j'ai trop donné, maintenant c'est mon tour de prendre - gustavo

18h. Ce faisait une petite semaine que j'avais quitté l'appartement de Will. Ca me faisait du bien d'avoir un chez moi. Bon, j'le partageais avec Ariane dans un premier temps, mais au moins, je n'étais pas obligée d'être en self-control constant quand Will était dans mon espace vital. C'était beaucoup mieux pour ma santé mentale. Même si j'dois admettre que du coup, ce p'tit Hughes, il me manquait pas mal. Mais, on avait pas coupé les ponts pour autant, on s'voyait régulièrement. La plupart du temps, c'était pour garder les enfants de Cooper, ça me permettait à moi d'apprendre à connaître les enfants avant de les garder pour de bon, une fois que la formation de Cooper commencerait. Du coup, mes journées étaient un peu plus chargée qu'avant. Et j'osais plus sortir aussi. Ca me coutait beaucoup moins, j'me sentais bien moins étrangère à la ville. J'étais sortie en cette fin d'après-midi juste parce que j'en avais eu envie. Sans but précis. Et ça, c'était une grande première pour moi. Je marchais tranquillement dans les rues, parfois j'entrais dans un magasin sans rien acheter, juste pour le plaisir. Ca faisait bien longtemps que je ne m'étais pas sentie aussi bien. J'avalais un peu la pilule de cette histoire avec mon père. Même si j'avais coupé totalement les ponts avec lui. C'était mieux ainsi, j'pouvais aisément me débrouiller toute seule. Même si certains en doutait. A commencer par Gustavo. J'pense à lui, là tout de suite, parce que je l'aperçois de loin. J'ai un radar à p'tit prétentieux très probablement parce que j'le repère de plusieurs dizaines de mètre. Il semble tout seul. J'suis assez satisfaite d'le voir là. Parce qu'il ne le sait pas, mais la semaine dernière, je l'avais vu accompagné d'une petite fille. La dizaine d'année peut être. Et j'étais restée bien discrète. Juste je les avais vu ensemble, ils semblaient assez complices, comme si.. bah comme si Gustavo était son père quoi. Et moi, ça m'avait bien surprise. J'avais cherché un peu sur les réseaux et il n'y a pas la moindre trace de cette petite fille. J'étais donc persuadée que Gustavo avait une fille cachée. C'était l'occasion parfaite pour prendre l'ascendant sur lui. Mon jour de gloire était arrivée! Enfin! C'est gonflée d'un déterminisme qui ne me ressemblait pas que j'avançais dans sa direction. J'le toisais d'un grand sourire. Il n'allait très certainement pas comprendre pourquoi je l'abordais avec autant d'assurance. "Castillo! Comment ça va? Ca me fait plaisir de te voir." que j'lui dis avec un air assez espiègle. J'posais ma main sur son épaule. "T'es tout seul aujourd'hui?" que j'lui demandais, penchant un peu ma tête sur le côté, regardant furtivement juste autour de lui. Première partie de mon plan: le perdre un peu, qu'il se sente déboussolé pour ensuite activer la partie deux de mon plan : lui lâcher la bombe ultime, le secret qu'il n'avait pas si bien caché. Ouais, clairement là, dans ma tête, tout allait se dérouler à la perfection.

