Un malheureux accident (ft Knox)

Voilà huit heures que j’étais de garde et je commençais franchement à fléchir. J’avais besoin d’une bonne dose de sucre et rapidement. Je me rendis donc à l’entrée des urgences, dans la salle d’attente où se trouver des distributeurs de soda. J’en pris un aux fruits, pensant me donner bonne conscience alors que le soda était plein de sucre. Je l’ouvris quasiment immédiatement et en bus une longue rasade. Mon repas ne remontait pas à très loin dans le temps mais j’avais tout le temps faim l’après midi depuis le début de ma grossesse. Le matin était compliqué avec les nausées mais l’après midi, je pouvais manger mon poids en tout et n’importe quoi. Après avoir bu la moitié de ma canette, j’observais les personnes qui m’entouraient. Ils attendaient soit d’être vu par un médecin, soit d’avoir des nouvelles de leurs proches. Lorsqu’ils voyaient une personne en tenue hospitalière, ils avaient toujours un petit mouvement, prêt à se lever si on s’approchait d’eux. On pouvait presque voir la déception lorsqu’on se rendait uniquement au distributeur.

Alors que je m’apprêtais à rejoindre l’antre des urgences, je vis une petite fille accompagnait d’un homme assez grand que je présumais être son père. La petite fille avait pleuré, cela pouvait se lire sur son visage. Elle se tenait également un des bras, probablement douloureux donc elle le tenait dans une position antalgique. Je posai ma cannette de soda sur le bureau de l’accueil.  Je fis quelques pas pour venir vers eux, bienveillante dans ma démarche et je m’accroupis en face d’elle. Toujours se tenir à la hauteur de ses patients, c’était un des mantras à l’école d’infirmière. Il ne doit pas y avoir de notion de supériorité pour que la relation se passe au mieux. Je m’adressais ensuite à la jeune fille, avec un petit sourire et de la douceur dans la voix :

« - Bonjour mademoiselle. Je m’appelle Ava et je suis une des infirmière ici. Tu veux bien que je m’occupe de toi ? »

Elle hocha la tête, m’indiquant qu’elle voulait bien qu’on s’occupe d’elle. Je leur indiquai d’un petit mouvement de tête de me suivre. Je fis également un signe à l’hôtesse d’accueil lui faisant comprendre que je m’occupais des deux personnes. Par la suite, je m’adressais au père, souhaitant en savoir plus sur ce qu’il se passait ici.

« - Savez vous ce qu’il s’est passé ? »

Pénélope pleurait à chaude larme sur le sol de la cuisine. Je ne comprenais pas ce qu'il venait de se passer. Il y a  encore une minute elle était en train de rigoler en mélangeant la pâte à gâteau sur le comptoir, j'avais juste tourné le dos une seconde pour prendre un plat. Elle était tombée... Une seconde d’inattention avait suffit à ce qu'elle tombe du plan de travail.
Je me mis rapidement à sa hauteur pour lui parler, la rassurer, mais elle était inconsolable. Elle sanglotait en se tenant le bras. J'étais complètement démuni de la voir comme ça, et ne sachant pas trop quoi faire, je la pris dans mes bras pour l'emmener aux urgences.

Le trajet, bien que court et familier, m'avait paru interminable, mais en arrivant Pento avait réussi à calmer ses sanglots. Elle m'avait demandé de marcher alors je l'avais laissé avancer à côté de moi pour passer le sas des urgences. Je m'attendais à devoir attendre des heures, mais une jeune infirmière vint immédiatement vers nous. Celle ci se mit à hauteur de ma mini pour lui se présenter et lui demander si elle voulait bien qu'elle soit son infirmière. Pénélope répondit par l'affirmative, elle était plutôt compliante lorsqu'elle se retrouvait face à des étrangers. Elle lança juste un regard dans ma direction pour s'assurer qu'elle pouvait suivre la jeune blonde.

On faisait un gâteau et elle est tombée du comptoir de la cuisine. Répondis-je avec de la culpabilité dans la voie. J'ai juste tourné le dos une seconde...

Ce n'était pas le moment pour moi de craquer sous la pression, je devais être fort pour Pénélope. Je pourrais toujours m'effondrer plus tard lorsque je serais seul.

