Where is my mind | Pénélope & Tyler

Fuite. Panne. Re-fuite. Retard de livraison. Rien ne s’était passé comme prévu aujourd’hui à la ferme. J’étais en retard, comme d’habitude, mes amis en avaient l’habitude. Ça aurait pu être un jour classique. Sauf qu’il avait fallu que je perde le contrôle avec Pénélope en fin d’après-midi. Par SMS en plus, mais qu’est-ce qu’il m’avait pris ? Nous avions pris rendez-vous chez elle et en quelque sorte, qu’elle me révèle son adresse avait été une libération. Je m’étais déjà rendu chez Marcus pour une livraison et ce n'était pas la même. Mais encore plus de questions s’étaient bousculées. Pourquoi n’habitaient-ils plus ensemble ? Quand avait-elle pris cet appartement ? Que me dissimulait-elle encore ? Mes mains se crispaient sur le volant alors que je garais mon pickup devant le #99 de South Street. Est-ce que j’aurais voulu revenir en arrière ? Probablement. Quelques jours plus tôt, cette soirée banale au Elm Street avait viré au cauchemar. Rencontrer Pénélope devant le bar m’avait probablement trop réjoui, comme à chaque fois que nous nous rencontrions. Elle n’avait pas voulu entrer, j’avais gardé les effluves de son parfum pour moi tout seul et au fond ça m’allait bien. Mais… il y avait eu les paroles de Manwë alors que j’avais rejoins à nouveau le comptoir. « Tiens, tu connais Pénélope, la femme de Marcus ? Comment ça se fait qu’elle n’est pas entrée ? » Il nous avait vus dehors et sa question était beaucoup trop pertinente, son sourire en coin beaucoup trop satisfait, pour que ce connard ait posé la question au hasard. J’avais simplement haussé les épaules et je m’étais tiré. Je n’étais pas du genre à raconter des bobards, alors la fuite était la meilleure des solutions dans ce genre de cas. Comment j’avais pu m’enfoncer une fois de plus dans cette histoire sordide ? Comme si ça ne suffisait pas d’avoir eu une aventure avec une femme mariée, il avait fallu que je fasse, de son mari, un ami. En face de moi, l’immeuble de la jolie blonde qui hantait mes pensées depuis des années, ma rage n’était pas totalement dissipée. La porte d’entrée s’ouvrît juste devant moi, pas besoin de sonner à l’interphone, les trois étages à pied furent vite avalés. J’avais envie d’en découdre, ne plus fuir et avoir enfin une vraie discussion avec Pénélope. Et en même temps… lutter contre mon excitation de la voir était difficile, j’avais beau être en colère et dépassé par l’information qu’elle m’avait caché, passer la soirée à son appartement était un moment que j’attendais depuis longtemps. Il y a dix ans, nos moments n’avaient été que volés, idéalisés et hors du temps. Aujourd’hui je pourrais enfin voir la vraie Penny, chez elle, dans son univers. Une tarte aux pommes dans les mains, j’étais là tendu comme un arc dans son couloir, je ne pouvais plus reculer. Une grande respiration, trois coups sur la porte d’entrée qui portait le nom de « Russel », la tragédie pouvait commencer.

Cet après-midi, Penelope aurait préféré pouvoir se trouver chez elle et digérer ce court mais trop intense échange de textos avec Tyler. Seulement, elle était en plein rendez-vous professionnel lorsqu'il lui a répondu, une heure après le premier qu'elle a osé envoyer. Sa cliente était heureusement occupée à grimper sur un amoncellement de rochers, ce qui a laissé un peu de temps à Penelope pour échanger avec son ancien amant. Elle s'est trouvée tellement moins concentrée sur son travail par la suite qu'elle a eu envie d'écourter la séance photo. Si elle avait travaillé avec un modèle professionnel, c'est ce qu'elle aurait fait... mais elle ne pouvait pas se le permettre pour une prestation. Penny a pris sur elle, les pensées quelque part ailleurs dans la forêt.
Quelques courses plus tard, le coeur toujours lourd, la blonde est rentrée chez elle. Tant pis pour le ménage, tant pis pour les préparatifs en cuisine, il lui a fallu filer sous la douche pour retirer la terre ramenée sur sa peau. Tyler l'a déjà vu dans des états pires que celui-là lors de leurs sorties, mais ils n'entretenaient pas la même relation... Dans l'intimité, Penny s'en moquait d'être peinte par la nature. Ce soir, elle doit garder la tête haute, et cela passe par une tenue adéquate. Pas quelque chose de sexy, comme elle avait prévu de porter pour leur dîner à venir... Si Tyler n'avait pas appris que l'un de ses amis était en réalité le mari de celle avec qui il a eu une aventure, peut-être Penelope aurait-elle pu se la jouer provocante ce soir.
Les ingrédients pour les lasagnes de légumes sont restées sur la table. Penny a demandé conseil à sa cliente un peu plus tôt, qu'elle a déjà vu deux fois et qu'elle sait passionnée de cuisine. De son côté, la blonde a du mal à se mettre derrière les fourneaux, aussi en a-t-elle profité pour se rencarder sur une recette facile à suivre et à réaliser. Les papiers du divorce sont encore sur la table basse du salon, une trace de verre de vin rouge sur leur en-tête. Penelope n'y a plus touché depuis qu'elle les a reçus car, malgré elle, elle se sent toujours liée à Marcus. Le temps de se faire à l'idée, certainement. Et à sa liberté nouvellement retrouvée.
Lorsque les coups à sa porte retentissent, elle pose l'allumette consumée grâce à laquelle sa plus grosse bougie parfumée éclaire désormais le salon, dans la pénombre du soir tombant. Seules les guirlandes lumineuses sont branchées, Penny détestant les lumières trop vives en dehors de celle du soleil. Un comble, pour une photographe. Lèvres pincées, elle se prépare à ouvrir à Tyler. Elle parvient tout de même à afficher un léger sourire lorsqu'elle déverrouille la porte devant son ancien amant. "Viens, entre." La blonde s'écarte, yeux sur Tyler. Son air est renfrogné, Penelope ne s'attendait pas à moins de sa part. "Bienvenue chez moi..." murmure-t-elle, relativement gênée par l'ambiance qui règne entre eux.

Pénélope se matérialisait devant moi. Une tenue simple, ses cheveux relevés en chignon flou qui me laissaient détailler sa nuque. Elle n’avait pas besoin d’en faire beaucoup pour être magnifique et c’était, parmi tant d’autres choses, ce qui la rendait si spéciale. Une chemise en flanelle et un jean. Je m’étais aussi habillé rapidement. Sans vraiment y réfléchir. Nous devions nous parler, pas autre chose.
— J’ai.. fait ça pour le dessert. Disais-je en lui tendant le plat à tarte. Enfin hier. Cet après-midi, je n’aurais pas vraiment été en état de te préparer un bon petit plat.
Oui, mes paroles étaient dures. A peine entré. Et mon humeur difficile à cacher. Une grimace devait probablement tordre mon visage. Chaque regard que je posais furtivement sur elle, alors qu’elle m’entraînait à l’intérieur de son appartement, était noir, frustré, interrogateur. La voir ne faisait qu’amplifier le bourdonnement des questions qui fusaient dans mon esprit ces derniers jours. En réalité, je me débattais encore entre la colère et l’envie de passer au-dessus de tout ça. Penny n’était pas une mauvaise personne. Elle n’avait pas cherché à me blesser intentionnellement. Pourtant, j’agissais comme si c’était le cas. Trop écorché. Trop aveuglé par ces sentiments du passé qui ne cessaient de me hanter. J’étais un parfait connard en ce moment avec les femmes, à ne jamais m’engager, et elle était la seule à pouvoir me toucher comme ça. Mes yeux se mirent à balayer les lieux, comme pour balayer mes pensées. J’observais la grande pièce à vivre ouverte sur la cuisine. C’était cosy, simple, des appareils photo égarés ici ou là et une lumière feutrée qui donnait envie de se relaxer. Tout me parut familier dans cet univers, comme si j’étais déjà venu. Des légumes et des ingrédients étaient déjà posés sur le plan de travail et cela me rappela notre dernière soirée passée ensemble. Elle avait dû également travailler tard. Sur quelles créations était-elle en ce moment ? Qu’avait-elle fait aujourd’hui ? Des questions plus banales qui m’aidèrent à me détendre.
— Tu veux qu’on prépare le dîner ensemble ? Qu’est-ce que tu as prévu ? La questionnais-je pour tenter de dissiper la gêne entre nous.
J’avais besoin de m’occuper les mains. Vite. Les légumes en main, j’ouvrais l’eau pour les rincer et… peut-être que j’avais eu la main lourde. L’eau ricocha sur une cuillère restée dans l’évier, ce qui m’aspergea au visage et ma chemise quasiment entièrement. Le karma me disait probablement de me rafraîchir les idées. C’était chose faite.
— Putain merde, désolé ta cuisine est trempée, ça commence bien. Décidément c’est pas ma journée aujourd’hui avec les fuites d’eau, tu as une serviette ? Soupirais-je un peu dépité en la regardant d’un air penaud.
Me déshabiller devant Pénélope n’était pas vraiment dans mes plans immédiats. Espérons que ça sècherait rapidement. En vérité, dans d’autres circonstances la situation aurait été plutôt comique.

Lorsque Tyler lui tend le plat à tarte, Penelope le ressent comme un parpaing en pleine poire. La sensation est exactement la même. "Ca a l'air délicieux..." répond-elle dans un souffle en refermant la porte derrière le fermier. Son parfum flotte derrière lui, et Penny se surprend à rêver pendant une seconde. Elle l'observe avancer dans son appartement, sans trop savoir quoi faire de sa peau. Lui faire visiter ? Lui montrer directement les papiers du divorce ? Tyler répond à la place de la maîtresse de maison en pointant du doigt les ingrédients sur la table de la cuisine. "Euh... Des lasagnes aux légumes..." répond la blonde, posant la tarte sur le comptoir près du four. "Si tu veux m'aider ce n'est pas de refus, tu connais mon talent pour la cuisine." Elle esquisse un sourire, cherchant le regard de Tyler qui ne lui répond pas. Briser la glace sera visiblement plus difficile que prévu... A la place, le fermier entreprend de laver les légumes et s'asperge d'eau au passage. Si la situation avait été toute autre, Penny aurait ri de bon coeur et l'aurait déshabillé pour le sécher. Elle étouffe donc un petit sourire et se précipite vers la petite pièce qui lui sert de buanderie pour attraper de quoi essuyer par terre, ainsi qu'une petite serviette pour Tyler. "Tu as eu un souci de fuite aujourd'hui ? Je veux dire, avant de vouloir jouer à la chemise mouillée..." fait la blonde en tendant timidement la serviette à son ancien amant. Elle s'agenouille ensuite pour essuyer ce qui a mouillé le sol et fait un rapide aller-retour sur son petit balcon pour mettre la serpillère à sécher pendant que Tyler lui raconte ses mésaventures de la journée. Peut-être que d'avoir appris que Marcus n'est autre que le désormais ex-mari de Penelope n'est pas la seule cause de son énervement... Penny espère sincèrement que Tyler pourra se radoucir lorsqu'il saura que Marcus et elle sont divorcés aujourd'hui, et qu'il lui pardonnera d'avoir omis cette information qu'elle ne jugeait pas pertinente. Après tout, Penelope ne pouvait absolument pas savoir que Tyler connaissait aussi bien Marcus. A l'époque, en tout cas, ce n'était pas le cas...

La photographe avait décrypté mon humeur en quelques secondes, mieux que je ne l’avais fait moi-même. En effet, la journée avait été éprouvante, plus que d’habitude, et elle n’en était pas la seule cause. Je le réalisais enfin.
— Ouais… la pompe de mon puits encore. C’est la deuxième fois en quelques mois, je vais devoir la remplacer.
La vision de Pénélope à genoux à mes pieds finit probablement de me calmer. Ma gorge émit un son de grattement pour tenter d’éloigner les images indécentes qui affluaient dans mon esprit tout à coup. Bordel pourquoi maintenant ? C’était comme si toute la colère s'évaporait comme par magie, pour laisser place à une toute autre tension. J’étais là, comme un con, et ma seule échappatoire fut de m’excuser.
— Pardon pour cette humeur massacrante. Cet après-midi midi c’était… un peu la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Littéralement.
J'essuyais comme je pouvais mon visage avec la serviette qu’elle m’avait fournie. Ma chemise, elle, était irrécupérable même si je tentais de l'éponger au mieux avec le tissu qui collait à la peau.
— Tu n’as absolument pas à te justifier tu sais… tu n’avais pas à me présenter ton mari. Mais… J’ai été surtout vexé parce que j’aurais aimé que tu me le dises devant le Elm quand on s’est rencontrés. On était devant son bar… Quand je prononçais l'énoncé de ma colère à haute voix, finalement cela me semblait plus absurde qu’autre chose. Mais tu venais de voir ton père c’est normal… Enfin bref, c’est beaucoup trop de questionnements, de « et si… », « on aurait dû », je sais, je vais me détendre. Ça sera beaucoup mieux.
Mon débit de parole était incontrôlable dans ce genre de situation. Mais plus les questionnements sortaient de vive voix, plus je me rendais compte que je n’avais aucune raison valable d’être si tendu. Pénélope n’avait rien fait d’autre que de gérer elle aussi notre passé à sa manière. Un long soupir s’échappa de mes lèvres et alors qu'elle se relevait après avoir épongé le sol, mes bras se refermèrent autour d’elle machinalement. Comme pour agiter un drapeau blanc. Je ne devrais probablement pas craquer aussi facilement, mais c’était trop épuisant de ne pas être en paix avec elle. J’avais attendu des années qu’elle revienne à Bowen, ce n’était pas pour la lâcher au premier obstacle.
— Du coup, je partage, tu vas être mouillée aussi. Dis-je contre son oreille d'un ton beaucoup plus rieur qu’il y a quelques minutes. Et toi ta journée ?
Mes bras la lâchèrent à regret pour reprendre le cours de la préparation du repas, une fois les légumes lavés, je trouvais dans le premier tiroir un couteau et une planche pour les découper. Je faisais un peu comme chez moi en espérant qu’elle soit à l’aise avec ça.

"Merde, elle est pas sous garantie ou quelque chose comme ça ?" s'enquiert timidement Penelope. Elle marche carrément sur des oeufs avec Tyler, pour ne pas en rajouter à son énervement. Heureusement pour la blonde, le fermier s'excuse dans la foulée. Dans un sourire timide, Penny secoue la tête. "C'est rien, t'inquiète." Elle aussi, aurait pu être énervée, si Tyler avait eu une femme et qu'elles étaient devenues amies, tout en ignorant l'une et l'autre qui elles sont en réalité. "Ouais, j'y ai pas vraiment pensé sur le moment... Je pouvais absolument pas deviner que tu le connaissais, en dehors du fait qu'il dirige l'établissement et qu'il participe à la détérioration de tous les foies de Bowen..." évoque Penny, en souriant, face contre son carrelage. Lorsqu'elle se relève, ce sont les bras de Tyler qui l'accueillent, ce qui ne manque pas de la faire légèrement rougir. Son buste est désormais humide, Tyler ayant fait partager sa peine. Penelope se laisse aller à donner un coup dans l'épaule du fermier avec la serviette qu'elle lui a prêtée, un petit rire s'échappant de ses lèvres. "Tu peux le dire carrément si mon corps t'a manqué ! Pas la peine de faire semblant de tremper mes vêtements pour voir à travers..." répond la blonde, sur le même ton provocant. Elle retourne ensuite vers le balcon pour étendre la serviette mouillée, tout en répondant : "J'ai travaillé. J'étais avec une cliente relativement fidèle cet après-midi, on est allées près des falaises, ça m'a fait du bien. Les paysages de Bowen m'avaient vraiment manqués." A nouveau, un sourire vient illuminer son visage encore un peu fermé. Il va en falloir à Penny pour que la culpabilité la quitte définitivement. Entre Marcus et Tyler, elle ne sait pas à qui elle a fait le plus de mal... - Peut-être était-ce à l'embryon, mais lui ne pourra jamais en témoigner. -
Voyant que Tyler prend ses aises dans son appartement, Penny se permet de s'occuper de l'apéritif. "Tu veux boire quelque chose ?" demande-t-elle au fermier tout en ouvrant la porte du réfrigérateur. "J'ai du vin rouge et des sodas mais ils ne sont pas frais. Sinon j'ai quelques bières, et du vin blanc entamé."

— Non, elle était déjà là quand j’ai acheté le domaine. Le matériel agricole est parfois capricieux, c’est mon quotidien. Disais-je en me radoucissant.
Au fond, je ralais souvent, j’avais l’impression que le ciel me tombait sur la tête au moindre pépin, mais je n’aurais échangé mon métier pour rien au monde. Travailler au grand air, être mon propre patron, j’étais fait pour ça et je savais que Pénélope partageait ça aussi. Par contre… Elle jouait avec le feu à me provoquer ainsi. La colère s’était dissipée, mais elle restait malgré tout enfouie en moi comme une bête féroce, prête à mordre à la moindre attaque. Évidemment que son corps me manquait. Que tout en elle me manquait. Mais il était hors de question de lui avouer réellement. Même si la vue de sa poitrine me mettait en ébullition, le tissus fin collait à sa peau et jouait en transparence pour faire danser tous mes sens. Rien ne valait une pirouette d’humour pour se sortir d’une situation périlleuse.