@Gustavo Castillo

La journée avait commencé très tôt pour le Cubain. Il s’était levé bien tôt pour participer à des réunions à distance. Le décalage horaire entre Bowen et Los Angeles ne rendait rien évident, mais il commençait à être habitué maintenant. De toute façon, avec le sport et son hygiène de vie, ce n’est pas un lève-tard Gustavo. Et puis il faut dire qu’il y a un certain avantage à commencer tôt sa journée : il était libre plus tôt aussi. Il en avait profité pour décaler sa séance de sport à l'après-midi et ensuite, c’est un peu comme s’il avait quartier libre. Un petit luxe de pouvoir flâner dans les rues de Bowen un peu avant le coucher du soleil. Il se baladait tranquillement, s’arrêtant devant les devantures des boutiques, s’octroyant un peu de shopping au passage. Son esprit divaguait, pensant toujours un peu au boulot. Encore et toujours, ses responsabilités prenaient de l’espace dans ses pensées. Avec tout ça, il n’avait même pas remarqué la rouquine qui s’était approchée de lui. Le regard fixé sur les montres d’une bijouterie, c’est à la fois la voix de Poppy et sa main qui se posait sur son épaule qui le ramenait à la réalité. Son regard se tourna vers elle, les sourcils légèrement froncés. Cette assurance nouvelle sur la jeune Watkins le perturbait légèrement. Ça sortait d’où ça ? “Watkins… Ça va un peu moins bien depuis qu't'es là, j’avoue.” Dit-il, peu déterminé à être sympa avec elle. Désagréable, c’était son état d’esprit dès qu’il posait les yeux sur elle de toute façon. . Leur relation pouvait presque être vue comme une balance, si Poppy est de bonne humeur, Gus ne le serra pas et inversement. Un rapport de force qui s'instaurait bien vite entre eux et qui, habituellement, était en faveur du Cubain. “Nan, mon garde du corps imaginaire est près de toi.” Ironisa-t-il, pas bien certain de ce qu’elle voulait mettre en lumière avec sa question. Ils s’étaient croisés seuls la dernière fois, ça paraissait donc bien hasardeux comme question. Si elle avait quelque chose derrière la tête, il allait bien vite le savoir de toute manière, ce n’est pas lui qui allait poser plus de questions là-dessus. Au contraire, il allait plutôt contre-attaquer assez vite pour essayer de reprendre l’ascendant dans cet échange. Il prenait la main de Poppy pour l’enlever de son épaule avant de plonger son regard dans le sien. “Fait attention avec les contacts physiques, je pourrais me faire des idées.” Dit-il bien sérieusement d’abord. Il aurait très bien pu faire référence à leur précédente rencontre, mais non… “Y a un passif dans la famille visiblement. Je vais rester à distance.” Ajouta-t-il avec un petit sourire en coin. C’est elle qui l’avait abordée, elle devait bien se douter que depuis leur rencontre sur la plage, il était allé faire ses petites recherches. Il en avait surtout parlé avec son père qui lui avait expliqué la situation en surface.

C'était bien la première fois de ma vie que j'me sentais aussi confiante. Je m'étais p'tete montée la tête toute seule et j'avais très certainement oubliée à qui j'allais me confronter, mais qu'importe, le p'tit Gustavo, là il était cuit. J'en étais certaine. Maintenant que j'avais des p'tites information sur lui, j'allais pouvoir le mettre bien dans le pétrin et prendre enfin l'ascendant sur lui. La petite Poppy gamine d'il y a plusieurs années me regarderait avec des beaux yeux admiratif à cet instant. J'crois qu'elle me me chuchoterait même un truc du genre : vas y Pop', met le à terre le Castillo! J'avançais vers lui, pleine d'assurance donc et j'étais bien contente de voir le visage de Gustavo assez fermé. Il semblait surpris. C'était un premier bon point ça non ? De prendre son adversaire par surprise? J'en savais trop rien à vrai dire et j'avais bien sous-estimé la répartie légendaire du cubain. Il commença d'emblée en affirmant qu'il n'était pas bien heureux de me voir. J'passais outre, balayant ses mots d'un geste furtif de la tête. J'avais pas le temps de niaiser avec sa méchanceté. J'avais une p'tite bombe à lui lancer. Il ironisa avec son soi disant garde du corps imaginaire. "Très drôle." que j'lui lâchais toujours la tête penchée sur le côté. Il prit ma main et la retira de son épaule, avec des p'tits mots qui lui ressemblaient bien. Au début, j'étais persuadée qu'il pensait que j'étais en train d'le draguer, alors ça me dérouta pas du tout. Mais par contre, la suite de ses mots, ça me fit l'effet d'un coup de massue. J'crois que j'écarquillais un peu les yeux. Et voilà, la p'tite Poppy remplie d'assurance venaient d'être mis KO en quelques mots. J'crois que j'restais interloquée, quelque secondes et je secouais la tête. J'crois même que j'm'étais mise à bredouiller. "Mais.. euh, non, mais.." à voix basse, comme si je cherchais une répartie qui ne venait pas. Quand Gustavo avait un sourire en coin, vous pouvez être certain que moi, en face, j'étais en panique. Et c'était exactement le cas. "J'ai rien à voir avec mon père." que j'lâchais sèchement. Il avait pas le droit d'aller sur ce terrain. C'était vraiment mauvais joueur de sa part. J'avais croisé mes bras sur ma poitrine, en signe de défense. J'avais plus du tout envie d'aborder le sujet que j'avais initialement en tête. Il m'avait coupé l'envie avec son coup fatal là, Gustavo. "T'es vraiment encore plus con que j'le pensais." que j'disais d'une petite voix. J'trouvais ça presque insultant qu'il utilise mon père pour me faire du mal. A aucun moment je n'avais imaginer que Gustavo aurait pu faire des recherches sur moi. Cela dit, nos pères étaient bons amis, donc c'était assez facile pour Gustavo d'obtenir des informations relatives à ma famille. J'avais toujours mon regard un peu baissé, et j'relevais le visage vers le sien. J'étais dépitée, premier degré. J'crois que j'avais été bien idiote de croire que j'pourrais avoir l'ascendant sur Gustavo. J'secouais la tête un peu. "Bonne continuation Gustavo. J'espère sincèrement que t'es pas aussi idiot que ça avec ta fille." J'avais plus envie de tourner autour de pot et là, c'était bien sincère ce que je lui disais. J'lui adressais un sourire, très triste et je tournais les talons.

