l'encre de tes yeux - (igloo #8)

Peu coutumière de la Saint-Valentin, ce n’est pas pour autant que Lizzie aurait loupé un événement de la ville. Chercher l’amour n’était pas vraiment dans ses plans, ça ne l’avait jamais été d’ailleurs. Plutôt partisane de l’amour qui vous tombe dessus que des choses forcées. Pourtant, cette soirée était l’occasion parfaite pour rencontrer quelqu’un de nouveau et partager une bonne soirée. C’est surtout ça qu’elle aime la petite blonde. Partager des bons moments, peu importe la personne en face d’elle. En partant de ce constat, le concept du repas dans le noir ne pouvait qu’être une réussite. En mettant de côté l’attraction physique, c’était bien plus simple d’apprendre à connaître quelqu’un. Elle se laissait donc guider avec entrain jusqu’à sa place, ravie de commencer cette expérience. “Bonsoir ?” Une première tentative de contact qui ne sembla pas très efficace. Alors en attendant la personne censée dîner avec elle, la blonde commença à toucher un peu tout autour d’elle, plus déboussolée par la perte d’un sens qu’elle ne l’aurait cru. Elle manquait de faire tomber un de ses couverts quand elle entendit des bruits de pas. “Bienvenue !” Annonça-t-elle d’une voix joyeuse pour signifier sa présence. “Heureusement qu’on ne m’a pas laissée plus longtemps seule… Je commençais à faire des bêtises avec le mobilier” Dit-elle en riant légèrement.

Depuis quelques années, la Saint-Valentin n'a plus vraiment de sens pour Selma. D'ordinaire elle la fêtait avec son mari, Leónel, jusqu'à leur séparation. Elle ne tient pas plus que ça à cette fête, se disant qu'il n'y a pas besoin d'un jour particulier pour se prouver son amour quand on s'aime tous les jours. Elle ne s'est pas inscrite à l'événement proposé par le maire pour rencontrer le grand amour, non, mais plutôt parce qu'en voyant passer l'événement, elle a eu une idée d'article. Elle s'est dit que ça pourrait être intéressant d'écrire un article sur l'événement vécu de l'intérieur, une sorte de récit à la première personne de cette soirée. En arrivant elle avait un peu peur de croiser León et qu'ils se posent tous les deux des questions sur leurs présences ici, mais il n'en est rien. On la guida vers un igloo, qui, elle le comprit, se trouvait dans le noir. Elle ne pouvait donc pas voir la personne avec qui elle allait partager la soirée. En entrant elle entendit une voix féminine lui souhaiter la bienvenue. Elle ne voulait pas présupposer de son genre seulement avec sa voix mais elle trouvait que, si cette personne était bel et bien une femme, le choix fait par les organisateurs était plutôt intéressant. « Merci ! » répondit-elle avec entrain mais tout de même moins que la mystérieuse personne qui semblait plutôt enjouée. Selma s'assit à tâtons. « Je ne promets pas de ne pas renverser de verre pour ce qui me concerne. Je ne suis pas sûre d'être bien habile dans le noir. » Même lorsqu'elle campe au milieu de nulle part elle a sa lampe torche ou la lumière du ciel pour s'éclairer. « Du coup on se présente ou ça se passe comment ? Je suis pas très habituée de ce genre de choses. » Les dates, organisés en plus, c'est plutôt de l'inédit pour Selma.

