Oh, saturday sun + Stacy

Leo était partie depuis quelques moins à présent. Son départ avait pas mal affecté Marcus parce qu'il est évident qu'avec les années ils étaient devenu plus que son patron et elle sa salariée, il y avait une relation particulière entre eux, il se prenaient souvent le bec mais il y avait une vraie tendresse qui se dégageait de leurs échanges, toujours, c'était finalement comme un grand frère et une petite sœur, les liens du sang en moins. Ils ne s'étaient pas choisis, le barman se souviendrait toujours du soir où elle lui était tombé dessus, elle avait échoué dans son bar et il avait comprit qu'il fallait qu'on l'aide. Alors il était évident qu'elle avait laissé un vide, qu'il n'avait en aucun cas eu l'envie de combler. Un vide affectif, mais aussi un vide dans ce bar, parce qu'il tournait bien avec deux paires de bras pour accueillir les clients, servir les commandes, nettoyer les tables, ... Depuis qu'il était à nouveau seul, il arrivait souvent à Marcus d'être coulé, de laisser les clients patienter plus que de raison, râler parfois. Il s'en sortait toujours, avec un sourire, une blague, un mot sympa ou une tournée offerte, mais ça ne pouvait pas durer, au fond de lui il le savait. Mais il ne voulait pas recruter, il ne savait pas faire, il ne voulait pas d'un employer lambda qui ne viendrait que pour être payé à la fin du mois. Un soir de grande affluence comme un autre, il avait pourtant reçu de l'aide de la part d'une petite blonde dynamique et souriante. Il ne la connaissait absolument pas, il n'avait même pas eu le temps de lui demander son prénom avant la fin du service, mais sans elle, ce soir là, s'en serait sorti dans la sueur et la douleur. Alors il l'avait remercié en lui offrant quelques verres après le service, ils avaient discuté un peu, elle avait besoin d'un job, il avait roulé des yeux. La conversation ne s'était pas éternisée, il était claqué, il ne rêvait que d'une chose, s'écrouler dans son lit. Mais il lui avait dit, alors qu'elle récupérait ses affaires, de revenir si elle voulait, histoire de la tester. Et elle était revenue, un soir, deux soirs, trois soirs. C'était à présent le quatrième, certains clients commençaient à se souvenir de son prénom, Stacy. Elle savait travailler, elle ne regardait pas l'heure, elle était même ponctuelle, elle était jolie et agréable, ça plaisait évidemment aux habitués. Marcus l'observait du coin de l'œil, ce soir le Elm était plutôt calme, alors il en profitait pour discuter avec ses clients et la laisser faire, l'air de rien. Puis quand vint à peu près minuit, il ne restait plus qu'une table de trois au fond de la salle, il posa deux verres sur le comptoir et invita la blonde à s'installer. Alors tu veux un job ? T'as déjà fait du service, ça se voit. Pourquoi tu veux bosser pour moi ? Après tout, s'il venait à l'engager, il voulait savoir à qui il avait affaire, au moins un minimum.

@Stacy Richardson  

T’avais déjà bossé dans la restauration, dire le contraire ce serait mentir. Avec tous les restaurants qu’Alex a eu… Toi, t’étais plutôt la gentille serveuse qui couvrait les autres filles, t’étais celle qui écopait de toutes les situations inimaginables et pourtant : ça ne te déplaisait pas plus qu’il le fallait. T’avais délaissé le monde du service pour tes études et grâce à ton frère, tu ne manquais pas de fric. Le Elm Street est apparu sur ta trajectoire sans même que tu l’aies nécessairement vu venir. Un soir occupé, tu avais décidé de prendre les choses en main et d’aider le propriétaire qui t’avait un peu tapé dans l’œil… Et avouons-le, t’avais quelques verres dans le sang parce que sérieusement, t’aurais jamais eu ce culot-là. Tu lui disais que t’avais besoin d’un boulot et ce devait être les quelques verres qui t’ont fait tourner la tête parce que la réalité faisait en sorte que non, mais t’avais clairement besoin de te changer les idées de tes études en pharmaco. Après quelques quarts de travail, tu t’installes au comptoir alors que l’homme t’y invitait. Tu lui faisais un sourire. « Évidemment que je veux un job… » que tu lui dis. « Déjà, j’ai plusieurs années d’expérience comme serveuse, mon frère Alex a eu quelques restos et j’ai souvent aidé… » Que tu commences. Tu prends une gorgée du verre et c’est pas mal du tout, tu hoches la tête positivement. « Parce que j’ai besoin de prendre une pause des études. Enfin. Pas forever and ever, mais de temps à autres, de voir autre chose que des livres et des molécules… » Que tu admets. Tu inspires puis tu expires. « C’est évident, t’as besoin de quelqu’un pour t’aider. Et j’suis disponible. J’suis quand même gentille, j’arrive à l’heure, je n’ai pas de problème avec l’alcool. » Puis, tu ris doucement. « Et il semblerait que le proprio est pas mal du tout… »

Disons-le clairement, Marcus ne savait absolument pas ce qu’il allait pouvoir dire à Stacy, comment allait se dérouler cet entretien, s’il fallait vraiment donner un nom à ce qu’il s’apprêtait à faire. Pour lui ça s’apparenterait peut-être plus à une conversation, à un échange pour en apprendre un peu plus sur cette fille dont il ne connaissait que le prénom et la façon dont elle se comportant dans son bar depuis quelques jours. Il devinait à peu près son âge, autour des vingt-cinq ans, probablement, pour le reste, elle était un mystère. Qu’est ce qu’elle lui voulait vraiment, avait-elle besoin d’agent, avait-elle déjà un job ? Tant de questions et quelques autres, qui lui trottaient dans la tête pour savoir si ça valait vraiment le coup de se lancer dans une embauche. Et puis il fallait faire les choses dans les règles, qu’elle ait un contrat, des heures de travail défini, parler de salaire aussi, parce qu’elle n’allait pas bosser gratuitement ad vitam ! Alors il avait déposé deux verres entre eux, qu’il avait rempli généreusement et il lança les hostilités. Un sourire amusé étira le coin de ses lèvres, évidemment qu’elle voulait un job, au moins c’était clair, elle n’y allait pas par quatre chemins. Et contrairement à lui qui ne savait pas mener un entretien, elle savait se vendre, ça ne faisait aucun doute. Alex ? Il a un resto ici à Bowen ? Il avala une première gorgée de rhum, en tant que commerçant il connaissait quasiment tous les restaurants de la ville, mais un Alex ça ne lui parlait pas plus que ça. Il hocha la tête en l’écoutant, le mot molécules l’interpella, il sourit à nouveau alors qu’elle semblait apprécier le poison, elle avait bon goût. Tu fais quoi comme études ? Donc il faut que je m’attende à des périodes d’examens un peu intenses ? Où tu serais moins présente ? Ce n’était, en soi, pas un problème pour lui, il était capable de s’adapter sans problème si elle le prévenait à l’avance. C’est pas une histoire d’argent alors ? En même temps si elle avait vraiment eu besoin d’argent elle aurait regardé les petites annonces, des jobs de serveuse, ce n’était pas ce qui manquait ici. Il rit carrément lorsqu’elle évoqua qu’elle était clean avec l’alcool, ça il n’aurait pas pensé à le demander, mais c’était important. Evidemment il pensa à Leo qu’il avait souvent ramassé sur le comptoir ou qui ne venait parfois pas travailler le lendemain d’une cuite, elle avait un problème avec l’alcool par exemple, mais il ne pouvait pas la juger, il en avait un aussi, chose qu’il omit d’évoquer à Stacy. C’est vrai que j’ai besoin d’aide. J’avais une serveuse, elle est partie il y a quelques mois, mais comme tu le vois, j’suis nul pour recruter, il semblerait que tu sois une aide providentielle. Il sourit en avala la moitié de son verre, puis une autre gorgée, alors que la conversation glissa vers quelque chose de plus inattendu. Il est évident que tu ne laisses personne indifférent ici non plus. Qu’il répondit, en essayant de rester un minimum professionnel. La table du fond réclama une dernière tournée. On va fermer les gars, désolé, il faut que je libère ma serveuse. Ma serveuse, comme si elle faisait déjà partie de la maison. Il lança un regard à la blonde. T’as sûrement mieux à faire que rester là avec moi ce soir.

