nostalgie (gustavo)

Quand on vient à peine de débarquer et qu’on vient d’une grande ville, Bowen peut rebuter un peu. Il n’irait jamais dire le contraire Gus. Il a vécu ce sentiment de plein fouet. Son avis avait bien évolué, mais ce souvenir restait bien ancré en lui. Ce sentiment d’enfermement, comme un lion qu’on à placé dans une bien trop petite cage. “C’est brutal, mais tu verras, ça s’arrange au bout de… Deux ou trois ans.” Dit-il en riant. Il espérait pour elle qu’elle mette moins de temps à s’habituer que lui, mais vu comme elle était partie, il doutait un peu là-dessus. Il était donc curieux de ce qui l’amenait sur ces terres. Bowen, ce n’est pas un choix conscient. On ne se réveille pas un matin en voulant soudainement plaquer tout pour cette petite ville australienne. Ce n’est pas assez connu pour ça. Lui, il avait l’excuse de l’hôtel, elle, c’était visiblement des soucis familiaux qui la poussait à être là. “Ok, je vois. C’est si grave qu’il faut venir s'enterrer au fin fond de l'Australie ?” Demanda-t-il sans vraiment prendre de pincette. Il dépassait sûrement une ligne, sachant qu’ils se connaissaient depuis moins d’une heure, mais ce n’est pas vraiment le genre de chose qui l’inquiète, Gus. Il avait envie de savoir et ça passait par poser les questions qu’il veut. “Oui, direct. Si on compte le fait qu’on m’a gentiment rapatrié de Saint Barth avant de m’expédier ici.” Répondit-il en riant. Il était ok avec sa condition maintenant, il n’était pas forcément fier de la façon dont ça avait été géré, mais il avait grandi et il savait maintenant sa valeur. À l’époque, venir à Bowen, c’était une punition pour le responsabiliser, aujourd’hui, c’est le choix d’un homme responsable et travailleur. Un petit sourire se dessina sur son visage au moment de regarder le café. “Et oui, ça ne paye pas de mine, mais leurs pâtisseries sont excellentes.” Expliqua-t-il bien sérieusement, tout en ouvrant la porte pour Sierra. Il se gardait bien de dire comment il avait connu le café, n’ayant pas besoin d’évoquer son ex, pâtissière dans cet établissement. Il suivait plutôt Sierra à l'intérieur, commandant chacun leur tour. Après avoir réglé leurs conso à tous les deux, Gus pointa du doigt une petite table. “On prend place ici ou on marche encore un peu pour aller à la plage ?” Proposa-t-il en souriant. C’était peut-être une déformation professionnelle, mais il prenait presque le rôle de guide, prêt à lui faire découvrir des coins sympas.

C’est brutal, mais tu verras, ça s’arrange au bout de… Deux ou trois ans. Sierra lâcha un petit rire, à l’unisson avec celui de Gustavo. Manifestement, ce garçon était en position de comprendre ce qu’elle vivait mieux que quiconque qu’elle avait rencontré à Bowen jusqu’ici. C’était plutôt agréable. Assez improbable de croiser quelqu’un avec un destin qui semblait similaire au sien par hasard, mais pour une fois le hasard faisait bien les choses. Lorsqu’il l’interrogea sur les raisons de son arrivée à Bowen, Sierra tenta de vite classer le sujet. Soucis familiaux. C’était vague mais pas vraiment faux. La réponse ne sembla pas contenter Gustavo qui renchérît aussitôt. Elle souffla un nouveau rire, dénudé de toute joie. Le garçon ne s’embarrassait pas de courbettes pour poser ses questions. Mais ce n’était pas pour lui déplaire, au fond. « Mes grands parents maternels habitent ici. Mon frère est encore petit, il lui fallait un toit. Et je voulais pas le laisser seul. » Accessoirement, il lui fallait un toit à elle aussi. La ruine du patriarche Miles ayant de ce fait privée Sierra de tout l’argent qu’elle dépensait sans compter, auparavant. Mais ça, elle le garda pour elle. Déviant le sujet sur Gustavo, elle hocha la tête en souriant une nouvelle fois devant sa réponse. Elle n’était pas bien sûre de saisir exactement ce qu’il entendait mais devinait les grandes lignes. Le duo arriva devant le café et Sierra se fit taquine, une nouvelle fois pour le simple plaisir de l’être. Souriant à Gustavo alors qu’il lui tenait la porte, elle entra dans les lieux. « On va vérifier ça alors. » dit-elle. Elle commanda un café et un roulé à la cannelle. Gustavo paya pour eux deux et elle lui sourit à nouveau. « Merci. » lui dit-elle simplement. Il n'était pas obligé et c'était plutôt appréciable qu'il le fasse tout de même. Son café dans une main et un sachet kraft contenant le roulé à la cannelle dans l'autre, Sierra regarda la garçon avec une moue interrogative devant sa question. « Mmh, sur la plage ? C'est le seul truc à Bowen que j'aime bien. » répondit-elle, riant une nouvelle fois. Il ressortirent des lieux et commencèrent à marcher vers la plage. « Du coup, ta famille possède plusieurs hôtels ? » l'interrogea-t-elle, curieuse d'en apprendre plus à ce sujet.