Elle ne savait pas bien ce qu’elle faisait là, Lizzie. Au fond, c’était une bonne façon de s’investir dans les initiatives de la ville et pourquoi passer un bon moment. Elle n’attendait rien de spécial de cette soirée, surtout curieuse de découvrir une nouvelle personne. Peu renseignée, elle n’était même pas au courant que tout s’effectuait dans le noir avant d’arriver sur place. Bien trop enjouée par le concept, elle commençait déjà à toucher à tout avant qu’une voix féminine ne se fasse entendre. Un sourire invisible se forma sur ses lèvres, la petite blonde se réjouissant de ne pas être restée seule trop longtemps. “Je pense qu’ils doivent s’attendre à ce que ça arrive” Répondit-elle en riant légèrement. Tout ce concept ajoutait de la difficulté dans les mouvements qu’elles pourraient faire, mais c’était un challenge plutôt drôle finalement. “J’imagine que c’est de coutume oui, je ne suis pas une spécialiste non plus, je dois bien avouer” Dit-elle avec un brin d’amusement dans la voix. Lizzie était plus adepte des rencontres spontanées que des dates organisées. Elle espérait que son sourire se ressente dans sa voix la petite blonde, voulant mettre à l’aise sa partenaire d’igloo comme elle pouvait l’être à cet instant. “Moi, c’est Elizabeth, du coup. Enchantée.” L’effet du noir l’avait poussé à utiliser son prénom complet. Elle ne saurait dire pourquoi, ce prénom, elle avait toujours essayé de s’en détacher, mais là, ça semblait être une bonne idée.

Selma prenait des notes mentales sur tout ce qui se passait pour pouvoir au mieux rédiger son article par la suite. L’idée d’être dans le noir lui plaisait, c’était original même si elle n’était pas sûre de très bien se repérer, ce qui semblait être le cas de sa compagne de soirée également. Elle espérait tout de même ne rien casser mais comme le disait l’inconnue dans le noir, les organisateurs doivent bien imaginer qu’ils ne retrouveront peut-être pas leur vaisselle dans un parfait état, ou bien ont-ils prévus que des récipients en classiques pour que rien ne casse. Cela n’étonnerait pas la journaliste qui avait bien évidemment suivi le scandale du lieu par rapport aux climatiseurs utilisés pour donner une ambiance hivernale en plein été australien. Un peu de plastique en plus n’aggraverait pas franchement la réputation désastreuse du lieu aux yeux des écologistes. La personne assise dans le noir, l’inconnu.e la rassura en lui disant qu’elle même n’est pas vraiment une habituée des rendez-vous galants, Selma ne fera donc pas trop tâche à ne pas savoir comment agir, surtout qu’elle n’est pas venue là à la base pour trouver l’amour, alors que c’est un peu le but exposé par les organisateurs. « Enchantée Elizabeth. Moi c’est Sam. » dit-elle en prenant le diminutif de son deuxième prénom, se disant que si elle donne son vrai prénom, elle pourrait se faire griller. Elle a écrit plusieurs livres de voyage et s’est forgée une petite réputation dans le domaine, elle travaille également au journal local où elle signe sous son vrai nom, raison de plus d’éviter de se dévoiler si elle ne veut pas que son plan tombe à l’eau. La journaliste tâtonna sur la table pour trouver les couverts, l’assiette, constater qu’elle est vide et déclarer « C’est vraiment très perturbant de ne rien voir. En dehors du fait de ne pas du tout te voir, je pense que ça va vraiment influencer sur le repas aussi, voir un plat ça joue beaucoup sur son goût je pense. » Elle n’est clairement pas une experte culinaire, mangeant une bonne partie du temps des repas lyophilisés lors de ses treks. « Je ne suis pas très bonne cuisinière, je ne sais pas s’il faudrait éviter d’avoir la vue ou le goût pour qu’ils soient meilleurs. » ajouta-t-elle en lâchant un rire.