J'entendis Pento m'appeler "Papa Knox" et je me remis à sa hauteur pour l'écouter. J'avais envie de la prendre dans mes bras, mais je craignais de lui faire mal. Je regardais donc en direction de l'infirmière pour savoir ce que je devais faire. Elle me demanda de l'installer sur la table d'auscultation et de lui retirer sa veste et son tee shirt. Mais à peine avais-je touché les vêtements que la petite s'était remise à pleurer en me disant que ça lui faisait mal. Je sais Pento, mais faut lui montrer là où tu as mal. J'essayais d'y aller tout doucement, mais je finis par abandonner devant les larmes de crocodiles de ma petite. Et si on coupait tout bébé ? L'hésitation dans le regard de Pénélope aurait pu me faire rire dans un autre contexte. Elle réfléchissait pour faire son choix entre sacrifier son tee shirt préféré de la reine de neiges et ne pas avoir mal. Le choix cornélien. Elle finit par se décider et demanda à ce qu'on découpe tout.

Pour le moment, mon rôle n’était pas vraiment de déculpabilisé le père. Ma préoccupation première était la fillette. Je reviendrais plus tard vers lui. Je lui expliquerai évidemment que les accidents arrivent, que ça fait parti de la vie. Lorsqu’on fait de la pédiatrie aux urgences, c’est majoritairement sur des accidents de la vie quotidienne, souvent sans conséquence grave si ce n’est de la traumatologie. Les enfants sont souvent casse cou et leur notion du danger est bien loin de celle des adultes. J’avais donc très clairement l’habitude de ce genre de prise en charge.

Une fois la fillette installée, je me saisis de la plaquette en bout de lit afin d’y remplir quelques informations. J’avais saisi cette petite famille dès l’arrivée aux urgences sans passer par la case accueil. Je savais que c’était plutôt calme pour le moment, cela allait leur éviter l’attente surtout pour la fillette. Je n’aimais pas savoir un enfant douloureux. Mon âme de futur mère ne le supportait plus du tout.

« - Pento, c’est ton surnom c’est ça ? Tu veux bien me dire ton prénom ? J’aurais également besoin de savoir ton âge si tu veux bien. Monsieur, je peux vous demander de remplir ce formulaire s’il vous plaît ? C’est juste pour l’administration. »

La fillette m’indiqua donc qu’elle s’appelait Pénélope. Je tendis la plaquette vers le père afin de continuer à m’occuper uniquement de ma petite patiente. Je me saisis des gros ciseaux que nous avions. Ils nous servaient principalement à découper les vêtements et pouvaient être impressionnant. Par moment, nous avions plusieurs épaisseurs de vêtements à découper et le but était de le faire proprement et rapidement. Je décidais donc de détendre un peu l’atmosphère pour que la fillette ne prenne pas peur de cette énorme paire.

« - Je sais que tu as un très très joli t-shirt, j’en suis jalouse d’ailleurs, j’adore la Reine des Neiges moi-même mais ton papa a raison, il va nous falloir le découper pour éviter de te faire mal et surtout pour que le docteur puisse bien regarder ton bras d’accord. »

La fillette acquiesça. Je lui découpai donc son t-shirt avant de rapidement la revêtir de la célèbre blouse hospitalière. Chez les enfants, elle était moins triste que la version adulte. Il y avait quelques animaux dessus et elle était rose. Le médecin arriva à ce moment là, j’en profitai pour m’éclipser quelques minutes du box de consultation. Il ne prit pas longtemps pour analyser la situation et prescrire une radio pour Pénélope ainsi que des traitements antalgiques. Le cas était assez simple et je m’empressais d’appeler la radiologie afin d’amener la petite fille à l’examen. La journée n’était apparemment pas calme dans tous les services. Le radiologue m’indiqua une heure d’attente. Bien que j’essayais de négocier avec lui, sa réponse restait la même. J’en avisais le médecin avant de me saisir d’une briquette de jus de fruits et d’un comprimé. Par la suite, je retournai dans le box et fit une petite grimace à la fillette.

