one day you'll be my muse (Blueberry)

Ce dimanche matin est assez doux. Il te donne envie de peindre et tu as hâte de t’atteler à cette tâche que tu aimes tant. Cette semaine, tu n’as pas été très inspirée et tu espères que cette belle matinée va te donner de multiples idées. Comme à ton habitude, tu vas direction la plage. Le paysage est toujours aussi beau, tu ne t’en lasseras jamais. Tu sors ta petite serviette, tu te poses dessus et tu mets tes lunettes de soleil. Tu ne portes pas souvent des lunettes de soleil sauf quand tu peins car tu as déjà eu des réflexions de personnes qui n’ont pas supporté que tu dessines leur portrait. Depuis, pour éviter ces interactions, tu ne peins des inconnus qu’en compagnie de celles-ci. Personne ne peut donc croiser ton regard et deviner ce que tu fais. Tu sors ton carnet de peinture. Aujourd’hui, tu as décidé de t'exercer à l’aquarelle. Cela te permet de faire des petits dessins rapides sans passer par l’étape crayon à papier. Tu n’es pas obligée d’être très précise dans tes traits de peinture avec l'aquarelle qui sont juste là pour mettre de la couleur. Et cette technique te donne la possibilité d'en créer plusieurs en très peu de temps. Tu regardes les gens qui t’entourent. Une personne attire ton œil. Tu observes ses courbes, son regard, son émotion et ses mouvements. Tu arraches une feuille à ton carnet. Tu commences par représenter les couleurs de ce personnage, tu essayes d’être fidèle à l’émotion que ton modèle dégage. Tu es concentrée dessus, tu ne prêtes pas attention à ce qu’il y a autour de toi, et surtout pas du vent qui vient de se lever. Tu lèves tes yeux pour continuer à regarder à nouveau la victime de tes coups de crayon. Mais un coup de vent vient faire virevolter ta feuille. Tu essayes de la rattraper mais celle-ci prend son envol de plus en plus loin. Te voilà, ridicule, à courir après un bout de papier. Après une longue course poursuite, ta feuille se décide de se poser, au pieds d’une personne… la personne que tu dessinais. Cette dernière se baisse, ramasse ton croquis. Heureusement ta feuille est tombé du côté dessin, laissant à la personne une feuille vierge. Tu espères qu’elle ne la retourne pas. « Euh.. Bonjour.. Désolée, c'est mon papier... Je peux le récupérer ?» dis-tu timidement dans l’espoir que la personne ne remarque pas son portrait dessiné dessus.

Tu peux enfin voir les petits détails de la personne que tu peignais. C’est un très jeune garçon qui doit avoir l’âge de tes étudiants si ce n’est plus jeune. Tu regardes plus particulièrement ses yeux, ses beaux yeux bleus. Tu as envie de rajouter maintenant plus de bleu sur ton aquarelle. Mais cela ne sera pas tout de suite car l’inconnu tient ta feuille qui s’est envolée pour atterrir à ses pieds. Tu as honte qu’elle soit en sa possession. Honte et peur aussi car des réflexions désagréables sur le fait de peindre un inconnu peuvent être maintenant prononcées, tu en as déjà pas mal entendu. Et ce que tu ne voulais pas voir arriver arriva : il retourne la feuille et regarde ton dessin. Tu baisses les yeux et évites son regard. Mais le jeune garçon s’excuse de ce geste avec un léger bégaiement, ce qui te fait relever immédiatement les yeux, tu sens sa gentillesse, sa douceur. Cela diminue un peu ta peur, tu te sens légèrement plus à l’aise. « C’est pas grave, j’aurai fait pareil.. » oui tu aurais fait pareil et toute personne qui trouve un papier aurait réagi instinctivement de la même manière pour découvrir ce qu’il y a dessus afin de le rendre à son propriétaire s’il est important et si un indice sur celui-ci s’y trouve. Et puis même s’il n’était pas question de le redonner, la curiosité est aussi grandement présente. Cependant, l’inconnu te demande si c’est bien lui dessus. Il a peut-être des doutes et ne s’est peut-être pas réellement reconnu dessus, ou peut-être que quelque chose sur la plage a abîmé le dessin, ou peut-être même que tu dessines trop mal pour qu’il puisse en être certain. Ou tout simplement, tu réfléchis trop, et c’est une fausse question qui attend une confirmation car le jeune homme qui se trouve devant toi ne semble pas être idiot et tu n’étais pas déçue de ce portrait. « Oui... » Tu as décidé d’être honnête. Et puis, ses joues sont devenus rouge devant ton dessin, il n’avait pas l’air méchant ou sur la défensive… Cependant, dans le doute, tu rajoutes quand même ces quelques mots. « Je suis désolée.. Euh.. c’est pas très correct… J’aurai dû vous demander avant… euh... Je p-p-peux le déchirer si vous préférez... ». Ton bégaiement est revenu sur la fin car tu n’aurais pas préféré proposer cette solution, tu aurais préféré finir le dessin, rentrer chez toi, et passer un bon dimanche sans péripétie. Mais surtout, tu as peur qu’il dise oui, tu serais déçue car, finalement, tu l’aimes bien ce dessin.

Des fois, laisser s’envoler sa feuille vers d’autres horizons peut emmener à d’agréables surprises. C’est ce que tu es entrain d’expérimenter. Alors que tu peignais tranquillement un inconnu, ton dessin prit son envol jusqu’aux pieds de celui-ci. Tu avais peur de sa réaction et de ses mots, mais surtout tu étais attristée à l’idée de devoir déchirer ton dessin si c’était son souhait. Cela t’était déjà arrivé, et tu trouvais ça dommage : du gaspillage de papier et de peinture. Même si tu n’étais pas fière du rendu de certains de tes dessins, tu aimais les garder pendant un certain temps pour examiner leurs défauts et t’améliorer par la suite... Mais ton étranger n’est pas comme ça, il ne le prend pas mal de se voir sur ton aquarelle, il semble même apprécier. En effet, tu peux apercevoir un sourire qui se dessine sur son visage. Automatiquement, tu lui rends, tu es aussi heureuse de savoir que ce que tu fais plaît, c’est toujours gratifiant, et ça fait toujours du bien au moral. « Merci. », dis-tu soulagée de savoir que son portrait aura encore une belle vie et ne finira pas dans une poubelle. Le jeune homme devant toi est même surpris de se savoir dessiner. Pourtant, il n’y a pas de raisons, il a même totalement le  droit d’être représenté comme n’importe quelle autre personne.  « Je vous trouvais serein et détendu dans vos étirements... Une expression que j’avais envie de dessiner.. Et puis cela m’entraîne aussi à dessiner les muscles. ». Ton inconnu propose de prendre en photo ton aquarelle pour le poster sur Instagram. Cela ne te dérange pas, mais tu as plus simple à lui proposer.  « Si vous voulez bien continuer à faire vos étirements, je peux continuer, rajouter un peu de couleurs, et je peux vous le donner, et vous pouvez le poster comme vous le voulez sur Instagram ou tout autre réseau social. ». Cela ne te dérange pas de donner un dessin, surtout si ça peut faire plaisir. Tu as aussi osé lui proposer ce deal, qu’il pose un peu pour toi en échange d'un dessin. Tu ne l’aurais pas spécialement fait avec n’importe qui, mais ce jeune homme semble être intéressé par ton art, et tu te sens vraiment de plus en plus à l’aise dans la conversation avec lui. Ce dernier se présente justement à toi, Blueberry.. un joli prénom qui lui va bien. Tu sers sa main, et à ton tour de lui dire ton nom.  « Enchantée Blue, moi c’est Ella ! ». Blue ne t’a jamais vu ici, cela aussi te soulage, ça signifie que tu sais te faire discrète quand tu peins, et tu préfères ça.  « Oui très régulièrement, si ce n’est pas tous les matins, comme un petit rituel. Et vous, sportif du dimanche ou grand athlète ? ». Il ne te semble également pas familier, mais tu as dessiné tellement de personnes en t’appliquant ou en dessinant juste quelques vagues formes : tu ne retiens donc pas tous les visages de tes modèles.