Même si le concept de ce repas était plutôt troublant aux premiers abords, Lizzie s’en accommodait bien. Ça la sortait de sa zone de confort et ça, la petite blonde, elle appréciait bien. Loin des rencontres habituelles qu’elle pouvait faire, ça lui permettait de se concentrer réellement sur la personne en face d’elle. Une certaine Sam. Avait-elle donné son vrai prénom ou avait-elle décidé de faire comme elle et de le changer partiellement, voire totalement, comme elle ? Cette part de mystère ajoutait du piquant à cette soirée. “Enchantée également Sam !”  Dit-elle, toujours plus souriante. Un détail invisible pour la personne en face d’elle, certes, mais qu’elle espérait retranscrire dans sa voix. En-tout-cas, elle partait du principe qu’un sourire s’entend toujours. La joie et la chaleur d’une personne ne se limitent pas au visuel normalement. Tout comme l’appréciation, de la nourriture et c’est là-dessus que sa partenaire de soirée la lança. “C’est peut-être ce qui fait qu’on va apprécier encore plus les goûts justement. Sans artifices, autour, on doit avoir accès à un nouveau monde gustatif.” Dit-elle, réfléchissant à sa façon de consommer ses aliments d’habitude. Une fois qu’on n'est pas influencée par le visuel, peut-être qu’on en arrive à aimer des choses inattendues. Elle n’est pas bien compliquée, Lizzie, mais ça lui aurait peut-être permis d’apprécier certaines choses lors de ses voyages. L’Anglaise joignait ensuite son rire à celui de la femme en face d’elle après sa dernière remarque. “Je dirais bien que c’est une expérience à retenter à la maison, mais sans guide, pas sûr que ce soit une si bonne idée.” Ajouta-t-elle en riant toujours un peu. Elle en venait à se dire qu’elle pourrait toujours imposer ça à ses colocs un jour, pour la blague. “J’ai lu que certains restaurants étaient spécialisés dans ce genre de concept. Ça me fascine un peu de pouvoir tester ça, pour vérifier les dires de ces articles.” Son enthousiasme devait s’entendre dans sa voix. Elle qui lisait constamment des articles sur les expériences à réaliser dans chaque endroit qu’elle visite. “J’aurais bien eu besoin d’être dans le noir la première fois que j’ai mangé des insectes en Colombie”  Ajouta-t-elle en riant de plus belle. Elle mettait un point d’honneur à goûter les spécialités régionales, pour le meilleur ou pour le pire.

Toutes les deux étaient enthousiaste à l’idée de ce repas dans le noir, que ce soit pour se connaître un peu plus, mais aussi pour tester l’expérience d’un repas dans le noir. Pour Selma, à tout cela s’ajoute la perspective de son article sur cette soirée de la Saint-Valentin un peu particulière. Elle se demande si elle parlera de son projet à son rendez-vous du soir, à la fin de la soirée, ou bien si elle le gardera secret et qu’Elizabeth ne découvre finalement son expérience retranscrite dans un article, si toutefois elle en venait à le lire. Pour l’heure, ce qui intéressait tout particulièrement la journaliste, ce fut le repas et l’idée de goûter les aliments dans le noir. « Ça pourra pas se cacher derrière un beau visuel, c’est certain ! Je me demande si c’est un peu comme en avion et qu’il faut adapter le goût en conséquence de l’expérience. Puisqu’on les sentira plus, peut-être qu’il vaut mieux éviter des goûts trop prononcés » se questionne-t-elle en se souvenant que les plateaux repas des avions sont assaisonnés différemment en raison de l’altitude qui change le goût. Elle qui voyage beaucoup et a régulièrement l’occasion de goûter à des repas d’avion pas forcément très goûtu, elle en sait quelque chose. « Oui je préfère éviter de devoir tâtonner sur la cuisinière pour retrouver la casserole. » répond-elle en riant. Si