« - J’ai un petit quelque chose pour toi, un jus de fruits. Je te le donne que si tu veux bien prendre le médicament pour la douleur avec. Deal ? »

Ce n'était pas la première fois que Pénélope se blessait, c'était une enfant alors j'avais du lui mettre des pansements plus d'une fois. Seulement ces bobos n'avaient jamais été aussi graves qu'aujourd'hui. Un os brisé ce n'était pas rien, surtout que c'était de ma faute. Je m'en voulais, je culpabilisais énormément et j'avais du mal à savoir ce que je devais faire pour aider l'infirmière et Pento. Je restais dans un coin à remplir les papiers pendant qu'elles avançaient dans les soins.
Je connaissais tous les renseignements de Pénélope par cœur, comme une parent lambda au final, sauf que j'étais son oncle, son tuteur légal. Je devais toujours barrer la mention "père" et la remplacer par "oncle" ou "tuteur légal", c'était devenu une habitude. Au fond de moi, même si je ne l'étais pas, je la considérais quand même comme ma fille. J'aurais pu donner ma vie pour elle, je l'aimais de tout mon cœur... Elle grandissait avec moi depuis qu'elle était toute petite, elle m'appelait même "papa Knox" depuis quelques temps. Le lien que l'on avait été unique et très fort.

Je vous rends les papiers... Je ne sais pas si je dois vous le dire ou non, mais elle est suivie par les services sociaux. Dis-je en rendant les papiers à l'infirmière qui s'occupait si bien de Pénélope. Je ne développais pas plus le pourquoi du comment, je ne savais même pas pourquoi je lui avais dit cela. J'étais surement trop honnête, mais je n'avais pas voulu dissimuler quelque chose au cas ou... Je ne savais pas. Je ne savais plus.

Un médecin prit sa place pour regarder le bras de Pento et confirma ce qu'Ava nous avait dit. Il demandait une radio, soupçonnant une fracture, mais ne semblait pas inquiet. C'était plutôt rassurant, alors quand il sortit de la pièce, je pris ma fille dans mes bras pour nous allonger sur le brancard. Je lui mis un film sur mon téléphone pour l'aider à s'apaiser et c'est à cet instant là que la jeune femme revint nous voir. Elle avait une briquette de jus ainsi qu'un comprimé. Innocente comme elle était, Pento mit le médicament dans sa bouche et essaya de l'avaler, puis elle le mâcha avant de faire la grimace et de le baver un peu. Ce n'était pas bon, elle avait pour habitude de tout prendre en sirop, mais après quelques gorgées de jus, tout ceci fut vite oublié. J'étais certain qu'elle l'avait avalé juste pour faire plaisir à la jeune femme devant nous, parce que c'était une enfant qui aimait faire plaisir...

Je réussis à me relever après avoir posé la petite sur le brancard. Elle me regardait d'un œil pour être certaine que je ne m'en allais pas. J'avais juste besoin de marcher, je n'aimais pas patienter, surtout quand ça concernait les personnes que j'aimais. Je voulais passer cette radio et savoir ce qu'elle avait.
Ce fut finalement à son tour et elle resta dans mes bras pour passer l'examen. Ce fut très rapide et après lui avoir fait mettre le bras dans plusieurs positions, nous avions pu retourner dans notre box. Il fallait encore attendre. C'était long, plus pour moi que pour elle. D'ailleurs elle s'endormait, pleurer avait du l'épuiser, ou bien c'était le médicament qui faisait effet. Je m'installa sur une chaise dans un coin de la pièce pour respirer, essayer de faire redescendre ma tension qui devait être au plafond.

Alors ? C'est cassé ? Demandais-je en voyant l'infirmière revenir.

J’avais fait ma curieuse. L’homme dans le box m’avait intrigué en disant qu’elle était suivie par les services sociaux. Ce n’était pas pertinent dans l’immédiat pour la prise en charge mais il était important de le noter. Celui que je présumais être le père de la petite Pénélope ne l’était pas. Il avait barré la mention sur la fiche d’entrée. Les convenances auraient voulu que je m’excuse auprès de cet homme pour l’avoir mentionné comme étant le père de la petite. Pour autant, et ce qui m’avait induite en erreur, était que cette dernière l’avait ainsi nommé. Ils devaient donc avoir une forte relation entre les deux. De plus, je pouvais observer la manière dont il l’observait, avec ce regard très paternel, protecteur qu’ont certains hommes. C’était touchant à voir, d’autant plus en sachant que ce n’était pas son père.

Après m’être occupée de plusieurs tâches auprès d’autres patients, je m’enquis auprès du médecin des résultats de la petite. Plus vite elle était pris en charge, plus vite ils rentreront chez eux et cela ne serait plus qu’un souvenir, en plus d’un plâtre. Le médecin m’indiqua que c’était bien une fracture nette, pas besoin de chirurgie au vu de l’emplacement, uniquement une contention par plâtre. J’étais rassurée pour cette petite. Elle serait sortie en un rien de temps. Je demandais au médecin quand il comptait le faire et m’indiquait une dizaine de minutes. Je retournai donc auprès de cette petite famille pas si conventionnelle afin de préparer le nécessaire à plâtre. Le tuteur arriva rapidement auprès de moi. La petite semblait endormie. Je décidai donc de lui parler doucement avec une voix calme et rassurant.