— J’avoue tout, c’était calculé d’avance, disais-je d’un ton faussement machiavélique.
Mes bras la lâchèrent en riant à l'unisson avec elle. C’était bon de rire à nouveau ensemble et de regagner cette complicité. Alors qu’elle sortait étendre les serviettes pour en finir avec cette mésaventure, je continuais la préparation en faisant rissoler les légumes dans une poêle. Il ne resterait plus qu’à alterner les couches de pâtes, de fromage et de sauce aux légumes dans une quinzaine de minutes. On pouvait réaliser la recette sans précuire les légumes, mais c’était moins bon et puis comme ça nous pouvions prendre le temps de discuter.
—  Je suis content de voir que les paysages de Bowen t’inspirent toujours autant… c’est des portraits ou des paysages ? Tu me montreras les développements ?
Sa passion pour la photographie me laissait admiratif, moi qui n’aurait jamais osé faire de mon art un métier. Ça n'avait pas dû être évident pour elle de se refaire une clientèle. Elle me proposait un verre et j’avais hâte d'en savoir plus encore en discutant.
— De la bière, ça ira très bien s’il te plait.
Une seule suffirait, je n’étais pas là pour me retourner la tête. Quoi que… Pénélope était très douée pour ça sans le moindre verre. En attendant que les légumes mijotaient, j’allais m’asseoir dans le canapé pour patienter. Des papiers avaient été laissés sur la table basse et je les débarrassais pour poser nos verres. Je n’avais pas l’intention de lire mais le simple mot divorce en en-tête attira mon attention. Les yeux rivés sur les feuilles, Pénélope Russell - Marcus O’Brian, je ne rêvais pas. La photographe interrompit mon voyeurisme en me tendant ma bière. Aucun son ne sortait de ma bouche, seuls mes yeux interrogateurs faisaient des va-et-vient entre les feuilles et le regard de Pénélope. Mon cœur battait à tout rompre. Je n’arrivais pas à y croire.

"Mh, je vois exactement de quoi tu veux parler," renchérit Penelope, pour conclure à propos de la fuite. Elle aurait bien proposé son aide à Tyler, si seulement elle y connaissait quelque chose. Sortie de son appareil photo, Penny n'est pas capable de grand chose en termes de réparations ; et encore, elle tâtonne carrément lorsqu'elle doit s'occuper de ses propres affaires.
Une étreinte humide plus tard, la blonde retrouve un peu de sa verve d'autrefois, ainsi que le ton provocateur qu'elle a toujours aimé à utiliser avec son fermier. Pour l'instant, ce n'est plus l'heure de parler de Marcus. Cet épisode est derrière elle, désormais, et Penelope souhaite plus que tout avancer. Elle laisse Tyler en toute autonomie sur les légumes, et décide de s'occuper de l'apéritif. "Une bière, alors." Léger hochement de tête de sa part alors qu'elle s'empare de deux bouteilles dans le réfrigérateur. "Des portraits... tout en paysages !" répond-elle à propos de son travail de l'après-midi. "Je pourrai te montrer, oui. Mais pas un mot à ma cliente !" prévient la blonde en sortant son décapsuleur. Lorsque ça concerne sa propre image, Penelope n'est en rien pudique, mais pour ses clientes, elle veille toujours à avoir leur approbation quant à la diffusion de leurs clichés à des fins promotionnelles. Pour Tyler, elle ne montrera que le strict minimum -et entrevoit déjà quelles images elle pourra dévoiler dans ce cadre privé-. Elle sait qu'il préférera voir davantage de nature.
Le temps que Penny sorte les bières du réfrigérateur et qu'elle en retire les capsules, Tyler est allé s'installer sur le canapé. Relativement contente qu'il fasse comme chez lui, c'est avec un léger sourire sur les lèvres qu'elle le rejoint, deux bouteilles à la condensation déjà bien visible en main. Sourire qui se fane lorsqu'elle croise le regard du brun, qui va des papiers du divorce à la propriétaire de ces derniers. Elle hausse simplement les épaules, tend sa bière à Tyler, et s'installe à côté de lui sur le canapé. "C'est fait. Depuis Janvier." L'information est claire, concise. "La procédure a pris plus ou moins un an. Elle était déjà en cours lorsqu'on s'est revus ici, toi et moi..." se permet tout de même de préciser Penelope.