S’adapter à un nouvel environnement de vie, ce n’est pas simple. Il le savait parfaitement, Gustavo, surtout quand le choc culturel est brutal comme ça. Ce qui pouvait bien aider, c’est d’avoir un son de cloche positif et de rencontrer des gens qui aident à la transition. Malgré les soucis familiaux de Sierra, il espérait bien pour elle qu’elle arrive à la même conclusion que lui dans les années à venir. “Les options étaient limitées, je vois.” Déclara-t-il en affichant un sourire compatissant. Loin de lui l’idée de remuer le couteau dans la plaie, il cherchait simplement à comprendre, mais après ça, il préférait laisser la blonde un peu tranquille, gardant ses questions pour plus tard. De toute manière, ils arrivaient assez vite au café, une bonne façon de changer de sujet. C’était l’occasion de lui faire découvrir un endroit et d’en faire un peu la promo. Une promo assez pauvre dans les mots, après tout, les produits parleraient d’eux même. Il la laissait donc prendre sa commande, avant de pouvoir continuer leur discussion. “Va pour la plage alors. Heureusement que t’aime ça, y'a pas mal que ça ici.” Dit-il en riant légèrement. À défaut d’être une grande ville, on ne pouvait pas enlever à Bowen son côté légèrement paradisiaque. La plage, ça finit par être un peu redondant parfois, mais ce n’est pas Gus qui allait se plaindre de la vue mer tous les matins et des joies de prendre son café sur sa terrasse en regardant l’océan. Ils se remettaient doucement en marche vers la plage quand Sierra repris la discussion sur les hôtels. “Oui, mon grand-père a commencé par en acheter un à Cuba et il a étendu petit à petit. Mon père à repris l’affaire et normalement, j’aurais dû le faire aussi.” Prédestiné depuis tout petit à reprendre l’héritage familial, Gustavo n’avait jamais eu la même fibre que les autres hommes de sa famille. Il avait mis du temps avant de comprendre l’attrait pour ce boulot, et même si aujourd’hui le business hôtelier lui convenait bien, l’envie d’en être le patron un jour ne l’attirait pas plus que ça. “On en a partout dans le monde maintenant. Comme tu peux le constater, même dans des bleds paumés comme celui-là.” Ajouta-t-il en riant. La stratégie de déploiement, ce n’était pas son fort à Gus, il n’avait jamais réussi à comprendre pourquoi on passe d’hôtel à Los Angeles, Milan ou Dubaï à Bowen, sachant toutes les destinations possible en Australie.