Cette fois, c’est Poppy qui était venu l'importuner dans sa journée. Il était parfaitement tranquille à faire son petit shopping en paix et c’est elle qui s’était imposée dans son espace vital. La dynamique changeait de leur dernière rencontre, mais ça n’allait pas durer longtemps. Qui s’y frotte, s’y pique comme on dit. Elle semblait avoir pris la confiance en plus Poppy, chose que le Cubain ne pensait pas possible. Ça l'intriguait un peu, mais il ne comptait pas la laisser comme ça bien longtemps. Après avoir contré ses premières paroles, le Cubain ne s’était pas privé pour lui balancer en pleine face les informations qu’il avait collectées avec son père. Clairement, ce n'était pas très sympa de faire ça, mais avec elle, il n’avait pas de filtre. Sans ce petit air fière d’elle qu’elle avait arboré en l’accostant, il aurait peut-être attendu avant de balancer ces infos. Peut-être… On ne sait jamais. En-tout-cas, ça avait fait son petit effet puisqu’elle avait perdu instantanément toute la confiance qu’elle avait accumulée avant de venir le voir. Il n’avait même pas besoin d’ouvrir à nouveau la bouche, elle perdait pied d'elle-même, essayant de se justifier de ne pas être comme son père. Le petit sourire de Gus ne faisait qu’être alimenté par les paroles de la rouquine. “Tu vas m’le sortir à chaque fois qu’on se croise Poppy ?” Demanda-t-il en riant. Elle pouvait bien le traiter de con à chaque fois, ce n’est pas comme si ça le dérangeait, mais bon, ça allait vite être ennuyeux si la seule réplique qu’elle a en stock c’est ça. Il aurait bien aimé un peu de répondant Gus, être confronté à un peu plus qu’une insulte basique et qu’elle lui avait déjà accordée. De toute manière, elle tournait déjà les talons. Un abandon qui laissait Gus un peu confus. “Ma fille ? Mais t’as fumé quoi aujourd’hui Watkins ?” Demanda-t-il en riant. Déjà, elle débarquait avec une confiance en elle qu’il ne lui connaissait pas, puis elle balançait des infos sorties de nulle part. Cette interaction était lunaire. Il n’y a pas d’autres mots. Son regard amusé toujours posé sur Poppy qui s'apprêtait à passer son chemin, Gus aurait mieux fait de se taire pour laisser passer le moment. “L’air de Bowen ça ne réussit pas à tout le monde, j’imagine.” Ajouta-t-il, pas spécialement intéressé par les détails qu’elle pourrait où non lui apporter. Quand bien même, ça l’amusait toujours de voir Poppy galérer devant lui.