« - Oui, c’est bien cassé mais la fracture est nette. Il lui faudra juste un plâtre. Elle aura quelques médicaments pour la douleur les premiers jours mais elle ne devrait pas avoir mal. Vous savez, les accidents arrivent, ce n’est pas de votre faute. »

Voilà le moment de la réassurance auprès de la famille. Une fois le diagnostic posé, simple de surplus, il était venu le temps de parler calmement au tuteur, de lui faire comprendre qu’il n’était en rien responsable. C’était peut-être le premier accident de la petite mais il y en aurait bien d’autres à venir. Évidemment, je m’abstenais de le lui dire. Alors que je parlais au tuteur, je vis la petite fille se réveillait de sa sieste. Elle devait être épuisée entre les pleurs et la douleur, la pauvre. Je m’approchais d’elle et lui expliquai brièvement ce qu’il allait se passer.

« - Tu as été très courageuse en tout cas, c’est ce que le monsieur de la radio m’a dit. Du coup, tu as le droit de choisir la couleur de ton plâtre. C’est quand même vachement cool ça non ? »

Une chose que j’avais appris avec les prises en charge en pédiatrie était de toujours dédramatiser les choses. Souvent, les prises en charge étaient simples et c’était les parents qui stressaient davantage les enfants.

Je sais... Mais j'aurais du garder un œil sur elle. Je m'en voudrais toujours pour ce qui était arrivé à Pénélope, même si ce n'était qu'une fracture, même si elle allait aller bien... Je n'aurais jamais du lui tourner le dos pour attraper un plat. Je tentais un petit sourire à l'infirmière, lui faisant comprendre qu'elle n'arriverait pas à me convaincre du contraire. Et heureusement pour moi, la petite fille se réveilla à ce moment là, et Ava reporta son attention sur elle. L'infirmière savait s'y prendre avec les petits, elle avait les bons mots, les bons gestes... Une pépite. Je gardais ma place dans un coin de la pièce pour les laisser discuter de la couleur du plâtre qui allait être fait. Pénélope commença par demander un plâtre arc en ciel, puis rouge comme la couleur de mes voitures, mais après une longue réflexion, elle décida du bleu pour être de la même couleur que son doudou Stitch. C'était dingue de la voir parler avec l'infirmière comme si la douleur n'existait plus, elles papotaient et tout semblait bien se passer. J'étais impressionné par le talent de la jeune femme, car je n'avais même pas réussi à calmer ma petite avant d'arriver aux urgences.

Nous avions encore un peu attendu le temps que le médecin et l'infirmière prépare tout pour plâtrer Pento, mais au final tout fut assez rapide. Je regardais le bras de ma fille avec une certaine appréhension, je ne savais pas comment nous allions faire avec. Elle était casse cou, elle aimait courir et grimper partout... Le mois allait être long, surtout que l'été arrivait et qu'elle allait vouloir plonger dans la piscine. Je comprenais mieux le regard qu'avait mes parents à chaque fois que je me retrouvais aux urgences pour que l'on me pose un plâtre quand j'étais gamin. Tout s'expliquait.

Elle doit le garder un mois, c'est ça ? Demandais-je en relisant pour la troisième fois les consignes de sorties que l'infirmière venait de me donner. Et est ce qu'il y a des choses que je dois surveiller en particulier ? J'étais submergé, mais je gardais mon calme, posant mes questions une à une avant de ramener ma petite à la maison. Je voulais être sur d'avoir toutes les informations.
Je suis désolé, je vous prends du temps. J'ai juste peur de zapper des choses.

La conduite à tenir était assez facile. Plâtrer avec le médecin, rassurer la petite mais surtout son père et donner les instructions de sortie à ce dernier. Une fois la première tâche effectuée et avec brio au vu de ce beau plâtre bleu, je sortis quelques minutes du box pour remplir un peu le dossier de ma jeune patiente. Elle n’allait pas avoir besoin de beaucoup de soins mais plutôt de la surveillance et cela me rassurait également pour elle. Je n’aimais pas savoir des enfants malades, voilà pourquoi je n’avais encore jamais exercé dans un service de pédiatrie uniquement d’ailleurs. Je m’étais cantonnée aux adultes, plus simple émotionnellement en quelque sorte. La seconde tâche à effectuer était assez simple, la petite était adorable et elle ne me semblait pas particulièrement paniquée.