Pour le jeune garçon il est totalement normal de ne pas déchirer ton dessin. Tu trouves ça très rassurant, tu apprécies de plus en plus l’échange avec lui, toute gêne est partie, même si tu préfères peindre le monde qui t’entoure sans que personne le sache. C’est une sorte de protection, cela t’évite des discussions désagréables sur le consentement de la personne même si tu ne postes jamais un dessin où on peut reconnaître quelqu’un sur les réseaux sociaux. « Oh, vous savez, ce n’est pas normal pour tout le monde, j’ai déjà eu des réflexions désobligeantes sur des personnes qui avaient peur que je les dessine ! Certains étaient même très énervés jusqu’à me crier dessus..»  lui avoues-tu en roulant les yeux sur ta dernière phrase tellement cela te semble aussi absurde, tout ce bruit pour un dessin qui est, souvent, un moyen de te perfectionner. Tu choisis la plupart des modèles pour ce qu’il dégage ou pour t’entraîner à dessiner certaines particularités : des traits ridés chez des personnes âgées, des cicatrices sur certains corps, des coupes de cheveux différentes, etc.. Tu avais choisi le jeune homme pour sa posture d’entraînement qui te permettait de reproduire certains muscles. « C’est pas toujours évident de dessiner le corps humain, oui ! J’ai particulièrement des difficultés pour les mains.. Et chaque corps est différent, il faut savoir représenter correctement le moment présent : l’émotion et la posture, donc non vous n’êtes pas plus simple qu’un autre, surtout que vous preniez des postures dont j’ai peu l’habitude de représenter ! » lui réponds-tu honnêtement. C’est vrai que tu croises plus régulièrement des personnes qui font du sport que des personnes qui s’étirent, tu étais donc heureuse de changer un peu. Tu ris lorsqu’il prend la pose d’Hercules après que tu lui aies proposé d’être ton modèle, tu t’attendais à beaucoup de réactions sauf à celle-ci. « Je peux essayer de vous dessiner ainsi si vous préférez. Mais sinon, restez naturel, ça fera l’affaire ! ». Ton interlocuteur devant toi devient de plus en plus bavard, présentant un côté même marrant. Cela te fait du bien, tu l’apprécies de plus en plus. « Je n’ai jamais vu ce Cendrillon, je prends note, merci. » avoues-tu suivi d’un petit rire. Il enchaîne en t’expliquant sa fréquence de pratique sportive et conclut qu’il n’est pas un grand athlète. Tu le regardes d’un air étonné, pour toi le sport ne se résume qu’à trouver un remède contre le mal de dos qui survient régulièrement à force d’écrire ou de dessiner. Tu en as même un peu honte suite à tout ce qu’il te dit ! « Wouah ! Vous êtes clairement un grand sportif ! Pour être honnête, je m’étire de temps en temps contre les douleurs dorsales, mais ça s’arrête à là, je devrai en faire plus je sais, mais je suis plus une artiste, vous savez... » termines-tu avec un petit haussement d’épaules pour appuyer sur le cliché qu’art et sport n’est pas spécialement compatible.

Toi et le jeune homme, vous êtes d’accord, les personnes qui font des réflexions désobligeantes sur ton travail artistique juste parce que tu les peignais, c’est absurde. Tu prends plutôt bien la critique, elle ne te dérange pas tant qu’elle est constructive. Tu en as eu beaucoup de venant de tes professeurs, collègues ou autre qui ont pu soulever tes défauts et t’aider à les corriger.  Ça n’a pas toujours été évident, tu n’as pas directement su tout peindre, et tu as apprécié leur aide. Cependant, à ta connaissance, tu n’as jamais reçu une remarque odieuse de la part d’une personne qui s’intéressait réellement à ton art. « Je vous remercie de me comprendre. Souvent, c’est la peur de se retrouver sur les réseaux à mon avis, mais après je poste pas spécialement quand on peut reconnaître la personne sans l’accord de celle-ci. Vous par contre, je vous posterai je pense ! » Tu lâches un petit rire. Oui, tu penses poster ce dessin avec une description qui ressemble à la suivante : « Une belle rencontre pour commencer un bon dimanche » en précisant l’Instagram de ton modèle. Ce dernier s’est justement proposé pour tenir la pose d’Hercules afin que tu puisses le peindre ainsi avant d’avouer qu’il ne pourra sûrement pas tenir longtemps ainsi. « Alors, si vous le souhaitez, je peux vous prendre en photo comme ça, plus besoin de tenir la pose. Je vous peins et après je vous l’envoie ! ». C’était une solution. Ta famille t’avait déjà demandé de peindre à partir d’une photo, cela ne te dérangeait pas, tu l’avais déjà fait, et c’était toujours un jeu amusant. Néanmoins, selon toi, tu penses que le jeune homme est potentiellement capable de rester immobile en montrant ses muscles vu tout le sport qu’il pratique. Face à lui, tu as honte de ta pratique sportive. Tu ne fais même pas le dixième de ce dont il est capable. Tu le penses donc être un passionné de sport, et pourtant, le garçon révèle aussi un côté artistique en étant web designer. Cela attise ta curiosité. Tu n’as jamais appris à coder et tu as toujours trouvé les personnes qui rendent un site internet beau comme étant des magiciens. « Je serais curieuse de voir vos sites internet, si vous en avez quelques uns évidemment ! » lui réponds-tu avant d’enchaîner sur la proposition de faire du sport ensemble avec un petit rire. « Je serai capable de venir, vous savez, mais je vous ralentirai plus qu’autre chose. ». Et tu ne voudrais pas l’embêter dans son entraînement, ça te gênerait. Comme en ce moment, tu l’as perturbé avec ta feuille qui s’est envolée. Il te propose de reprendre ton dessin, mais il souhaite probablement aussi finir son sport. « Oui, euh.. Oui et je vous laisse continuer vos étirements aussi. Merci pour cet échange. » avant que votre échange ne se termine, tu souhaites lui indiquer que vous n’êtes plus de simples inconnus « Ah, et au fait, tu peux me tutoyer, ça me vieillit le vouvoiement » et tu finis par lui lancer un grand sourire.