Il m'avait bien cloué le bec là Gustavo. Avec son insinuation. Enfin, c'était pas qu'une simple insinuation, puisqu'il avait visé juste Gustavo en me lançant en pleine figure les frasques de mon père. Ca me paralysait parce que c'était bien la première fois depuis cette affaire que quelqu'un m'en parlait aussi frontalement. Et ce qui me perturbait le plus c'est qu'il étende à mon propre comportement ce que mon père avait pu faire. C'était vraiment pas beau de sa part et du coup, moi, ça m'avait bien coupé l'envie de l'embêter à propos de ce que je savais sur lui. J'aurais pourtant pris un malin plaisir à lui mettre sous le nez le fait que je savais qu'il avait une fille cachée. Du moins, c'est ce dont j'étais persuadée. A la place, je m'étais juste mise à bredouiller. Gustavo, il devait bien jubilé là, au fond de lui et j'voyais aucune once de regret sur son visage. Juste de la satisfaction. Je haussais les épaules lorsqu'il me demandait si je comptais le traiter de con à chaque fois qu'on se croisait. "Ca dépend, si tu continues à t'comporter comme ça avec moi à chaque fois, oui très certainement." J'avais plus du tout envie de rigoler. Alors j'lui lâchais juste, sincèrement, que j'espérais pas qu'il soit aussi idiot avec sa propre fille. Une manière habile d'lui dire que je savais sans pour autant utiliser ça contre lui, comme lui il venait de le faire avec le scandale de mon père. Alors que je tournais les talons, Gus, ça semblait carrément le faire rire ce que je venais de dire. Je fronçais les sourcils, toujours dos à lui. Il était vraiment fort quand il s'agissait d'agir comme si de rien alors que je venais de mettre le doigt sur un sujet que je considérais comme sensible. J'me retournais alors, tandis qu'il semblait assez étonné que j'lui sorte ça. "Je sais pour toi et ta fille, Gustavo. Ca sert à rien de faire comme si de rien." Je marquais une pause avant de reprendre. "J'avais comme eu envie d'te faire chier avec ça, mais finalement, j'vais pas me rabaisser à ce que tu viens de me faire." Entre ce que je lui disais, ma fausse assurance débordante du début de notre interaction, sa pic qui resterait très probablement dans le top trois des trucs les plus méchants qu'il ne m'avait jamais dit, je commençais amèrement d'avoir engager la conversation avec lui. "J'dirais rien, t'inquiète pas." J'étais encore bien sérieuse, persuadée que Gustavo serait probablement reconnaissant que je n'aille pas crier sur tous les toits qu'il était l'heureux père d'une fille cachée. Ouais, j'crois qu'il avait raison Gustavo, j'avais probablement fumer un truc là, j'vois pas autrement.

Forcément, avec Gustavo, il ne faut jamais lui laisser une longueur d'avance, ça finit toujours par faire son effet. Surtout avec Poppy en fait. Parce qu’elle devait bien se douter qu’il avait été mener sa petite enquête après l’avoir croisé par hasard. L’affaire avec son père, c’était loin d’être un secret d’état, alors forcément qu’il allait lui sortir cette histoire en pleine face. Peut-être qu’il aurait fait preuve d’un tout petit peu plus de tact si elle n’était pas arrivée aussi frontalement devant lui, mais ça, personne ne le saurait. Poppy, elle n’avait qu’une seule défense face à lui, c’est de le traiter de con. Pas assez original à son goût au Cubain. Il grimaçait, vraiment peu impressionné par cet élan de confiance qu’elle avait eu et qui s’était éteint presque aussi vite. “C’est toi qui es venu me voir Poppy, tu savais à quoi t’attendre.” Dit-il un peu froidement. Si elle n’est pas contente, c’est son problème. C’est fou de n’avoir aucune empathie à ce moment, parce qu’au fond, Poppy, elle ne lui avait jamais rien fait. À part être la gamine coincée et réservée qu’il avait été obligé de côtoyer plus jeune, elle n’avait jamais rien fait pour mériter ça. Ça prendrait sûrement qu’on le lui dise en face pour qu’il comprenne Gus. Il avait beau avoir grandi, pris en maturité sur plein de sujets, avec Poppy, c’est comme s’il avait de nouveau dix-sept ans. En plus, elle lui balançait des phrases peu compréhensibles, de quoi l’empêcher de passer son chemin sans poser de questions. “Ma fille ?” Répéta-t-il en fronçant les sourcils. Tout était bien confus dans sa tête. “Mais si tu veux m’attaquer Poppy, attends-toi quand même à ce que ça aille dans les deux sens. Et surtout, check tes infos Sherlock.” Dit-il en soupirant, légèrement exaspéré par le niveau de cette conversation. Elle semblait sûre de ce qu’elle affirmait et la seule explication logique que Gus se faisait, c’est qu’elle l’avait vu avec Vic. Il ne fallait pas beaucoup pour faire un plus un dans sa tête après quelques secondes. D’où elle aurait sorti une histoire pareille sinon ? “Tu ne diras rien, parce qu’il n’y a rien à dire.” Dit-il, un peu agacé d’avoir à se justifier là-dessus. Cette relation avec Vic, il la voyait comme un petit cocon, loin de sa routine habituelle. Il n’avait pas besoin qu’on éclate cette petite bulle qu’ils avaient tous les deux. “J’sais pas ce que tu voulais tirer de cette information, mais sache que j’ai pas de fille, j’ai pas d’enfant du tout d’ailleurs, donc tes petits commentaires tu peux les garder Watkins. À part me faire perdre mon temps, je ne suis pas sûr que t’arrives à faire grand-chose d’autre.” Il concluait là-dessus, croisant ses bras contre son torse. Elle pouvait bien tenter de grappiller des informations ou de l’emmerder avec cette histoire, c’est un mur qu’elle allait rencontrer.