En effet, le café dans lequel l’emmena Gustavo était tout à fait charmant. Heureusement, il ne faisait pas partie des quelques établissement qui s’étaient risqués à embaucher la jeune femme avant de la remercier plus ou moins amicalement une semaine plus tard. Au moins, pas besoin d’éviter les regards potentiellement assassins de serveuses qu’elle aurait pu froisser, déclarant que ce métier était en dessous de ce qu’elle méritait, elle, Sierra Miles. Oui, sa recherche d’emploi en arrivant à Bowen n’avait pas été de tout repos. En même temps, le problème était sûrement qu’elle ne voulait pas d’emploi à Bowen. Serveuse, c’était loin de la vie qu’elle avait toujours mené. Loin de ses aspirations professionnelles, de son rêve de travailler dans un musée prestigieux. Rêve qu’elle avait touché du bout des doigts avant un retour sur terre plutôt violent, sur un autre continent. À Bowen. Commandant sa boisson et sa pâtisserie, elle promena donc son regard sur les lieux plutôt mignons mais n’hésita pas vraiment lorsque Gustavo demanda si elle voulait rester ici ou marcher plus loin. Oui, s’il y avait bien un endroit qui plaisait à Sierra ici, c’était la plage. Elle s’y rendait souvent, avant son service au Elm Street ou même parfois après, à la nuit tombée pour écouter les vagues et regarder le ciel. Elle rigola à la remarque de Gustavo. "Oui c’est vrai. Un point pour Bowen." Curieuse d’en savoir plus sur les hôtels de sa famille que le garçon avait mentionné, Sierra l’interrogea. Elle hocha la tête, avec une nouvelle moue impressionnée. "C'est pas ce que tu as fait ? Reprendre l'affaire ? Tu diriges l'hôtel de Bowen, c'est ça ?" Elle rigola, encore, devant sa dernière remarque. Il était cool, Gustavo. Sierra était contente de ne pas avoir mis fin prématurément à leur échange, lorsqu'il avait un peu joué au dragueur, au musée. Elle passait un agréable moment et les idées noires qui habitaient ses pensées auparavant s'étaient bien dissipées. Ils commençaient à discerner la plage et l'océan, quelques dizaines de mètres devant eux. Elle prit une gorgée de son café. "En tout cas... Hésite pas si tu veux que je regarde ce qui peut être intéressant niveau histoire ou art dans les alentours. Pour les clients de ton hôtel. Depuis que j'ai fini mon master je baigne plus trop dans tout ça et... Je crois que ça me manque." dit-elle avec un petit sourire triste. Elle en était sure, même. C'était pour cela qu'elle ne s'était pas rendue au musée avant aujourd'hui, alors même qu'elle était à Bowen depuis plusieurs mois. Elle savait que ça remuerait un peu le couteau dans la plaie, alors qu'elle essayait de songer le moins possible à cette carrière professionnelle envolée. "Enfin... Je suis pas guide touristique mais bon..." ajouta-t-elle.

Habiter dans un coin comme Bowen et ne pas aimer l'océan et la plage, ça pouvait compliquer les choses. C’était bien une des seules plus valu à vivre dans ce genre d’endroit : la proximité avec la mer et le calme. Gus, il en avait vu des hôtels. Des grands comme des plus petits, toujours bien luxueux. Le cadre de Bowen ne l’avait pas ravi au début, mais il devait bien avouer que le calme, c’est aussi ça que venait chercher ses clients. “Je dirige l’hôtel de Bowen, oui, mais seulement celui-là.” Précisa-t-il en souriant. Ce n’était pas le plus prestigieux, mais c’était déjà pas mal. Il n’avait pas besoin de toutes les responsabilités que représentait le boulot de son père. “Je gère aussi la communication de la marque à côté, mais tout ce qui est développement ce n'est pas mon truc.” Il avait bien des idées d’évolution, Gus, mais ce n’était pas dans les plans immédiats. Pour le moment, le boulot de directeur et la paix que lui offraient ses parents, c’était bien suffisant pour lui. Un jour, peut-être, prendra-t-il tranquillement les rênes du développement australien, à défaut de vouloir prendre à l'international, mais sans pression d'au-dessus, il ne comptait pas spécialement se bouger pour ça. Sierra semblait beaucoup plus prompte à prendre les choses en main puisqu’elle se proposait d’aider. Gustavo tourna vers elle un regard intrigué. “J’imagine bien que ce n’est pas une offre gratuite que tu me proposes là ?” Dit-il en riant. L’argent, ça n’a jamais été un souci pour lui, c’était plus pour tester le répondant de Sierra qu’il posait cette question. “En-tout-cas, pourquoi pas. Si ça peut m'éviter de chercher quelqu’un pour ça… Je n'aurais pas de poste fixe, mais en soutiens ça pourrait le faire.” Il réfléchissait presque à voix haute. Ce n’était pas totalement formé comme idée, mais cette proposition risquait de faire son petit chemin dans son cerveau toute seule. Il avait décidément bien fait de choisir ce jour-là pour se rendre au musée. À défaut d’avoir appris grand-chose, il y aura au moins eu prise de contact. Il sortit donc son portable de sa poche pour le tendre à la jeune femme. “Tiens… Enfin, sauf si tu préfères joindre le standard de l’hôtel.” Dit-il en riant. Il aurait sûrement été bien frontal pour lui demander son numéro de toute façon, là, ça lui permettait simplement de plaisanter un peu autour de ça.