l’expérience chez soi pourrait être intéressante, il faudrait effectivement au moins une personne avec des lunettes vision nocturne pour faire le service, sinon le risque de finir à l’hôpital est élevé. « Dans certaines grandes villes les restaurants, et pas que, cherchent souvent les concepts innovants pour sortir du lot…quitte des fois à en faire un peu trop. » Pour avoir testé plusieurs de ces restaurants et autres lieux atypiques, elle peut confirmer, étant parfois elle-même l’autrice d’articles comme ceux que la jeune femme évoque. Peut-être a-t-elle même déjà lu certains qu’elle a pu rédiger. Lorsque celle-ci évoque sa dégustation d’insectes en Colombie, l’enthousiasme de Selma redouble, une autre voyageuse, un peu aventurière comme elle ? Si elles peuvent parler voyages, la soirée passera en un éclair. « Ne plus avoir la vue fait davantage se concentrer sur la texture, je ne sais pas si c’est vraiment mieux en ce qui concerne les insectes. Par exemple, pour les yeux de poisson que j’ai mangé une fois, pas deux, en Malaisie, le visuel est pas très appétissant mais la texture encore moins alors j’aurais bien échangé le toucher contre la vue ! »

En perdant la vue, Lizzie redoutait un peu la fluidité de la conversation. L’Anglaise, elle avait toujours fonctionné dans l’observation. Elle se sentait plus à l’aise au détour de sourire ou de langage corporel. Heureusement, sa partenaire de soirée semblait plutôt à l’aise dans l’exercice, n’étant pas avare en mots. “Il faudrait leur demander leurs petits secrets à la fin. Je suis curieuse maintenant.” Annonça-t-elle en riant légèrement. Une pointe d’excitation devait s’entendre dans sa voix. La perception des aliments et le contexte dans lequel ils étaient dégustés devait sûrement faire l’objet d’un article quelque part. Pour le coup, elle aurait voulu avoir son téléphone pour partir à la recherche d’une étude quelconque. Peut-être qu’en refaisant l’expérience à la maison, elle aurait aussi des réponses. Mais comme disait Sam, l’expérience pouvait s’avérer compliquée pour cuisiner. Elle se joignait donc à son rire avant de parler de restaurants spécialisés dans ce genre de repas. “Tu as des exemples en tête ?” Demanda-t-elle, curieuse de savoir si sa partenaire de soirée avait pu lire ou expérimenter ce genre de restaurants insolites. “C’est parfois trop, mais l’expérience finit souvent par faire une bonne anecdote.” Ajouta-t-elle avec un grand sourire avant d'enchaîner sur son expérience en Colombie. Ça la rendait rêveuse de repenser à son périple en Amérique latine. L’envie de voyage se faisait vite sentir chez la jeune Baker, jamais trop rassasier de nouvelles expériences. Le sourire de la blonde s’étira un peu plus quand Sam évoqua ses propres expériences culinaires, signe qu’elle avait une autre voyageuse en face d’elle. “Les insectes grillés, ce n'est pas si terrible en fin de compte. C’est un peu comme des cacahuètes.” Dit-elle en riant. “Par contre, je veux bien te croire pour les yeux de poissons. C’était bon tout de même ?” Assez téméraire, Lizzie ne serait jamais contre goûter ce genre de chose. Ça fait partie du jeu aussi. D’ailleurs, sur ces mots, on leur apportait leurs repas. Silencieuse pendant quelques secondes, la petite blonde attendit patiemment d’être servie avant de lever son verre. “Ça ne se voit pas, mais j’ai levé mon verre pour trinquer.” Annonça-t-elle avant de boire une gorgée. Elle cherchait à tâtons ses couverts, manquant de faire tomber son verre au passage. “Bon appétit alors.” Elle essayait de se concentrer sur l’odeur du plat, mais son esprit divaguait assez vite. “Tu voyages beaucoup du coup ?” Demanda-t-elle en mettant son premier coup de fourchette.

Elles se montraient toutes les deux curieuses sur la manière de faire un repas dans le noir. Selma faisait ressortir son côté journaliste et Elizabeth, peut-être aussi après tout ? Même si elle n’a pas l’impression de reconnaître la voix d’une collègue, peut-être qu’elles se connaissent. Ou alors la jeune femme en face d’elle fait juste preuve de curiosité sans que cela n’ait rien à voir avec son métier. « Oui moi aussi. » approuve-t-elle et ça rajouterait aussi un peu de matière à son article, les petits secrets des plats dans le noir. Seront-ils prêts à révéler leurs secrets ? Pas sûr, mais l’investigation ça a fait un peu parti de ses spécialités à un moment, alors elle sait comment tirer les secrets pour qu’on lui avoue, même si ça ne fonctionne pas toujours. « J’ai déjà vu des cafés couture, ou des cafés tricot, des restaurants aquariums, ou dans le vide. » répond-elle sans pour autant donner trop d’exemples, sinon quelqu’un qui lit un peu le journal de Bowen pourrait faire le rapprochement avec elle ou du moins avec le journalisme. Elle ne les a pas tous testés, mais elle en a au moins entendus parler, tous n’étant pas dans un rayon suffisamment proche de Bowen pour qu’il soit intéressant de faire un article dessus. Mais sa comparse a raison, si des fois l’expérience et le concept peuvent paraître too much et décevant une fois devant, ça fait au moins des anecdotes à raconter. « Tout à fait ! » approuve-t-elle avant qu’elles n’évoquent justement toutes les deux une anecdote de voyage, les insectes pour l’une, les yeux de poisson pour l’autre. « S’il y a des épices avec, ça se mange très bien. » approuve-t-elle en parlant des insectes, repensant à ceux qu’elle a pu manger. Si elle est plutôt aventurière, elle n’a tout de même jamais tenté de manger des insectes crus encore vivants comme certains peuvent faire dans certaines émissions, ça, elle passerait sûrement son tour. « Ça n’a pas vraiment de goût, c’était plutôt décevant. Après peut-être que bien cuisiné ça peut être bon. » Elle ne garde pas un souvenir très positif de cette expérience des yeux de poisson, elle aura essayé au moins. Leurs verres et leur repas arrivent, du moins c’est ce qu’elle suppose au vu des bruits autour d’elles. Sans le voir, elle lève à son tour son verre, elles n’essaient pas de trinquer, sans rien voir ça semble un peu périlleux. « Moi aussi, on trinque de loin. » répond-elle dans un rire avant de revenir à son assiette, qu’elle ne voit pas. Tandis qu’elle goûte une première boucher, Elizabeth lui demande si elle voyage beaucoup. « Oui, ça m’arrive assez régulièrement. J’aime beaucoup la randonnée et ce n’est pas ça qui manque dans le monde ! Et toi, tu as vu autre chose que la Colombie ? » questionne-t-elle à son tour.

Échanger sur les expériences en restaurant ou autre, ça plaisait bien à Lizzie. La petite blonde, toujours ravie d’en apprendre plus sur le monde, les cultures, des endroits insolites, était aux anges. Aussi drôles peuvent être les expériences que listait Sam, elles n’avaient sûrement pas autant d’impact que celle qu’elles étaient sur le point de tester. “Je me sentirais un peu coupable de manger du poisson dans un restaurant aquarium, je crois.” Dit Lizzie en riant légèrement. Elle n’avait pas eu la chance d’essayer ce genre de concept, préférant grandement les plus petits restaurants. Les bouis-bouis authentiques qui lui permettent de rencontrer des locaux, loin des foules touristiques, voilà ce qui lui plaisait à la jeune Anglaise. C’est aussi comme ça qu’elle s’était retrouvée à manger des insectes. Elle supposait donc dans sa tête que sa partenaire de la soirée avait eu ce genre d’expérience elle aussi en Malaisie. C'était bien cuisiné pour Lizzie, elle n’avait pas eu de soucis de son côté. Elle ne pouvait pas en dire autant pour sa comparse. “Ça reste des yeux de poissons.” Ajouta-t-elle en riant. Elle doutait qu’une bonne cuisine change quoi que ce soit à l’expérience. Sans goût précis et avec une texture incertaine, les possibilités culinaires seraient limitées. Assez vite, elles se retrouvaient à trinquer de loin. La barmaid qu’elle était tentait de reconnaître les goûts dans son verre, assez frustré de ne pas pouvoir vérifier la véracité de ses suppositions. Elle ne perdait pas trop de temps là-dessus, préférant parler voyage avec Sam. Alors qu’elle apportait une première bouchée à sa bouche, le visage de la petite blonde s’illuminait en entendant le mot randonnée. “Oh ! Je pourrais avoir mille questions là-dessus. Je vais me contenir et simplement te demander quelle a été ta randonnée préférée”  Dit-elle en galérant pour contenir son excitation quant à cette discussion. De base enjouée pour tout, l’excitation montait toujours d’un cran lorsqu’on lui parlait de voyage.“En fait, j’ai passé deux ans en Amérique latine, je suis partie de l’Argentine et j’ai pas mal baroudé dans les autres pays par la suite.” Annonça-t-elle avec un grand sourire sur le visage. Impossible de cacher sa joie en repensant à cette époque de sa vie. “J’ai du mal avec les petits voyages, j’aime partir plusieurs mois en général.” Précisa-t-elle finalement.

Les expériences insolites, Selma en a vécu un certain nombre rien que par rapport à la nourriture. Que ce soit dans le cadre de son travail pour proposer aux boweniens des activités à faire dans les villes alentour ou lors de ses voyages, lors de la découverte de la cuisine locale. Grande adepte de la randonnée, elle mange surtout des plats lyophilisés durant ses escapades, mais lors de certaines étapes ou au départ et à l'arrivée, elle a l'occasion de découvrir la cuisine locale. « Oui, surtout qu'ils pêchent les poissons qu'ils servent directement dans l'aquarium. Au moins ça permet de savoir ce qu'on mange. » relativise-t-elle. Ça peut paraître cruel mais pour Selma ça évite de tenter de mettre sous le tapis les cas de conscience que l'on peut avoir à manger des produits d'origine animale. Elle n'est pas végétarienne mais n'est pas pour autant aveugle aux problèmes liés à l'élevage, privilégiant des aliments de qualité dont elle connaît les méthodes d'élevage. Le poisson a une place importante aussi, surtout dans une ville comme Bowen, bordée par l'océan. Mais c'est en Malaisie qu'elle a goûté la chose la plus étrange, des yeux de poisson. « Oui et c'est servi assez brut comme plat donc ça n'aide pas. » Mais servi avec de la sauce ou un autre accompagnement, elle n'est pas sûre que ça change quoi que ce soit. La discussion continue sur les voyages et la journaliste évoque brièvement son amour pour la randonnée tout en dégustant leur apéritif. La voix de son interlocutrice semble se remplir d'excitation à ce mot. Une autre férue de randonnée ? De quoi pouvoir discuter pendant des heures sans mal si c'est le cas. Mais elle doit également redoubler d'attention puisque la jeune femme peut avoir entendue parler d'elle ou ses livres et son anonymat tomberait à l'eau. « C'est pas une question simple, il y en a beaucoup mais le Te Araroa en Nouvelle-Zélande a été mon premier très long trek alors c’est forcément un souvenir un peu particulier. » Elle avait dû abandonner son périple en Amérique du Sud quelques temps plus tôt, suite à une blessure et après quelques plus courtes randonnées elle s’était finalement lancée dans ce périple de 3000 km sur plusieurs mois. León était venu la voir à plusieurs reprises durant le trajet, faisant quelques bouts d’étapes en sa compagnie. C’est d’ailleurs sur ce trek qu’elle a rédigé sa première ébauche de livre, jamais publié mais qui donnera l’élan pour les suivants. Elizabeth explique avoir quant à elle passé deux années à sillonner l’Amérique latine et avoir pas mal voyagé ailleurs ensuite, n’étant pas adepte des voyages de courte durée. « Je comprends, je suis pareille. Je ne peux pas forcément partir trop longtemps maintenant mais les longues randonnées sont celles que je préfère. Et il y a tellement de choses à voir ! Toi c’est quoi que tu as préféré dans tes voyages ? » Voilà que c’est à son tour de s’enthousiasmer, quand il s’agit de sa passion on ne l’arrête plus.