J'comprends même pas pourquoi j'avais été aussi naïve. Pourquoi je n'avais pas pensé que Gustavo finirait par mener son enquête me concernant. D'autant plus que pour le coup, c'était pas bien difficile pour lui d'obtenir des informations sur moi. J'm'en voulais là, d'mettre fait avoir à mon propre jeu et j'me promettais intérieurement, de ne plus jamais aller chercher Gustavo. C'était son terrain la provocation, pas le mien. J'avais été idiote de croire que j'allais pouvoir me payer une p'tit tranche du Castillo, que j'allais réussir à le déstabiliser. Alors que non clairement, je n'avais pas les épaules pour. J'répondais rien lorsqu'il me dit que je devais savoir à quoi m'attendre. Ouais, maintenant, j'allais bien retenir la leçon. Gustavo venait, avec sa sortie blessante concernant ma famille, de prendre officiellement la tête du classement des gens avec qui je ne voulais plus jamais dealer. Il était bien trop odieux et vilain pour ça. J'avais toujours accordé une grande importance aux gens qui entraient dans mon cercle vital. J'voulais des gens doux et bienveillants. Gustavo, c'était l'exception, parce qu'on me l'avait imposé dans mon cercle, quand j'étais plus jeune. Et j'avais toujours cette désagréable sensation d'être une gamine avec lui. Ce qui me déroutait encore plus, c'est que Gustavo, il semblait pas tellement touché par mes révélations. J'pensais vraiment avoir mis le doigt sur quelque chose. Je haussais les épaules lorsqu'il me disait de checker mes infos. "J'ai vu ce que j'ai vu. Toi, et cette petite fille. L'autre après-midi. Et tu semblais genre .. paternel avec elle. Alors me prend pas pour une idiote." J'avais voulu être gentille avec lui, me voulant rassurante, dans le genre : je dévoilerais rien de ton secret. Mais ça semblait largement passé au dessus de la tête de Gustavo. Cela dit, il semblait un peu agacé. J'avais peut-être mis le doigt sur quelque chose. J'le voyais avec son langage corporel, lorsqu'il s'était mis à croiser les bras. Il était plus tellement dans la même configuration. "Moi j'crois au contraire que tu sais exactement de quoi je parle." J'plissais un peu les yeux, comme si j'allais mieux réussir à percer ce qu'il avait dans son esprit. Mais j'y voyais pas grand chose. Dans le genre illisible, il était pas mal Gustavo. Contrairement à moi, qu'un rien déstabilisait, lui il semblait bien d'aplomb. J'avais pas les épaules pour le défier mais j'avais comme un espèce de truc au fond de moi, appelez ça de l'instinct si vous voulez, moi j'appelle ça plutôt de l'inconscience, qui me poussait à lui tenir tête, encore un peu. Comme si j'savais, de toute façon, que cette conversation qu'on avait là, c'était probablement la dernière avant longtemps. "C'est quoi qui t'embête le plus Castillo ? Le fait que j'ai pu te voir sous un jour un peu meilleur avec cette petite fille ou le fait, que, juste pour une fois, tu sois obligé d'avoir ce body langage défensif avec moi?" J'pointais du doigt, en prenant garde de ne pas le toucher, ses deux bras croisés sur son torse, comme pour appuyé mes propos.

Poppy était en train d'insinuer des choses sans avoir les tenants et aboutissants de l’histoire. Si au début ça l’avait rendu confus Gustavo, ne sachant pas bien de quoi elle parlait, très vite c’est l’agacement qui prenait le dessus. Ça ne prenait pas un génie pour faire le lien entre ses discours sur les enfants et la seule enfant qu’il avait dans son entourage. En plus, ce n’est pas vraiment comme s’il se cachait lors de ses sorties avec Vic. Ces petits moments entre eux, c’était censé rester entre eux, pas de quoi se soucier des habitants de Bowen pourtant. “C’est bon, je vois de quoi tu parles Poppy. T’as juste sauté sur les mauvaises conclusions.” Répondit-il froidement. Il avait perdu son sourire le Cubain et face à elle, c’était plutôt rare. Il n’avait plus envie de prendre cette situation à la légère, parce que mine de rien, Vic, elle s’était fait une petite place dans sa vie, tout comme sa mère, et il tenait à rester concentré là-dessus. Puis Poppy, elle insistait. Pour le coup, c’était bien l’erreur du Cubain qui l’avait relancé au lieu de la laisser partir après sa petite victoire un peu plus tôt. “Y a rien de tout ça qui m’embête. Je préférais juste que si tu m’attaques, tu n'impliques personne là-dedans… Surtout pas une gamine de dix ans.” Répliqua-t-il, conscient qu’il perdait royalement cet échange. Parce qu’elle avait raison Poppy, ses deux suppositions étaient vraies. Une partie de lui n’avait pas envie qu’elle le voit sous ce jour-là, celui du gars sympa, attentionné et empathique qu’il pouvait être avec Vic. C’est complètement débile, mais en face de Poppy il ne savait pas être lui-même. Il était une version de lui du passé et ça l’emmerdait bien qu’elle puisse découvrir l’autre partie de lui. Et puis c’est vrai qu’il n’aimait pas perdre le contrôle, à aucun instant, et là, il était sur une pente plus que glissante. “Qu’est-ce que ça peut te faire de toute façon que je me comporte bien avec un enfant ?” Lança-t-il en plantant un regard perçant dans les yeux de la jeune Watkins. Il se devait de reprendre le dessus dans cet échange avec la seule technique qu’il connaissait. Comme on dit, la meilleure défense, c’est l’attaque. Et l’attaque avec Gustavo, ça pouvait être petit et pas fairplay du tout. “Si t’as juste besoin de dédiaboliser la figure paternel, ne m'implique pas là-dedans, tu seras gentille.” Et sur ces mots, c’était le retour du ton dédaigneux et supérieur. Il n’avait pas envie de rire, aucun sourire sur son visage. Il comptait bien appuyer là où ça fait mal, jusqu’à reprendre le dessus.

J'avançais un peu à l'aveugle, j'dois être honnête. Et plus le temps passait et plus j'me rendais compte que j'avais peut-être tiré les mauvaises conclusions. Mais quoi qu'il arrive, j'avais vu ce que j'avais vu et j'crois que Gustavo commençait à comprendre où je voulais en venir. Il était toujours un peu sur la défensive puisqu'il avait bien perdu son p'tit sourire satisfait de d'habitude. Je haussais les épaules. "J'me fiche bien des conclusions. Tout ce que je sais, c'est que ça t'plait pas que j'parle de ça et j'me demande bien pourquoi." Après tout, s'il avait été malin Gustavo, il aurait minimiser le truc, mais j'crois que ça le touchait que j'mette un pied dans cette relation qu'il avait avec cette mystérieuse petite fille. J'lui demandais alors, toujours en position de force, ce qui pouvait bien l'embêter. J'arquais un sourcil à sa sortie. "Pourtant, impliquer des gens dans tes remarques désobligeantes, toi tu le fais bien." Pas plus tard que quelques minutes auparavant, lorsqu'il avait lâchement sous-entendu que je prenais le même chemin que mon père. Pour une fois, et je crois que c'était un peu historique, j'avais un semblant d'ascendant sur Gustavo. Mais ça risquait de pas durer bien longtemps. "Ah mais ça me fait rien du tout Castillo. C'est toi qui a perdu ton sourire depuis qu'on parle de ça. Détends toi." J'lui lâche un petit sourire en coin avant qu'il ne revienne à la charge avec cette histoire de figure paternelle. J'perds alors mon sourire, en une fraction de seconde. Très franchement, c'est petit de sa part et ça m'insupporte qu'il revienne avec ce sujet là. J'fronce des sourcils, j'ai envie de croiser les bras mais j'me retiens. J'le fusille du regard. "Tu dis vraiment n'importe quoi Castillo." Woo, les réparties légendaires de Poppy sont de retour. Ce qu'il peut m'énerver. A chaque fois, il sort le p'tit truc qui me fait me sentir mal. Je haussais les épaules, bien consciente d'admettre qu'il avait de nouveau mis le doigt là où c'est douloureux. "Tu vas me ressortir l'histoire de mon père combien de fois avant de t'en lasser?" que j'lui demandais, presque en soupirant. "Retourne faire ton p'tit mignon avec cette gamine et laisse moi tranquille." Et là, j'croisais les bras, j'avais pas pu m'en empêcher. Mais il avait ce truc Gustavo, pour faire pencher la situation en sa faveur. Et comme j'étais faiblarde face à lui, c'était assez aisément qu'il parvenait à ses fins.

L'agacement était bien présent. Qu'il le veuille ou non, Gus était mis dans une position désagréable par Poppy. Forcément, qu'elle en profitait un peu la rouquine, elle avait bien raison de le faire d'ailleurs, c'était un petit peu un jeu entre eux. Un jeu qu'elle n'avait pas choisi certes, mais qui était là. Lui, il faisait habituellement le malin avec sa répartie, elle avait donc bien raison de profiter. Forcément, qu'elle en profitait un peu la rouquine, elle avait bien raison de le faire d'ailleurs, c'était un petit peu un jeu entre eux. “J’implique pas des enfants qui n’ont rien demandé.” Répliqua-t-il sèchement. Il avait évoqué son père, mais elle devait bien savoir que les accusations qu’il avait sur le dos étaient bien différentes que ce qu’elle avait pu voir. Qu’est-ce qu’elle avait vu au juste ? Un moment tous les deux à discuter en ville ? Ça ne paraissait pas être du même calibre. Il fronçait un peu plus les sourcils quand Poppy le mettait face à aux faits. Oui, ça le faisait réagir et il ne savait même pas pourquoi en fait. Il avait bien le droit de faire ce qu’il voulait de sa vie. À croire que ça l’impactait vraiment ce que Poppy pouvait penser de lui, même quand ce quelque chose est positif en l'occurrence. Du coup, tout ce qu’il trouva à faire, c’est l’attaquer sur son père, encore une fois. La dynamique changeait de nouveau, faisant perdre son sourire à Poppy. En plus, elle n'avait pas vraiment d'arguments pour aller contre ses propos. En fait, elle n'avait pas vraiment de répartie aux yeux de Gus. Et c'est là-dessus que le Cubain retrouvait son petit sourire en coin alors qu'elle lui demandait combien de temps, il allait ressasser cette histoire. “Oh je pense que j’en ai pour un bon bout de temps avec ça Watkins.” Dit-il bien sûr de lui. Forcément, maintenant, il allait suivre l’histoire avec attention, juste pour avoir de quoi faire et dire face à Poppy. Il n’avait pas envie de se retrouver deux fois dans cette position, à lui laisser avoir le dessus dans la conversation. “Je te rappelle une dernière fois Poppy que c’est toi qui es venu me voir. Tant que tu me laisses tranquille dans ma vie, je te laisserais tranquille dans la tienne.” Dit-il finalement, comme si une entente était possible. L’envie de l’emmerder sera toujours là, il se connaît, Gustavo. Poppy, c’est à la fois la cible parfaite et la pire pour lui. En fait, ça peut l’amuser cinq minutes et vite l’ennuyer, parce qu’une fois que tous les sujets sont sur la table, qu’il l’a taillé sur ce qu’elle était avant, il n’a plus vraiment de substance. Là, il était arrivé à sa limite de la journée, parce que même lui ça allait le saouler de l’attaquer seulement sur un sujet. “Si tu ne sais pas prendre les remarques, évite de venir me voir, on sait tous les deux que tu ne fais pas le poids.” L’ego du Cubain parlait pour lui. Il était suffisamment conscient de leur dynamique pour savoir que dans tous les cas, il aurait le dessus. Surtout qu’il n’allait plus se faire avoir par la surprise. Si le seul point qu’elle a pour l’attaquer, c’est la fille d’Olive, elle ne va pas aller loin longtemps.

C'était bien la première fois de toute mon existence que j'sentais que j'avais un semblant d'ascendant sur Gustavo. Mais c'était pas une victoire complète, c'était pas aussi galvanisant que j'aurais imaginer. Déjà parce que clairement, lui, il ne se laissait pas faire, et puis surtout parce que finalement, une fois après lui avoir parler de cette gamine, j'me rendais compte que j'prenais pas spécialement de plaisir à le voir comme ça. En fait, c'était plus personnel, comme une p'tite vengeance que je prenais au nom de la Poppy du passé, qui avait à mainte reprise pris les remarques désagréables de Gustavo de plein fouet. Mais, ça s'arrêtait là. J'en tirais aucune satisfaction personnelle. Et j'crois aussi que Gustavo, il était pas du genre à s'avouer vaincu et il n'hésitait pas à remettre l'histoire de mon père sur le tapis. Juste pour me montrer qu'il savait taper là où sa faisait mal. Et pour le coup, là, j'avais perdu mon sourire. J'regrettais amèrement d'avoir engagé la conversation avec lui. J'me contentais d'hausser les épaules à sa réflexion. Ouais, il avait pas tord sur ce point. La petite fille n'avait rien demandé, et il n'y avait aucune comparaison à faire entre mon histoire avec mon père et celle de Gustavo avec cette fille. J'tentais pourtant d'me défendre, soulignant qu'il attaquait toujours sur la même chose. Mais ça semblait pas lui poser de problèmes. Il semblait même tout à fait enclin à me ressortir cette histoire aussi longtemps qu'il le souhaiterait. C'était une aubaine pour lui. Mais moi, ça remuait des trucs vraiment moches au fond de ma tête, j'sentais même une petite boule de larmes s'accumuler dans le fond de ma gorge. J'serrais un peu la mâchoire, il était hors de question que j'pleure devant lui. Il aurait été trop content. Mais c'était indéniable, mes yeux devenaient de plus en plus brillants. Je hochais la tête à ses mots. Comme si j'me résignais à reconnaître que je n'aurais jamais du venir lui parler. Et lui, il semblait même d'accord pour qu'on se laisse tranquille tous les deux. "On s'laisse tranquille alors." que j'dis péniblement, d'une toute petite voix. J'crois même que j'baisse un peu les yeux à cet instant. J'me sens tellement ridicule d'avoir voulu me payer une tranche de Gustavo Castilllo. Il le dit lui même, je ne fais pas le poids contre lui. En l'espace de quelques minutes, il a réussi à tourner la situation à son avantage et maintenant, je n'ai qu'une envie, disparaitre et ne plus avoir le cubain dans mon champ de vision. J'relève les yeux vers lui, j'me sens comme une p'tite souris, une p'tite gamine idiote. "Tu as toujours réussi à me faire sentir comme ça, j'ai eu tord de penser que ça changerait aujourd'hui." J'ai plus envie de rigoler, j'ai plus envie de faire la grande, j'ai juste envie d'être toute seule. Il a ce don, Gustavo, pour se faire envoler le peu de confiance en moi que j'peux avoir. J'vais encore mettre plusieurs heures à redescendre en pression et pour une fois, j'suis la seule responsable dans cette histoire. "Salut Castillo. A partir de maintenant, tu n'existes plus pour moi." Mais quel sens du drama Poppy ! J'baisse les yeux et j'me retourne, prenant la direction opposée. Mon envie de pleurer est passée, moins je pense à cette histoire avec mon père et mieux j'me porte. J'dois me tenir éloignée de Gustavo, le seul en ville qui utilise cette histoire pour me faire du mal. Logique implacable. J'me promets intérieurement que là, je n'adresserais plus jamais la parole à ce gars. Trop néfaste, alors qu'en plus .. je ne lui ai strictement rien fait. J'suis juste Poppy, et lui juste Gustavo. Et visiblement, ça suffit.

FIN