N’ayant pas encore d’enfant, je ne pouvais comprendre l’angoisse qui animait les parents lorsque leur enfant arrivait aux urgences. Pour autant, je pouvais essayer de le faire. L’empathie, c’était ce terme qu’on m’avait inculqué pendant mes études d’infirmière et pour lequel je n’ai compris le sens qu’une fois diplômée en voyant ce genre de situation. Le travail de réassurance était donc très important surtout ici où je pouvais voir le sentiment de culpabilité de son tuteur légal. Je continuais donc de le rassurer, lui posant même une main sur son bras droit, essayant de communiquer non verbalement pour appuyer mes propos.

« - Je comprends, c’est plutôt normal d’être inquiet mais tout se passera bien. Elle ira bien, son bras va bien se remettre. Elle sera bientôt remise sur pieds et en un morceau d’accord ? Vous devez juste surveiller le bras, si il devient rouge, lui fait vraiment mal, vous revenez nous voir. Sinon, elle s’en sortira très bien avec, c’est une expérience comme une autre. Vous avez sûrement dû en avoir aussi non ? »

Je jetais un coup d’œil à la fillette qui semblait ravie de la couleur de son plâtre. Les enfants sont vraiment incroyables. Ils peuvent passer de la douleur au rire et maintenant à l’admiration du plâtre en quelques minutes seulement. Ils sont d’une résilience à toute épreuve alors que les adultes, nous nous focalisions sur des détails parfois mineurs. Je m’adressais ensuite à elle :

« - Alors mademoiselle, plus de cascade ? C’est un métier tu sais, ça ne s’invente pas. Tu vas garder ce joli plâtre pendant un mois, c’est assez rapide tu verras. »

Ava était bienveillante avec Pénélope, mais également avec moi. Elle me rassurait et en tant que parent j'appréciais l'attention. Ce n'était pas facile de voir ma fille avoir mal, bien qu'elle semblait avoir oublié sa blessure depuis qu'elle avait son plâtre, son nouvel accessoire fashion. Merci. Dis-je en notant tout ce que l'infirmière me disait. J'avais déjà eu des plâtres, je ne les comptais plus, seulement j'avais rarement été celui qui devait les surveiller. Je comprenais beaucoup mieux l'angoisse que mes parents avaient pu ressentir quand j'étais gamin... Puis lorsque mes jambes avaient été brisé lors de mon accident de F1, j'étais resté hospitalisé un très long moment et toutes les surveillances avaient été faites par des professionnels de la santé.

Pento était heureuse d'avoir son plâtre bleu et quand l'infirmière vint la voir, il ne lui fallut qu'une demi seconde pour se mettre debout sur le brancard. Mon cœur manqua un battement, mais heureusement que la jeune blonde avait de bons réflexes. Allez hop ma puce, on descend et on rentre à la maison. Tu vas avoir beaucoup de choses à raconter à Mercy. Dis-je en allant prendre ma petite dans mes bras pour partir. Merci beaucoup. Pour tout.

A peine sortie des urgences, que Pento me demandait une chose : ramener un cadeau à sa nouvelle amie. Elle me fit aller dans le premier magasin et se mit à remplir son caddie miniature de bonbons et de gâteaux. Elle avait un grand cœur et je la laissais faire. Elle voulait juste faire plaisir. J'étais aussi reconnaissant du boulot que les urgences de la ville faisait alors je pris une machine à café assez similaire à celle que j'avais à la maison. Un bon café pouvait faire du bien au milieu d'une journée tendue. Après avoir payé, nous retournâmes à l'hôpital pour déposer à l'infirmière préférée de Pento toutes nos courses. Elle était toute fière d'elle... Je l'aimais vraiment très fort ma petite.

Après les papiers donnés et tout le monde rassurait, ce tuteur et cette petite fille allait pouvoir partir. Je leur adressais mes vœux de bon rétablissement avec un grand sourire avant de quitter le box de consultation et retourner à mes autres tâches à faire. Voir retourner à leur domicile mes patients était toujours un plaisir même si la compagnie de cette petite fille avait été adorable. Elle avait été très courageuse. Les larmes n’avaient pas beaucoup coulées et elle avait finalement trouvé son parti dans la situation avec ce plâtre aux couleurs de Stitch. J’étais contente de cette prise en charge qui faisait du bien à mon moral. Elles étaient plutôt rares mais elles permettaient de rappeler à tous pourquoi ils font ce métier. Quelques papiers à régler, des dossiers à trier, quelques surveillances à faire, je retournais finalement dans ma routine, peu occupée toujours en cette après-midi.

Je me souvenais alors d’un détail. J’avais étanché ma soif avec un soda plein de sucre tout à l’heure mais que partiellement. J’avais laissé mon soda à l’accueil lorsque j’avais vu la petite Pénélope arrivait en pleurs. Je n’avais aucun doute que ma cannette n’était plus de ce monde, les personnes qui s’occupaient de l’entretien de l’accueil l’ont sûrement jeté, ce qui paraît logique. Je fis une petite moue en pensant à cette pauvre boisson qui n’avait rien demandé. Alors dans mes pensées et mes envies de gourmandise, une collègue m’appela pour me dire qu’on me demandait à l’accueil. Ne connaissant que très peu de personnes en ville, cela me surprit. Je ne mis pas longtemps à rejoindre les portes battantes menant vers le hall d’accueil. Lorsqu’elles s’ouvrirent, j’aperçus immédiatement Pénéloppe, avec son beau plâtre bleu, et son tuteur qui était difficile à louper de par sa stature. Je fronçais les sourcils, pensant immédiatement qu’il s’était passé quelque chose. J’arrivais donc rapidement vers eux, faisant un état des lieux visuel de la petite. Il ne lui manquait rien apparemment, elle avait toujours son plâtre. Je m'accroupis et m'adressais donc à la petite fille :

« - Il s’est passé quelque chose ? Ton plâtre est trop serré ? Tu as mal ? »

C'était les bras pleins que nous étions revenus aux urgences - surtout moi -. Pénélope avait voulut faire des cadeaux aux personnes qui s'étaient si bien occupées d'elle après son petit accident. Il y avait de quoi nourrir une armée avec des bonbons et des gâteaux en tout genre, plus la machine à café que j'avais personnellement choisi.
A peine arrivée que la jeune Ava réapparut à nouveau, venant tout de suite à notre rencontre pour voir si le plâtre de Pento ne lui faisait pas mal. La petite fit non de la tête avant de sortir un paquet de bonbon de derrière son dos avec un énorme sourire. Je les laissais avoir leur moment pendant quelques minutes avant de m'approcher. J'expliquais le geste de ma petite, qui soudainement décida de se faire timide et de se cacher dans mes jambes. Elle voulait juste vous remercier. Dis-je en lui tendant le sac de victuaille que ma fille avait choisi au magasin. Et ça, c'est plutôt moi pour vous remercier. Avais-je dit en posant la machine à café qui se faisait lourde.

Vous devez avoir du travail et la petite mistinguette est ko, donc on va vite vous laissez tranquille. Pento, tu dis au revoir. Elle sortit son petit nez de derrière mes jambes et s'excuta avant de rire et d'aller vers Ava pour un énorme câlin. Elle n'était vraiment pas farouche. En espérant ne pas vous revoir trop vite. Dis-je en rigolant avant de quitter l'hôpital.

J’étais immédiatement rassurée de savoir que la petite allait bien. Je sentis une petite boule au ventre se détendre, une boule dont j’ignorais encore la présence quelques secondes auparavant. Apparemment, les cas pédiatriques me touchaient bien que je ne le pensais, probablement les hormones qui jouaient pour beaucoup avec mes émotions ces derniers temps. Je leur souris donc à tout deux avec entrain.
Surprise de ces attentions, je ne savais finalement que dire à part un long flux de merci qui ne cessait de sortir de ma bouche. Cette attention était tellement touchante. Il était assez rare de recevoir ce genre de cadeaux, d’autant plus onéreux au vu de la cafetière. Bien que je ne pourrais l’utiliser prochainement, j’étais émerveillée de cette dernière. Elle allait faire fureur dans mon service auprès de mes collègues. Nous allons tous énormément l’utiliser, j’en suis certaine. Pour ma part, j’étais beaucoup plus intéressée par ce que ramener la petite Pento, pleins de bonnes choses à grignoter, exactement ce que j’appréciais actuellement. Je les remerciai encore plusieurs fois avant de les laisser partir. Je préférais les savoir loin de l’hôpital pour le coup.