@Stacy Richardson  

« Ouais, ça s’appelle L’Autre monde. C’est un resto assez simple mais cozy. C’est bien comme endroit. » Que tu disais comme si ce n’était pas le resto de ton frère. Tu buvais un peu du verre qu’il t’avait servi et tu découvrais un rhum et coca, simple mais efficace. Il te questionnait et tu secouais la tête. « J’fais un doctorat en pharmacologie. Et non, règle générale, je t’avouerais que c’est plus des labos, mais c’est en journée, donc je ne crois pas que ce soit problématique. » Que tu admettais. Puis après, t’étais une consommatrice de café, donc cela ne te posait pas de problème. Tu riais doucement lorsqu’il demandait si c’était une histoire d’argent. « Non, c’est une histoire que j’passe ma vie derrière des bouquins et j’ai besoin de voir du monde. For all I care, j’pourrais quasi le faire bénévolement… Mais quand même pas. » Que tu dis en riant doucement. Il reconnaissait qu’il avait besoin d’aide. Tu remarques qu’il buvait la moitié de son verre d’un trait et t’étais semi admirative, semi apeurée. « J’suis persuadée que tu as des tas d’autres qualités. » Que tu lui fis en hochant la tête avec un sourire. Puis, il te disait que tu ne le laissais pas indifférent et tu rougissais, l’éclairage tamisé devait te donner un petit coup de pouce pour ce point. La dernière table demandait une dernière tournée et tu t’apprêtais à te lever mais il semblerait que tu aies le poste… Tu esquisses un sourire, timide. À sa question, tu te mettais à jouer avec les glaçons dans ton verre. « En fait, ça va sembler prétentieux et c’est tout sauf mon intention, mais j’attendais que tu m’invites à faire le tour du proprio. » Que tu admets avec un sourire charmeur. Tu te voyais bien t’envoyer en l’air sur son bureau ou ailleurs, mais t’allais pas le lui révéler aussi facilement…

Il connaissait L’Autre Monde, au moins de nom et de réputation, c’était en effet un bon restaurant. Oui, il a bonne réputation, il parait qu’on y mange bien. Marcus allait peu au resto, déjà parce qu’il passait le plus clair de son temps ici et aussi parce qu’il n’avait personne à emmener avec lui et, quitte à manger dans un endroit sympa, autant partager le repas, mais peut-être qu’il pourrait y emmener Ella, la prochaine fois qu’ils se feraient un tête à tête entre cousins, ils aimaient bien découvrir de nouveaux endroits ensemble. Elle développa un peu plus sur ses études, ce qui rappela au barman ses années sur les bancs de l’université, il avait côtoyé les mêmes labos, mais c’était une autre époque. Pharma, c’est pas rien. J’ai trainé quelques années dans l’aile de physique, j’me souviens de quelques profs pas super commodes. Ne fais pas comme moi, ne néglige pas les labos en bossant ici jusqu’à pas d’heure, sinon tu finiras par te planter. Ce n’était pas la raison pour laquelle il avait terminé derrière ce bar au lieu de valider son doctorat, il savait parfaitement allier les deux, seulement il était conscient de la charge de travail demandée. Ok ok, je vois. J’peux te payer, c’est pas un problème. Le problème c’est entre ma fierté et moi, j’pensais pouvoir m’en sortir seul mais force est de constaté que non. Le bar fonctionne bien, comme tu as pu le voir et on n’es pas trop de deux la plupart du temps. Les bases étaient posées des deux côtés, pour les formalités, ça pourrait attendre, il était tard, il venait de pousser gentiment les clients vers la sortie et même si la tentation était grande de se laisser charmer par la blonde, Marcus ne se voyait pas badiner alors qu’il était sur le point de l’embaucher. Autant la laisser partir, mais Stacy avait une autre idée en tête, il haussa un sourcil, surpris. C’est pas prétentieux, peut-être un peu zélé. Qu’il la taquina gentiment, heureusement qu’il ne pouvait pas lire dans ses pensées quelles étaient ses véritables intentions. Allons-y pour un tour de la boutique. T’as déjà vu le principal. Il se leva, passa derrière le bar pour se diriger vers une porte à côté des étagères d’alcool, qu’il ouvrit et alluma la lumière. Après toi, ici c’est la réserve, on y entrepose principalement les futs, les bouteilles, tout est classé, rangé. Quelques cartons de verres, le surplus de tables et de chaises, les produits d’entretient. Les livreurs connaissent le chemin, ils savent où déposer les palettes quand ils viennent. Stacy avait l’air intéressée même si ce n’était pas la visite la plus passionnante. Et l’autre porte, de l’autre côté du bar, c’est mon bureau, pour la paperasse, la compta. J’aime pas trop bosser ici, j’habite en face, mais c’est plus pratique de garder les papiers ici. C’est pas super intéressant mais j’peux te le montrer vite fait si tu veux, au moins tu auras tout vu.