Seulement celui-là. Sierra rendit son sourire à Gustavo. Peut-être qu’elle sur-interprétait mais il lui semblait comprendre dans cette phrase que le garçon n’estimait pas avoir hérité du meilleur hôtel parmi ceux que possédait sa famille. En même temps, il avait mentionné Santorin et Cancun et si sa famille avait des hôtels dans ces villes, Sierra comprenait sans mal qu’hériter de celui de Bowen puisse presque être considéré comme une punition - sans tant est qu’hériter d’un hôtel tout court puisse être considéré comme une punition, dans le monde du commun des mortels -. Elle hocha donc simplement la tête, buvant une nouvelle gorgée de son café pendant qu’il lui précisa s’occuper également de la communication. Ils approchaient de l’océan lorsque la blonde lui proposa son aide potentielle pour résumer les éventuelles choses intéressantes à faire ou à voir dans les environs, en rapport avec l’histoire, bien sûr. Bon, en vérité Sierra n’était pas sure d’être légitime à faire une telle offre et elle le précisa aussitôt, elle n’était pas guide touristique. Sa proposition tenait plus de sa volonté de remettre un pied dans sa passion que d’une quelconque compétence dans le domaine du tourisme. Elle pouvait juger ce qui était pertinent ou non, donner un avis, mais ça ça s’arrêtait là. Ainsi, elle fut un peu surprise par la réponse de Gustavo. Elle sourit, haussant les sourcils. « Oh euh, si clairement ! Comme je te dis je ne pense pas avoir de compétences autre que celles en histoire. Ça serait plus un plaisir pour moi de regarder… » C’était presque altruiste, en fait, cette proposition. Tiens, ça changeait de l’ancienne Sierra. Elle se sentit un peu heureuse lorsque le garçon dit qu’il y réfléchirait. Même si c’était des paroles qui n’engageait à rien et qui étaient peut-être dites dans le vent. « En soutien ça serait déjà très bien. » dit-elle, souriante. Dans la suite logique des choses, le jeune homme lui tendit son téléphone. Au vu du début de leur discussion ce matin, on pouvait dire que le dragueur en Gustavo avait réussi son coup. M’enfin, même si au final cette histoire de consultante en histoire ne se faisait jamais, elle aurait gagné une nouvelle connaissance en ville. Qui faisait a priori partie d’un monde qu’elle connaissait. Qui comprenait son désarroi d’habiter ici, à Bowen. C’était agréable. Elle saisit le téléphone et tapa un sms qu’elle envoya à son propre numéro. « Voilà ! Maintenant tu sais où me joindre si tu veux un cours sur le pointillisme, un jour. » dit-elle en riant, référence aux premiers mots qu’ils avaient échangé. Elle tourna le regard devant eux. La plage et les vagues à perte de vue. L’air était frais, le ciel dégagé. Une belle journée s’annonçait désormais, malgré un début en demi teinte. Un joli retournement de situation.

hj: