take me somewhere I'll be safe (lullaby)

Il ne fallait jamais te faire attendre et te laisser seul trop longtemps, Jackson. Tu finissais toujours par faire un peu n’importe quoi. T’étais tout aussi pire qu’un enfant, en fait, on ne pouvait pas te laisser sans surveillance, encore moins dans un endroit comme le château en fausse glace, qui t’impressionnait à chaque nouveau couloir. Malheureusement, les personnes que tu devais rejoindre ici cet après-midi étaient en retard. T’avais attendu dehors assez longtemps, à regarder ta messagerie à chaque minute dans l’espoir d’un message qui te dirait on arrive dans deux minutes mais non, le retard était probablement plus grand que ça et tu commençais à en avoir marre d’attendre sans qu’on te tienne au courant. T’avais donc décidé de montrer ton billet à l’employée à l’entrée et de pénétrer dans la gigantesque structure de verre. Il s’agissait à la fois d’un bistro-bar, d’un hôtel, d’une salle de cinéma et même d’un musée, dans un certain sens. C’était plutôt impressionnant. Là, t’étais arrivé au bar, où même le comptoir, les tabourets et les tables étaient faits de verre, ce qui donnait l’impression que l’endroit au complet était glacé. De fausses fourrures recouvraient les chaises, pour le confort sans doute. Tu t’approchas du bar et tu te commandas un mojito au sapin de Noël, whatever that was. C’était un cocktail avec un sirop de sapin qu’on ajoutait pour sucrer la boisson. C’était délicieusement fascinant, comme goût. Tu l’avais siroté en te promenant un peu, admirant les sculptures, celles fabriquées à même les murs ou bien celles surmontées sur des petits piliers d’exposition. L’une d’entre elles te semblait tellement réaliste au niveau de l’effet glace, même au toucher c’était froid comme de la glace. Tu regardas autour de toi, vérifiant que personne ne te regardait, et tu décidas de poser ta langue sur la sculpture. Après tout, la meilleure façon de voir si c’était du verre ou de la glace, n’était-ce pas de voir si la sculpture fondait un peu au contact de ta langue chaude ? … Tu ne pensas pas que ta langue, elle pourrait y rester collée, à cette vraie de vraie glace. Tu écarquillas un peu les yeux en constatant que tu n’arrivais pas à l’enlever de là. Tu commenças à paniquer assez rapidement, et quand tu croisas le regard d’une rouquine, tu l’interpellas d’une main agitée et d’un « Heeel(p) !!! » dont le “p” était effectivement entre parenthèses, puisqu’avec la langue collée, ta prononciation était assez déficiente.

Je n'étais pas allée dans ce genre de festivités depuis des lustres ! D'abord parce qu'en Australie l'hiver européen est l'été ici, et parce que je n'étais pas partisane de ce genre d'évènements... Marchant entre les tables en glace ou fausse glace, avant de poser mon regard sur un tripoteur de statues en glace, qui me fit sourire un brin. Mon date du jour m'apporta un verre et je le remerciais en trinquant avec lui. Date est un bien grand mot, une rencontre et une invitation à cet event. On discute, et je file pour aller aux toilettes, quand le tripoteur de statues, m'interpelle.

- Lully... Hell c'est pas mon prénom. Lui dis-je en m'approchant.

Je savais qu'il avait tenté de dire Help, mais que le P était collé entre sa langue et la statue de glace.

- Tripoter c'était pas suffisant ? Lui demandais-je en regardant de plus près au problème. Je dirais qu'il faudrait vous faire saliver... ou alors il faudrait chauffer le tour de la glace au briquet...

T’aurais eu envie de rire à la réponse de la jeune femme, Lully semblait-il. Cependant c’était assez difficile de rigoler à sa blague pendant que t’avais encore la langue collée sur cette sculpture de glace, gracieuseté de ta curiosité un peu imbécile. Ça ne t’empêcha pas d’avoir un grand sourire et de lancer un « Ha-ha ! » aux ha bien distancés, qui se voulait faussement amusé, alors que clairement, tu l’étais. Quand elle te demanda si tripoter, ce n’était pas suffisant, tu haussas les épaules avec une petite moue d’ange. Ça ne devait pas avoir la même gueule, avec la langue sortie comme ça. « ‘e ‘ou-ais -oir ‘i ‘é-ait ‘e ‘a ‘rai ‘ace. » Traduction : je voulais voir si c’était de la vraie glace. Mais ça, sans doute que Lully ne le devinerait pas. Entre un seul mot, help, et une phrase complète avec presque aucune syllable complète, il y avait une grosse marge. Ne cherchant plus à te questionner, sûrement pour te préserver mais aussi pour se sauver d’avoir à essayer de te comprendre, elle mentionna qu’il faudrait te faire saliver, ou faire chauffer le tour de la glace avec un briquet. Quand t’entendis le mot briquet, tes yeux s’écarquillèrent. Tu secouas la tête, ta langue restant bien en place, collée. « Mmmh-mmmh. » Clairement t’avais peur qu’on te brûle la langue du même coup. Un petit peu d’eau chaude, pas brûlante mais pas tiède non plus, comme un petit thé tout doux, ça n’aiderait pas, ça ? Ça te faisait déjà moins flipper que la flamme.

- Je n'ai pas tout compris, mais je présume que ta curiosité t'a poussé à venir y mettre la langue... je vois attends.

Je regardais autour, et tendis la main pour demander au barman un verre d'eau chaude, il parut surpris, et je lui montrais le comparse en mauvaise posture et râla. Il semblerait qu'il n'avait été le seul avec cette fameuse idée à la con !

Je revins vers le jeune homme, et lui montrais le verre, je lui pris sa main, pour qu'il touche le verre justement, qu'il puisse approuver de la température chaude, sans trop l'être.

- Voyons voir, faudrait faire couler l'eau sur la glace, et que ça ruissèle sur ta langue... je pensais pas dire ça dans ma soirée... inédit.

Je me collais proche du mec, analysant le meilleur angle au dessus de sa langue et sur la courbe de la sculpture.

- Coller sa langue sur un pingouin en glace... ça c'est une anecdote à raconter non ? Dis-je avant de faire couler l'eau vers sa langue, en m'y reprenant à 4 reprises, ça fondait un peu, mais je ne savais pas vraiment s'il arrivait à décoller un peu sa langue.

Tu hochas la tête avec un petit rire maladroit, idiot, quand la jeune femme présuma que c’est ta curiosité qui t’avait conduit à cette malencontreuse position. Elle avait tout à fait raison, même si c’était un peu honteux à admettre. La blonde tirant sur le roux s’éloigna ensuite, après t’avoir dit d’attendre. Au moins elle ne fuyait pas, enfin, tu l’espérais. Elle pouvait bien te dire ça et juste en profiter pour foutre le camp sans que tu lui cries après. Mais t’avais confiance, tu ne savais pas pourquoi étant donné que tu ne la connaissais aucunement, mais tu voulais avoir confiance en tout cas. Elle avait eu une douceur, armée d’humour, et ça t’avait convaincu qu’elle ne te laisserait pas dans le pétrin. Comme de fait, elle revint avec un verre d’eau chaude. Elle te prit la main pour que tu y touches, tu compris que c’était pour évaluer la température. Tu levas ton pouce en l’air. Ce n’était pas brûlant mais c’était assez chaud pour espérer que ça ait l’effet escompté. Tu ris malgré ta langue sortie, quand elle mentionna que tout ça était inédit. Pour toi aussi tout ça était assez original et tu ne t’imaginais pas dans cette situation en venant visiter le château. La jeune femme fit couler de l’eau à quatre reprises, et à la quatrième, tu sentis ta langue se relâcher. Tu pouvais enfin la bouger sur la glace sans risquer qu’elle n’y reste collée. « Aaaah ! » Lâchas-tu, une exclamation de soulagement. Tu mis tes doigts autour de ta langue pour la masser et t'assurer qu'elle était toujours là, en même temps. « T’as réussi !! » Tu te reculas de la sculpture, comme si t’en avais peur maintenant, peur qu’une autre partie de ton corps y reste coincée. « Alors du coup c’était un pingouin, hein ? Je me suis approché aussi près pour mieux comprendre la sculpture … » Dis-tu, un sourire espiègle. Il fallait en rire ! Tu ris en baissant momentanément les yeux, avant de relever la tête vers elle. « Je peux connaître le prénom de ma sauveuse ? »

- Oui je serais rentrée dans l'histoire comme la femme qui a fait fondre la glace, et t'aura décoincé la langue... Dis-je pour me moquer de moi simplement.

J'étais pas totalement moi ce soir, et cette longue liste de rendez vous, via bowtie ap, me fatiguait. Je regardais le garçon derrière, qui attendait ? Non, il était déjà en train de parler avec une autre nana, et je poussais un soupir. Je regardais de nouveau mon interlocuteur, qui était repartit pour regarder la sculpture à laquelle il était attaché par la langue.

- Je crois... ça y ressemble en tout cas. Après il a une queue de glace... donc j'ai un doute. Dis-je en regardant la sculpture aussi.

Il rit et je remarquais son incroyable regard, un beau gosse, au regard joueur. Il me fit sourire, et dieu sait que j'en avais besoin.

- Je te l'ai dit, je m'appelle Lully... c'est le diminutif de mon vrai prénom. Et toi, tu t'appelles comment ?

Tu souris. Si t’avais été un petit peu plus célèbre, elle aurait peut-être pu rentrer dans l’histoire, oui. Malheureusement t’étais qu’un acrobate aérien pas assez doué pour percer ailleurs que dans un petit cabaret d’une ville très moyenne du Queensland. Rien qui puisse permettre à la jeune femme d’être considérée comme une sauveuse par qui que ce soit d’autre que toi. « Après la Ice Queen, la Ice Melting Queen. » Ajoutas-tu avec un rire moqueur, moqueur de toi, d’elle, de toute cette situation. Mais surtout de toi parce que franchement, Jackson, côté QI, t’avais déjà fait mieux. Tu donnais l’impression d’être le plus grand des imbéciles alors que t’étais pas si pire que ça non plus. Pas si pire, non. Je blaguai ensuite à propos de ce pingouin duquel je m’étais beaucoup trop rapproché. « Heureusement que j’ai pas eu une queue de glace, moi, et que je me suis arrêté à la langue. » Tu ne savais même pas si ton public était réceptif à ce genre de sous-entendu et tu lâchais déjà ce genre de truc. Perry ou Charlie auraient pu la trouver drôle, mais tu ne savais pas pour elle. « Désolé, elle était facile. » T’excusas-tu en te grattant la nuque avec un rire gêné. « Ah ouais, mince, tu m’l’avais dit. J’peux me défendre en disant que la panique a rendu ma mémoire sélective, à ce moment ? » Ce n’était pas totalement faux non plus. Tu t’étais pas concentré sur tous les détails de votre échange même si bon, un prénom, ce n’était pas juste un détail. Lully te demanda à ton tour comment tu t’appelais. « Jackson. » Répondis-tu avant de regarder derrière son épaule, le mec qu’elle semblait regarder avant. « Ce sont tes amis ? Je voudrais pas interrompre ta soirée plus longtemps. » Le mec était maintenant avec une fille alors c’est ce que tu avais déduit, qu’elle était venue ici avec des potes.

Je ris de bon coeur à la finesse de son esprit, et à son humour. Il était très sympatique et très mignon en plus de ça. J'avais regardé vers mon date, mais sans grande conviction, et d'ailleurs Jackson le nota. Haussant une épaule, je poussais un soupir... me rendant compte qu'une autre nana était allée le brancher. Pas grave, les dates et moi, ça faisait clairement quatre.

- Nope, ni des amis, ni un seul ami, c'était un date... un mauvais date, le genre à se demander, si finalement vivre dans la bush sans internet, n'était pas la meilleure des alternatives en fait !

Je ris de moi, pas sûre qu'il comprenne, croisant les bras sur ma poitrine, je lui proposais d'un geste de main, qu'on aille vers le bar.

- Si tu n'as pas d'amis toi aussi, je t'offre un verre ?

Heureusement, ta blague qui aurait pu être mal reçue, sembla faire rire la jeune femme. Un rire rassuré s’échappa donc d’entre tes lèvres, tes petites joues rosées de maladresse reprenant un peu leur couleur habituelle. Tu remarquas le coup d’oeil jeté vers la personne qui l’accompagnait un peu plus tôt dans la soirée, et qu’elle avait délaissée pour venir à ta rescousse. T’espérais ne pas avoir raté ses chances auprès de l’homme, si elle était en premier rendez-vous ou un truc du genre. Lully te confirma que c’était une date, mais dans le genre mauvaise expérience qui donne envie de se retirer complètement de la société. Tu ris. « Désolé, je ris, mais c’est pas drôle pour toi. » Elle t’offrit d’aller boire un verre, si t’étais seul toi aussi. « J’crois que mes potes se sont perdus en chemin alors, ce serait avec plaisir. Par contre, c’est moi qui offre. Tu m’as sauvé après tout. » Tu la suivis jusqu’au bar. Il y avait déjà pas mal de monde alors en attendant que le barman soit disponible pour prendre vos commandes, tu demandas à la jeune femme : « Alors, c’était quel genre de gars ? Celui qui se vante de tout, même d’exister ? Celui qui se plaint de son ex ? Celui qui ne fait que des sous-entendus déplacés ? » Demandas-tu avec un sourire, accoudé au bar.

Il rit, normal quand on voit l'état de ma soirée, il faudrait en rire plus qu'en pleurer au final. Je souffle quand il s'excuse.

- En réalité, c'est plutôt drôle quand lâche prise sur le sujet, je ne t'en veux pas de rire de mon malheur.

Il accepte l'invitation et finalement paie les verres, je le remercie en hochant la tête avec un sourire complice. Agréable, de se faire voler l'invitation parfois !

- C'est le genre à reluquer l'air de rien, toutes les autres nanas, pour faire comparaison avec celle qui est assise en face de soi... Bref ce n'était pas mon meilleur date en somme. J'ai connu pire oui, mais jamais de meilleur.

De toute façon avec moi, ça se transforme souvent en coup d'un soir, ou en rien du tout. Je n'ai pas le juste milieu, non c'est tout ou rien.

- Tu ne vas pas avoir mal au dos, vu la position incongrue dans laquelle tu étais avec la langue collée et tout ? Tu dois être souple, j'aurais coincée un nerf de ma nuque personnellement. m'enquis-je avec sympathie et concernement.

Le lâcher-prise, ça c’était une attitude que beaucoup de personnes devraient adopter ! Toi le premier, sur certains sujets. Mais bon, ce n’était pas toujours une chose facile et aisée à faire. Lully était visiblement capable d’autodérision puisque déjà, à peine quelques minutes le rendez-vous abandonné, elle préférait en rire qu’en pleurer. Elle t’invita à aller boire un verre à la place de retourner vers sa date, et t’acceptas, en mentionnant quand même que c’est toi qui l’invitais, question de la remercier de t’avoir sauvé. Qui sait, t’aurais peut-être perdu ta langue si t’étais resté cinq minutes de plus dans cette fâcheuse situation. Tu suivis Lully jusqu’au bar et tu lui demandas, en attendant le barman, sur quel type de mec elle était donc tombée. Ayant toi aussi fréquenté des hommes avant de tomber sur le numéro qu’était Perry, t’avais croisé pas mal tous les genres possibles. Tu ouvris grand la bouche, offusqué pour la jeune femme, quand elle te révéla les faits. « What an ass. » Déclaras-tu en secouant la tête. « Il va s’en mordre les doigts quand il va voir que tu reviens pas. J’espère qu’il nous verra ensemble, d’ailleurs. Ce sera l’occasion de le rendre jaloux. » Lâchas-tu avec un sourire malicieux. À la question de Lully et au commentaire qui s’en suivit, tu ris. « J’ai la chance d’être assez souple. Étant acrobate j’ai connu pire, comme position à tenir pendant plusieurs minutes. » Lui appris-tu. Le barman se présenta finalement à vous et tu tournas la tête vers lui, puis vers Lully. « Qu’est-ce que tu bois ? » Lui demandas-tu.