralisatrice, juste celle qui venait veiller sur elle, comme une veilleuse allumée toute la nuit pour un enfant qui a peur du noir. C'était celle qui venait s'asseoir à sa table avec délicatesse et sans pousser, laissant le regard et le temps jouer avec les silences. Regards s'accrochant avec douceur, la chaleur se dégageant du visage enfantin de la jolie blonde parvint à tirer un sourire similaire, bien que faible, à l'Anglaise. Elle s'attaqua à son thé fumant, plus réchauffée par le regard qui la couvait presque, de son amie, que par le contenu de la tasse. Eve finit par demander, avec cette sensibilité remarquable, ce qui se tramait. Les mains enroulées autour de sa tasse, Effy se perdait dedans, ses yeux d'un azur pourtant incomparable ne reflétant que bien peu d'éclat. « Un accident de naïveté. » déclara la jolie brune, ses lèvres pâles ne parvenant même plus à se mouvoir en un de ces sourires cyniques caractéristiques. Elle releva les yeux vers la blondinette, un peu d'humidité venant border ses paupières même si son visage se voulait impassible. Mais la douleur était bien trop marquée sur ses traits que pour que Eve ne puisse s'y tromper. L'Anglaise déglutit difficilement, incapable de garder la face, même si on voyait tous les efforts qu'elle y mettait. Elle était prête à se faire plus explicite, mais le nom de Milo refusait de franchir ses lèvres, comme si un volcan de douleur allait entrer en éruption une fois qu'elle l'aurait prononcé.